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🔊 “Giorgio Griffa” au Centre Pompidou, Paris, du 2 mars au 27 juin 2022

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“Giorgio Griffa“

au Centre Pompidou, Paris

du 2 mars au 27 juin 2022

Centre Pompidou


Interview de Christine Macel, conservatrice, cheffe du service création contemporaine et prospective, Musée national d’art moderne et commissaire de l’exposition, par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 14 mars 2022, durée 14’45. © FranceFineArt.

PODCAST –  Interview de Christine Macel, conservatrice, cheffe du service création contemporaine et prospective, Musée national d’art moderne et commissaire de l’exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 14 mars 2022, durée 14’45.
© FranceFineArt.

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©Anne-Fréderique Fer, visite de l’exposition, le 14 mars 2022.

Extrait du communiqué de presse :

 

Giorgio Griffa, Campi rosa [Champs roses], 1986. Acrylique sur toile (Pattina), 288 x 243 cm, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Photo Giulio Caresio, courtesy Archivio Giorgio Griffa. © Adagp, Paris, 2022.
Giorgio Griffa, Campi rosa [Champs roses], 1986. Acrylique sur toile (Pattina), 288 x 243 cm, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Photo Giulio Caresio, courtesy Archivio Giorgio Griffa. © Adagp, Paris, 2022.
Giorgio Griffa, La Recherche (détail), 2020 Acrylique sur toile (tarlatane), dimensions variables. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Photo Giulio Caresio, courtesy Archivio. Giorgio Griffa. © Adagp, Paris, 2022.
Giorgio Griffa, La Recherche (détail), 2020 Acrylique sur toile (tarlatane), dimensions variables. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Photo Giulio Caresio, courtesy Archivio. Giorgio Griffa. © Adagp, Paris, 2022.

Commissariat : 

Christine Macel, conservatrice, cheffe du service création contemporaine et prospective, Musée national d’art moderne assistée de

Aurélien Bernard et Roxane Ilias, attachés de conservation.



Cette exposition d’un ensemble de dix-huit oeuvres données par Giorgio Griffa au Musée national d’art moderne propose de redécouvrir cet acteur majeur de l’histoire de la peinture italienne et européenne de la seconde moitié du 20e siècle, encore trop peu connu du grand public. Associé au mouvement italien de la Pittura analitica (Peinture analytique) au tournant des années 1970, exposé avec certains artistes des groupes BMPT (Buren, Mosset, Parmentier, Toroni) ou Supports/Surfaces, il a cependant toujours conservé une grande indépendance et originalité. Son oeuvre, à la fois austère et joyeuse, oscille en un équilibre subtil entre l’apollinien et le dionysiaque.

L’exposition présente plusieurs cycles de 1969 à 2021 et dévoile une oeuvre inédite, réalisée spécialement pour le Centre Pompidou, intitulée La Recherche (2021) en référence à Marcel Proust. Composée de vingt-quatre toiles transparentes suspendues au mur, créant des chevauchements partiels, La Recherche révèle une peinture toujours plus libre et joyeuse.

Né en 1936 à Turin, où il vit et travaille, Giorgio Griffa est l’un des peintres italiens les plus importants de sa génération. Parallèlement à sa profession d’avocat, qu’il a exercé toute sa vie, il réalise à partir de la deuxième moitié des années 1960 des oeuvres abstraites reconnaissables par leurs toiles vierges, non apprêtées et non tendues, travaillées à même le sol, puis fixées au mur par une série de clous le long du bord supérieur. Par la suite, ses compositions élémentaires mêlent librement et sans hiérarchie, des lignes, des signes, des chiffres et des lettres peints, qui n’ont d’autre fonction que d’exister pour eux-mêmes. « Je ne représente rien, je peins », se donne-t-il pour credo. Affirmant la nature concrète de la peinture, les recherches de Giorgio Griffa réduisent les composants picturaux aux fondamentaux et mettent en lumière les propriétés matricielles de la peinture tout en témoignant d’une grande sensibilité pour la couleur.

L’exposition réunit neuf toiles de la série des Segni primari [Signes primaires] (1969-1970) qui révèlent ses premières recherches abstraites et dévoilent les constantes de son œuvre ultérieure : couleurs délayées, signes graphiques anonymes, toiles travaillées brutes et laissées détendues, procurant un sentiment d’inachèvement. Verticale (1977) est constituée de lignes colorées agencées verticalement de telle sorte qu’elles semblent gagner l’intégralité de la surface picturale. Les trois oeuvres Campi Rosa [Champs roses] (1986), Campo Rosa [Champ rose] et Campo Viola [Champ violet] (1988) explorent les champs de couleurs et leurs capacités à dessiner des figures, tandis que la toile Tre linee con arabesco n.226 [Trois lignes avec une arabesque] (1991) propose une variation autour du thème de la ligne et de l’arabesque, et fait intervenir pour la première fois les chiffres. Les trois toiles de la série Canone Aureo [Section dorée] (2012) sont réalisées autour du nombre d’or, chiffre insolite toujours croissant mais n’atteignant jamais la décimale supérieure et représentant un principe d’harmonie en esthétique.


Un catalogue bilingue (français/anglais) coédité par le Centre Pompidou et la Fondation Giorgio Griffa, sous la direction de Christine Macel, avec les textes de Giorgio Griffa et Christine Macel, est publié à l’occasion de l’exposition.


Giorgio Griffa, de l’apollinien et du dionysiaque

par Christine Macel (extrait de texte du catalogue)


Dans la seconde moitié des années 1960, alors que se développait aux États-Unis une « peinture systémique », selon le mot de Lawrence Alloway, les frémissements d’une nouvelle peinture abstraite se faisaient sentir en Europe, allaient s’épanouir à la fin de la décennie et occuper une grande partie des années 1970, avant que ne se referme pour un temps cette parenthèse, submergée dans les années 1980 par la trans-avant-garde et le néo-pop. Une quarantaine d’artistes oeuvraient ainsi dans toute l’Italie, de Milan à Turin, en passant par Gênes, Florence et Rome, chacun développant sa propre oeuvre et sa propre théorie. Ce phénomène s’étendait également à la France où apparurent BMPT puis Supports/Surfaces, ainsi qu’en Allemagne, Hollande, Belgique et Grande-Bretagne. En réaction au minimalisme américain et à l’arte povera se développaient de nouvelles tendances qui, bien que nommées, ne constituèrent pas un ensemble homogène ni n’eurent de succès durable. Parmi ces appellations de « nuova pittura » [nouvelle peinture], de « pittura pittura » [peinture peinture] ou de « pittura fredda » [peinture froide], surgit celle de la « pittura analitica » [peinture analytique], une tendance qui s’inscrivait à la suite du concrétisme et de la tabula rasa déjà opérés par Lucio Fontana et Piero Manzoni. […]

Partant de l’enseignement qu’il reçoit au début des années 1960 de Filippo Scroppo, membre du Movimento Arte Concreta initié par Gianni Monnet et Bruno Munari, Griffa rompt avec la figuration dès 1965-1966. L’approche concrète de l’abstraction, qui considère cette dernière comme fortement liée par essence au réel, marque à l’évidence ses premières peintures, qu’il réalise sur une toile brute et épaisse, mélangeant pigment blanc et colle synthétique. En 1968, il initie une série de tableaux avec des raies colorées à partir d’un mélange de deux à trois couleurs de base, pénétrant dans le support. Dans les années 1968-1969, il élimine le châssis, donnant ainsi à voir l’oeuvre dans les conditions les plus proches du moment de sa réalisation. Sur toile de lin ou de coton, sans aucune préparation, il trace des traits horizontaux, en partant généralement du bord supérieur gauche, avec des pinceaux plus ou moins larges, s’interrompant soudainement pour laisser une partie de la toile vierge, dans un inachèvement volontaire. Rien de froid ni d’analytique n’est sensible dans cette démarche, mais plutôt un mélange de rigueur, d’impersonnalité et de sensualité sans subjectivité. « Io non rappresento nulla, io dipingo » [« Je ne représente rien, je peins »] déclare Griffa dans une phrase demeurée célèbre. Maurizio Fagiolo évoque des « propositions d’après le silence » ou encore des « traces du possible ». Griffa n’impose rien, ne déclare rien, mais propose « une alternative réelle sur le monde, un monde nouveau et globalement alternatif », « un monde qui se réalise avec la main qui le fait », dans un processus ouvert . La dimension cognitive de l’art se trouve ainsi réaffirmée tant pour son auteur que pour le récepteur, au-delà de toute entreprise utopique ou conceptuelle. Il affirme une peinture modeste, mais aussi une peinture de la joie qui lui est propre, si on la met en regard de ses contemporains et amis, Claudio Verna, Carlo Battaglia, Pino Pinelli, Marco Gastini ou Ricardo Guarneri. Cette joie calme que l’on éprouve face à ses oeuvres provient d’une sensation d’harmonie et de subtilité de la couleur. […]

En 2021, Griffa […] publie Undici cicli di pittura [Onze cycles de peinture] au sujet des diverses séquences de son oeuvre. Segni primari, Alter ego, Trasparenze [Transparences], Segno e campo [Signe et champ], Tre Linee con arabesco [Trois lignes avec arabesque] et Canone aureo [Section dorée], cycles auxquels appartiennent les oeuvres acquises par le Musée national d’art moderne, se trouvent ainsi directement commentés par l’artiste au sein de près de onze ensembles qui, comme les oeuvres, demeurent toujours inachevés. Cet état de suspension, loin de relever d’un romantisme né avec le Cercle d’Iéna et la revue Athenaeum, prônant une esthétique du fragment, se caractérise plutôt par une sorte d’adéquation avec les principes de la matière voire du vivant, proche de la Naturphilosophie promue par Goethe. Après 1975 et quelques années où il se concentre sur des lignes ou signes toujours horizontaux, Griffa introduit la ligne courbe et l’arabesque, le carré et le rectangle, dans ses Connessioni o contaminazioni [Connexions ou contaminations], parfois enjouées et sautillantes comme une phrase de Mozart. Sans peur des représailles suscitées par les qualificatifs de « décoratif » ou « d’ornemental », honnis par une doxa aujourd’hui heureusement dépassée, il explore alors la possible vivacité des signes et des couleurs où s’invite le mouvement. Au tournant des années 1980, il change de support en utilisant la tarlatane, une gaze transparente semblable à un tutu de ballerine, dans des compositions superposant certaines parties entre elles, comme dans la fameuse œuvre Dionisio [Dionysos] réalisée pour la Biennale de Venise en 1980. Dans cette pièce se manifeste de plus en plus son goût pour la musique, de manière plus polyphonique, avec un dynamisme et la sensation d’un flux proches de l’expansion dionysiaque. On pourrait d’ailleurs regarder l’oeuvre de Griffa comme une tension entre l’apollinien et le dionysiaque, tels que définis par Nietzche dans sa Naissance de la tragédie. Le dionysiaque au double visage, parfois enjoué, parfois débridé et subversif, s’invite dans l’oeuvre. Griffa abandonne ainsi la rigueur de ses débuts pour se diriger vers un style qu’il qualifie lui-même de plus méditerranéen, notamment dans la série Segno e campo, comme s’il avait senti ce que préconisait déjà Joseph Beuys, à savoir qu’il fallait entre deux tendances aller vers celle qui nous semblait la moins naturelle. C’est précisément dans ces années-là qu’il réalise des oeuvres particulièrement ambitieuses, enrichissant son travail et le menant dans les années 1990 au cycle Tre linee con arabesco, dont les compositions se limitent à trois lignes et une arabesque, comme une nouvelle règle du jeu qui devait apaiser l’expansion baroque du champ où apparaissait la couleur dorée. Prolongeant la logique qui lui est propre de numérotation des oeuvres de ce cycle, Griffa en vint à convoquer les chiffres dans sa peinture à travers la série Numerazioni [Numérotations], puis au nombre d’or dans une nouvelle série d’oeuvres qu’il initie au début des années 2000, et parmi lesquelles figurent les trois Canone aureo entrés dans la collection du Musée national d’art moderne. Les toiles de coton clair de format vertical accueillent ces lignes et ce chiffre dansant sans fin. […]

Peinture de la joie de vivre, l’oeuvre de Griffa conjugue ainsi dans un constant renouvellement, parfois inattendu, la sensibilité et l’austérité, dans une recherche d’équilibre entre l’apollinien et le dionysiaque, l’archaïque et le contemporain, le présent et l’atemporel. La Recherche, son hommage à Marcel Proust réalisé spécialement pour le Centre Pompidou, en témoigne, semblant convoquer toutes les mémoires du monde en strates sautillantes, évoquant de nouveau Dionysos, tel le chevreau dansant qui échappe à la fureur d’Héra.