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“Hiroshige et l’éventail” au Musée national des arts asiatiques – Guimet, Paris, du 15 février au 29 mai 2023

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“Hiroshige et l’éventail”
Voyage dans le Japon du 19e siècle

au Musée national des arts asiatiques – Guimet, Paris

du 15 février au 29 mai 2023

Musée Guimet


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©Sylvain Silleran, présentation presse, le 14 février 2023.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), Le fleuve Fuji-kawa, Série Les fleuves sur la route du Tōkaidō, Vers 1849-1851, éditeur Kojimaya Jūbei, 22 x 29 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), Le fleuve Fuji-kawa, Série Les fleuves sur la route du Tōkaidō, Vers 1849-1851, éditeur Kojimaya Jūbei, 22 x 29 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), Le repiquage du riz à Fuchū, 1836, éditeur Ibaya Kyūbei, 22,8 x 28,5 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), Le repiquage du riz à Fuchū, 1836, éditeur Ibaya Kyūbei, 22,8 x 28,5 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), Ukiyo Matahei, Série Collection d’artisans célèbres : le peintre, Vers 1844-1846, éditeur Ibaya Kyūbei, 22 x 28,8 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), Ukiyo Matahei, Série Collection d’artisans célèbres : le peintre, Vers 1844-1846, éditeur Ibaya Kyūbei, 22 x 28,8 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.

Texte de Sylvain Silleran

Utagawa Hiroshige (1797-1858), Sans titre [Pin sous la pleine lune, à travers un store], Vers 1849-1852, éditeur Sanoya Kihei, 23,5 x 30,2 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), Sans titre [Pin sous la pleine lune, à travers un store], Vers 1849-1852, éditeur Sanoya Kihei, 23,5 x 30,2 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), Saigū no nyōgo, Série Les Trente-six génies féminins de la poésie, Vers 1843-1846, éditeur Enshūya Matabei, 23,3 x 29,2 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), Saigū no nyōgo, Série Les Trente-six génies féminins de la poésie, Vers 1843-1846, éditeur Enshūya Matabei, 23,3 x 29,2 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), Le message de l’hirondelle, 1853, éditeur Kitaya Magobei, 22,4 x 28,4 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), Le message de l’hirondelle, 1853, éditeur Kitaya Magobei, 22,4 x 28,4 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), Sans titre [La fête de Gion à Kyōto], 1858, éditeur Sagamiya Kyūzō (?), 23,8 x 28,7 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), Sans titre [La fête de Gion à Kyōto], 1858, éditeur Sagamiya Kyūzō (?), 23,8 x 28,7 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), La fête de Tanabata à Yushima, Série Festivités annuelles dans les sites célèbres d’Edo, Vers 1837-1844, éditeur inconnu, 21,5 x 28,4 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), La fête de Tanabata à Yushima, Série Festivités annuelles dans les sites célèbres d’Edo, Vers 1837-1844, éditeur inconnu, 21,5 x 28,4 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.

La collection Lescowicz d’estampes sur éventails montre sous un angle nouveau et inattendu la richesse de l’œuvre de Hiroshige. Le travail du maître, ces œuvres si fines, précises, trônant avec prestige dans les musées se retrouve ici sur de banals éventails. L’éventail frêle de bambou et de papier très fin était utilisé tout l’été, finissant ses jours abîmé et jeté. Un objet de consommation courante en quelque sorte, produit en grandes séries et diffusé dans tout le pays par éditeurs et marchands.

L’éventail sert au départ comme objet publicitaire, s’ornant de portraits d’acteurs de théâtre, des célébrités. Rapidement, le paysage, les petites scènes s’imposent, utilisant ce support pour faire un voyage dans le Japon du XIXéme siècle. Les huit vues d’Ômi: une sente de montagne enneigée où peine un voyageur, une baie où s’envolent des oies sauvages tandis qu’au fond, des sommets émergent de la brume sont de merveilleux instantanés. Le paysage est vivant, il suit le rythme des saisons. Des marchands cheminent le long d’un alignements de pins, se dirigeant vers un château; dans un temple, un immense pin fait partie de l’attraction touristique, ses branches lourdes soutenues par des dizaines de poteaux.

Des courtisanes admirent des iris. La composition est parfaite, la clôture de bambou barre l’éventail d’une diagonale, séparant le petit étang où se reflète le ciel et les promeneuses sur leur chemin. Sur un chemin de halage un homme tire une barque avec une corde, l’embarcation est hors-champ, on n’en voit que la proue, mais le mouvement est tel qu’on s’attend à la voir défiler. En ville les lignes de fuite de la perspective font fuir murs et cloisons. La profondeur ainsi créée met en scène les personnages comme au théâtre. C’est de la littérature, l’éventail illustre romans et contes. Des femmes lisent des messages de bonne aventure, un oracle divinatoire, d’autres posent sur des terrasses, devant des paysages de bord de mer, des montagnes. Ici elles contemplent la coiffe cotonneuse des cerisiers en fleurs, là, moins sages, elles jouent à un jeu à boire.

L’hiver, le blanc du papier en réserve devient neige, le vide devenu plein. Le fleuve Sumida couleur indigo fait comme une tache inopportune au milieu d’un blanc qui a tout recouvert: arbres, toiture, chapeaux, vêtements, barque. Du dessin ne subsistent que quelques traits incomplets, presque des pointillés, tus dans ce grand silence hivernal. Le repiquage du riz se fait dans une monochromie bleue, l’heure découpe les hommes et les arbres en ombres plates, fantomatiques, deux grues s’envolent.

Des images sont parodiques, avec des guerriers loufoques et moqueurs dont un avale son riz avec gloutonnerie. Ce sont des scènes de pièces de théâtre où même les divinités se travestissent. Les Marchands prospères du quartier des musiciens vendent, qui de la nourriture, qui des petits objets, des jouets, des amulettes. On attend le prochain festival et son animation. Des voyageurs arrivés au Pavillon du Grand Bouddha de Kyoto sont l’occasion de peindre une scène burlesque, l’un qui a tenté de passer par l’ouverture dans un des piliers du temple reste coincé et doit être tiré par ses compagnons.

Des motifs de fleurs fleurs sauvages au bord d’un chemin, des chrysanthèmes du jardin. Un oiseau accroché à une branche de glycine ou se balançant au gré de la brise sur une tige de bambou, Hiroshige tente mille styles. Des bambous en nuances de gris ont des formes sans contours très avant-gardistes, un zostérops stylisé se confond avec les fruits de plaqueminier. Un lapin sous la lune est juste un aplat minimaliste, une forme ronde et simple qui se découpe sur le bleu de la nuit.

Tous ces instant contemplatifs ont la simplicité des haïkus et leur puissance poétique. Un store a été relevé pour regarder une blanche de pin devant la fenêtre. La nature prend des accents nostalgiques. Des nobles au bord de l’eau goûtent la fraicheur des rivières, empruntent des chemins bordés de cerisiers en fleurs. Un poète retient son chapeau dans une bourrasque de vent faisant ployer les roseaux. Et dans son atelier, le peintre travaille. Au mur sont accrochées ses célèbres images: une jeune fille à la glycine, un fauconnier, un démon. Hiroshige n’a pas fini de peindre ses poèmes.


Sylvain Silleran

Utagawa Hiroshige (1797-1858), Le fleuve Tone-gawa à Kōnodai, province de Shimōsa, Vers 1849-1851, éditeur inconnu, 22 x 27 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), Le fleuve Fuji-kawa, Série Les fleuves sur la route du Tōkaidō, Vers 1849-1851, éditeur Kojimaya Jūbei, 22 x 29 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), La rivière Takino-gawa, Série Tournée des cascades d’Ōji dans la capitale de l’Est, Vers 1849-1852, éditeur Kakutsuji (Iseya Ichiemon), 22,8 x 28,8 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.
Utagawa Hiroshige (1797-1858), La rivière Takino-gawa, Série Tournée des cascades d’Ōji dans la capitale de l’Est, Vers 1849-1852, éditeur Kakutsuji (Iseya Ichiemon), 22,8 x 28,8 cm. © Fundacja Jerzego Leskowicza / Dominique Baliko.

Extrait du communiqué de presse :

Commissariat :
Christophe Marquet, directeur d’études à l’École française d’Extrême-Orient





Le musée Guimet présente pour la première fois en France un ensemble unique d’estampes d’Utagawa Hiroshige (1797-1858) destinées à orner des éventails. Réalisées entre les années 1830 et 1850, elles comptent parmi les plus rares et les plus élaborées de l’oeuvre de l’artiste, l’un des derniers grands imagiers du Japon de l’époque d’Edo. Ces feuilles d’éventails révèlent l’inventivité graphique et la diversité de son travail, depuis les sites célèbres de la ville d’Edo et les paysages de provinces japonaises, jusqu’aux subtiles compositions de fleurs et d’oiseaux, en passant par les portraits féminins, les scènes historiques, littéraires ou les images parodiques. Les oeuvres exposées proviennent de la Fondation Georges Leskowicz, qui possède l’une des plus belles collections de ce genre au monde.

Accessoire saisonnier et éphémère, l’éventail plat en bambou (uchiwa) se popularisa au Japon à l’époque d’Edo (1603-1868) et devint l’un des supports d’expression de la créativité des maîtres de l’école picturale japonaise ukiyo-e. D’abord vendus pendant l’été par des colporteurs ou dans des échoppes provisoires à l’occasion de fêtes, les éventails d’Edo furent proposés à partir de la fin du 18e siècle à la devanture des marchands d’estampes et de livres illustrés, lorsqu’ils commencèrent à être signés par des artistes célèbres. Objets jetables, ces éventails ont pour la plupart disparu ; les estampes qui nous sont parvenues, non découpées et dans leur premier tirage, sont celles qui ne furent jamais montées sur leur armature, préservées par les éditeurs d’estampes ou les collectionneurs. Beaucoup de ces oeuvres sont aujourd’hui uniques ou conservées en de très rares exemplaires de par le monde.

Hiroshige réalisa plus de six cent cinquante estampes destinées à orner cet accessoire du quotidien. L’exposition présentée au 2e étage du musée Guimet invite à découvrir la grande créativité graphique ainsi que les thèmes de prédilection de l’artiste, à travers une sélection de quelque quatre-vingt-dix oeuvres, parmi les plus belles de la Collection Georges Leskowicz, la plus importante collection privée de feuilles d’éventails de Hiroshige.

Parmi les oeuvres exposées, certaines dépeignent des sites célèbres de la ville d’Edo (aujourd’hui Tokyo). On y découvre des vues urbaines, jardins d’agrément, temples, lieux de distraction et d’excursion, ainsi que le « quartier des plaisirs » de Yoshiwara. Ces représentations sont marquées par les saisons, par des moments particuliers de la journée, des rituels ou des fêtes, et toujours animées de personnages, souvent féminins. Les paysages des provinces du Japon décrivent, avec une grande fidélité documentaire, des stations thermales, vues maritimes, lieux de pèlerinage, ou encore la traversée de fleuves qui fournissent autant de scènes pittoresques. « Le monde des plaisirs » et les sujets fictionnels à la mode appréciées par le public populaire d’Edo sont aussi illustrés sur les éventails de Hiroshige, avec une grande variété de sujets : personnages féminins élégants, dans leur cadre quotidien ou associés à des sites célèbres, thèmes littéraires, classiques ou issus du répertoire contemporain du théâtre kabuki, voire du roman burlesque. Enfin, les thèmes bucoliques composés de fleurs, végétaux, oiseaux et animaux occupent également une place importante parmi les estampes présentées.


Publication
Hiroshige et l’éventail. Voyage dans le Japon du XIXe siècle, coédition MNAAG / RMN-GP

 

 

 

 

L’exposition

Hiroshige et l’éventail. Voyage dans le Japon du 19e siècle
Utagawa Hiroshige (1797-1858) est l’un des derniers grands imagiers du Japon de l’époque d’Edo (1603-1868). Il est célèbre pour ses séries sur les routes du Tôkaidô et du Kisokaidô, grâce auxquelles il introduisit le paysage dans l’estampe au début des années 1830, de pair avec Hokusai. Hiroshige mit aussi son talent au service de l’éventail, en réalisant plus de six cent cinquante illustrations destinées à orner cet accessoire du quotidien en bambou. Les éventails montés ont disparu, à quelques exceptions près, et ne subsiste de cet art éphémère qu’une partie des feuilles, non découpées et miraculeusement préservées par des éditeurs d’estampes ou des collectionneurs. Cette exposition présente une sélection des oeuvres réunies par la fondation Jerzy Leskowicz à Paris, qui possède la plus importante collection privée de feuilles d’éventails de Hiroshige. Beaucoup de ces estampes sont aujourd’hui uniques ou conservées en de très rares exemplaires de par le monde. Après une introduction à l’art de l’éventail plat (uchiwa), le parcours conduit à découvrir les thèmes de prédilection de Hiroshige, depuis les sites célèbres de la ville d’Edo et les paysages des provinces du Japon, jusqu’aux compositions de fleurs et d’oiseaux, en passant par les portraits féminins, les scènes historiques, littéraires et les images parodiques. Ces feuilles d’éventails d’une grande inventivité graphique, réalisées entre le milieu des années 1830 et la fin des années 1850, révèlent de nouvelles facettes de l’oeuvre de Hiroshige.

La confection de l’éventail plat
Cet ensemble d’estampes de Hiroshige est destiné à des éventails plats (uchiwa) typiques de la région d’Edo (aujourd’hui Tokyo). La confection de ces éventails nécessite plus d’une vingtaine d’étapes. Le manche et l’armature sont réalisés à partir d’une seule canne de bambou d’un diamètre de 1,5 cm et d’une longueur de 35 cm, un matériau choisi pour sa légèreté et sa robustesse. Cette canne est fendue verticalement pour former entre soixante et quatre-vingts brins. Le manche rond a une longueur d’une dizaine de centimètres. Une ouverture latérale y est percée pour faire passer une fine tige de bambou de renfort en forme d’arc de cercle, qui constitue la partie basse de l’éventail. L’encoche au bas de la feuille d’éventail laisse visible ce tressage du bambou et participe à l’esthétique de l’objet. Cette structure d’un seul tenant assure à la fois la solidité de l’éventail et sa souplesse. Ces éventails d’Edo ont majoritairement un format en ellipse — adapté à celui des estampes —, et plus rarement en trapèze, sans encoche à la base, avec un manche plat. Les deux faces sont recouvertes d’estampes dont les thèmes se répondent ou qui sont indépendantes, le revers étant imprimé avec peu de couleurs et dans des teintes légères.

Le commerce des éventails
Les éventails d’Edo furent d’abord vendus à la criée, par de jeunes colporteurs qui les transportaient dans des hottes ou enfilés sur deux tiges de bambou. À partir de la fin du 18e siècle, lorsqu’ils furent signés par des artistes célèbres, ils commencèrent à être proposés à la devanture des marchands d’images, à côté des estampes et des livres illustrés. Ces accessoires saisonniers étaient également vendus pendant l’été dans des échoppes provisoires, lors des fêtes, ou sur des étals de rue. Jusqu’à la fin du 18e siècle, leur prix était modeste, de 12 à 16 mon, équivalent à un bol de nouilles. Les plus chers étaient les portraits d’acteurs des pièces de théâtre kabuki à succès. La production des éventails imprimés se poursuivit à l’époque de Meiji (1868-1912). Ils devinrent alors un produit d’exportation et fascinèrent les artistes européens, notamment les impressionnistes, comme Whistler ou Monet, qui reproduisirent cet objet exotique dans leurs tableaux japonisants à partir des années 1860.

L’éventail dans l’estampe japonaise
L’éventail plat (uchiwa) apparaît fréquemment dans l’estampe japonaise à partir du 18e siècle, chez Harunobu notamment, comme un accessoire essentiellement féminin et élégant, dans des scènes estivales dont il est un marqueur de saison, en particulier du sixième mois, le plus chaud de l’année. Il est d’abord orné d’un blason ou d’un motif décoratif imprimé, souvent végétal. Outre sa fonction première qui est de rafraîchir, l’éventail servait aussi à des tâches domestiques ou lors de divertissements estivaux, comme la chasse aux lucioles, pour capturer les insectes luminescents, tel que l’a représenté Utamaro. Les portraits réalistes d’acteurs de théâtre kabuki, dans leur rôle favori, constituent un motif majeur des éventails à partir de la fin du 18e siècle et surtout dans la première moitié du 19e siècle. Des estampes de Hokushû et de Kunisada représentent ce type d’éventail circulaire qui sert de support à des portraits en trompe-l’oeil.

Sites célèbres d’Edo
Hiroshige, qui doit sa réputation à ses estampes paysagères à partir des années 1830, a représenté dans ses oeuvres pour éventails les « sites célèbres » (meisho) de la ville Edo (aujourd’hui Tokyo), métropole de plus d’un million d’habitants à cette époque, dont il était originaire et où il passa toute sa vie. On découvre dans ses feuilles pour éventails des vues urbaines, des jardins d’agrément, des temples, des restaurants, ainsi que le quartier des plaisirs de Yoshiwara. Ces représentations marquées par les saisons, des moments particuliers de la journée, des rituels ou des fêtes, sont toujours animées de personnages, souvent féminins. La Sumida, le fleuve qui borde la ville à l’est, où étaient tirés des feux d’artifice en été, ou les environs du « grand Edo », sont d’autres lieux de distraction et d’excursion des citadins, notamment à la saison des cerisiers en fleur. Beaucoup de ces paysages sont déclinés dans des séries de trois, quatre, cinq et jusqu’à huit vues.

Paysages des provinces
Avec les vues de sites célèbres de la ville d’Edo, les paysages des provinces du Japon représentent plus de la moitié des sujets connus des feuilles d’éventails de Hiroshige. Ces estampes sont le pendant des séries que l’artiste consacra, à partir des années 1830, aux grandes routes de communication du Tôkaidô et du Kisokaidô, qui menaient d’Edo à la capitale impériale, Kyoto. Hiroshige a représenté, avec une grande fidélité documentaire, des sites qu’il avait lui-même parcourus et dessinés sur le motif. Stations thermales comme Hakone, sites de pèlerinage comme Enoshima, Ôyama et Ise, ou traversées de fleuves fournissent autant de scènes pittoresques. Vues maritimes et sites lacustres font l’objet de séries parmi les plus remarquables, comme celle des « Huit vues d’Ômi » autour du lac Biwa, dont seuls deux exemplaires complets sont connus. Kyoto, ses sites remarquables comme Arashiyama, ou sa célèbre fête estivale de Gion, fournissent d’autres thèmes particulièrement adaptés aux éventails.

Du monde des plaisirs à la fiction
Les éventails de Hiroshige représentent, outre des paysages, une grande variété de sujets, à commencer par des personnages féminins élégants, dans leur cadre quotidien ou associés à des sites célèbres. L’artiste y illustre aussi des thèmes littéraires, classiques ou issus du répertoire contemporain du théâtre kabuki, voire du roman burlesque. Ces images font écho à des oeuvres fictionnelles à la mode appréciées par le public populaire d’Edo. Certains éventails à thème parodique reposent sur un procédé ludique de « transposition » (mitate) qui fait appel à des références historiques et littéraires, où la dimension humoristique est souvent présente.

Fleurs, oiseaux et animaux
Les éventails sur les thèmes des fleurs, des végétaux, des oiseaux et des animaux occupent une place importante dans l’oeuvre de Hiroshige, avec environ quatrevingt-dix oeuvres connues. L’artiste leur consacra par ailleurs plusieurs centaines d’estampes. Ces sujets apparaissent dès les débuts de Hiroshige dans ce genre, dans les années 1830. On y trouve les feuilles d’éventails parmi les plus élaborées graphiquement, présentant un grand nombre de couleurs et de nuances, ce qui en fit des oeuvres particulièrement recherchées et pour certaines aujourd’hui rarissimes, sinon uniques.