đ âGermaine Richierâ au Centre Pompidou, Paris, du 1er mars au 12 juin 2023
âGermaine Richierâ
au Centre Pompidou, Paris
du 1er mars au 12 juin 2023

PODCAST – Interview de Ariane Coulondre, conservatrice, service des collections modernes, MusĂ©e national dâart moderne, et commissaire de lâexposition,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 27 fĂ©vrier 2023, durĂ©e 30â16.
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
![Affiche de lâexposition Germaine Richier, [photographie : Michel Sima, Germaine Richier dans son atelier derriĂšre LâOuragane, Paris, vers 1954. Epreuve gelatino-argentique. Collection particuliere. © Michel Sima/Bridgeman Images. © Adagp, Paris 2023]](https://im-francefineart.com/agenda/icono-3351-3500/3396_Germaine-Richier_1.jpg)

Commissariat :
Ariane Coulondre, conservatrice, service des collections modernes, MusĂ©e national dâart moderne
assistée de Nathalie Ernoult, attachée de conservation
La rĂ©trospective Germaine Richier, prĂ©sentĂ©e au Centre Pompidou du 1er mars au 12 juin 2023 et organisĂ©e conjointement avec le musĂ©e Fabre, offre un nouveau regard sur celle qui fut la premiĂšre artiste femme exposĂ©e de son vivant au MusĂ©e national dâart moderne en 1956. De ses fascinants portraits des annĂ©es 1930 Ă ses expĂ©rimentations colorĂ©es des derniĂšres annĂ©es, cette exposition restitue Ă la fois la fulgurance du parcours de la sculptrice, lâoriginalitĂ© de sa crĂ©ation et sa place majeure dans lâart du 20e siĂšcle. Elle souligne comment, tout en prolongeant la tradition de la statuaire en bronze, Germaine Richier invente aprĂšs-guerre de nouvelles images de lâhomme et de la femme, jouant des hybridations avec les formes de la nature.
Riche de prĂšs de deux cents oeuvres â sculptures, gravures, dessins et peintures â lâexposition offre une relecture de sa crĂ©ation et souligne ses rĂ©sonances contemporaines, Ă lâheure dâune prise de conscience globale du vivant. Elle rĂ©unit un ensemble dâoeuvres sans prĂ©cĂ©dent, Ă lâaide du soutien gĂ©nĂ©reux des ayants-droit de lâartiste et de grandes collections publiques et privĂ©es, françaises et internationales. Nourrie de recherches inĂ©dites menĂ©es en France et Ă lâĂ©tranger dans de nombreux fonds dâarchives, elle dĂ©montre combien Germaine Richier occupe une position centrale dans lâhistoire de la sculpture moderne, comme un chaĂźnon entre Rodin et le premier CĂ©sar.
Avec le soutien exceptionnel du diocĂšse dâAnnecy et de la direction rĂ©gionale des affaires culturelles RhĂŽne-Alpes, le Christ dâAssy, oeuvre majeure de lâart sacrĂ©, est exposĂ© pour la premiĂšre fois Ă Paris. CommandĂ© par le pĂšre Couturier pour lâĂ©glise du plateau dâAssy, cette oeuvre constitue Ă la fois lâun des sommets de son art et un moment capital, par le scandale et la violente polĂ©mique quâil suscita en 1951 autour de la reprĂ©sentation du Christ.
#ExpoGermaineRichier
Parcours de lâexposition :
« Nouvelles images de lâHomme »
« Plus je vais plus je suis certaine que seul lâHumain compte », Ă©crit Germaine Richier. Au coeur de son oeuvre, se dresse la figure humaine, les visages et les corps dans leur vĂ©ritĂ©, tant singuliĂšre quâuniverselle. Portraitiste renommĂ©e, elle sculpte tout au long de sa carriĂšre une cinquantaine de bustes, attachĂ©e Ă saisir la prĂ©sence et le caractĂšre propre de ses modĂšles. Lâexil de lâartiste en Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale marque un tournant. Brisant la tradition du bloc, Richier oppose Ă lâesthĂ©tique du lisse le travail vibrant et expressif de la matiĂšre. Ă son retour Ă Paris en 1946, elle modĂšle LâOrage, ĂȘtre massif et sans visage, tenant « du roc ou de la souche autant que de lâhomme Ă©corchĂ© ». Ce travail sur le bronze, creusĂ©, dĂ©chiquetĂ© et trouĂ©, traduit paradoxalement lâillusion de la vie et du mouvement. Lâartiste considĂšre ses statues comme des ĂȘtres vivants, jusquâĂ concevoir des tombeaux de pierre aux formes gĂ©omĂ©triques pour le couple que forment LâOrage et LâOuragane.
Nature et hybridation
Ce renouvellement de la reprĂ©sentation passe par une hybridation de lâhumain avec les formes de la nature. Nourri par sa fascination pour les plantes, les animaux et insectes quâelle collecte, son oeuvre se peuple de crĂ©atures (femme-araignĂ©e, homme-chauve-sourisâŠ) qui relĂšvent moins dâun bestiaire fantastique que de lâosmose entre lâhomme et le monde animal, vĂ©gĂ©tal et minĂ©ral. Cette fluiditĂ© du vivant repose aussi sur une hybridation des formes, ses sculptures incluant des objets naturels, dĂ©bris ramassĂ©s dans sa Provence natale : une branche dâolivier pour LâHomme-forĂȘt (1945), un morceau de brique pour la tĂȘte du Berger des Landes (1951)⊠De maniĂšre totalement inĂ©dite, lâexposition prĂ©sente les sources de sa sculpture, rĂ©unissant un ensemble dâobjets de lâatelier, petit cabinet de curiositĂ© rassemblant bois flottĂ©s, galets, racines, insectes ou sa collection de compas comme des papillons Ă©pinglĂ©sâŠ
Mythe et sacré
« Lâoeuvre de Richier est une initiation aux mystĂšres », Ă©crit Jean Cassou en 1956. Ă lâimage de La Montagne, faites dâos et de branches, ses crĂ©atures hybrides, proto-humaines, se rattachent aux rĂ©cits des origines, aux mythes, contes et lĂ©gendes, dans lesquels ogres, hydres et tarasques oscillent entre le grotesque et le terrifiant. ImprĂ©gnĂ©e dâun sentiment panthĂ©iste du monde, la sculpture de Germaine Richier est marquĂ©e par un sens profond du sacrĂ©. Son nom est dâailleurs associĂ© Ă ce quâon a appelĂ© « la querelle de lâart sacrĂ© » : le grand Christ de douleur quâelle rĂ©alise pour lâĂ©glise dâAssy, Ă la demande du pĂšre Couturier, suscite en 1951 un succĂšs de scandale. La reprĂ©sentation Ă©tant jugĂ©e blasphĂ©matoire par des groupes catholiques traditionalistes, le Christ est banni du choeur de lâĂ©glise malgrĂ© les protestations, et ne retrouvera sa place quâen 1969, dix ans aprĂšs la mort de lâartiste. Cette oeuvre, prĂȘtĂ©e exceptionnellement par le diocĂšse dâAnnecy, est prĂ©sentĂ©e pour la premiĂšre fois dans un musĂ©e.
Dessiner dans lâespace
Lâexposition met en avant la rĂ©flexion de lâartiste sur les moyens mĂȘme de la sculpture, en particulier la place du dessin. Le travail graphique est au coeur de son processus de crĂ©ation, qui trace directement sur le corps de ses modĂšles une « architecture de lignes », adaptation toute personnelle de son enseignement acadĂ©mique. Elle-mĂȘme pratique intensivement la gravure dans laquelle se dĂ©ploient ces jeux et variations graphiques. La sĂ©rie des sculptures Ă fils, dĂ©veloppĂ©es dĂšs 1946, matĂ©rialisent la structure gĂ©omĂ©trique du vivant et ouvre lâoeuvre Ă lâespace du spectateur, tout en crĂ©ant des effets de tensions et de dĂ©sĂ©quilibre. Lâespace de lâoeuvre, la question du socle et du fond, sont trĂšs tĂŽt pris en compte par Germaine Richier qui projette ses figures dans lâespace et intĂšgre les dispositifs de prĂ©sentation dans ses bronzes.
Matériaux et couleur
Dans les annĂ©es 1950, Germaine Richier mĂšne une intense expĂ©rimentation sur les techniques et matĂ©riaux de la sculpture. Elle sâempare du plomb, mĂ©tal mallĂ©able quâelle fond elle-mĂȘme et au sein duquel elle sertit des morceaux de verre colorĂ©s, dĂ©tournant la technique du vitrail. Elle utilise aussi des os de seiches, matrices dans lesquelles le bronze en fusion est coulĂ©. La couleur prend progressivement une place cruciale dans ses oeuvres. Germaine Richier demande Ă ses amis peintres de colorer le fond de certaines piĂšces : Maria Helena Vieira da Silva et Hans Hartung en 1952-1953, Zao Wou-Ki en 1956. Ă la fin de sa vie, elle ira jusquâĂ peindre et Ă©mailler certains de ses bronzes ou plĂątres, leur confĂ©rant une animation toute nouvelle, Ă lâimage de LâĂchiquier, grand polychrome, derniĂšre grande piĂšce de lâartiste et synthĂšse de sa crĂ©ation, interrompue par sa mort prĂ©coce en 1959.
Lâexposition « Germaine Richier » sera prĂ©sentĂ©e au MusĂ©e Fabre de Montpellier du 12 juillet au 5 novembre 2023, dans les lieux mĂȘmes oĂč Germaine Richier a fait ses premiers pas dâartiste. Commissariat gĂ©nĂ©ral : Michel Hilaire, conservateur gĂ©nĂ©ral du patrimoine, directeur du musĂ©e Fabre / Commissariat scientifique : Maud Marron-Wojewodzki, conservatrice du patrimoine, responsable des collections modernes et contemporaines du musĂ©e Fabre
Lâexposition et son catalogue sont dĂ©diĂ©s Ă la mĂ©moire de Françoise Guiter, niĂšce et Ă©lĂšve de Germaine Richier, qui a ĆuvrĂ© tout au long de sa vie Ă promouvoir et Ă documenter le travail de sa tante, oĂč lâon peut notamment citer lâexposition prĂ©sentĂ©e en 2006 Ă la Fondation Peggy Guggenheim de Venise.
#Publications
Germaine Richier, catalogue de lâexposition aux Ă©ditions du Centre Pompidou
Sous la direction dâAriane Coulondre assistĂ©e de Nathalie Ernoult avec la participation scientifique du musĂ©e Fabre. Ouvrage de rĂ©fĂ©rence sur lâartiste, le catalogue de lâexposition rĂ©unit des essais et une documentation inĂ©dite. Une anthologie de textes redonne la parole Ă lâartiste tandis quâune chronologie, richement illustrĂ©e et assortie dâextraits de correspondances inĂ©dites, restitue Ă la fois la singularitĂ© de son parcours et lâoriginalitĂ© de sa crĂ©ation. Ouvert Ă des regards contemporains, il offre Ă©galement une carte blanche Ă huit invitĂ©s (Orlan, Marie Darrieussecq, GeneviĂšve Fraisse, Philippe Lançon, etc.) dont les regards croisĂ©s tracent le portrait dâune extraordinaire personnalitĂ© du monde de lâart de lâaprĂšs-guerre.
Germaine Richier, lâalbum de lâexposition aux Ă©ditions du Centre Pompidou
Regards sur Germaine Richier aux Ă©ditions du Centre Pompidou â Textes critiques, Ă©dition Ă©tablie par Ariane Coulondre. RĂ©unissant 26 textes sur Germaine Richier, cette anthologie restitue la fascination que son oeuvre et sa personnalitĂ© exercĂšrent sur les milieux littĂ©raires dâaprĂšs-guerre. Aux articles signĂ©s dâĂ©minents Ă©crivains et critiques viennent sâajouter des tĂ©moignages qui rendent compte de la rĂ©vĂ©lation que constituait la visite de lâatelier parisien et ceux intimistes dâartistes qui frĂ©quentĂšrent Richier. Dâautres textes, enfin, viennent Ă©clairer la question de la postĂ©ritĂ© de lâoeuvre de Richier en France et Ă lâĂ©tranger, soulignant son impact sur toute une gĂ©nĂ©ration dâartistes.
Germaine Richier, La femme sculpture – Laurence Durieu / Olivia Sautreuil – Bayard Graphic en partenariat avec les Ă©ditions du Centre Pompidou