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“Marine Hugonnier“
Le cinĂ©ma Ă  l’estomac

au Jeu de Paume, Paris

du 8 juin au 18 septembre 2022

Jeu de Paume



Interview de Marine Hugonnier, par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 7 juin 2022, durĂ©e 25’58.© FranceFineArt. (Marta Ponsa et Marine Hugonnier)

PODCAST –  Interview de Marine Hugonnier,


par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 7 juin 2022, durĂ©e 25’58.
© FranceFineArt.
(Marta Ponsa et Marine Hugonnier)

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©Anne-Fréderique Fer, vernissage presse, le 7 juin 2022.

Marine HUGONNIER, Cinetracts 037 (Summer), 2022. VidĂ©o HD. © Alix Hugonnier, La Nuit de la honte, place de la RĂ©publique, Paris, 23 novembre 2020. Produit avec le soutien du Jeu de Paume. Courtesy de l’artiste. © Marine Hugonnier.
Marine HUGONNIER, Cinetracts 037 (Summer), 2022. VidĂ©o HD. © Alix Hugonnier, La Nuit de la honte, place de la RĂ©publique, Paris, 23 novembre 2020. Produit avec le soutien du Jeu de Paume. Courtesy de l’artiste. © Marine Hugonnier.

Extrait du communiqué de presse :



Marine HUGONNIER, Desire Is Not Much, but Nonethless..., 2015. En collaboration avec Michael Newman. Film 16 mm et animation en images de synthĂšse Noir et blanc et couleur Courtesy de l’artiste et de la Marian Goodman Gallery. © Marine Hugonnier.
Marine HUGONNIER, Desire Is Not Much, but Nonethless
, 2015. En collaboration avec Michael Newman. Film 16 mm et animation en images de synthĂšse Noir et blanc et couleur Courtesy de l’artiste et de la Marian Goodman Gallery. © Marine Hugonnier.
Marine HUGONNIER, Death of an Icon, 2005. Film 16 mm. Couleur et son Courtesy de l’artiste. © Marine Hugonnier.
Marine HUGONNIER, Death of an Icon, 2005. Film 16 mm. Couleur et son Courtesy de l’artiste. © Marine Hugonnier.
Marine HUGONNIER, Apicula Enigma, 2013. Film 16 mmCouleur et son Courtesy de l’artiste et de Nogueras Blanchard, Madrid, Barcelone. © Marine Hugonnier.
Marine HUGONNIER, Apicula Enigma, 2013. Film 16 mmCouleur et son Courtesy de l’artiste et de Nogueras Blanchard, Madrid, Barcelone. © Marine Hugonnier.
Marine HUGONNIER, Cinetract 032 (Winter), 2019. Video HD. © FrĂ©dĂ©ric Pacorel et le MusĂ©e ocĂ©anographique de Monaco. © 100% Beefcock et The Titsbursters. Courtesy de l’artiste. © Marine Hugonnier.
Marine HUGONNIER, Cinetract 032 (Winter), 2019. Video HD. © FrĂ©dĂ©ric Pacorel et le MusĂ©e ocĂ©anographique de Monaco. © 100% Beefcock et The Titsbursters. Courtesy de l’artiste. © Marine Hugonnier.
Marine HUGONNIER, Towards Tomorrow (International Date Line, Alaska), 2001. Tirage Lambda montĂ© sur aluminium. Courtesy de l’artiste. © Marine Hugonnier.
Marine HUGONNIER, Towards Tomorrow (International Date Line, Alaska), 2001. Tirage Lambda montĂ© sur aluminium. Courtesy de l’artiste. © Marine Hugonnier.
Marine HUGONNIER, Antonio Negri, 2020. Film 35mm. Couleur et son. Courtesy de l’artiste. © Marine Hugonnier.
Marine HUGONNIER, Antonio Negri, 2020. Film 35mm. Couleur et son. Courtesy de l’artiste. © Marine Hugonnier.
Marine HUGONNIER, Meadow Report, 2021. Film 35mm. Couleur et son. Courtesy de l’artiste. © Marine Hugonnier.
Marine HUGONNIER, Meadow Report, 2021. Film 35mm. Couleur et son. Courtesy de l’artiste. © Marine Hugonnier.

Commissaire : Marta Ponsa



À l’étĂ© 2022, le Jeu de Paume ouvre ses portes Ă  Marine Hugonnier pour sa premiĂšre grande exposition en France. L’exposition rĂ©unira une sĂ©lection d’oeuvres reprĂ©sentatives de son approche artistique depuis ses dĂ©buts en 1998.

Depuis vingt ans, le travail de Marine Hugonnier opĂšre une lecture critique de la complicitĂ© que les conventions de la reprĂ©sentation entretiennent avec les idĂ©ologies politiques. Concevant sa pratique comme une recherche sur les politiques du regard, elle tente de mettre au jour les mĂ©canismes de pouvoir qui les sous-tendent en cette Ă©poque de spectacularisation gĂ©nĂ©ralisĂ©e qui est la nĂŽtre. L’artiste franco-britannique s’attache ainsi Ă  rendre compte de ce qui façonne les images pour mettre en question l’empreinte qu’exercent le colonialisme, le capitalisme et le patriarcat sur tout appareil de captation et de restitution dans nos sociĂ©tĂ©s occidentales.

HabitĂ©e par le sentiment d’ĂȘtre toujours une Ă©trangĂšre en raison des diffĂ©rents pays dans lesquelles elle a vĂ©cu, elle est animĂ©e par la volontĂ© de dĂ©construire le cadre culturel qui modĂšle notre regard pour en imaginer un autre qui soit Ă©mancipateur et non aliĂ©nĂ©.

CinĂ©aste avant tout, Hugonnier a souvent voyagĂ© avec sa camĂ©ra Aaton, filmant en marchant et vice versa, empruntant la posture d’une reporter ou d’une ethnographe afin de brouiller dĂ©libĂ©rĂ©ment le statut de l’artiste.

AprĂšs des Ă©tudes de philosophie et d’anthropologie, Hugonnier participe Ă  la numĂ©risation de la photothĂšque du musĂ©e de l’Homme, ce qui lui donne accĂšs aux clichĂ©s des expĂ©ditions ethnographiques de Jean-Baptiste Charcot, DĂ©sirĂ© Charnay, Paul-Émile Miot et Claude LĂ©vi-Strauss. L’étude de cette documentation sera dĂ©terminante quant Ă  la dĂ©finition des enjeux majeurs de son travail : une attention portĂ©e Ă  la matĂ©rialitĂ© des images et un intĂ©rĂȘt particulier Ă  interroger la distance qui sĂ©pare l’observateur de l’observĂ© afin d’éviter l’écueil d’une instrumentalisation du monde par les images.

Cette dĂ©marche discursive s’est traduite par une thĂšse intitulĂ©e Mapping the Politics of Vision: Searching for a Transformative Gaze [Cartographier les politiques du regard. À la recherche d’un regard transformatif], que l’artiste mĂšne au Centre de recherche du cinĂ©ma expĂ©rimental et documentaire de l’universitĂ© de Westminster Ă  Londres et qu’elle soutient en mars 2021.

Sa deuxiĂšme expĂ©rience fondatrice a lieu en 1990 lorsqu’elle effectue un stage au Centre Pompidou Ă  l’occasion de l’exposition « Passages de l’image ». Hugonnier se trouve alors en contact avec les oeuvres, entre autres, de Jeff Wall, Gary Hill et Michael Snow, mais c’est Chris Marker et son Zapping Zone (Proposals for an Imaginary Television) qui la marquera le plus durablement. Cette installation multimĂ©dia, constituĂ©e d’une collection d’images, de logiciels informatiques et de fragments de vidĂ©os d’origines diverses, critique l’attitude passive des tĂ©lĂ©spectateurs devant une reprĂ©sentation chaotique du monde globalisĂ© et mĂ©diatisĂ©.

Le cinĂ©ma Ă  l’estomac est sa premiĂšre grande exposition en France. Elle emprunte Ă  Julien Gracq une partie du titre de son pamphlet La LittĂ©rature Ă  l’estomac, publiĂ© en 1950. Sachant que Gracq mĂ©prisait le cinĂ©ma, cela peut paraĂźtre curieux. Pourtant, c’est en jetant le discrĂ©dit et le doute sur les images qu’Hugonnier parvient Ă  les reconsidĂ©rer. Car selon elle, faire des images et du cinĂ©ma est une affaire dĂ©licate qui nĂ©cessite une rĂ©flexion sur ses implications Ă©conomiques, techniques et idĂ©ologiques. Aussi la cinĂ©matographie joue-t-elle un rĂŽle important dans sa pratique, exigeant une maĂźtrise de tous les Ă©lĂ©ments mobilisĂ©s dans la fabrication d’une image pour mieux en apprĂ©hender les rouages. La tension fructueuse entre l’illusion et la matĂ©rialitĂ© du film s’inscrit au coeur de son approche, marquĂ©e par un dĂ©sir qui lui tient au ventre et lui vient des tripes de formuler un autre cinĂ©ma, un autre rĂ©gime d’images.

C’est aimer les images et le cinĂ©ma que de douter d’eux, c’est entretenir une relation passionnelle avec eux que de leur interdire d’ĂȘtre informatifs. La filmographie d’Hugonnier comporte ainsi des films non rĂ©alisĂ©s, qu’elle appelle des ghost films [films fantĂŽmes] et qu’elle considĂšre comme participant Ă  l’articulation de son travail. Cela dĂ©crit l’essentiel de son rapport aux images, auxquelles elle confĂšre le pouvoir de restituer des idĂ©es, des sentiments, sans avoir Ă  les rĂ©aliser ni Ă  les montrer.

Si elle commence dans les annĂ©es 2000 par des films qui Ă©tablissent un champ critique autour du regard militaire, du regard touristique et du regard dominant avec la Trilogie composĂ©e par Ariana (2003), The Last Tour (2004) et Travelling Amazonia (2006), les films de deux dĂ©cennies suivantes, dont Death of an Icon (2005), May 13, 1968 (2011), Apicula Enigma (2013), Desire Is Not Much, but Nonetheless
 (2015), Cinetracts (2012-2022), La Vijanera (2019), Antonio Negri (2020), Meadow Report (2021), tour Ă  tour explorent la possibilitĂ© de reprĂ©senter le regard non-humain, livrent une critique de l’hĂ©tĂ©ronormativitĂ© et Ă©tudient le dĂ©mantĂšlement des structures du pouvoir.

La sĂ©lection des oeuvres autant que la scĂ©nographie de l’exposition explorent la notion de climat dans ses diffĂ©rentes acceptions : politique, sociale, mĂ©tĂ©orologique ou plus largement mĂ©taphorique. Le parcours Ă©tablit un dialogue entre les diffĂ©rentes significations de ce mot polysĂ©mique et permet une expĂ©rience unique Ă  l’occasion de chaque visite. Ce mot clĂ©, pourtant galvaudĂ© dans le langage commun contemporain, est un fil conducteur qui permet de penser les espaces de maniĂšre dynamique et d’y tenter des expĂ©rimentations.

La lumiĂšre naturelle, variable en fonction du moment de la journĂ©e, est privilĂ©giĂ©e, permettant une temporalisation de l’espace de l’exposition. La restauration en direct d’une copie de Louis Maisonneuve de La LibertĂ© guidant le peuple d‘EugĂšne Delacroix se fait ainsi Ă  la lumiĂšre d’un soleil d’étĂ© et permet de confronter la surface du tableau mise Ă  nu pendant ce processus Ă  l’atmosphĂšre actuelle. Programme mĂ©tĂ©o propose la diffusion en temps rĂ©el de l’image du ciel au-dessus du centre d’art. L’artiste y ajoute chaque jour quelques lignes de sous-titres faisant rĂ©fĂ©rence au climat social et mĂ©tĂ©orologique, tandis que Flower embaume les salles avec des fleurs qui paraissent Ă©ternellement fraĂźches. Une sĂ©lection de films 35 mm et 16 mm sont projetĂ©s en boucle de sorte que le travail des images nĂ©cessaire Ă  leur perception, d’ordinaire dissimulĂ©, s’offre au regard.

Cette volontĂ© de rendre le prĂ©sent tangible Ă©tait un dĂ©fi technique qui n’a pu ĂȘtre relevĂ© que grĂące Ă  l’implication essentielle de l’équipe du Jeu de Paume ainsi qu’à la mobilisation des compĂ©tences de partenaires extĂ©rieurs.

Quelques mois avant l’ouverture de cette exposition a eu lieu l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes, un Ă©vĂ©nement historique de trĂšs grande importance aux consĂ©quences encore inconnues. Marine Hugonnier dĂ©cide de consacrer son nouveau film Ă  ce conflit et Ă©galement d’organiser une collecte de vivres et de mĂ©dicaments auprĂšs de l’équipe du Jeu de Paume, des autres coproducteurs et collaborateurs de ce projet ainsi que de ses proches. Cette initiative devient alors une entreprise collective.

Il s’agit pour l’artiste de faire un cinĂ©ma qui ne se contente pas de dĂ©peindre une rĂ©alitĂ©, mais qui en crĂ©e une. Dispatch from Przemyƛl (Notes from a Democratic Europe) est rĂ©alisĂ© le vingt et uniĂšme jour de la guerre. Par le biais d’interviews et de plans-sĂ©quences, ce film inscrit dans les sels d’argent de la pellicule le souffle de ceux qui arrivent dans cette gare du sud-est de la Pologne et de ceux qui retournent se battre en Ukraine. Fragile et intense, rĂ©alisĂ© dans l’urgence, il se conçoit en mĂȘme temps qu’il se crĂ©e, avec la volontĂ© d’ĂȘtre autant tĂ©moin qu’acteur et de documenter les formes de rĂ©sistance et de solidaritĂ© civile. L’équipe trouvera sur place le moyen de faire rentrer en Ukraine les 30 kilos de dons qui seront ainsi emportĂ©s directement dans la ville de Tchernihiv, assiĂ©gĂ©e par les forces russes.

Participant de ce mĂȘme Ă©lan, le travail d’Hugonnier rĂ©vĂšle un dĂ©vouement au service des images et du cinĂ©ma et une pratique qui repose sur le postulat que toute crĂ©ation artistique est un acte subversif et sĂ©ditieux. La lecture de ses travaux nous invite Ă  rĂ©apprendre Ă  regarder, en un geste engagĂ©, en nous proposant d’envisager la crĂ©ation d’un autre type d’images, d’un autre cinĂ©ma et donc peut-ĂȘtre Ă  terme d’un autre monde.

Marta Ponsa, commissaire