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🔊 “Quentin Euverte” Malaise dans la civilisation, à fabre, Paris, du 10 juin au 8 octobre 2022

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“Quentin Euverte“
Malaise dans la civilisation

à fabre, Paris

du 10 juin au 8 octobre 2022

fabre
Alexandra Fau



Interview de Quentin Euverte, par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 10 juin 2022, durée 20’54. © FranceFineArt.

PODCAST –  Interview de Quentin Euverte,


par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 10 juin 2022, durée 20’54.
© FranceFineArt.

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Quentin Euverte
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©Anne-Fréderique Fer, visite de l’exposition, le 10 juin 2022.

Extrait du communiqué de presse :



Curatrice : Alexandra Fau
à l’initiative du projet : Annabelle Ponroy




Fabre est le fruit de collaborations inédites entre une psychanalyste, une commissaire d’exposition, un artiste. Avant même de s’envisager, Fabre se voyait plutôt comme une aventure singulière offerte à tous dans un lieu intimiste qui privilégie la rencontre avec l’Autre. Un moment en suspens où l’écoute de la parole des artistes embraye des idées, des concepts, des valeurs qui nous rassemblent.

Après cinq expositions monographiques inédites (Laëtitia Badaut-Haussmann, Alexandre et Florentine Lamarche-Ovize, Jean-Pascal Flavien, Goni Shifron, Paul Mignard), Fabre s’adapte, étonne, se transforme chaque fois un peu plus au gré des invitations. L’envie première d’échapper aux cadres imposés, aux formats et aux rythmes conventionnels, de soutenir la création contemporaine reste intact. Et Fabre, ouvert à l’inattendu de ce que l’oeuvre d’art nous fait.


Quentin Euverte, Canicular Cold, 2014. Réfrigirateur-vitrine modifié, fourrure, tube fluo rosé «spécial viande», moteur, gaine aluminium, caisson hermétique modifié, système de ventilation, éléments organiques.
Quentin Euverte, Canicular Cold, 2014. Réfrigirateur-vitrine modifié, fourrure, tube fluo rosé «spécial viande», moteur, gaine aluminium, caisson hermétique modifié, système de ventilation, éléments organiques.
Quentin Euverte, Tous les soirs je pisse des cristaux liquides, 2016. Ecrans LCD modifiés et brûlés.
Quentin Euverte, Tous les soirs je pisse des cristaux liquides, 2016. Ecrans LCD modifiés et brûlés.
Quentin Euverte, “I’m that grey born gorilla out the concrete jungle”, 2016. Plexiglas, metal, écran lcd brûl., métal plaqué au cuivre artisanalement, vidéo en boucle, méidum mixte.
Quentin Euverte, “I’m that grey born gorilla out the concrete jungle”, 2016. Plexiglas, metal, écran lcd brûl., métal plaqué au cuivre artisanalement, vidéo en boucle, méidum mixte.
Quentin Euverte, O-O-O-O Verlord, 2016. Caisson lumineux JCDecaux (verre, néon, métal et système électrique), métal, médium mixte.
Quentin Euverte, O-O-O-O Verlord, 2016. Caisson lumineux JCDecaux (verre, néon, métal et système électrique), métal, médium mixte.
Quentin Euverte, J’garde mon putain d’Himalaya & Leur shit coupé au pneu les rend paranos, 2016. Verre and métal.
Quentin Euverte, J’garde mon putain d’Himalaya & Leur shit coupé au pneu les rend paranos, 2016. Verre and métal.
Quentin Euverte, Et j’ai une aura colorée, Comme si j’avais des tripes de néon, 2016. Transfo. HT, métal, néon, cable et système électrique.
Quentin Euverte, Et j’ai une aura colorée, Comme si j’avais des tripes de néon, 2016. Transfo. HT, métal, néon, cable et système électrique.

L’exposition – vue par Alexandra Fau

« Au Bord des Mondes

Depuis sa sortie de la Villa Arson, l’artiste plasticien et producteur indépendant(1) Quentin Euverte (né en 1991) sait s’entourer. Tantôt un photographe tout terrain (Yan Morvan), ou un oncle schizophrène (L’oncle cybernétique, édition Lafayette Anticipation). Rien ne se fait jamais seul. Et pourtant, son moi semble irréductible. Sa parole et ses écrits indissociables de l’oeuvre plastique forment un cosmos qui exprime l’univers. Immédiatement me sont revenus en mémoire les textes de l’écrivain polonais Witold Gombrowicz (1904-1969). J’y retrouve cette fixité interrogative sur l’inanimé ; en lieu et place du moineau pendu à un fil dans l’ouvrage Cosmos, ce sont des dépouilles d’animaux morts ou de simples manteaux de fourrure, allez savoir, entre-aperçus à travers les vitres de caissons réfrigérés. Déjà, cette oeuvre (Canicular Cold, 2014-2016) pour le moins troublante dépendait d’un complexe système d’électrification garant d’une potentielle survie. Cette étrangeté née de l’ambiguïté entre l’inanimé et l’animé trouve son aboutissement dans l’exposition de Fabre « Malaise dans la civilisation » transposant ainsi le célèbre écrit de Sigmund Freud de 1930 dans le 21ème siècle, ère technologique, médiatique et pulsionnelle. Aussi grand lecteur de J.G. Ballard (1930-2009), Quentin Euverte nous propulse dans son projet à la fulgurance d’un corps percutant une glissière métallique d’autoroute à pleine vitesse.

Comme dans le livre Cosmos de Gombrowicz, Quentin Euverte part d’éléments factuels, devenus obsessionnels jusqu’au vertige. « 1963 – Je pose deux points de départ, deux anomalies très éloignées l’une de l’autre : a) un moineau pendu ; b) l’association de la bouche de Catherette à la bouche de Léna. Ces deux problèmes se mettent à réclamer un sens. L’un pénètre l’autre en tendant vers la totalité. Ainsi on commence un processus de suppositions, d’associations, d’investigations, quelque chose va se créer, mais c’est un embryon plutôt monstrueux, un avorton… et ce rébus obscur, incompréhensible, va exiger sa solution… chercher une Idée qui explique, qui mette de l’ordre…(2) ».

L’artiste Quentin Euverte procède par un cheminement semblable fait de rebonds et de concaténations. Son univers charrie indifféremment un ensemble de coupures de presse, des signes appartenant à la rue (abribus, panneaux publicitaires Decaux…), sacs plastiques logotypés, pipes à crack, rasoirs, le tout recouvert de ce rose codéïné qui hante l’univers du rap.

Quentin Euverte nous invite à suivre les méandres de ses pensées, qui sont un peu les nôtres, mâtinées de dérives paranoïaques, ensemencées de peurs irrationnelles qui appellent d’instinct à reprendre le contrôle par les armes. C’est une nouvelle forme de guerre civile qui guette à l’image de ce à quoi nous assistons aujourd’hui en Ukraine avec des cocktails Molotov « maison », les bombes de fabrications artisanales. Ces « armes fantômes » ainsi désignées par le président des Etats-Unis, Joe Biden, prolifèrent au sein d’une population très diverse, survivalistes en tête.

Quelle distance prendre lorsque l’on est artiste vis-à-vis de ces démarches paranoïaques voire complotistes ou obscurantistes ? « Ni dans la philosophie, ni dans l’art, il n’y a de la preuve ou de l’opinion. Il en va de la position ou de l’assertion. L’assertion se distingue de la preuve ou de l’opinion dans ce qu’elle doit opérer sans certitude. (…) Elle « oscille au-dessus des sols des faits. Le sujet de l’assertion oscille entre les sphères de la terre ferme et de l’abîme, il se tient dans la naturalité du fait nu, tout comme dans la surnaturalité du contact avec les idées simples, il habite une troisième dimension(3) ».

Depuis les années 90, des artistes inventent des stratagèmes pour échapper au contrôle satellitaire, aux caméras de vidéosurveillance (Renaud Auguste Dormeuil). Mark Lombardi(4) réalise une enquête minutieuse et hautement inflammable sur les réseaux du terrorisme et les connexions avec le monde politico-financier, tant et si bien que les agents du FBI sont amenés à les étudier avec attention au lendemain du 11 septembre. Quentin Euverte affectionne aussi tout particulièrement le travail de l’artiste controversé Gregory Green et sa compilation de bombes cachées dans des ouvrages comme une ultime tentative d’empowerment dès le milieu des années 80. Quant à l’artiste allemand Andreas Slominski il révèle un système de traque par ses pièges animaliers repris à diverses échelles. Toutes ces actions artistiques et militantes menées parfois au péril de leur vie ou de leur carrière infusent dans la pratique de Quentin Euverte.

Dans l’antre de ce qui s’apparente à une grotte aveugle sur l’extérieur – même si un message sur les fenêtres interpelle le passant attentif -, Quentin Euverte définit un territoire hermétique aux ondes du monde en imaginant une cage de Faraday. Dans ce système en vase-clos, saturé de mots, d’images, de sons (une radio clandestine diffuse invariablement des bribes de discours politique, de la musique pop, des récits plus personnels), l’artiste monte le ton de tout ce qui a été entrepris à Fabre jusqu’à présent. Sous nos yeux prend forme un environnement globalisant aussi enveloppant et proliférant que le Merzbau de Kurt Schwitters (1887-1948). Il se laisse traverser de pensées abstraites, de faits concrets, d’assertions, de subjectivités et de flux virtuels avec toutes les transactions financières opérées à travers les sculptures.

L’artiste insiste sur la portabilité de ses objets, la production de valeurs à travers des œuvres ultra-connectées. L’installation chez Fabre poursuit ses « petites usines clandestines de sens ». S’y déploie le « marché noir des idées que l’on se repasserait sous le manteau, à l’heure d’une censure avérée ». Comme dans les vastes peintures rhizomatiques de Fabrice Hyber, les oeuvres de Quentin Euverte formalisent un véritable système de pensées, un processus, une « activité » protéiforme sans cesse en expansion. L’oeil rebondit d’un élément à l’autre tandis que planent des substituts refoulés d’une activité capitaliste (néon, café chaud, etc).

« Si le monde de l’art doit s’inscrire dans une vie chaotique, il faut stabiliser tout cela et l’horizontaliser » nous assène l’artiste. Ces mots prononcés avant l’épisode pandémique résonnent tout particulièrement aujourd’hui ; « l’art n’ayant jamais été aussi déconnecté d’une société qui s’est hyper spécialisée ». Les artistes se voient encore plus marginalisés dans leur dessein d’un horizon général, organisé, et complexe qui « frôle la limite de l’univers de faits ».

Alexandra Fau



1. Producteur indépendant depuis 2017, par le biais de sa structure éditoriale et atelier d’artiste itinérant Bakshish, il continue actuellement ses activités au sein de sa structure éditoriale et coopérative d’artistes et d’artisans Industrie Culturelle (IC).
2. Witold Gombrowicz, Cosmos, folio, 1973, p9.
3. Marcus Steinweg, Toucher l’intouchable, in Intouchable, l’idéal transparence, architecture de verre, édition Xavier Barral/Villa Arson, 2006, p.171.
4. Mark Lombardi rationalise les infos réunies avec des diagrammes dès 1993.
5. Marcus Steinweg, Toucher l’intouchable, in Intouchable, l’idéal transparence, architecture de verre, édition Xavier Barral/Villa Arson, 2006, p.171.

QUENTIN EUVERTE est un artiste plasticien et éditeur, diplômé de la Villa Arson en 2014, suivi d’un bref passage à l’EHESS. Dans ses sculptures et installations, l’objet, matière première inépuisable, y apparaît comme d’infinis « micro-sociologies ». Les oeuvres sont conçues et réalisées comme autant de collages dans l’espace, qui hybrident effets low-tech, art pauvre, et rebus industriels. Les sculptures installées procèdent d’un vaste jeu citationnel à l’heure de la cybernétique et du monde digitalisé. Devenant ainsi leurs propres réseaux d’idées, agissant ici-et-là comme l’agencement continu de petites usines clandestines de sens. Tels que le seraient des reboots inspirés par Ballard et Hollywood, ses textes conjuguent et compilent atmosphères néo-futuristes, science-fiction et écriture à la première personne, et se présentent tels des extensions de son travail plastique. En développant le featuring et la collaboration à la façon d’un network, la pratique plastique et textuelle de Quentin Euverte se met en place lors d’expositions, tout autant qu’au travers de diverses parutions et éditions, de vidéos, de sons… Sculpteur multimédia. Producteur indépendant depuis 2017, par le biais de sa structure éditoriale Industrie Culturelle (IC) et de son atelier d’artiste itinérant Bakshish, il ne cesse de continuer sa recherche de réseau parallèle/alternatif/autonome. Il a notamment reçu le Prix Pierre Giquel en 2020, pour ses écrits d’artiste sur d’autres artistes et a été lauréat de la résidence Hors-les-Murs de l’Institut français en 2016. Son livre d’artiste L’Oncle Cybernéticien a été édité par Lafayette Anticipation en 2021.




Pour visiter l’exposition, uniquement sur rendez-vous via le mail contact@fabredeglantine.com
Adresse : 20 rue Fabre d’Eglantine – 75012 paris