đ âMission Dakar-Djibouti [1931-1933] : Contre-enquĂȘtesâ au musĂ©e du quai Branly â Jacques Chirac, du 15 avril au 14 septembre 2025
âMission Dakar-Djibouti [1931-1933] : Contre-enquĂȘtesâ
au musĂ©e du quai Branly â Jacques Chirac, Paris
du 15 avril au 14 septembre 2025

PODCAST – Entretien avec Eric Jolly, Directeur de recherche, CNRS, et commissaire associĂ© de lâexposition,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 14 avril 2025, durĂ©e 26â10,
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :

Leiris et Schaeffner au campement de Niamey. N° inventaire PP0031820, Auteur de l’Ćuvre : Marcel Griaule, 29 novembre – 21 dĂ©cembre 1931 : date de prise de vue. Tirage sur papier barytĂ© montĂ© sur carton. Dimensions du tirage : 12 x 17,1 cm, Dimensions du montage : 22,5 x 29,5 cm. Afrique, Niamey. Marcel Griaule ©musĂ©e du quai Branly – Jacques Chirac, photo Pauline Guyon.

Les membres de la mission Dakar-Djibouti avant le dĂ©part, N° inventaire PP0001456. Vue de l’exposition de la mission Dakar-Djibouti au musĂ©e d’ethnographie du TrocadĂ©ro, avant le dĂ©part de la mission en mai 1931. Les membres de la mission autour du bĂąteau portant l’acronyme de la SociĂ©tĂ© des Amis du MusĂ©e d’Ethnographie du TrocadĂ©ro, SAMET. De gauche Ă droite : AndrĂ© Schaeffner, Jean Mouchet, Georges Henri RiviĂšre, Michel Leiris, Michel Oukhtomsky, Marcel Griaule, Eric Lutten, Jean Moufle,Gaston-Louis Roux, Marcel Larget. Studio G. L. Manuel frĂšres, mai 1931. Tirage sur papier barytĂ© montĂ© sur carton, Dimensions du tirage : 17,8 x 23,9 cm. Studio G. L. Manuel frĂšres © musĂ©e du quai Branly.
![Les membres de la mission devant la villa MĂ©dicis. N° inventaire PP0041995. EntrĂ©e de la villa MĂ©dicis, Griaule, Lifshitz, Roux, Abba JĂ©rĂŽme, esclave (Dasta), Leiris, enfant, etc... [Portrait de groupe, en extĂ©rieur dans un village]. Auteur de l'Ćuvre : Marcel Griaule, Juillet 1932 : date de prise de vue. Tirage sur papier plastifiĂ© (RC), Dimensions du tirage : 12,5 x 17,5 cm. Afrique, Gondar. Marcel Griaule ©musĂ©e du quai Branly - Jacques Chirac, photo Pauline Guyon.](https://im-francefineart.com/agenda/icono-3501-3650/3612_Dakar-Djibouti_1.jpg)
Les membres de la mission devant la villa MĂ©dicis. N° inventaire PP0041995. EntrĂ©e de la villa MĂ©dicis, Griaule, Lifshitz, Roux, Abba JĂ©rĂŽme, esclave (Dasta), Leiris, enfant, etc⊠[Portrait de groupe, en extĂ©rieur dans un village]. Auteur de l’Ćuvre : Marcel Griaule, Juillet 1932 : date de prise de vue. Tirage sur papier plastifiĂ© (RC), Dimensions du tirage : 12,5 x 17,5 cm. Afrique, Gondar. Marcel Griaule ©musĂ©e du quai Branly – Jacques Chirac, photo Pauline Guyon.

Femme Peul, N° inventaire PP0030507, Auteur de l’Ćuvre : Marcel Griaule, 28 novembre 1931. Tirage sur papier barytĂ© montĂ© sur carton. Dimensions du tirage : 12 x 12 cm, Dimensions du montage : 22,5 x 29,5 cm. Afrique, Jembe. Marcel Griaule ©musĂ©e du quai Branly – Jacques Chirac.

Calebasse, N° inventaire 71.1931.74.2604, avant 1931. Calebasse dĂ©corĂ©e au couteau rougi, 16 x 30,5 x 33,9 cm, 236 g. Afrique, Cameroun, Garoua, Peul. Travail de femmes. DĂ©corĂ© au couteau rougi. (inventaire 1931) « Travail de femmes peules. Calebasses pyrogravĂ©es et dĂ©corĂ©es Ă la pointe de mĂ©tal (outil indĂ©terminĂ©). Ne semble pas avoir Ă©tĂ© utilisĂ©. Ce ne sont pas des tortues, car l’animal n’est pas prĂ©sent dans cette zone. » (Hugues Heumen, directeur du musĂ©e national du Cameroun, 22 juin 2023). © musĂ©e du quai Branly – Jacques Chirac, photo Pauline Guyon.

PoupĂ©e. N° inventaire 71.1931.74.46. PoupĂ©e recouverte de tissu tissĂ© localement, teint Ă l’indigo avec motifs Ă carreaux. Fibres vĂ©gĂ©tales pour les longues tresses maintenues par un noeud au niveau du crĂąne, avant 1931. FabriquĂ©e par les fillettes wolof. « Sur la fiche « set », signifie « la nouvelle mariĂ©e ». Cette poupĂ©e reprĂ©senterait donc une jeune mariĂ©e. Projection de la petite fille sur la poupĂ©e, mais le modĂšle reste toutefois les grandes sĆurs qui se marient et qui sont les rĂ©fĂ©rences pour les petites filles. Une poupĂ©e peut se remplacer. Objet d’initiation pour les petites filles (pour apprendre Ă tresser, pour porter les enfants, etc), objet de projection de la vie de la femme adulte. Le visage est cachĂ©, il est dĂ©voilĂ© le 8Ăšme jour des noces. » (Mame Thiaw, musĂ©e des civilisations noires, Dakar, 13 novembre 2023). Ficelles, toiles de coton imprimĂ©es, 22,6 x 11 x 5 cm, 85 g. Afrique, SĂ©nĂ©gal, Sam Ngueyenne, Wolof. © musĂ©e du quai Branly – Jacques Chirac, photo Pauline Guyon.
Commissaire générale :
GaĂ«lle Beaujean, Responsable de collections Afrique, musĂ©e du quai Branly â Jacques Chirac
Commissaires associés :
Julien Bondaz, Maßtre de conférences, Université Lyon 2
Claire Bosc-TiessĂ©, Directrice de recherche au CNRS, Directrice dâĂ©tudes, EHESS
Hugues Heumen, Professeur et directeur, musée national du Cameroun
Didier HouĂ©noudĂ©, Professeur, UniversitĂ© dâAbomey-Calavi, BĂ©ninDirecteur scientifique des collections de lâEtat de Saxe (Allemagne)
Eric Jolly, Directeur de recherche, CNRS
Aimé Kantoussan, Chargé de recherche, musée des civilisations noires, Dakar, Sénégal
Daouda Kéita, Directeur général, musée national du Mali
Marianne Lemaire, Chargée de recherche, CNRS
Mame Magatte SÚne Thiaw, Chargée de recherche, musée des civilisations noires, Dakar, Sénégal
Salia Malé, Directeur de recherche et ancien directeur général adjoint du musée national du Mali, Mali
Sisay Sahile Beyene, Professeur, UniversitĂ© de Gondar, Ăthiopie
L’exposition Mission Dakar-Djibouti (1931-1933) : contre-enquĂȘtes explore l’une des missions ethnographiques les plus emblĂ©matiques de l’histoire de l’ethnologie française, au coeur des collections Afrique du musĂ©e de lâHomme puis du musĂ©e du quai Branly â Jacques Chirac.
Cette initiative revisite, Ă travers un prisme contemporain, les conditions de collecte et les rĂ©cits souvent ignorĂ©s de cette traversĂ©e dâouest en est de quinze pays africains â selon leurs frontiĂšres actuelles : SĂ©nĂ©gal, Mali (nom colonial du territoire : Soudan français), Burkina Faso (Haute-Volta), BĂ©nin (Dahomey), Niger, Nigeria, Tchad, Cameroun, RĂ©publique centrafricaine (Oubangui-Chari), RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo (Congo belge), Soudan du Sud et Soudan (Soudan anglo-Ă©gyptien), Ăthiopie, ĂrythrĂ©e et Djibouti (CĂŽte française des Somalis). En 1931, ces pays Ă©taient sous domination coloniale europĂ©enne à lâexception de lâEthiopie indĂ©pendante.
Conduite par lâethnologue français Marcel Griaule, la « mission ethnographique et linguistique Dakar-Djibouti », ainsi quâelle fut dĂ©nommĂ©e Ă lâĂ©poque, se voulait pionniĂšre, introduisant des mĂ©thodes novatrices d’enquĂȘtes ethnographiques en France avec la volontĂ© de rapporter des informations, des images, des objets de cultures africaines censĂ©es disparaĂźtre sous lâeffet de la colonisation. Cependant, ses pratiques, qui sâinscrivaient dans un cadre colonial, ont soulevĂ© des questions Ă©thiques, notamment sur les conditions d’acquisition d’objets ainsi que sur les relations de pouvoir entre colonisĂ©s et coloniaux.
ComposĂ©e de onze membres, la mission rĂ©unit pour trois institutions parisiennes â le MusĂ©um national dâHistoire naturelle et son annexe, le musĂ©e dâethnographie du TrocadĂ©ro, ainsi que la BibliothĂšque nationale â environ 3600 objets et 6600 spĂ©cimens naturalistes, 370 manuscrits, 70 ossements humains et produit prĂšs de 6 000 photographies, des enregistrements sonores, des films et plus de 15 000 fiches dâenquĂȘte.
TrĂšs mĂ©diatisĂ©e, cette expĂ©dition scientifique fut aussi mise en lumiĂšre par la publication chez Gallimard en 1934 de LâAfrique fantĂŽme, journal personnel de lâĂ©crivain et ethnologue Michel Leiris, Ă©galement secrĂ©taire de la mission. Par ses observations, il rĂ©vĂšle un an aprĂšs son retour les tensions entre les ambitions scientifiques, les pressions coloniales et les rĂ©alitĂ©s humaines, et dĂ©voile les interrogatoires, les collectes controversĂ©es, ainsi que les rapports de domination.
Ă travers une sĂ©lection dâenviron 350 objets et photographies, de spĂ©cimens naturalistes et dâarchives, lâexposition Mission Dakar-Djibouti [1931-1933] : contre-enquĂȘtes revient sur des faits documentĂ©s Ă©tayĂ©s par les rĂ©sultats de recherches et le regard actuel de professionnels du continent africain. MenĂ©es conjointement par une dizaine de scientifiques africains et français sur les diffĂ©rents terrains, y compris en France, ces contre-enquĂȘtes interrogent des enjeux mĂ©moriels comme scientifiques.En sâappuyant sur les archives conservĂ©es dans plusieurs institutions, sur des tĂ©moignages contemporains dans les localitĂ©s traversĂ©es, sur des expertises de scientifiques de pays africains et français, elles retracent les conditions d’acquisition de ces biens culturels, mettent en lumiĂšre les rĂ©cits de femmes et d’hommes restĂ©s jusque-lĂ anonymes et proposent une lecture rĂ©solument contemporaine de cette expĂ©dition.
Lâexposition sâorganise en plusieurs sections thĂ©matiques, offrant une lecture progressive et critique de la mission Dakar-Djibouti :
Le parcours sâouvre dans le hall par une prĂ©sentation dâune pirogue et ses accessoires achetĂ©s en juin 1931 Ă Dakar, et une reconstitution contemporaine de sa voile originelle, fruit d’un projet collaboratif entre la France et le SĂ©nĂ©gal menĂ© par lâassociation Alter Natives et les scientifiques de la conservation prĂ©ventive et de la restauration au musĂ©e â une premiĂšre pour le musĂ©e du quai Branly ! Il se poursuit en galerie avec une mise en contexte prĂ©sentant de nombreuses archives originales, illustrant la colonisation africaine, le contexte politique en Afrique et la place du continent dans le milieu culturel et scientifique parisien en 1931. Il rĂ©vĂšle les archives du projet et interroge, dĂšs lâintroduction, la portĂ©e de la mission Dakar-Djibouti Ă travers les Ă©crits de ses membres, notamment LâAfrique fantĂŽme de Michel Leiris. LâitinĂ©raire de la mission est ensuite retracĂ© au travers dâune sĂ©lection dâobjets emblĂ©matiques et dâune prĂ©sentation des mĂ©thodes de classification qui ont contribuĂ© Ă lâĂ©mergence de disciplines, comme lâethnomusicologie. Outre celles qui demeurent encore inconnues, soit environ la moitiĂ© de la collection, toutes les modalitĂ©s dâacquisition sont abordĂ©es : les achats, les dons, les commandes, les Ă©changes, les fouilles ainsi que les prĂ©lĂšvements sans autorisation (vols, rĂ©quisitions), chacune Ă©tant illustrĂ©e par un ou plusieurs objets. La mĂ©thode de la contre-enquĂȘte associant plusieurs points de vue, elle participe de la mise Ă jour du rĂ©cit de ces acquisitions et des questions qui restent en suspens. La troisiĂšme sĂ©quence est dĂ©diĂ©e aux acteurs et actrices de la mission, europĂ©ens et europĂ©ennes (avec un focus sur lâethnologue Deborah Lifchitz), africains et africaines. Sont prĂ©sentĂ©s, Ă travers des photographies et leurs biographies, les interprĂštes, les informateurs et informatrices, les artisans et artistes, les rois, sultans et chefs de canton africains invisibilisĂ©s jusquâici dans les rapports et les photographies de la mission. Sont soulignĂ©s aussi des angles morts comme lâabsence de lâIslam dans les enquĂȘtes de la mission. En conclusion, une sĂ©lection dâobjets, photographies et archives interroge le siĂšcle qui sâest Ă©coulĂ© et les perceptions actuelles africaines sur ce patrimoine.
Cette exposition inĂ©dite propose de croiser les regards sur lâhistoire des sciences et des cultures matĂ©rielles africaines ainsi que sur lâhistoire coloniale.
Fruit dâun projet scientifique et patrimonial collectif, lâexposition est Ă©laborĂ©e par une Ă©quipe de chercheurs et conservateurs originaires de cinq des quinze pays traversĂ©s par la mission et de France. Parmi les institutions qui ont apportĂ© leur concours figurent lâInstitut des mondes africains (IMAf) (CNRS, EHESS), les universitĂ©s Lyon 2 (LADEC), Paris Nanterre (LESC â CNRS), les universitĂ©s d’Abomey Calavi au BĂ©nin (INMAAC) et de Gondar (Ethiopie), le musĂ©e des civilisations noires de Dakar, le musĂ©e national du Mali, du Tchad, du Cameroun et de Djibouti, le MusĂ©um national dâHistoire naturelle et la BnF. Lâinitiative bĂ©nĂ©ficie du soutien des bourses « Parcours des collections » du MinistĂšre de la Culture, avec le soutien du MinistĂšre de lâEurope et des Affaires Ă©trangĂšres, permettant Ă des professionnels africains du patrimoine de participer activement aux recherches en France et dâenrichir les liens durables entre les communautĂ©s scientifiques africaines et françaises. Les contre-enquĂȘtes filmĂ©es au SĂ©nĂ©gal, au Mali, au Cameroun, en Ethiopie et Ă Djibouti ont Ă©galement bĂ©nĂ©ficiĂ© de l’appui du MinistĂšre de la Culture. Lâexposition Mission Dakar-Djibouti [1931-1933] : contre-enquĂȘtes sâaccompagne dâun catalogue qui approfondit les thĂ©matiques abordĂ©es et documente les contributions des nombreux partenaires et chercheurs associĂ©s. Une partie des contre-enquĂȘtes et du travail rĂ©alisĂ© pour cette exposition sera accessible en ligne sur le site du musĂ©e dĂšs lâouverture des portes au public.
En lien avec lâexposition Mission Dakar-Djibouti [1931-1933] : contre-enquĂȘteset son catalogue, le colloque international La mission Dakar-Djibouti vue dâAfrique. Contextes historiques et contre-enquĂȘtes se propose de privilĂ©gier les points de vue sur la mission depuis lâAfrique. Lâenjeu est moins dâanalyser la mission elle-mĂȘme que les contextes historiques locaux et les Ă©vĂ©nements contemporains dans les territoires traversĂ©s par lâexpĂ©dition, quâils aient Ă©tĂ© perçus ou non par les participants europĂ©ens de la mission. Les communications et tables rondes aborderont les modalitĂ©s de partage administratif, militaire et « ethnique » des territoires, des figures des chefs de cantons et des tirailleurs ; les rĂ©actions Ă la colonisation, des arrangements aux rĂ©voltes ; la place des femmes ; les cultes religieux et mouvements prophĂ©tiques ; la circulation des personnes, des objets, des marchandises, des savoirs et des images Ă lâintĂ©rieur du systĂšme socioĂ©conomique impĂ©rial â à travers, par exemple, la crĂ©ation de nouvelles routes et lâĂ©mergence de formes de tourisme, les reprĂ©sentations vĂ©hiculĂ©es par le cinĂ©ma et la photo, ou encore les savoirs produits par les traducteurs et les informateurs dans la constitution des savoirs. Le colloque reviendra sur lâexpĂ©rience des contre-enquĂȘtes, rĂ©alisĂ©es par une partie de lâĂ©quipe du commissariat de lâexposition, retournant sur les traces de lâexpĂ©dition dans les territoires traversĂ©s pour interroger les diverses formes de prĂ©sence de ce passĂ©. Ce sera lâoccasion de mener une rĂ©flexion comparative sur les pratiques de production de connaissance, depuis lâethnographie des annĂ©es 1930, lâenquĂȘte dans les archives, jusquâaux enquĂȘtes orales contemporaines. La forme mĂȘme de ces rencontres, incluant une forte dimension audiovisuelle, favorisera les dialogues et les comparaisons.