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“Lettres à Camondo” au musée Nissim de Camondo – Musée des Arts Décoratifs, Paris, du 7 octobre 2020 au 15 mai 2022

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“Lettres à Camondo” 

au musée Nissim de Camondo – Musée des Arts Décoratifs, Paris

du 7 octobre 2020 au 15 mai 2022

Musée des Arts Décoratifs


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©Sylvain Silleran,
visite presse, le 6 octobre 2021.

Couverture Lettres à Camondo d’Edmund de Waal aux Éditions Les Arts Décoratifs.
Couverture Lettres à Camondo d’Edmund de Waal aux Éditions Les Arts Décoratifs.
Double page Lettres à Camondo d’Edmund de Waal aux Éditions Les Arts Décoratifs
Double page Lettres à Camondo d’Edmund de Waal aux Éditions Les Arts Décoratifs.
Edmund de Waal, muet, I, 2021. Porcelaine, or, chêne, oxyde de fer rouge et plomb. © Edmund de Waal. Photo : Alzbeta Jaresova.
Edmund de Waal, muet, I, 2021. Porcelaine, or, chêne, oxyde de fer rouge et plomb. © Edmund de Waal. Photo : Alzbeta Jaresova.
Edmund de Waal, muet, I (détail), 2021. Porcelaine, or, chêne, oxyde de fer rouge et plomb. © Edmund de Waal. Photo : Alzbeta Jaresova.
Edmund de Waal, muet, I (détail), 2021. Porcelaine, or, chêne, oxyde de fer rouge et plomb. © Edmund de Waal. Photo : Alzbeta Jaresova.
Edmund de Waal, Lettres à Camondo, I, 2021. Porcelaine, or, chêne, pâte à porcelaine liquide, acier et plomb. © Edmund de Waal. Photo : Alzbeta Jaresova.
Edmund de Waal, Lettres à Camondo, I, 2021. Porcelaine, or, chêne, pâte à porcelaine liquide, acier et plomb. © Edmund de Waal. Photo : Alzbeta Jaresova.
Edmund de Waal, i.m. (Nissim), 2021. Porcelaine, or, plomb, pigment rouge, aluminium, plexiglas et marbre. © Edmund de Waal. Photo : Alzbeta Jaresova.
Edmund de Waal, i.m. (Nissim), 2021. Porcelaine, or, plomb, pigment rouge, aluminium, plexiglas et marbre. © Edmund de Waal. Photo : Alzbeta Jaresova.
François-Bernard Lépicié, d’après Jean Siméon Chardin, Jeune fille au volant, estampe, 1742. Paris, musée Nissim de Camondo. © MAD, Paris / Christophe Dellière.
François-Bernard Lépicié, d’après Jean Siméon Chardin, Jeune fille au volant, estampe, 1742. Paris, musée Nissim de Camondo. © MAD, Paris / Christophe Dellière.

Texte de Sylvain Silleran :




Quelques enveloppes sont sagement posées sur le maroquin d’un secrétaire à cylindre. Les Lettres à Camondo d’Edmund de Waal viennent d’arriver. L’adresse du destinataire tracée d’une ample arabesque est illisible pour un lecteur cartésien, d’ailleurs Moïse de Camondo n’est plus là pour la lire. Pourtant son hôtel resté en l’état comme une œuvre à part entière est bien vivant, habité d’esprits curieux et aimants. Dans chaque pièce il y a de quoi s’asseoir et écrire : des secrétaires, des bonheurs-du-jour dont les tiroirs entrouverts laissent voir des fragments déchirés de quelque correspondance.



Les lettres de porcelaine d’Edmund de Waal reconstituent les liens entre les Ephrussi, ses ancêtres, et les Camondo. Les deux familles vivaient dans la même rue le long du parc Monceau, à dix numéros de distance. Toutes deux furent décimées par la barbarie nazie. Le roman épistolaire répare ces destins brisés comme un kintsugi japonais, une suture d’or qui répare les corps et magnifie les âmes. Après la papier, le travail d’écriture se poursuit sur une porcelaine si fine, si fragile qu’elle se brise pour un rien. Les mots laissent place au silence de la céramique blanche et mate. Des morceaux cassés, déchirés sont rassemblés dans de petits bols. L’écrit est précieux, sacré même comme dans la tradition juive où les textes ne peuvent être détruits et sont respectueusement enterrés. La lettre morcelée témoigne de la précarité du témoignage, de la finesse du fil de la vie, et c’est ce qui en fait sa valeur.



Les œuvres d’Edmund de Waal jouent à cache-cache dans la maison. Un jeu de piste nous entraine d’une pièce à l’autre, l’œil aux aguets. Nous voilà forcés de prendre le temps de regarder, de chercher entre les vases et les lampes, glisser le long de la marqueterie, des velours. Avec une infinie tendresse, une délicatesse pleine d’égards, de Waal expose son travail sur la pointe des pieds, avec la légèreté d’une petite souris. Le gentleman céramiste refuse toute effraction dans l’hôtel des Camondo, il honore l’invitation qui lui est faite avec une magnifique discrétion. Des bols évasés empilés dans un équilibre instable encadrés de bois de chêne clair sont posés furtivement ici et là. Trois sont alignés devant la fenêtre de l’office, en pleine lumière et presque invisibles tant ils se fondent dans les boiseries. Une pièce se cache parmi la vaisselle dans le cabinet des porcelaines, il faut du temps pour la trouver, ce qui ajoute au bonheur de la découverte. D’autres œuvres sont disposées dans les combles de la maison, hors d’accès pour les visiteurs. Dans ces pièces de service, au milieu de registres, de malles, elles disent que l’œuvre est totale, elle n’est pas qu’objet en vitrine, musée, mais la vie, toute la vie : les pas pressés qui se croisent dans les escaliers en font aussi partie.



L’or, le bois, le blanc du kaolin : les matériaux sont simples, leurs formes pures en font des presque abstractions. C’est avec cette légèreté qu’Edmund de Waal évoque les traditions du judaïsme : ses bols empilés ressemblent aux cailloux que l’on pose sur les tombes dans les cimetières lorsque l’on vient visiter ses parents. Chaque fragment de lettre précieusement conservé dans un bol est un bout de récit écrit, les expériences qui y sont relatées, les valeurs, ont été transmises aux générations qui suivent. Elles n’auront plus besoin de ce support, on peut brûler le papier, envoyer la fumée des mots aux défunts dans l’au-delà comme dans les rituels d’Asie, les rassurer sur le devenir de leur maison.



Edmund de Waal fabrique un art réparateur. Son travail de céramique peut apaiser les âmes des Camondo. La maison-musée si habitée, si vivante, transmet encore l’esprit de ceux qui l’ont bâtie, qui y ont vécu. Leur histoire se racontera encore, on y goûtera le beau et on en sortira inspiré par la grâce de la porcelaine, du bois et de l’or.


Sylvain Silleran

Extrait du communiqué de presse :


Commissariat : 
Sylvie Legrand-Rossi, Conservatrice en chef du Patrimoine au musée Nissim de Camondo



L’écrivain et céramiste britannique Edmund de Waal est l’invité du Musée Nissim de Camondo du 7 octobre 2021 au 15 mai 2022 pour une carte blanche, une première dans ce lieu singulier et mémorial.

En écho à son nouveau livre Lettres à Camondo (Éditions Les Arts Décoratifs) paru le 16 avril 2021, dans lequel l’auteur retrace avec sensibilité la tragédie de la famille de Camondo, cette exposition est une autre manière pour Edmund de Waal de revisiter une maison de famille au destin tragique, qui résonne singulièrement avec celle de sa famille Viennoise en 1938. Elle porte la marque de sa passion pour la littérature et témoigne de son obsession de toujours pour la porcelaine.

Auteur du best-seller mondial La Mémoire retrouvée, publié en 2011, réédité en 2015 sous le titre Le lièvre aux yeux d’ambre, Edmund de Waal est également un céramiste de renom. Aussi bien dans sa démarche littéraire qu’artistique, il explore continuellement des thèmes qui lui sont chers comme la diaspora, la mémoire ou la matérialité. Ses créations, qui redonnent vie à des histoires intimes liées à la perte ou à l’exil, sont exposées dans les musées et galeries du monde entier.

L’exposition au Musée Nissim de Camondo est conçue comme un dialogue intime entre les oeuvres d’Edmund de Waal et le mobilier historique de la demeure, édifiée par Moïse de Camondo en 1911, pour y accueillir sa collection d’œuvres d’art français du XVIIIe siècle. En mémoire de son fils Nissim, mort au combat en 1917, Moïse lègue à l’État français son hôtel et ses collections : l’hôtel particulier devient en 1936 le Musée Nissim de Camondo dont la gestion est confiée à l’Union centrale des arts décoratifs, aujourd’hui Les Arts Décoratifs.

Dans une mise en scène sensible et contemplative, Edmund de Waal présente un nouvel ensemble d’oeuvres qui incarnent des conversations sur la famille, offrant à chacune des pièces exposées l’espace privilégié pour une réflexion sur la mémoire. Dans la cour d’honneur du musée, une série de huit sculptures en pierre dorée, plus connue en Angleterre sous le nom de Hornton stone, accueille les visiteurs. Ces blocs monumentaux polis jusqu’à la finesse sont conçus comme une invitation à s’asseoir. Ils sont ornés d’éléments de plomb et d’or, illustrant la perte et la réparation, en évocation aux céramiques japonaises élémentaires, réparées avec délicatesse lorsqu’elles ont été brisées, à l’instar de la pratique du Kintsugi. Dans le vestibule, une des lettres du céramiste s’adressant à Moïse de Camondo repose sur une longue table : elle est réécrite avec des couches de porcelaine teintée d’or. De salles en salles, le visiteur découvre tessons, pots, vases, et mots rédigés sur des couches de porcelaine aussi fine et fragile que du papier et disposés dans des vitrines discrètes et minimalistes. Edmund de Waal convoque un univers épuré et sensible, créé en réponse à l’histoire de ce lieu de mémoire.

Cette exposition, inédite pour le Musée Nissim de Camondo, offre un nouveau regard sur la riche collection de mobilier et d’objets d’art du xviiie siècle rassemblée par Moïse de Camondo en les juxtaposant à des pièces contemporaines, révélant tout ce qu’il y a de plus vivant dans l’éternel et l’immuable. « Lettres à Camondo » reprend ainsi le fil des relations que l’artiste entretient avec d’autres musées de collectionneurs, comme le Waddesdon Manor, demeure de Ferdinand de Rothschild située à Aylesbury dans le Buckinghamshire, et la Frick Collection, à New York.



Caractéristiques du livre Lettres à Camondo d’Edmund de Waal aux Éditions Les Arts Décoratifs – 146 pages, 35 illustrations hors texte, 13,5 x 21 cm, Broché sous jaquette.