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🔊 “Laurent Lafolie” à la galerie binome, Paris, du 25 mai au 29 juillet 2023

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“Laurent Lafolie” U⋂

Ă  la galerie binome, Paris

du 25 mai au 29 juillet 2023

galerie binome


Interview de Laurent Lafolie, par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 23 mai 2023, durĂ©e 18’45. © FranceFineArt.

PODCAST –  Interview de Laurent Lafolie,


par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 23 mai 2023, durĂ©e 18’08,
© FranceFineArt.


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Laurent Lafolie
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©Anne-FrĂ©derique Fer, visite de l’exposition avec Laurent Lafolie, le 23 mai 2023.

Extrait du communiqué de presse :

Laurent Lafolie, U∩.11, 2023. Superposition de 11 visages, impression jet d’encre pigmentaire charbon sur 11 fils de soie naturelle, piĂšce unique – 105 x 82 x 16 cm.
Laurent Lafolie, U∩.11, 2023. Superposition de 11 visages, impression jet d’encre pigmentaire charbon sur 11 fils de soie naturelle, piĂšce unique – 105 x 82 x 16 cm.

La Galerie Binome est heureuse de prĂ©senter la deuxiĂšme exposition personnelle de Laurent Lafolie en Ă©cho Ă  l’actualitĂ© rĂ©cente de l’artiste. Il revient au ChĂąteau d’eau Ă  Toulouse et Ă  Christian Caujolle d’avoir rĂ©cemment mis en lumiĂšre l’oeuvre rare de Laurent Lafolie dans une rĂ©trospective remarquĂ©e en 2022, accompagnĂ©e d’une premiĂšre monographie au titre Ă©ponyme Exo Endo (Ă©ditions Lamaindonne). Depuis l’artiste s’est fait plus prĂ©sent sur la scĂšne photographique nationale : exposition inaugurale du CollĂšge international de la photographie, laurĂ©at 2022 du Prix du tirage de la Collection Florence et Damien Bachelot, exposition La photographie Ă  tout prix Ă  la BNF, exposition Les yeux dans les yeux au Domaine de Rentilly oĂč plusieurs corpus de son travail sont parallĂšlement prĂ©sentĂ©s jusqu’au 16 juillet 2023.
Artiste publiĂ© dans l’ouvrage de rĂ©fĂ©rence Contre-Culture dans la photographie contemporaine de Michel Poivert, il sera prochainement prĂ©sentĂ© dans Epreuves de la matiĂšre Ă  la BNF sous le commissariat d’HĂ©loĂŻse Conesa (oct. 2023-fĂ©v. 2024).
EvĂ©nement d’ouverture dans le cadre de Paris Gallery Weekend, l’exposition U∩ du 25 mai au 29 juillet rĂ©unit des oeuvres inĂ©dites et rĂ©centes dĂ©montrant Ă  la fois la cohĂ©rence conceptuelle du travail de Lafolie et une capacitĂ© inĂ©galable Ă  concevoir la matĂ©rialitĂ© du mĂ©dium.

Laurent Lafolie, #01, série Lalettre, 2022.
Laurent Lafolie, #01, série Lalettre, 2022.
Laurent Lafolie, OI L’origine des images, 2020. Pigments sur plaques photopolymĂšres gravĂ©es et feuilles de washi oeuvre en 25 panneaux composĂ©s de 5 sĂ©ries de 5 images, encadrĂ©s sous verre antireflet, Ă©dition de 3 (+2EA) – 130 x 170 cm.
Laurent Lafolie, OI L’origine des images, 2020. Pigments sur plaques photopolymĂšres gravĂ©es et feuilles de washi oeuvre en 25 panneaux composĂ©s de 5 sĂ©ries de 5 images, encadrĂ©s sous verre antireflet, Ă©dition de 3 (+2EA) – 130 x 170 cm.
Laurent Lafolie, i|i.02 - Capture (porcelaine), 2022. Tirage par Ă©maillage aux Ă©maux de platine et de palladium sur plaque de porcelaine blanche cumul de 150 Ă  180 visages en 30 Ă  40 cuissons haute tempĂ©rature Ă  1220°, chassis aluminium, piĂšces uniques – 24 x 18 cm.
Laurent Lafolie, i|i.02 – Capture (porcelaine), 2022. Tirage par Ă©maillage aux Ă©maux de platine et de palladium sur plaque de porcelaine blanche cumul de 150 Ă  180 visages en 30 Ă  40 cuissons haute tempĂ©rature Ă  1220°, chassis aluminium, piĂšces uniques – 24 x 18 cm.

U∩ par Marguerite Pilven

« Que le rĂ©el de l’image soit son rĂ©fĂ©rent, c’est contraire Ă  toute ma philosophie, le rĂ©el de l’image est l’effet qu’elle produit. » Jean-Louis Schefer

Pourquoi trouve-t-on tant de visages dans l’oeuvre de Laurent Lafolie ? Depuis plus de 15 ans, il construit sa propre archive d’images, Ă  ce jour plus de deux cents quatre-vingt portraits individuels rĂ©alisĂ©s Ă  la chambre photographique, selon un protocole immuable qui lui confĂšre une forte unitĂ©. L’essentiel de ses projets puise dans cette ressource sa matiĂšre premiĂšre. Reconnu comme tireur Ă©mĂ©rite – il a reçu Ă  la BNF le Prix du tirage 2022 de la collection Florence et Damien Bachelot – Laurent Lafolie a quittĂ© la commande pour se consacrer Ă  son art : « ce qui m’intĂ©resse, c’est d’une part notre relation aux images, leur place dans l’histoire humaine, d’autre part leur matĂ©rialitĂ©, leur interaction avec les supports ».

De fait, il existe un lignage trĂšs Ă©troit entre visage et image. Dans chaque histoire humaine, le visage maternel se confond tel un miroir avec la premiĂšre image que l’on se fait de soi. Bien avant d’ĂȘtre perçu, ou ressenti, comme la manifestation d’un caractĂšre individuel, il est le lieu de la reconnaissance, la surface, l’étendue sensible de la rencontre par le regard. Laurent Lafolie ne nous situe jamais en prĂ©sence de portraits, mais de « faces ». L’ambiguĂŻtĂ© de l’image figurative, liĂ©e Ă  sa fonction de remplacement dans un temps sans autre mesure que celui de la prĂ©sence, et aux pouvoirs magiques ou sacrĂ©s qu’on lui attribuait dans les sociĂ©tĂ©s premiĂšres, nous trouble encore aujourd’hui. Elle persiste Ă  travers le lien affectif, et parfois teintĂ© de superstition, qui nous relie Ă  elle, et qu’évoque ainsi l’historien de l’art Ernst Gombrich : « voici dans le journal la photographie de notre champion ou de notre acteur prĂ©fĂ©rĂ© ; aurions-nous plaisir Ă  lui percer les yeux avec une Ă©pingle ? Je ne le pense pas ».

L’intĂ©rĂȘt que porte aussi Laurent Lafolie Ă  la matĂ©rialitĂ© de l’image ne tient pas tant Ă  sa dextĂ©ritĂ© technique qu’à une façon d’interroger sans cesse ce support d’apparition qu’est le mĂ©dium photographique, physiquement liĂ© Ă  son modĂšle. En tissant des visages avec un seul fil de soie teintĂ©, passĂ© de haut en bas dans un chĂąssis (oeuvres Ă  5 ou 11 fils de la sĂ©rie U∩), l’artiste rĂ©alise une trame qui alterne entre les vides et les pleins. Il attĂ©nue ainsi l’opposition entre prĂ©sence et absence, si puissamment ressentie devant la reprĂ©sentation d’une figure humaine. En plaçant l’image du visage en un lieu qui lui est propre, et comme Ă©chappant Ă  l’assignation de son support, il le situe entre hyperprĂ©sence (mĂ©diatique) et absence (mĂ©lancolique) ; il l’inscrit Ă©galement dans une dialectique du sens, l’image tĂ©nue ayant besoin de notre regard pour apparaĂźtre. Cette sĂ©rie, intitulĂ©e U∩, donne Ă©galement son titre Ă  l’exposition. Le ∩ se lit Ă  la fois comme le N alphabĂ©tique et comme le signe mathĂ©matique « inter ». Ces deux signes manifestent l’intersection entre tous ces visages, le mouvement du fil croisant plusieurs trajectoires et conduisant l’oeil du regardeur Ă  se dĂ©placer, Ă  faire la mise au point. Ces deux signes inversĂ©s traduisent Ă©galement la quĂȘte paradoxale de l’artiste : atteindre l’universalitĂ© du visage en le diffractant dans une infinitĂ© d’autres possibilitĂ©s.

Scope, le dernier ensemble rĂ©alisĂ© par l’artiste Ă  l’aide d’instruments scientifiques, poursuit ce paradoxe. L’usage de lamelles de microscope, qu’il reviendra Ă  chacun de manipuler sous une lentille pour que des images se reforment sur un Ă©cran, participe Ă©galement de ce cheminement du regard. Affirmant tout autant une fragilitĂ© qu’une valeur par leur matĂ©rialitĂ©, ces oeuvres, sans doute les plus petits tirages jamais rĂ©alisĂ©s, Ă©chappent au rĂšgne du simulacre, elle se soustraient Ă  l’économie de ces images « hyperboliques », prolifĂ©rantes et dĂ©connectĂ©es « qui ne s’adressent plus Ă  personne » (1).

Le regard et son pouvoir d’animation s’associent, selon l’historien de l’art Hans Belting, Ă  la capacitĂ© de transformer et de fixer des images du monde extĂ©rieur pour les soustraire Ă  l’oubli et les rĂ©activer par un acte de rĂ©miniscence. C’est probablement ainsi que s’explique cette parentĂšle entre images et alphabets. L’artiste s’y rĂ©fĂšre explicitement avec sa sĂ©rie de lithophanies rĂ©alisĂ©es en 2022, intitulĂ©e Lalettre. La lumiĂšre traversant une fine feuille de porcelaine rĂ©vĂšle progressivement les signes gravĂ©s dans la matiĂšre. Une autre sĂ©rie, Capture, convoque Ă©galement ces images intĂ©rieures. En superposant des visages, prĂ©levĂ©s dans sa collection, de façon Ă  n’en faire saillir que les traits communs, Laurent Lafolie les dote d’une prĂ©sence nouvelle, nimbĂ©e d’une aura mĂ©morielle. Dans une autre version en cĂ©ramique rĂ©alisĂ©e rĂ©cemment, il enfonce ces visages, a minima cent cinquante, dans la porcelaine liquide qu’il fait durcir par strates. Une seule face Ă©merge de ce procĂ©dĂ© lent et complexe de cuissons, elle est la manifestation ultime, et comme rescapĂ©e, de l’ensemble des visages stockĂ©s dans la matiĂšre.

Dans la sĂ©lection de l’exposition, L’origine des images semble faire exception en nous introduisant au registre du paysage. NĂ©anmoins, cette oeuvre composĂ©e de 25 panneaux appelle Ă©galement le regardeur Ă  produire sa propre synthĂšse, Ă©chappant ainsi Ă  la fixitĂ© du seul point de vue.

En imaginant des processus d’évasions de l’image-archive pour serrer au plus prĂšs son caractĂšre insaisissable, Laurent Lafolie semble vouloir l’ouvrir au rĂ©el, c’est-Ă  dire Ă  l’effet qu’elle produit et qui, de fait, n’est pas « reprĂ©sentable » (2). Suivant Jacques Lacan qui « fait du rĂ©el le point culminant de sa fameuse triade pyschanalytique (RĂ©el/Symbolique/Imaginaire) et en donne la dĂ©finition suivante : « le rĂ©el c’est l’impasse de la formalisation » (3), nous pourrions dire que le moteur de Lafolie est de le poursuivre, d’achopper sa pratique artistique Ă  ce point de l’expĂ©rience pour en inventer des issues et construire Ă  partir de ce qui manque.

Marguerite Pilven, Commissaire d’exposition et critique d’art membre de l’AICA

1. Jean Baudrillard, cité par Véronique Bergen dans son article « Saisies du simulacre chez Baudrillard et chez Deleuze », revue Lignes 2010/1 n°31, p. 37-49.
2. Nicolas Bourriaud, Les annĂ©es 2000 ou la question du rĂ©el, in Une histoire intime de l’art, Yvon Lambert, une collection, une donation, un lieu, p.335, Ă©d. Dilecta, 2023
3. Nicolas Bourriaud, ibid