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🔊 “Gallen-Kallela” Mythes et nature, au Musée Jacquemart-André, Paris, du 11 mars au 25 juillet 2022

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“Gallen-Kallela“
Mythes et nature

au Musée Jacquemart-André, Paris

du 11 mars au 25 juillet 2022

Musée Jacquemart-André


Interview de Laura Gutman, historienne de l’art, spécialiste des échanges artistiques entre la France et les pays nordiques et co-commissaire de l’exposition, par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 10 mars 2022, durée 13’22. © FranceFineArt.

PODCAST –  Interview de Laura Gutman, historienne de l’art, spécialiste des échanges artistiques entre la France et les pays nordiques et co-commissaire de l’exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 10 mars 2022, durée 13’22.
© FranceFineArt.

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Gallen-Kallela
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©Anne-Fréderique Fer, vernissage presse, le 10 mars 2022.

Extrait du communiqué de presse :

 

Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Autoportrait au chevalet, 1885. Huile sur toile, 55 x 46 cm, Collection particulière, photo : Aivi Gallen-Kallela-Sirén.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Autoportrait au chevalet, 1885. Huile sur toile, 55 x 46 cm, Collection particulière, photo : Aivi Gallen-Kallela-Sirén.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Lac Keitele, 1905. Huile sur toile , 53 x 66 cm, Inv. NG6574, The National Gallery, Londres, © Copyright The National Gallery, London
2021.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Lac Keitele, 1905. Huile sur toile , 53 x 66 cm, Inv. NG6574, The National Gallery, Londres, © Copyright The National Gallery, London
2021.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Le Faune, 1904. Huile sur toile, 67 x 65 cm, Inv. 196.B, Musée des beaux-arts, Budapest, photo : SzépművészetiMúzeum / Museum of Fine Arts, 2021.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Le Faune, 1904. Huile sur toile, 67 x 65 cm, Inv. 196.B, Musée des beaux-arts, Budapest, photo : SzépművészetiMúzeum / Museum of Fine Arts, 2021.

Commissariat :

Laura Gutman, historienne de l’art et commissaire d’expositions. Spécialiste des échanges artistiques entre la France et les pays nordiques
Pierre Curie, conservateur en chef du patrimoine, conservateur du Musée Jacquemart-André




En 2022, le musée Jacquemart-André met à l’honneur l’oeuvre du peintre finlandais Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). À travers près de soixante-dix oeuvres issues de collections publiques et privées, comptant notamment des tableaux exceptionnels du Musée Gallen-Kallela d’Espoo, l’exposition explore un aspect dominant de son œuvre en traversant l’ensemble de sa carrière, à savoir le thème de la nature et du paysage finlandais.



Gallen-Kallela a su représenter la Finlande avec un lyrisme incomparable. Tournant le dos à la modernité urbaine, il a ancré son oeuvre dans la nature sauvage, suivant le déroulé des saisons en prenant pour motif les denses forêts et les innombrables lacs finlandais. Si des oeuvres de Gallen-Kalella avaient déjà été présentées lors d’expositions thématiques, centrées sur l’art finlandais ou l’art nordique, c’est la grande rétrospective que lui a consacrée le musée d’Orsay en 2012 qui a permis au public parisien de découvrir l’ensemble de sa carrière.



L’exposition du musée Jacquemart-André se propose d’étudier de manière plus approfondie la question de la relation de l’artiste à la nature, qui évolue au cours sa carrière. Ethnographique à ses débuts, elle se nourrit de la pensée ésotérique dans les années 1895 pour acquérir une amplitude inégalée au tournant du XXe siècle. Cette mutation s’accompagne d’un changement de style qui du naturalisme évolue vers le symbolisme.



La construction de sa maison-atelier Kalela en 1894, loin des villes et de la modernité, occupe une place centrale dans la définition tant artistique que conceptuelle du rôle de l’artiste dans la nature. Au sein d’un microcosme tourné tant vers l’extérieur que l’intérieur, Gallen-Kallela a tenté de concrétiser un idéal artistique qui s’exprime aussi fortement dans son oeuvre.



Le peintre s’est formé à Helsinki, puis à Paris au sein de l’académie Julian et de l’atelier Cormon, dont l’influence se retrouve dans ses scènes de genre au goût naturaliste mettant à l’honneur la paysannerie finlandaise. La maison-atelier, qu’il fait construire au coeur de la campagne finlandaise, lui permet d’explorer une grande diversité de media, des arts graphiques aux arts décoratifs. Une importante section de l’exposition est ensuite consacrée aux figures mythologiques du Kalevala. Enfin, le parcours se termine avec des paysages sauvages saisis au fil des saisons depuis les neiges hivernales jusqu’au retour du printemps. Le vocabulaire de reflets, de bruissements et de silence que décline Gallen-Kallela au tournant du siècle, a donné son identité au paysage finlandais.


Parcours de l’exposition :


Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Forêt en hiver, 1900. Huile sur toile, 55,5 x 43,5 cm, Collection particulière, photo : The Gallen-Kallela Museum / Jukka Paavola.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Forêt en hiver, 1900. Huile sur toile, 55,5 x 43,5 cm, Collection particulière, photo : The Gallen-Kallela Museum / Jukka Paavola.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Mary tissant à Kalela, 1897. Huile sur toile, 66 x 54 cm , Collection particulière, photo : The Gallen-Kallela Museum / Jukka Paavola.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Mary tissant à Kalela, 1897. Huile sur toile, 66 x 54 cm , Collection particulière, photo : The Gallen-Kallela Museum / Jukka Paavola.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), La Tanière du lynx, 1906. Huile sur toile, 98 x 67 cm, Collection particulière, photo : The Gallen-Kallela Museum / Jukka Paavola.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), La Tanière du lynx, 1906. Huile sur toile, 98 x 67 cm, Collection particulière, photo : The Gallen-Kallela Museum / Jukka Paavola.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Nuit de printemps, 1914. Huile sur toile, 115,5 x 115,6 cm, Collection particulière, photo : Jouko Vatanen, Helsinki.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Nuit de printemps, 1914. Huile sur toile, 115,5 x 115,6 cm, Collection particulière, photo : Jouko Vatanen, Helsinki.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Kalela en automne, 1915. Huile sur toile, 33 x 31 cm, Collection particulière, © akg-images.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Kalela en automne, 1915. Huile sur toile, 33 x 31 cm, Collection particulière, © akg-images.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Printemps (Portrait d’Anna Slöör, étude pour le mausolée de Sigrid Juselius), 1902-1903. Huile sur toile, 79,5 x 53,5 cm, Inv. 1121, Fondation Gösta Serlachius, Mänttä, photo : Yehia Eweis.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Printemps (Portrait d’Anna Slöör, étude pour le mausolée de Sigrid Juselius), 1902-1903. Huile sur toile, 79,5 x 53,5 cm, Inv. 1121, Fondation Gösta Serlachius, Mänttä, photo : Yehia Eweis.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Paysage sauvage de lac, 1892. Huile sur toile , 72 x 51 cm, Inv. 209, Fondation Gösta Serlachius, Mänttä, photo : The Gösta Serlachius Fine Arts Foundation, Teemu Källi.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Paysage sauvage de lac, 1892. Huile sur toile , 72 x 51 cm, Inv. 209, Fondation Gösta Serlachius, Mänttä, photo : The Gösta Serlachius Fine Arts Foundation, Teemu Källi.

Introduction
Axel Gallén, qui prit en 1907 le nom à la consonance finnoise d’Akseli Gallen-Kallela (1865- 1931), est aujourd’hui l’un des artistes finlandais les plus illustres du tournant du XIXe siècle. Né à Pori, ville du Sud-Ouest de la Finlande, rattachée à l’Empire russe jusqu’en 1917, il est l’auteur d’une oeuvre riche et variée au sein de laquelle le mythe et la nature jouent un rôle prépondérant. À travers cette double thématique, l’évolution de l’artiste, du naturalisme au symbolisme en passant par l’expressionnisme, ainsi que la diversité des domaines artistiques abordés, éclairent d’un jour nouveau la peinture de paysage finlandaise. Homme au tempérament audacieux, figure cosmopolite, artiste prolifique explorant une diversité de thèmes, de techniques et de supports, sa vie est marquée tant par ses voyages en Europe et hors de ses frontières que par son attachement à la mythologie et à la nature finlandaises dans lesquelles il puise un vaste répertoire de motifs.

1/ Les débuts naturalistes
Après avoir fréquenté l’école de dessin de la Société des beaux-arts d’Helsinki, Akseli Gallen-Kallela séjourne à trois reprises à Paris (de l’automne 1884 à l’été 1889) pour suivre les cours de William Bouguereau et de Tony Robert-Fleury à l’académie Julian, puis s’inscrire à l’atelier de Fernand Cormon. Son aîné finlandais Albert Edelfelt le guide avec bienveillance et soutient l’ambition du jeune artiste. Les débuts de celui-ci sont marqués par un style naturaliste et c’est pendant les mois d’été qu’il passe en Finlande qu’il peint des sujets inspirés par sa terre natale et ses habitants. Ses séjours au hameau d’Ekola, à Keuruu, de 1887 à 1889, lui offrent des motifs de paysans qu’il expose lors de l’Exposition universelle de 1889 à Paris. Son intention première était pourtant déjà de présenter La Légende d’Aino, un sujet inspiré par le mythe finlandais du Kalevala auquel il avait consacré tous ses efforts au cours de l’été. La représentation naturaliste du mythe, fortement inspirée par la Jeanne d’Arc de Jules Bastien-Lepage, remporte un succès considérable à son retour en Finlande. La commande d’une seconde version par le Sénat finlandais lui permet de voyager en compagnie de son épouse Mary Slöör en Carélie, région située au sud-est de la Finlande, en quête des sites originels du Kalevala.

2/ Kalela, la maison-atelier
Dans une lettre datant de mars 1894 adressée à son ami Louis Sparre, peintre suédois rencontré à Paris, Gallen-Kallela confie : « comme je rêve d’avoir un atelier à moi ». Après avoir parcouru la Carélie et la Laponie, c’est finalement aux abords du lac de Ruovesi, dans une contrée peu habitée et difficile d’accès, située à deux cents kilomètres au nord d’Helsinki, qu’il concrétise ce désir. Construite en 1894, sa maison-atelier baptisée Kalela, dont il conçoit l’architecture et la décoration intérieure, dépasse le simple projet d’habitation pour relever de l’oeuvre d’art totale. Gallen-Kallela oscillera toute sa vie entre une aspiration à la solitude et le besoin de partager ses expériences : Kalela est un lieu d’échanges artistiques mais également un espace propice à l’isolement, loin de l’agitation des villes. La construction de la maison coïncide avec la perte douloureuse de sa fille aînée, Marjatta, évoquée dans des gravures comme Inspiration ou Ex-Libris, Mary et Axel Gallén, représentant le couple regardant le cimetière depuis le porche de Kalela. La structure en rondins de bois de l’édifice, inspirée des fermes caréliennes, ses piliers massifs en forme de T si caractéristiques, deviennent un motif pictural de prédilection pour l’artiste, qui produit de nombreuses vues de la maison au fil des années et des saisons. C’est également l’occasion pour le peintre d’explorer divers domaines artistiques dès les années 1890. À l’occasion de séjours à Berlin et à Londres, il est au contact de courants artistiques promouvant les arts graphiques et les arts décoratifs et produit ainsi des vitraux et de nombreux modèles de broderies et de tentures.

3/ Botanique nordique
Profondément attaché aux paysages qui l’entourent, Gallen-Kallela tire de l’observation de la nature finlandaise de nombreux motifs qu’il convoque dans des oeuvres aux techniques et aux styles très divers. Influencé par la pensée ésotérique alors en vogue en cette fin de XIXe siècle, il fait évoluer son style afin de dépasser une représentation purement réaliste de la nature. À Berlin, où il expose en 1895 aux côtés d’Edvard Munch, Gallen-Kallela s’intéresse aux techniques de la gravure auprès de Joseph Sattler. De retour à Kalela, il réalise ses premières oeuvres graphiques marquées par le deuil. La série intitulée La Mort et la Fleur fait partie des premières gravures sur bois modernes en Finlande et témoigne d’une combinaison d’un art nouveau et ancien. Le thème de la jeune fille et la mort est illustré par le motif de la fleur à peine éclose et déjà coupée. Gallen-Kallela revient à cette image dans Printemps, oeuvre appartenant au décor monumental du mausolée de la jeune Sigrid Jusélius, disparue prématurément, auquel il se consacre de 1901 à 1903. C’est en Italie, où il s’est rendu en 1898, qu’il s’est intéressé à la technique de la fresque qu’il a adaptée dans le mausolée. La jeune fille repose dans un décor qui convie la nature autour de son cercueil. Les plantes rencontrées habituellement en Finlande sont traitées dans de délicates études botaniques, peintes sur des voûtes ogivales de la crypte. Seuls en subsistent aujourd’hui les travaux préparatoires, les peintures ayant été ravagées par un incendie.

4/ Mythes du Kalevala
Gallen-Kallela puise son inspiration dans la mythologie finlandaise dès sa prime jeunesse. Son voyage en Carélie a pour objet l’exploration des terres où l’ethnologue finlandais Elias Lönnrot a recueilli les légendes populaires ancestrales du Kalevala. Gallen-Kallela pense que ces lieux ont conservé la mémoire des héros mythiques, mais bientôt c’est l’ensemble de la nature finlandaise qu’il considère habitée par une présence invisible et sacrée. Ses modèles paysans disparaissent, remplacés par des figures mythiques. Il conçoit le projet d’une série de gravures sur le thème du Kalevala qui reprennent ou anticipent les sujets développés dans de puissantes peintures qui fondent sa réputation. Avec son ami compositeur Jean Sibelius, le peintre s’attache à représenter une nature véritablement symphonique. Tous deux s’emparent du motif du Cygne de Tuonela, qui glisse sur les eaux sombres du royaume des morts derrière la Mère de Lemminkäinen comme dans un motif gravé issu du mausolée Juselius. Sibelius, lui, compose un poème symphonique qui porte ce titre. La conception d’une nature animée et sacrée, portant les messages de l’univers, invite l’artiste à retrouver un environnement originel et intact. Dans plusieurs de ses oeuvres, Gallen-Kallela entrelace les cycles de la vie et de la nature, accréditant l’idée d’un éternel retour. Ainsi dans l’œuvre ésotérique éminemment complexe qu’est La Rivière des morts, le souffle du compositeur et chef d’orchestre Robert Kajanus est associé au flux des morts qui, projetés dans un espace stellaire, seront rendus à la vie. Inspiré par la célèbre Ile des morts d’Arnold Böcklin, Gallen-Kallela accorde au motif de l’île, si remarquablement présent dans le paysage finlandais, une dimension mystique. Coupée du reste du monde, l’île devient un refuge protecteur à l’abri de la civilisation.

5/ Le cosmos
Dès avant son installation dans sa maison-atelier, en 1893, Akseli Gallen-Kallela se passionne pour la contemplation des étoiles en compagnie de son ami sculpteur Emil Wikström. La lecture des ouvrages de Camille Flammarion, qui conjuguent astronomie et pensée spirituelle, ainsi que l’étude des premières illustrations scientifiques du ciel alimentent sa peinture. Ses oeuvres du tournant du XIXe siècle sont imprégnées par un symbolisme cosmique inscrivant l’existence humaine dans un univers qui le dépasse et cherche des réponses à l’interrogation de la vie après la mort. Tournées vers l’univers, ou bien le traversant dans une transe extatique, ses figures incarnent la dimension mystique de son oeuvre. Dans la seconde version d’Ad Astra, Gallen-Kallela a finalement peint les stigmates du Christ dans la paume de la jeune fille. Cette fusion d’éléments chrétiens et de concepts théosophiques, caractéristique de l’occultisme de cette époque, a été relevée par August Strindberg dans son roman parisien Inferno. Il en va de même de la théorie de l’harmonie des sphères, reprise à Pythagore et développée à l’époque médiévale, qui suscite un intérêt nouveau. L’orgue céleste figuré dans Cosmos, étude pour les peintures murales du mausolée de Sigrid Jusélius, illustre cette conception d’un espace imprégné de musique.

6/ et 7/ Paysages de silence
Les salons parisiens et Expositions universelles du XIXe siècle engendrent tout à la fois une compétition entre artistes et un désir de se distinguer sur la scène artistique internationale. La Finlande se démarque alors des autres pays européens et nordiques par ses innombrables lacs, qui font sa particularité. Les paysages enneigés et les vastes étendues lacustres prises par les glaces, dont Gallen-Kallela donne des vues époustouflantes, constituent l’identité finlandaise. Les figures disparaissent de ces paysages immaculés, où même la présence animale se limite à quelques empreintes de lynx dans la neige. Un grand silence immobile se dégage des oeuvres hivernales, peintes sur le motif mais aussi avec l’aide de la photographie. L’artiste acquiert une stature internationale au sein des avant-gardes européennes : fait Chevalier de la Légion d’honneur en France en 1902, il participe la même année à l’exposition du groupe Phalanx à Munich à l’invitation de Kandinsky. Entre 1901 et 1904, il expose à la Sécession de Vienne où ses oeuvres impressionnent les collectionneurs : la famille Wittgenstein acquiert Automne, une étude préparatoire. Le Salon d’Automne de 1908, à Paris, où une section est consacrée à la Finlande, suscite une forte réaction parmi les artistes finlandais égarés dans un symbolisme finissant. Gallen-Kallela retourne à Paris se confronter au fauvisme et se familiariser avec l’oeuvre de Paul Gauguin, dont l’enseignement lui est familier et qui est désormais célébré comme le maître de la couleur. Conjuguant fauvisme et expressionisme, Les Skieurs expérimente une nouvelle liberté de la touche picturale et une palette très vive.

8/ La nature en majesté
Délaissant les paysages du bord de la mer Baltique, Gallen-Kallela s’attache à ceux de la Finlande intérieure, très boisée et parsemée de grands lacs. L’artiste part à la découverte de son environnement, pinceaux et palette à la main, et se déplace dans un rayon étonnamment large à la recherche de sujets pour ses peintures : l’hiver, il peut skier jusqu’à soixante kilomètres par jour, tandis qu’il se promène à pied ou à bicyclette l’été. Installé sur des hauteurs, il produit des vues panoramiques mais également des formats verticaux, avec une ligne d’horizon placée très haut dans la composition, directement inspirée des estampes japonaises alors très en vogue en Europe. Conçus depuis une barque, certains paysages de lacs adoptent un format carré où le regard se perd dans un jeu de reflets entre le ciel et l’eau. Gallen-Kallela semble surtout attiré par les demi-saisons et les phénomènes naturels qui les accompagnent. Peu à peu, son rapport au paysage évolue et si le traitement des rochers, de l’eau, de la végétation demeure naturaliste dans de nombreuses toiles, Gallen-Kallela sublime le genre dans la représentation des éclats, des reflets et des nuages. Défenseur d’une nature sauvage, l’artiste ne peut complètement ignorer la croissance fulgurante de l’industrie du bois et du papier, qui atteint son apogée en Finlande au début du XXe siècle. Les entreprises forestières accaparent non seulement les forêts mais également le réseau fluvial et lacustre. Bien avant l’écologie, les écrits de Gallen-Kallela témoignent de sa préoccupation face à l’industrialisation et au pillage des ressources naturelles. L’artiste considère la nature comme un ensemble dynamique, dont l’homme ne constitue qu’un élément.