🔊 “Charlotte Charbonnel” Geoscopia, Ă l’Abbaye de Maubuisson, du 13 septembre 2020 au 21 fĂ©vrier 2021 (prolongĂ©e jusqu’au 14 mars 2021)
“Charlotte Charbonnel” Geoscopia
à l’Abbaye de Maubuisson,
site d’art contemporain du Conseil départemental du Val d’Oise,
Saint-Ouen l’Aumône (95)
du 13 septembre 2020 au 21 fĂ©vrier 2021 (prolongĂ©e jusqu’au 14 mars 2021)
PODCAST – Interview de Charlotte Charbonnel,
par Anne-Frédérique Fer, à Saint-Ouen l’Aumône, le 19 novembre 2020, durée 21’09, © FranceFineArt.
© Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, visite de l’exposition avec Charlotte Charbonnel, le 19 novembre 2020.
Extrait du communiqué de presse :
Charlotte Charbonnel est une artiste intéressée par l’énergie contenue dans la matière. Elle sonde notre environnement pour en faire surgir, entre autres, les forces naturelles et nous en faire ressentir les flux. À l’écoute du monde, elle a exploré et transmis la vibration acoustique des lieux où elle a été invitée à exposer.
Ainsi choisit-elle de nous faire écouter les « chants de la terre » de l’Abbaye de Maubuisson en puisant dans ses sous-sols. Par l’entremise d’un savant appareillage, le dispositif qui les capte en amplifie la résonance et permet également leur circulation dans l’espace d’exposition. D’autres dispositifs placés à l’extérieur de l’abbaye prélèvent également les énergies contenues dans l’atmosphère qui s’unissent à ces vibrations souterraines.
Charlotte Charbonnel transpose ces énergies mêlées en une trajectoire sensorielle, des éléments visuels et sonores qui se déploient depuis la salle du parloir jusqu’aux anciennes latrines. Les installations imaginées par Charlotte Charbonnel sont souvent les instruments d’une description poétique du monde. Elles se situent au carrefour d’une recherche scientifique et d’une contemplation par immersion.
LiĂ©es Ă une fonction de captation et de rĂ©partition de flux invisibles, les oeuvres de l’artiste se caractĂ©risent par leurs formes Ă©purĂ©es. Ses installations Ă©voquent des outils d’enregistrement scientifique ou l’anatomie sophistiquĂ©e d’instruments de musique. RĂ©alisĂ©es Ă l’appui de recherches prĂ©alables, elles sont souvent produites avec la collaboration de scientifiques ou de spĂ©cialistes. Au-delĂ de leurs qualitĂ©s esthĂ©tiques, les matĂ©riaux qui les composent – verre, cuivre, terre cuite, quartz et mĂ©tal – sont d’abord choisis pour leurs qualitĂ©s physiques de conduction et de rĂ©sonance.
Disposés autour du large pilier central de la salle du parloir, des bols en terre cuite, quartz et laiton ouvrent le chant de la terre de l’abbaye. Ils vibrent et s’entrechoquent, comme joués par les ondes puisées des sous-sols et les énergies prélevées de l’atmosphère. Le dispositif qui les capte en amplifie la résonance et permet également leur circulation dans l’espace d’exposition. Propagées dans le couloir emprunté par les moniales pour un « passage aux champs », ces ondes activent ensuite un pendule imposant. Son mécanisme entraîne lui-même une rangée d’épingles en un mouvement de flux et de reflux. Le nombre stupéfiant d’épingles consigné dans un livre de comptes de l’abbaye datant du 18e siècle a inspiré cette machine à l’artiste. Sa pulsation mécanique peut évoquer la stricte répartition des tâches des moniales, la structure de leur emploi du temps alternant activités domestiques et spirituelles, d’après un rythme propre à l’écosystème en vase clos de l’abbaye.
Dans la grande salle des religieuses, ces mêmes ondes à nouveau recueillies sont réparties et canalisées dans un instrument formé de trois longues cannes, suspendu au plafond. Produisant des souffles le traversant, elles font osciller l’instrument. Ces cannes mobiles, tournées vers le sol, rendent visible cette respiration en dessinant des tracés aléatoires et éphémères dans le sable qui le recouvre.
Le courant électrique accumulé tout au long de ce déplacement de flux magnétiques, comme poussé jusqu’à l’antichambre jouxtant les latrines, produit un phénomène ténu de lumière, proche de l’éclair ou de l’aurore boréale. Pour la dernière station d’une transformation en chaîne menée depuis l’entrée de l’abbaye, Charlotte Charbonnel nous abandonne à l’obscurité des latrines en une plongée ultime, et comme originelle, dans le chant tellurique des lieux. Elle nous fait ainsi progressivement remonter à la source sonore brute qu’elle n’aura cessé de conduire, de moduler et de nous faire traverser, à l’appui des qualités architecturales de l’abbaye devenue caisse de résonance d’un « chant de la terre » qui la supporte.