🔊 “Végétal” L’École de la beauté, au Palais des Beaux-Arts de Paris, du 16 juin au 4 septembre 2022
“Végétal“
L’École de la beauté
au Palais des Beaux-Arts de Paris
du 16 juin au 4 septembre 2022
Chaumet
Palais des Beaux-Arts de Paris
PODCAST – Interview de Marc Jeanson, botaniste, ancien responsable de l’Herbier du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, directeur des collections botaniques du jardin Majorelle, à Marrakech, et commissaire de l’exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 14 juin 2022, durée 16’50.
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
Commissaire de l’exposition :
Marc Jeanson, botaniste, ancien responsable de l’Herbier du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, directeur des collections botaniques du jardin Majorelle, à Marrakech.
Exposition réalisée avec le concours des Beaux-Arts de Paris et avec la participation exceptionnelle du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, du musée d’Orsay et du musée du Louvre.
Les Beaux-Arts de Paris et la Maison Chaumet présentent, du 16 juin au 4 septembre 2022 Végétal – L’École de la beauté, sous le commissariat du botaniste Marc Jeanson. Cette exposition inédite et ambitieuse affirme la beauté de la nature et célèbre le caractère intemporel du végétal en croisant les visions, les époques et les supports, invitant ainsi à regarder la nature à travers le prisme universel de l’art et de la beauté. Initiatrice du projet, la Maison Chaumet a puisé dans son vaste patrimoine, l’un des plus importants de l’histoire du bijou en Europe, pour faire résonner son identité naturaliste et son regard botaniste avec toutes les formes artistiques qui se sont, elles aussi, penchées sur le végétal.
Près de 400 oeuvres offrent ainsi au public une libre flânerie à travers 5 000 ans d’art et de science racontés par le dialogue entre peintures, sculptures, textiles, photographies, mobilier et près de 80 objets joailliers de Chaumet et d’autres maisons. Source majeure d’inspiration pour la Maison depuis sa création, en 1780, par Marie-Étienne Nitot, qui se présentait comme « joaillier naturaliste », la nature est aujourd’hui au coeur de notre société engagée dans un nouvel éveil à l’environnement.
C’est pourquoi les Beaux-Arts de Paris et Chaumet ont confié le commissariat de l’exposition au botaniste Marc Jeanson, ancien responsable de l’Herbier du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, aujourd’hui directeur botanique du jardin Majorelle, à Marrakech. Complice de la Maison depuis plusieurs années, Marc Jeanson a imaginé Végétal comme un herbier composé à partir des espèces présentes dans les créations Chaumet.
Les plantes apparaissent ainsi au sein du paysage dans lequel elles cohabitent : la forêt, l’estran, la roselière, le champ de blé… Au fil des chapitres, le visiteur renoue avec les outils du botaniste, l’oeil, le savoir et la mémoire. Face à ces objets de science devenus objets d’art et ces observations préliminaires d’artistes devenus botanistes s’ouvre un monde qui émerveille, guidé par l’émotion et le sensible.
Le parti pris de la liberté
Novatrice dans sa démarche, une maison allant au-delà de la création joaillière qui la définit pour partager une vision avec d’autres formes de création artistique, l’exposition l’est aussi dans sa construction, affranchie de toute chronologie. Elle permet ainsi au visiteur de déambuler librement dans les différents paysages qui se succèdent, passant du relevé d’une fresque pariétale vieille de près de 5 000 ans à une forêt de carton de l’artiste contemporaine Eva Jospin. Dans le paysage domestiqué de l’ager, où pousse le blé, les diadèmes de Marie-Étienne Nitot côtoient un champ de Raoul Dufy et une veste brodée d’épis Yves Saint Laurent, l’ensemble bercé par une sculpture sonore spécialement composée par Zimoun. Riche de 400 oeuvres, dont une centaine d’objets issus des collections Chaumet, incluant créations joaillières, dessins, photographies et maillechorts – soit des maquettes de diadème composées d’un alliage de cuivre, nickel et zinc –, le corpus illustre l’enthousiasme qu’a suscité le projet. Pour cette exposition, plus de 70 musées, fondations, galeries et collectionneurs privés, français et étrangers, ont prêté des oeuvres : le Muséum national d’Histoire naturelle, les musées d’Orsay et du Louvre, l’Institut de France, le Victoria and Albert Museum, le Pistoia Musei, ou encore le musée de l’École de Nancy, le Royal Botanic Gardens de Kew, la Kunsthalle de Hambourg, l’Albion Art Collection de Tokyo, pour ne citer qu’eux.
Un regard croisé, une même sublimation du végétal
Rendant hommages aux figures tutélaires de la taxonomie, la science des lois de la classification, avec, par exemple, les dessins des Jussieu ou l’herbier de Paul Hermann, Végétal réunit des oeuvres majeures, d’autres jamais exposées, rarement vues ou gagnant à être connues. Exceptionnellement autorisés à quitter le Louvre, Le Printemps et L’Été de Giuseppe Arcimboldo prennent une dimension autre, tout comme le lys d’Henri Fantin-Latour venus du Victoria and Albert Museum, les nymphéas, mais aussi les iris de Claude Monet, la chaise aux ombelles d’Émile Gallé, les pensées peintes par Eliot Hodgkin, une robe Christian Dior brodée de muguet, des narcisses fleurissant sur la panse d’un vase Daum ou encore les oeillets de Bartolomeo Bimbi, élève de Lorenzo Lippi officiant à la cour des Médicis. À leurs côtés, de nombreuses créations joaillières issues de collections particulières confirment l’inédit : diadème Bedford, bracelet aux nymphéas, broches hanneton, martin-pêcheur, diadème-bandeau feuille de chêne, suite d’hirondelles, diadème aux oeillets, broche de la reine Hortense. Ces pièces exceptionnelles entrent en dialogue avec des oeuvres inattendues, telles que ces photographies de jacinthes de Dora Maar, de pistil de tulipe de Brassaï ou de pivoine de Robert Mapplethorpe ; ou encore ces études de chardons d’Eugène Delacroix, croquis de lierre de Le Corbusier, peintures d’iris d’Otto Dix ou de fleurs de Gustave Courbet.
Le dessin comme geste fondamental
Marque de fabrique des Beaux-Arts de Paris ou d’une création joaillière Chaumet, le dessin constitue leur trait d’union. Partenaires depuis plusieurs années, l’École et la Maison ont placé la création et la transmission au coeur de leur histoire. Totalement animées d’une volonté de partage universel, elles communient dans ce projet ambitieux reflétant les grandes missions des Beaux-Arts de Paris, à la fois lieu de formation et d’expérimentations artistiques, d’expositions, de conservation de collections historiques et contemporaines et une maison d’édition. Mécène du cabinet de dessins et de la chaire Dessin Extra-Large, Chaumet est également impliqué dans la filière « Artistes et Métiers de l’exposition » permettant à ses étudiants de se former à la régie, à la scénographie, à la médiation et à tous les métiers relatifs à la présentation et à la diffusion de l’art. Cette filière permet à ses étudiants de prendre Végétal, dont la scénographie a été confiée à Adrien Gardère, comme cas pratique.
Réhabiliter les femmes dans la botanique
La multiplicité des regards de l’exposition permet d’inviter de grandes figures féminines qui gagnent à être (re)découvertes. L’impératrice Joséphine y tient une place à part. Fidèle de la Maison depuis 1805, la souveraine est aussi passionnée de sciences naturelles, au point d’être reconnue pour l’impulsion novatrice qu’elle a insufflée à la botanique et à l’horticulture.
Elle contribue à la renommée de Pierre-Joseph Redouté, à qui elle confie le soin de référencer les espèces des jardins de Malmaison. Ce qui vaut à l’artiste d’être baptisé le « Raphaël des fleurs », ainsi qu’en témoignent ses roses, iris et pavots présentés dans l’exposition. De la forêt d’Eva Jospin accueillant le public à la mise en notes imaginée pour l’événement par Laurence Equilbey / Insula orchestra, les oeuvres de femmes habitent l’exposition : grappes de raisin de Séraphine de Senlis, varechs d’Yvonne Jean-Haffen, tulipes de Regina Dietzsch ou de Berthe Morisot, lys de Laure Albin-Guillot, oeillets des soeurs Marthe et Juliette Vesque ou encore chrysanthèmes de Luzia Simons. Sans oublier ce bronze de Sarah Bernhardt dialoguant avec les cyanotypes d’algues d’Anna Atkins, membre de la Société botanique de Londres, l’une des rares à accepter les femmes en 1839.
Une lecture plurielle du temps
Portée par cette question de l’esthétique, l’exposition interroge la notion du temps. Celui de l’observation pour regarder et nommer la nature, le temps long du joaillier ou de l’artiste, qui se révèle dans l’échange entre la délicatesse d’une parure à feuilles de chêne et la force de l’arbre peint par Odilon Redon. Ou encore dans l’écho entre les fleurs de nymphéas collectées sur la momie de Ramsès II, qui sont les plantes séchées les plus anciennes du monde, et un bracelet nymphéa de Jean-Baptiste Fossin des années 1830. Cette pluralité, née de l’essence même du végétal qui naît, s’épanouit et meurt, résonne particulièrement dans notre monde contemporain, constamment en mouvement. Ce que montre la série d’iris de Patrick Neu, réconciliant l’éphémère et l’immuable. Les rapports d’échelle concourent aussi à cette lecture multiple, à l’instar de la broche trèfle créée par la Maison en 1852 et de la Tapisserie aux mille-fleurs, du xvie siècle, mesurant huit mètres de long. Végétal vient également rétablir la nature comme matériau de la mémoire. Jardin, promenade en forêt ou simple bouquet, l’exposition ouvre à chacun une porte vers ses propres souvenirs.
La transmission en héritage
Comme les treize chefs d’atelier qui se sont succédé sans discontinuer depuis sa création, en 1780, la Maison Chaumet a placé la transmission au coeur de son activité. L’exposition vient le confirmer avec la restauration d’une trentaine d’oeuvres, des plus humbles aux plus prestigieuses. Offerte à Louis XIV par le cardinal Barberini et entrée au Muséum national d’Histoire naturelle en 1796, la table dite « au collier de perles » est un témoignage spectaculaire de l’âge d’or du mobilier florentin en marqueterie de pierres dures. Le mécénat de Chaumet lui permettra de restaurer l’un de ses pieds. Réalisés en plâtre et papier mâché à partir de 1877, les modèles du Dr Auzoux apportent une grande innovation dans l’enseignement de la botanique – ils sont aujourd’hui conservés au musée national de l’Éducation. Deux d’entre eux sont présentés lors de l’exposition, cinq seront restaurés. Tout aussi complexes, la restauration d’un bouquet de fleurs en porcelaine du xviiie siècle faisant partie des collections du musée national de Céramique de Sèvres ou celle de la grande huile sur toile de Max Leenhardt représentant l’ancien laboratoire de l’Institut de botanique de Montpellier. Inscrite au titre des Monuments historiques en 2009, la peinture réalisée vers 1890 sera entièrement nettoyée, consolidée et mise en tension. L’immense Tapisserie aux mille-fleurs, du xvie siècle, qui vient conclure l’exposition, bénéficiera quant à elle d’une restauration de ses bordures.
Le parcours de l’exposition
LA GROTTE
Pour débuter le parcours immersif de l’exposition, le visiteur se trouve face à un relevé de fresque pariétale d’André Vila effectué dans l’oued Djerat, en Algérie. Les palmiers que l’on y découvre annoncent la figure centrale que représente l’arbre à travers l’histoire de l’art. L’oeuvre peut aussi être considérée comme la matrice de l’histoire de la taxonomie, la science des lois de la classification utilisée pour l’ensemble de la sélection.
LA FORÊT
On ne peut se représenter l’identité de l’arbre qu’en s’approchant de lui et en l’observant. Chêne, cèdre, noisetier, laurier, mais aussi lierre, houx, gui et fougère… le regard se précise et l’attention du visiteur est guidée vers les bourgeons, les écorces ou les racines propres à chaque espèce. Lorsque ces espèces s’assemblent, que l’arbre devient grégaire, apparaît la forêt. À elle seule, la figure de l’arbre est devenue une allégorie de notre rapport au monde vivant et la forêt, un territoire d’espoirs.
L’ESTRAN
Toutes les plantes terrestres trouvent leur origine dans la mer, où la vie est née il y a environ trois milliards d’années. Laissé sur le sable par la marée descendante, un amoncellement extraordinaire d’organismes et de formes de vie se révèle aux yeux des curieux. Riches d’un répertoire de structures et de couleurs exceptionnelles, les algues voisinent, ici, avec les coquillages et les perles, grandes sources d’inspiration des créations joaillières Chaumet.
LA ROSELIÈRE
Plante emblématique des créations de Chaumet, le roseau ourle les étangs où les nymphéas étalent leurs feuilles flottantes à la nervation palmée remarquable. Tâches de couleur à la surface des eaux et passion de Claude Monet, leurs fleurs sont des structures botaniques enchevêtrées et révélées par la précision des illustrateurs botaniques.
LE DOMESTIQUÉ L’AGER
Il y a 10 000 ans, lors de l’invention de l’agriculture, les céréales furent les premières plantes à être domestiquées. Symbole d’abondance, de fertilité et de richesse, l’épi de blé se retrouve dans l’ornement des plus grandes figures historiques, de l’Antiquité à l’Empire. Sur les chemins longeant les champs de céréales, on découvre carottes sauvages, chardons et trèfles des prairies. Non loin, le jardin potager accueille courges, vignes et autres espèces nourricières.
LE DOMESTIQUÉ L’HORTUS
Apparues dans l’histoire évolutive des plantes il y a plus de 200 millions d’années, les fleurs ont été transposées dans tous les registres, de l’artistique au politique. L’humain s’est passionné pour la fleur, au point d’en oublier la plante, avec ses feuilles, ses branches, ses bourgeons et ses racines. Pas moins de vingt-trois espèces – rose, églantine, orchidée, lys, muguet, passiflore, jacinthe, lilas, pivoine… – composent ce lieu où butine l’abeille et vole le colibri, tous deux capturés en broches en 1970 et 1890.
MILLE-FLEURS
Dédié aux mille-fleurs, le lieu évoque un regard contemporain sur le monde vivant. Composées des différentes espèces végétales que le visiteur a observées durant toute sa déambulation, les deux toiles de Giuseppe Arcimboldo Le Printemps et L’Été sont les seules oeuvres de l’exposition montrant une représentation humaine. À leurs côtés, une étude pour un diadème de la fin du XVIIIe siècle, des projets de colliers et devants de corsages de la fin du XIXe siècle, mais aussi le diadème Bedford, réalisé par Jean-Baptiste Fossin vers 1830, prêté par un collectionneur privé, sont mis en regard avec l’immense Tapisserie aux mille-fleurs, du XVIe siècle, venue du palais des Vescovi, à Pistoia. Prêt exceptionnel accordé par le musée du Louvre, Le Printemps et L’Été invitent à quitter l’exposition sur une question, celle de la relation de dépendance entre humain et non-humain.
Le livre de l’exposition
Voulu non comme un catalogue d’exposition, mais comme une invitation à prolonger ce rapport (re)trouvé avec la nature qu’offre l’événement, l’ouvrage édité chez JBE Books croise les contributions. La préface classique s’efface devant une conversation entre Jean-Marc Mansvelt, Directeur Général de Chaumet, et Marc Jeanson, commissaire de l’exposition.
Cette nouvelle perspective autour du végétal se confirme dans les séries de photos exclusives. Signées Julien Claessens et Thomas Deschamps, elles présentent les créations joaillières Chaumet sous un nouveau regard, faisant résonner avec modernité les pièces et les oeuvres. La poétesse américano-libanaise Etel Adnan, disparue en novembre 2021, signe l’un de ses derniers Leporellos. À ses côtés, le philosophe Emanuele Coccia s’interroge sur les interactions entre plantes et histoire humaine. Estelle Zhong Mengual, historienne de l’art et titulaire de la chaire des Beaux-Arts « Habiter le paysage – l’art à la rencontre du vivant », dresse une histoire environnementale de l’art, tandis qu’Alice Thomine-Berrada, archiviste-paléographe, conservatrice des peintures, sculptures et objets mobiliers des Beaux-Arts de Paris, aborde le thème de la botanique dans les concours de l’école. Enfin, l’auteure portugaise basée à Londres Filipa Ramos signe un texte sur l’approche naturaliste contemporaine dans les beaux-arts.
Marc Jeanson – le commissaire de l’exposition
Spécialiste des palmiers, Marc Jeanson est docteur en systématique végétale – il a soutenu sa thèse de doctorat au New York Botanical Garden. Après avoir été conservateur de l’Herbier de Montpellier, il rejoint l’Herbier du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, dont il devient le responsable. En 2020, il prend la direction des collections botaniques du jardin Majorelle, à Marrakech. Auteur de différentes publications, Marc Jeanson a également été commissaire associé de l’exposition Jardins, qui s’est tenue au Grand Palais, à Paris, en 2017. Nourrie de valeurs partagées autour de la beauté et de l’engagement, la complicité entre la Maison Chaumet et Marc Jeanson s’est déjà illustrée dans l’exposition Dess(e)in de Nature, en 2019.