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“Giovanni Bellini” au Musée Jacquemart-André, Paris, du 3 mars au 17 juillet 2023

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“Giovanni Bellini” Influences croisées

au Musée Jacquemart-André, Paris

du 3 mars au 17 juillet 2023

Musée Jacquemart-André


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©Sylvain Silleran, présentation presse, le 2 mars 2023.

Texte de Sylvain Silleran

Giovanni Bellini, La Vierge et l’Enfant entourés de saint Jean-Baptiste et d’une sainte (Sainte Conversation Giovanelli), vers 1500, tempera et huile sur bois, 54 x 76 cm, Galleria dell’Accademi
Giovanni Bellini, La Vierge et l’Enfant entourés de saint Jean-Baptiste et d’une sainte (Sainte Conversation Giovanelli), vers 1500, tempera et huile sur bois, 54 x 76 cm, Galleria dell’Accademi
Giovanni Bellini, Sainte Justine, vers 1470, tempera sur bois, 128,4 x 54,5 cm, Museo Bagatti Valsecchi, Milan. Photo © Electa / Bridgeman Images.
Giovanni Bellini, Sainte Justine, vers 1470, tempera sur bois, 128,4 x 54,5 cm, Museo Bagatti Valsecchi, Milan. Photo © Electa / Bridgeman Images.
Giovanni Bellini, La Dérision de Noé, vers 1513-1515, huile sur toile, 103 x 157 cm, Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, Besançon. © Besançon, musée des beaux-arts et d’archéologie – Photographie C2RMF Thomas Clot.
Giovanni Bellini, La Dérision de Noé, vers 1513-1515, huile sur toile, 103 x 157 cm, Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, Besançon. © Besançon, musée des beaux-arts et d’archéologie – Photographie C2RMF Thomas Clot.
Giovanni Bellini, Christ mort soutenu par deux anges, vers 1470-1475, tempera et huile (?) sur bois, 82,9 cm • 66,9 cm, Gemäldegalerie, Berlin. © Staatliche Museen zu Berlin, Gemäldegalerie / Christoph Schmidt; Public Domain Mark 1.0.
Giovanni Bellini, Christ mort soutenu par deux anges, vers 1470-1475, tempera et huile (?) sur bois, 82,9 cm • 66,9 cm, Gemäldegalerie, Berlin. © Staatliche Museen zu Berlin, Gemäldegalerie / Christoph Schmidt; Public Domain Mark 1.0.
Giovanni Bellini, La Vierge et l’Enfant entourés de saint Jean-Baptiste et d’une sainte (Sainte Conversation Giovanelli), vers 1500, tempera et huile sur bois, 54 x 76 cm, Galleria dell’Accademia, Venise. © G.A.V.E Archivio fotografico – su concessione del Ministero della Cultura.
Giovanni Bellini, La Vierge et l’Enfant entourés de saint Jean-Baptiste et d’une sainte (Sainte Conversation Giovanelli), vers 1500, tempera et huile sur bois, 54 x 76 cm, Galleria dell’Accademia, Venise. © G.A.V.E Archivio fotografico – su concessione del Ministero della Cultura.
Antonello de Messine, Portrait d’un jeune homme, 1478, huile sur panneau de noyer, 20,4 x 14,5 cm, Gemäldegalerie, Staatliche Museen, Berlin. Photo : © Staatliche Museen zu Berlin, Gemäldegalerie / Christoph Schmidt; Public Domain Mark 1.0.
Antonello de Messine, Portrait d’un jeune homme, 1478, huile sur panneau de noyer, 20,4 x 14,5 cm, Gemäldegalerie, Staatliche Museen, Berlin. Photo : © Staatliche Museen zu Berlin, Gemäldegalerie / Christoph Schmidt; Public Domain Mark 1.0.

Dans une architecture classique de marbre, la Vierge reçoit la visite de l’archange Gabriel. Tout n’est que colonnes, frises, dallages. Un tout petit bout de paysage et de ciel se découpe dans un rectangle entre les bâtiments, une minuscule fenêtre dans le tableau. L’Annonciation de Gentile Bellini appartient à une tradition dont son frère Giovanni va s’affranchir. Sa Vierge à l’Enfant en trône allie une texture douce, poudreuse, intimiste, à une majesté de reine, drapée d’un bleu doublé d’or qui cascade jusqu’au sol. L’Enfant nu, debout sur le genou de sa mère règne déjà silencieusement sur le monde.



Puisant ses influences dans l’art byzantin, Giovanni Bellini peint quelques magnifiques
Vierge à l’Enfant auréolées d’or. Ses Madones on le regard mélancolique, les yeux baissés, elles s’absorbent dans la dévotion maternelle. Mais sous la grâce de leurs doigts délicats, cette élégance dont seule la Renaissance a été capable, l’Enfant se lève, la Vierge nous regarde alors. Les mains qui portaient l’enfant l’entourent à présent, l’accompagnent et le protègent. Dans un coin, une pomme est posée, nous racontant une autre histoire.



L’école du Nord a également une influence très forte. Son
Christ bénissant trouve sa place entre celui de Hans Memling au réalisme saisissant de douleur et un Christ de Mantegna. Le Triptyque de la Vanité terrestre et de la Rédemption céleste de Memling a le pouvoir narratif et symbolique d’un jeu de tarot. Une femme se laisse sombrer, nue, dans la luxure, trois chiens à ses pieds. Un diable danse sur des pêcheurs consumés par les flammes jaillissant de la gueule ouverte d’un démon. Les allégories de Bellini sont moins cruelles. Des petits panneaux de bois ornant un restello, meuble destiné à la toilette, montrent la Persévérance se moquant de la Paresse, la Prudence et son miroir, des chérubins musiciens fatigués. 



Un beau portrait de jeune homme s’est approprié toutes ces nouveautés venues de la peinture flamande, la peau bien présente, le temps qui glisse sur la jeunesse et l’érode imperceptiblement. Bellini maitrise ce nouveau réalisme mais y fait chanter une musicalité toute vénitienne. Dans des scènes de crucifixion apparait le paysage. Derrière le Christ aride de souffrance, au drapé parfait, s’étend un pays verdoyant où les hommes vaquent à leurs occupations. Des collines rocheuses, des villages, des monastères, de larges rivières: le paysage se déplie et recouvre la terre comme un grand drap.



Son
Christ mort soutenu par deux anges, composition encadrée par deux ailes fait se rencontrer Nord et Sud, la douleur et la mort, la jeunesse, l’espoir, la chute et l’envol. Le poids du destin, le retour inéluctable vers la terre est contrebalancé par la légèreté des anges, leur innocence. Un buste de Vierge à l’enfant en papier mâché d’après Donatello veille sur une huile sur bois. Une Marie drapée dans un voile grenat tient un enfant vêtu de blanc. Ses doigts se glissent sous son bras avec une élégance de danseur, l’enfant lui attrape le pouce avec un naturel déconcertant. Dans cet échange la nature de la vie est peint comme une évidence, mais magnifiée comme pouvaient le faire Leonard de Vinci ou Lippi.



Une Madone de Giorgione aux couleurs délavées vert et rose évite le regard du spectateur. Son visage pourtant de face regarde vers le bas, entre prière et maternage. Bellini répond par une Vierge aux drapés amidonnés, surfaces vertes, bleues, rouges fines et solides, dont on entend presque le crissement léger qu’elles font à chaque mouvement. Les couleurs ont une présence tactile, leur vivacité est celle d’une jeunesse invincible, éternelle. Le vêtement-paysage est une prolongation du corps, il dialogue avec le paysage du fond. C’est un pays entier avec ses vergers, ses églises et ses fortifications. Des collines vertes et brunes se fondent dans le bleu du lointain. Une grande ville portuaire s’ouvre sur le monde, des bergers font paitre leurs brebis sous la protection de clochers blancs. Un arbre solitaire aux fines branches déploie ses quelques feuilles à peine réveillées par le printemps. Sur la route, deux pèlerins marchent avec leurs bâtons.



Dieu le Père trône à côté de son sosie en marbre vénitien. Il est de facture classique, enracinée dans une longue tradition, mais le traitement abouti, le drapé fluide et soyeux, les détails de broderies l’emmènent ailleurs. Tout est calme, paix et silence, sauf un coup de vent qui emporte un coin de voile bleu et le fait flotter comme une bannière. L’étoffe se tend, prête à claquer, et nous rappelle discrètement que derrière la grâce gronde le pouvoir du divin.


Sylvain Silleran


Extrait du communiqué de presse :

Commissariat : 

Neville Rowley, conservateur des peintures et des sculptures italiennes des XIVe et XVe siècles à la Gemäldegalerie et au Bode-Museum de Berlin

Pierre Curie, conservateur général du patrimoine, conservateur du musée Jacquemart-André



Au printemps 2023, le Musée Jacquemart-André présente la première exposition en France consacrée à l’oeuvre du grand maître Giovanni Bellini (v. 1435-1516), l’un des fondateurs de l’école vénitienne, ayant ouvert la voie à l’art de la couleur et du ton qui a fait la gloire de la Sérénissime. 

À travers une cinquantaine d’oeuvres issues de collections publiques et privées européennes, dont certaines présentées pour la première fois, cette exposition met en lumière l’art de Giovanni Bellini et les influences artistiques qui imprègneront son langage pictural. Par une mise en regard de ses oeuvres et celles de ses maîtres à penser, cette exposition – la première jamais consacrée en Europe à cette thématique – montrera comment son langage artistique n’a eu de cesse de se renouveler tout en développant une part indéniable d’originalité. Réparties selon un ordre chrono-thématique, les tableaux de Bellini constitueront le fil rouge de l’exposition et seront accompagnés des « modèles » qui les ont inspirés. 

Issu d’une famille d’artistes, Giovanni Bellini fréquente avec son frère Gentile l’atelier de leur père, Jacopo Bellini, peintre de formation gothique bientôt rompu aux nouveautés renaissantes venues de Florence. Le jeune artiste s’imprègne à la fois de l’art de son père et de son frère, mais aussi de son beau-frère Andrea Mantegna, que sa soeur Nicolosia épouse en 1453. Le classicisme, les formes sculpturales et la maîtrise de la perspective de Mantegna exercent une profonde influence sur l’artiste. Sa peinture devient plus monumentale, notamment grâce à l’étude des oeuvres du sculpteur florentin Donatello, visibles à Padoue. 

Le style de Bellini change de cap avec l’arrivée à Venise en 1475 d’Antonello de Messine qui unit le goût flamand du détail avec les constructions spatiales des artistes d’Italie centrale. Giovanni emprunte à l’art flamand la technique de la peinture à l’huile apportant une nouvelle inflexion esthétique à son oeuvre. Autre source d’inspiration, l’art byzantin, et plus particulièrement les Madones byzantines, marque ses représentations de Vierges à l’Enfant. Il développe également des thématiques représentées par des peintres plus jeunes, comme celle des paysages topographiques inspirés de Cima da Conegliano. Son ultime période est caractérisée par une touche plus vibrante d’une grande modernité. Ce seront les innovations de ses meilleurs élèves – et notamment Giorgione et Titien – qui pousseront le vieux Bellini à réinventer son style. 

L’exposition au Musée Jacquemart-André soulignera la quête incessante de Giovanni vers de nouvelles aspirations et permettra de comprendre en quoi son langage pictural est fait de jeux de miroirs et d’influences, qu’il synthétise magistralement à travers la maîtrise de la couleur et de la lumière. 

L’exposition bénéficiera de prêts exceptionnels de la Gemäldegalerie de Berlin et notamment du Museo Thyssen-Bornemisza de Madrid, de la Galleria Borghese de Rome, du Museo Correr, des Gallerie dell’Accademia et de la Scuola Grande di San Rocco de Venise, du Musée Bagatti Valsecchi de Milan, du Petit Palais de Paris, et du musée du Louvre ainsi que de nombreux prêts de collections privées d’oeuvres dont certaines n’ont encore jamais été montrées au public.