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🔊 “LĂȘ PhĂŽ, Mai-Thu, Vu Cao Dam” au musĂ©e Cernuschi, du 11 octobre 2024 au 9 mars 2025

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“LĂȘ PhĂŽ, Mai-Thu, Vu Cao Dam”
Pionniers de l’art moderne vietnamien en France

au musée Cernuschi, Paris

du 11 octobre 2024 au 9 mars 2025

Musée Cernuschi


Entretien avec Anne Fort, conservatrice en chef, responsable des collections vietnamiennes du musĂ©e Cernuschi, et commissaire de l’exposition, par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 4 novembre 2024, durĂ©e 22’14, © FranceFineArt.

PODCAST –  Entretien avec Anne Fort, conservatrice en chef, responsable des collections vietnamiennes du musĂ©e Cernuschi, et commissaire de l’exposition,


par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 4 novembre 2024, durĂ©e 22’14,
© FranceFineArt.


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L Ph™, Mai-Thu, Vu Cao Dam
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L Ph™, Mai-Thu, Vu Cao Dam
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©Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, visite de l’exposition avec Anne Fort, le 4 novembre 2024.

Extrait du communiqué de presse :

Vu Cao Dam, Femme en bleu, Paris. 1939. Couleurs sur soie. Espagne, Majorque, Fundación Yannick y Ben Jakober. Inv. no 1305. © Adagp, Paris, [2024].

Vu Cao Dam, Femme en bleu, Paris. 1939. Couleurs sur soie. Espagne, Majorque, Fundación Yannick y Ben Jakober. Inv. no 1305. © Adagp, Paris, [2024].

Mai-Thu, Baignade, Vanves. 1962. Couleurs sur soie. Paris, musée Cernuschi, M.C. 2017-75. Don de Mai Lan Phuong en mémoire de ses parents, Sao et Mai Thứ, 2017. © Comité Mai-Thu, ADAGP, Paris, [2024].

Mai-Thu, Baignade, Vanves. 1962. Couleurs sur soie. Paris, musée Cernuschi, M.C. 2017-75. Don de Mai Lan Phuong en mémoire de ses parents, Sao et Mai Thứ, 2017. © Comité Mai-Thu, ADAGP, Paris, [2024].

Photographie retouchĂ©e Ă  l’encre par Mai-Thu, mettant en scĂšne son dĂ©part, Ă  la maniĂšre d’un rallye automobile HuĂȘ, vers 1937. Archives de l’association Mai-Thu suite ©B. Mahuet ©MusĂ©e des Ursulines de MĂącon.

Photographie retouchĂ©e Ă  l’encre par Mai-Thu, mettant en scĂšne son dĂ©part, Ă  la maniĂšre d’un rallye automobile HuĂȘ, vers 1937. Archives de l’association Mai-Thu suite ©B. Mahuet ©MusĂ©e des Ursulines de MĂącon.

Commissaire :

Anne Fort, conservatrice en chef, responsable des collections vietnamiennes du musée Cernuschi




Le musĂ©e Cernuschi propose cet automne la premiĂšre grande rĂ©trospective en France de trois pionniers de l’art moderne vietnamien, LĂȘ PhĂŽ (1907-2001), Mai-Thu (1906-1980) et Vu Cao Dam (1908-2000). L’exposition rassemble 150 Ɠuvres des trois artistes retraçant leurs trajectoires depuis leur formation Ă  l’École des beaux-arts de HanoĂŻ jusqu’à la fin de leur longue carriĂšre menĂ©es en France Ă  partir de 1937.

Cette exposition coĂŻncide avec le centenaire de l’École des beaux-arts de HanoĂŻ qui a permis, pour la premiĂšre fois, la rencontre de l’art occidental et des traditions vietnamiennes. Les Ă©changes intenses entre Ă©lĂšves et professeurs ont donnĂ© naissance Ă  un nouveau style, proprement indochinois.

Conçue en Ă©troite collaboration avec les familles des artistes qui ont ouvert leurs fonds d’archives, l’exposition retrace le parcours audacieux de ces trois amis, aimant leur pays natal tout autant que la France, avec pour toile de fond les changements politiques et les relations entre les deux pays tout au long du XXe siĂšcle. Photographies anciennes, dessins datant des annĂ©es de formation ou croquis prĂ©paratoires cĂŽtoient leurs oeuvres sur soie, huiles sur toile, paravent laquĂ©, sculptures en plĂątre ou en bronze. L’association de techniques et matiĂšres issues des traditions occidentales et asiatiques est emblĂ©matique de leurs oeuvres qui, depuis une trentaine d’annĂ©es, connaissent, sur le marchĂ© de l’art, un engouement croissant.

Une occasion unique de voir rassemblées 150 oeuvres issues de 25 collections différentes.

PremiĂšre exposition sur ces artistes emblĂ©matiques de l’évolution de l’art vietnamien du XXe, elle rassemble 150 Ɠuvres en provenance de fonds divers, prĂȘteurs publics ou privĂ©s, familles des artistes, amis proches ou simples amateurs. C’est une occasion unique de retracer l’évolution du style de LĂȘ PhĂŽ, Mai-Thu et Vu Cao Dam depuis le dĂ©but jusqu’à la fin de leur carriĂšre.

Parmi les prĂȘteurs publics, la CitĂ© internationale universitaire de Paris, Maison des Ă©tudiants de l’Asie du Sud-Est, prĂȘte pour la premiĂšre fois une grande huile sur toile de LĂȘ PhĂŽ datant de 1929 (210 x 450 m), premiĂšre commande passĂ©e au peintre alors qu’il Ă©tait encore Ă©tudiant. Le musĂ©e du quai Branly – Jacques Chirac prĂȘte un bel ensemble de sculptures de Vu Cao Dam, et un ensemble de peintures des trois artistes est issu des collections du Centre national des arts plastiques ; sont Ă©galement prĂȘteurs le Mobilier national ou encore le ministĂšre de la Justice.

LĂȘ PhĂŽ, Femmes au jardin, Paris. 1969. Huile sur toile. Collection particuliĂšre. © Adagp, Paris, [2024].

LĂȘ PhĂŽ, Femmes au jardin, Paris. 1969. Huile sur toile. Collection particuliĂšre. © Adagp, Paris, [2024].

LĂȘ PhĂŽ, Paysage du Tonkin, HanoĂŻ. Entre 1932 et 1934. Paravent en trois panneaux de bois laquĂ©. Collection de la famille Lam. © Adagp, Paris, [2024].

LĂȘ PhĂŽ, Paysage du Tonkin, HanoĂŻ. Entre 1932 et 1934. Paravent en trois panneaux de bois laquĂ©. Collection de la famille Lam. © Adagp, Paris, [2024].

Vu Cao Dam, Composition, Saint-Paul-de-Vence. 1959. Huile sur panneau. Collection particuliÚre. © Adagp, Paris, [2024].

Vu Cao Dam, Composition, Saint-Paul-de-Vence. 1959. Huile sur panneau. Collection particuliÚre. © Adagp, Paris, [2024].


Parcours de l’exposition

I. Des Beaux-Arts de Hanoï au Paris des années 1930

Formation et contexte colonial (1925-1931)

À partir de la fin du XIXe siĂšcle, la France instaure par la force un protectorat en Indochine. L’administration coloniale crĂ©e progressivement des institutions Ă©ducatives telles que l’École des beaux-arts de HanoĂŻ dont la crĂ©ation est soutenue par des intellectuels et artistes vietnamiens de l’époque. Le mouvement est initiĂ© par NguyĂȘn Van Tho dit Nam Son. Ce jeune artiste autodidacte dĂ©plore l’absence d’établissement supĂ©rieur chargĂ© de l’instruction artistique. Il convainc alors le peintre français Victor Tardieu de l’intĂ©rĂȘt de former des artistes vietnamiens aux techniques occidentales. En 1925, l’École des beaux-arts de l’Indochine ouvre Ă  HanoĂŻ, sous la direction de Victor Tardieu. Les codes de l’art europĂ©en et la notion d’artiste, au sens occidental du terme, y sont assimilĂ©s par les Ă©tudiants, tandis que l’hĂ©ritage culturel de l’Asie orientale est placĂ© au cƓur du projet de renouveau de l’art vietnamien. Ces Ă©changes culturels participent Ă  la naissance de l’art moderne vietnamien.

Grandes expositions : le soutien officiel (1931-1939)

Victor Tardieu, directeur de l’École des beaux-arts de HanoĂŻ, est le meilleur soutien de ses Ă©lĂšves vietnamiens. Il sait qu’ils ne seront reconnus que si leurs oeuvres sont admirĂ©es par un large public. Les expositions coloniales et universelles organisĂ©es Ă  travers l’Europe dans les annĂ©es 1930 offrent Ă  la fois une reconnaissance Ă  la nouvelle Ă©cole indochinoise qui reçoit des critiques Ă©logieuses de la presse, et le moyen pour les jeunes artistes de vendre leurs oeuvres. Ce soutien officiel de l’État français qui permet, sur fond de propagande coloniale, d’affirmer l’excellence de sa politique Ă©ducative, s’épuise face Ă  la montĂ©e de la menace allemande en Europe.



II. Des séductions du Paris artistique au tumulte de la guerre

LĂȘ PhĂŽ, Mai-Thu et Vu Cao Dam se distinguent, parmi les artistes pionniers, par leur choix de mener leur carriĂšre en France. DĂšs leurs annĂ©es d’études aux Beaux-Arts de HanoĂŻ, ils partagent l’envie de connaĂźtre l’effervescence artistique de Paris. LĂȘ PhĂŽ s’y rend le premier, en 1931, pour superviser l’amĂ©nagement de la section indochinoise de l’Exposition coloniale, puis revient en 1937 pour l’Exposition universelle. Vu Cao Dam arrive dans la capitale française en dĂ©cembre 1931, grĂące Ă  une bourse d’études. Mai-Thu les rejoint Ă  l’étĂ© 1937. L’aventure se prolonge par choix mais aussi par la force des choses, puisque la guerre sĂ©vit d’un cĂŽtĂ© puis de l’autre du continent, de 1939 Ă  1975, pendant trente-six annĂ©es qui rendent hasardeux tout retour.

L’aprĂšs-guerre„: MĂącon et Nice (1940-1943)

En juillet 1940, LĂȘ PhĂŽ et Mai-Thu sont dĂ©mobilisĂ©s. Le premier se rend Ă  Nice et le second reste Ă  MĂącon oĂč il avait Ă©tĂ© envoyĂ© pendant la guerre. La bourgeoisie mĂąconnaise, reconnaissant le talent de Mai-Thu, lui commande des portraits sur soie. Il se voit confier la rĂ©alisation d’une fresque dans une chapelle de l’église Saint-Pierre de MĂącon. Ces commandes sont bienvenues pendant ces annĂ©es difficiles. À la fin de l’annĂ©e 1943, LĂȘ PhĂŽ et Mai-Thu retournent Ă  Paris oĂč ils retrouvent Vu Cao Dam.

1946 : HÎ Chi Minh et la conférence de Fontainebleau

À l’étĂ© 1946, Ho Chi Minh se rend Ă  Paris Ă  l’occasion de la confĂ©rence de Fontainebleau. Les mouvements indĂ©pendantistes vietnamiens ont profitĂ© de l’affaiblissement de la France pendant la Seconde Guerre mondiale et, le 2 septembre 1945, la RĂ©publique dĂ©mocratique du Vietnam est proclamĂ©e. Son prĂ©sident, HĂŽ Chi Minh, doit maintenant nĂ©gocier les termes de l’indĂ©pendance. Il veut convaincre l’opinion française de la lĂ©gitimitĂ© de ses demandes. C’est dans ce cadre qu’il rencontre les Vietnamiens de France, et parmi eux, LĂȘ PhĂŽ, Mai-Thu et Vu Cao Dam. Ce dernier reçoit l’autorisation de faire le portrait en buste du prĂ©sident, quant Ă  Mai-Thu, il rĂ©alise un film retraçant le sĂ©jour de HĂŽ Chi Minh en France.



III. La période française

Évolution des trois styles

LĂȘ PhĂŽ et Mai-Thu rejoignent Vu§Cao§Dam Ă  Paris en 1937. Ils ne perçoivent plus leur salaire de professeur de dessin et doivent dĂ©sormais vivre de leur art. Sous l’effet de l’élan crĂ©atif qu’entraĂźnent leurs retrouvailles, ils Ă©laborent un style commun, exclusivement peint sur soie, mettant en scĂšne un Vietnam idĂ©alisĂ©. Mai-Thu restera fidĂšle Ă  ce style jusqu’à la fin de sa vie, en variant les sujets traitĂ©s. LĂȘ PhĂŽ et Vu Cao Dam expĂ©rimenteront quant Ă  eux d’autres modes d’expression, renouant notamment, dans les annĂ©es 1950, avec la peinture Ă  l’huile. La derniĂšre pĂ©riode de LĂȘ PhĂŽ est marquĂ©e par un style postimpressionniste colorĂ© oĂč les effets de lumiĂšre sont les seuls vĂ©ritables sujets. Quant Ă  Vu Cao Dam, son admiration pour Chagall dont il Ă©tait voisin Ă  Saint-Paul-de-Vence, Ă©clate dans sa derniĂšre pĂ©riode.

Fleurs et poĂ©sie, sources d’inspiration

Quelques thĂšmes transversaux qui parcourent toute la pĂ©riode française des trois artistes viennent conclure le parcours. LĂȘ PhĂŽ, Mai-Thu et Vu Cao Dam, chacun selon leur sensibilitĂ©, s’emparent du sujet de la nature morte pour y imprimer leur style personnel. Ils illustrent aussi de maniĂšre rĂ©currente le cĂ©lĂšbre poĂšme, le Roman de KiĂȘu, considĂ©rĂ© comme le chef-d’oeuvre de la littĂ©rature vietnamienne. De nombreux tableaux mettent en scĂšne la rencontre des deux soeurs, KiĂȘu et VĂąn, avec Kim, un jeune homme noble et Ă©duquĂ©, qui rentre chez lui Ă  cheval. En alliant la modernitĂ© formelle de leur peinture Ă  ce thĂšme classique, les trois artistes prĂ©servent leur identitĂ© vietnamienne. Sans rompre avec le passĂ©, ils en perpĂ©tuent l’essentiel : Ă  la vertu confucĂ©enne et Ă  la persĂ©vĂ©rance face Ă  l’adversitĂ©, louĂ©es par le poĂšme, rĂ©pond l’ode Ă  l’amour et Ă  la beautĂ© de LĂȘ PhĂŽ, Mai-Thu et Vu Cao Dam.



Biographie des artistes

LĂȘ PhĂŽ [黎譜] (1907-2001)

LĂȘ PhĂŽ est issu d’une grande famille mandarinale du Tonkin. Son pĂšre Ă©tait gouverneur de province. Dans ses jeunes annĂ©es, LĂȘ PhĂŽ reçoit une Ă©ducation empreinte de culture classique confucĂ©enne, incluant l’écriture des caractĂšres chinois. Il frĂ©quente Ă  l’adolescence le lycĂ©e du Protectorat Ă  HanoĂŻ oĂč il rencontre Mai-Thu. Il y apprend le français qu’il maĂźtrise parfaitement. En 1925, il est admis au premier concours d’entrĂ©e de la toute nouvelle Ă©cole des beaux-arts de HanoĂŻ. DiplĂŽmĂ© cinq ans plus tard, il est chargĂ© de superviser l’amĂ©nagement de l’exposition de l’EBAI Ă  l’intĂ©rieur du temple d’Angkor Vat reconstituĂ© Ă  l’Exposition coloniale de 1931. Il dĂ©couvre Paris Ă  cette occasion et visite les musĂ©es europĂ©ens. De retour Ă  HanoĂŻ en 1932, il est professeur de dessin et produit en parallĂšle des laques, des peintures sur soie et des huiles sur toile. En 1937, il retourne Ă  Paris pour l’amĂ©nagement de la section indochinoise de l’Exposition universelle et s’y installe dĂ©finitivement. En 1939, il s’engage dans l’armĂ©e française. AprĂšs sa dĂ©mobilisation, il s’établit Ă  Nice de 1940 Ă  1943, avant de retourner Ă  Paris oĂč il vit de son art jusqu’à la fin de sa vie. Le parcours artistique de LĂȘ PhĂŽ est marquĂ© par une succession de trois styles bien distincts. Jusqu’en 1937, il adopte les formes massives et simplifiĂ©es hĂ©ritĂ©es du goĂ»t Art dĂ©co et des peintres nĂ©o-orientalistes français. De 1937 Ă  la fin des annĂ©es 1940, il peint un Vietnam idĂ©alisĂ© oĂč des figures fĂ©minines Ă  la grĂące maniĂ©riste s’adonnent Ă  des occupations raffinĂ©es. Puis, dans les annĂ©es 1950, LĂȘ PhĂŽ charge la surface de la soie de touches de plus en plus Ă©paisses. Finalement, il passe Ă  l’huile sur toile, abandonnant les effets de transparence pour une touche vibrante, d’esprit nĂ©o-impressionniste.

Mai Trung Thu [æžšäž­æ š] (1906-1980)

Mai Trung Thu, qui francise son nom en Mai-Thu Ă  partir de 1937, est issu d’une noble famille originaire de HaĂŻphong. Son pĂšre Ă©tait gouverneur de province et grand secrĂ©taire de la Cour. Il reçoit une Ă©ducation classique, apprend Ă  lire les caractĂšres chinois, avant d’intĂ©grer le lycĂ©e du Protectorat oĂč l’enseignement est dispensĂ© en français. Il intĂšgre en 1925 la premiĂšre promotion de l’école des beaux-arts de l’Indochine qui vient d’ouvrir Ă  HanoĂŻ. En 1930, une fois diplĂŽmĂ©, il est nommĂ© professeur de dessin au lycĂ©e Khai Dinh de HuĂȘ. Il mĂšne de front l’enseignement et la peinture. À cette Ă©poque, il privilĂ©gie l’huile sur toile. En 1937, Mai-Thu demande un congĂ© pour aller visiter l’Exposition universelle et se rend Ă  Paris pour la premiĂšre fois. Lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale, il se porte volontaire et s’engage dans l’armĂ©e, jusqu’à sa dĂ©mobilisation en juillet 1940. Il rĂ©side un temps Ă  MĂącon et fait de frĂ©quents sĂ©jours Ă  Nice, chez LĂȘ PhĂŽ. Fin 1943, il retourne lui aussi Ă  Paris. À partir de 1944, il s’établit dĂ©finitivement Ă  Vanves dans un appartement oĂč il amĂ©nage aussi son atelier. Les huiles sur toile de Mai-Thu recevaient les Ă©loges de son maĂźtre Victor Tardieu pendant sa pĂ©riode indochinoise, mais dĂšs lors qu’il arrive Ă  Paris en 1937, il ne peint plus que sur soie. Il partage avec LĂȘ PhĂŽ et Vu Cao Dam les mĂȘmes thĂšmes idylliques oĂč la figure fĂ©minine tient la premiĂšre place. Il n’abandonnera jamais ce style qui, bien qu’on puisse dĂ©celer une Ă©volution au ĂŒl des ans, reste caractĂ©ristique d’une maniĂšre perçue comme traditionnelle par les amateurs.

Vu Cao Dam [歊高談] (1908-2000)

Vu Cao Dam est issu d’une famille de lettrĂ©s de confession catholique originaire du Tonkin. Son pĂšre Ă©tait interprĂšte et dirigeait une Ă©cole privĂ©e d’interprĂ©tariat en vietnamien-français. Comme ses deux camarades, il reçoit dans son enfance une Ă©ducation en partie confucĂ©enne classique et en partie moderne, dispensĂ©e en français. En 1925, il se prĂ©sente au concours d’entrĂ©e de l’École des beaux-arts de l’Indochine Ă  HanoĂŻ mais Ă©choue Ă  une place prĂšs, seuls les dix premiers candidats Ă©tant admis. Victor Tardieu l’autorise cependant Ă  suivre les cours de dessin afin d’avoir toutes ses chances pour ĂȘtre reçu l’annĂ©e suivante. En 1926, il intĂšgre la seconde promotion de l’EBAI dont il sort major en 1931, aprĂšs s’ĂȘtre spĂ©cialisĂ© en sculpture. Une bourse d’étude rĂ©compense ses efforts et lui permet de venir Ă  Paris oĂč il loge Ă  la Maison des Ă©tudiants indochinois de la CitĂ© universitaire. Il suit les cours d’histoire de l’art Ă  l’École du Louvre et travaille en parallĂšle Ă  des commandes de sculptures. Au milieu des annĂ©es 1930, il se met Ă  la peinture sur soie car la vente de ses sculptures ne suffit pas Ă  le faire vivre. LĂȘ PhĂŽ et Mai-Thu le rejoignent Ă  Paris en 1937. S’ouvre alors une pĂ©riode oĂč les trois artistes sont trĂšs proches : ils sont voisins, s’entraident dans les moments difficiles, partagent leur rĂ©seau de galeristes et de clients. Leur style et leurs thĂ©matiques rĂ©vĂšlent Ă©galement une Ă©troite parentĂ© : au moyen exclusif du support de soie, ils proposent une vision d’un Vietnam rĂȘvĂ©, hors du temps, oĂč de belles jeunes femmes prennent le thĂ© et se promĂšnent dans des jardins paisibles. En 1950, Vu Cao Dam quitte dĂ©finitivement Paris pour s’installer dans le sud de la France. D’abord Ă  BĂ©ziers (1950-1952), puis Ă  Vence (1952-1959) et enfin Ă  Saint-Paul-de-Vence Ă  partir de 1959. Dans les annĂ©es 1950, il se met progressivement Ă  l’huile. La surface de ses peintures s’anime d’un miroitement de touches colorĂ©es oĂč les Ă©lĂ©ments du dĂ©cor disparaissent. Ses thĂšmes de prĂ©dilection cĂ©lĂšbrent l’amour maternel et l’amour courtois.

Catalogue #Expo3ArtistesVietnam sous la direction d’Anne Fort aux Éditions Paris MusĂ©es

Depuis trente ans, si LĂȘ PhĂŽ, Mai-Thu et Vu Cao Dam connaissent un engouement croissant sur le marchĂ© de l’art, aucun ouvrage n’avait encore Ă©tĂ© consacrĂ© Ă  leur parcours singulier, de l’Indochine Ă  la France. Le catalogue de cette exposition est conçu comme un ouvrage de rĂ©fĂ©rence permettant de mettre en lumiĂšre les grandes pĂ©riodes de la vie et de la carriĂšre de chacun des trois artistes. Leurs choix personnels s’y trouvent confrontĂ©s Ă  la Grande Histoire qui imprime sa marque sur leur trajectoire. Le contexte colonial, l’émancipation nationale du Vietnam, la pĂ©riode des trois guerres successives entre 1939 et 1975 sont largement Ă©voquĂ©s aĂŒn de permettre au lecteur de mieux apprĂ©hender l’évolution de leur style et leurs thĂšmes privilĂ©giĂ©s.

Les auteurs : Nadine AndrĂ©-Pallois, Docteure en histoire de l’art, membre du CREOPS / Anne Fort, Conservatrice en chef, chargĂ©e des collections d’Asie du Sud-Est et d’Asie centrale, musĂ©e Cernuschi / Marie Garambois, Conservatrice des bibliothĂšques, cheffe de service du DĂ©veloppement des collections, Institut national d’histoire de l’art / Sarah Ligner, Conservatrice, responsable de l’unitĂ© patrimoniale Mondialisation historique et contemporaine, musĂ©e du quai Branly – Jacques Chirac / Martina Thucnhi Nguyen, Professeur (Associate Professor) Ă  l’universitĂ© de la Ville de New York, dĂ©partement d’histoire du Baruch College / Phuong Ngoc Nguyen, MaĂźtre de confĂ©rences habilitĂ©e Ă  diriger des recherches, Institut de recherche, asiatiques (CNRS – Aix-Marseille UniversitĂ©) / Phoebe Scott, Conservatrice (Senior Curator), National Gallery de Singapour.