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🔊 “Thomas Demand” au Jeu de Paume, Paris, du 14 février au 28 mai 2023

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“Thomas Demand” Le bégaiement de l’histoire

au Jeu de Paume, Paris

du 14 février au 28 mai 2023

Jeu de Paume


Interview de Quentin Bajac, directeur du Jeu de Paume, par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 13 février 2023, durée 16’28. © FranceFineArt.

PODCAST –  Interview de Quentin Bajac, directeur du Jeu de Paume,


par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 13 février 2023, durée 16’28.
© FranceFineArt.


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Thomas Demand
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©Anne-Fréderique Fer, présentation presse, le 13 février 2023.
Thomas Demand, Pond, 2020. C-Print / Diasec, 200 x 399 cm. © Thomas Demand, Adagp, Paris, 2023.
Thomas Demand, Pond, 2020. C-Print / Diasec, 200 x 399 cm. © Thomas Demand, Adagp, Paris, 2023.

Extrait du communiqué de presse :



Commissaire :

Douglas Fogle, conservateur en chef du Hammer Museum de Los Angeles

 

 

L’exposition est co-organisée par la Foundation for the Exhibition of Photography, Minneapolis/Paris/Lausanne et le Ullens Center for Contemporary Art, Beijing/Shanghai, en collaboration avec le Jeu de Paume.

Introduction

Que voyons-nous effectivement lorsque nous regardons les photographies de Thomas Demand ?

L’artiste (né en 1964 à Munich) a passé la majeure partie des trois dernières décennies à explorer les imbrications de l’histoire, des images et des formes architectoniques. Dans ses objets photographiques grand format, l’histoire se présente comme un fac-similé, aussi banal que perturbant, d’épisodes médiatiques que l’on ne reconnaît jamais tout à fait. Bien que ses images paraissent représenter le monde réel, on constate, en les examinant de plus près, qu’elles n’entretiennent avec lui qu’un fragile rapport de ressemblance. Il s’agit en vérité de photographies de sculptures éphémères recréant des images que l’artiste a prélevées dans les médias, puis reconstituées en papier et en carton dans le but précis de les photographier.

La clé de l’oeuvre de Thomas Demand réside dans la boucle de rétroaction formée par les histoires effectives que nous habitons, les documents photographiques empruntés aux médias, les sculptures qui les recréent et leur remise en circulation dans notre monde, via ces inquiétantes versions para-photographiques.

Avant d’obtenir un Master of Fine Arts du Goldsmiths College, en 1992, Thomas Demand étudie à la Kunstakademie de Düsseldorf auprès du sculpteur Fritz Schwegler, qui l’encourage à étudier les possibilités expressives des maquettes. Au départ, la photographie lui sert à documenter ses reconstitutions en papier d’objets du quotidien ; mais Demand opte bientôt pour la démarche inverse, en réalisant ces constructions exclusivement pour les photographier, démarche qui deviendra le socle de toute sa pratique artistique. Après avoir choisi ses images sources, il utilise du papier et du carton de couleur pour reconstituer méticuleusement des espaces réels, en trois dimensions et à la vraie grandeur. Ensuite, il photographie ces maquettes et les détruit, ne laissant donc subsister que leur double ou leur spectre photographique. Le bégaiement de l’histoire réside dans cet étrange écart entre le monde que nous habitons et le monde de papier et de carton que l’artiste recrée dans son atelier.

L’exposition Thomas Demand : le bégaiement de l’histoire couvre l’ensemble de sa carrière en quatre grands volets. Il y a tout d’abord les histoires inquiétantes, photographies de grande dimension de scènes anonymes, dont la banalité apparente dissimule l’importance historique. Les Dailies, de plus petit format, explorent les mystères de la vie quotidienne à partir d’images photographiées par l’artiste avec son téléphone. Sa fascination pour les formes architectoniques transparaît dans les Model Studies, qui documentent les maquettes en papier créées par des architectes et les patrons réalisés par de grands couturiers, mais aussi dans les papiers peints de sa propre conception, qu’il utilise pour doter d’une dimension spatiale sa pratique de la photographie et de la sculpture.

Enfin, l’exposition examine son rapport à l’image en mouvement, à travers ses incursions dans le film d’animation, ici illustrées par l’oeuvre Pacific Sun.

La conception d’exposition est partie intégrante de la relation conceptuelle que Demand entretient avec la production artistique : en faisant un usage architectural des papiers peints et des structures temporaires, il crée à l’intention des spectateurs un environnement immersif, fondé sur la collision du monde et des images.

L’exposition

Première rétrospective d’envergure en France, l’exposition Thomas Demand. Le bégaiement de l’histoire qui présente environ 70 oeuvres (photographies, films et papiers peints), couvre les aspects majeurs de l’oeuvre de Demand.
Se dĂ©ployant en quatre volets – Histoires inquiĂ©tantes, Les mystères de la vie quotidienne, La pulsion architectonique et Des images qui bougentl’exposition souhaite prĂ©senter la vision du monde de l’artiste, invitation Ă  interroger les Ă©vĂ©nements historiques que nous consommons Ă  travers le filtre des images.

Histoires inquiétantes
Pour Demand, le « bégaiement de l’histoire » réside dans l’écart entre les images représentant le monde qui nous entoure, les maquettes de papier à échelle réelle au moyen desquelles il reconstitue les espaces montrés par ces images, les photographies qu’il prend de ces maquettes, leur destruction ultérieure et les formes para-photographiques qui les remettent ensuite en circulation dans le monde. Les photographies de grande dimension regroupées sous la catégorie des « histoires inquiétantes » représentent des scènes qui se sont déroulées dans les marges d’événements ou de moments historiques du XXe siècle : par exemple, la passerelle aéroportuaire empruntée par le pape Jean-Paul II lorsqu’il s’est rendu à Berlin après la réunification (Gangway, 2001) ; la salle de bain où l’on a retrouvé, en 1987, le corps du ministre-président d’un Land allemand, Uwe Barschel, décédé dans des circonstances suspectes (Bathroom, 1997) ; ou encore le bureau de vote où furent recomptés les bulletins lors de la très contestée élection présidentielle américaine de 2000 (Poll, 2001). D’autres oeuvres se confrontent aux images associées au régime nazi et à d’autres traumatismes de l’histoire allemande : c’est le cas d’Archive (1995), qui montre les monumentales archives de la réalisatrice Leni Riefenstahl, et d’Office (1995), où l’on voit le bureau de la police secrète de l’ex-Allemagne de l’Est après sa mise à sac. Plus proches de nous, les cinq œuvres formant la série Refuge (2021) recréent la chambre blafarde, générique et angoissante qu’aurait occupé le lanceur d’alerte américain Edward Snowden après avoir fui en Russie. Prises toutes ensemble, ces oeuvres soulignent la banalité de l’état d’urgence dans le monde contemporain de la surveillance technologique.

Les mystères de la vie quotidienne
En 2008, Demand a opéré un déplacement radical dans sa pratique, en passant du monumental au personnel et au quotidien. Rétrospectivement, on peut considérer qu’il a ainsi, de façon presque inéluctable, bouclé la boucle. Pour la série Dailies, l’artiste s’est mis à fabriquer des maquettes en papier recréant des photographies prises avec son iPhone lors de promenades dans son quartier ou pendant ses voyages. Ces oeuvres de taille réduite, imprimées avec le procédé Diasec bientôt voué à disparaître, sont encadrées comme des photographies traditionnelles et représentent des moments ordinaires, parfois teintés d’un comique absurde, comme nous en connaissons tous quotidiennement, sans y prêter attention – chewing-gum collé sur une bouche d’aération, gobelets en plastique plantés dans une clôture grillagée, pot de glace au yaourt accompagné de sa cuillère en plastique rose, linge inerte séchant sur le rebord d’une fenêtre, laisse de chien attachée à un lampadaire mais dont le prisonnier demeure hors champ. Créations opposées par la modestie de leur échelle et de leur sujet aux grandes œuvres historiques de l’artiste, les Dailies mettent l’accent sur l’intimité et les épisodes mineurs, souvent négligés, de grâce, d’étonnement et d’hilarité qui peuplent nos vies. Chaque oeuvre de cette série semble constituer la séquence d’ouverture d’une histoire qui reste à écrire. Toutes sont à la fois un témoignage autobiographique des faits et gestes de l’artiste et une exaltation de la puissance narrative des événements et situations mineurs. Lorsque l’histoire bégaie, les Dailies viennent combler les manques.

La pulsion architectonique
À propos de sa pratique, Thomas Demand déclare : « J’imagine qu’au fond, il s’agit de transformer le monde en maquette, en le recréant et en le dépouillant de sa part anecdotique. Alors il devient allégorie, et le projet métaphore. Fabriquer des maquettes est une technique culturelle sans laquelle nous serions aveugles. » C’est peut-être pour cette raison que, s’écartant de la reconstitution sculpturale d’images du monde déjà existantes, il a choisi, lors de sa résidence au Getty Research Institute de Los Angeles, en 2011, de s’intéresser directement aux maquettes préparatoires de papier réalisées par les architectes et les grands couturiers. Qu’elles présentent, sans la moindre modification, des vues fragmentaires des frêles maquettes, dont le caractère provisoire étonne, conçues par un architecte du milieu du siècle dernier, John Lautner, et par l’agence contemporaine SANAA, ou qu’elles nous montrent la radicalité des patrons créés par le styliste Azzedine Alaïa, les Model Studies révèlent que le monde qui nous entoure repose sur du papier.

Des images en mouvement
Enfin, l’exposition examine le rapport de Demand à l’image en mouvement au travers de son exploration du film d’animation. On retrouve l’esprit absurde de la comédie burlesque dans Pacific Sun (2012), épopée animée que l’on peut voir au premier étage dans une salle aménagée à la manière d’un cinéma par l’artiste lui-même. Pour ce film, il a reconstitué deux minutes d’images enregistrées par la caméra de surveillance d’un navire de croisière, le Pacific Sun, au moment où, au large des côtes néo-zélandaises, il était battu par les gigantesques vagues d’une tempête tropicale. L’artiste, qui a effacé l’équipage et les passagers, a passé des mois à reproduire le va-etvient désordonné des tables, des chaises, des meubles de rangement, des assiettes en papier, des écrans d’ordinateur et, élément particulièrement drôle, d’une pauvre plante en pot. Le comble de l’absurde réside ici dans le fait que Demand se soit assigné la tâche insupportablement fastidieuse de recréer quelques instants de pur chaos, au cours desquels la nature a triomphé, contre toute attente, de l’ingénierie artificielle du bateau. Avec cette reconstitution de la perturbation quasi brechtienne du rêve de bonheur que représente une croisière aux yeux des classes supérieures, l’artiste se fait chorégraphe du monde qui nous entoure, en élaborant un ballet aléatoire de papier à partir des allées et venues des objets inertes, absolument banals, qui peuplent silencieusement nos existences.