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🔊 “MEXICA” Des dons et des dieux au Templo Mayor, au musée du quai Branly – Jacques Chirac, du 3 avril au 8 septembre 2024

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“MEXICA”
Des dons et des dieux au Templo Mayor

au musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris

du 3 avril au 8 septembre 2024

musée du quai Branly


Interview de Steve Bourget, Responsable des collections Amériques, musée du quai Branly – Jacques Chirac, et commissaire associé de l’exposition, par Anne-Frédérique Fer, entretien téléphonique, le 15 avril 2024, durée 35’02, © FranceFineArt.

PODCAST –  Entretien avec Steve Bourget, Responsable des collections AmĂ©riques, musĂ©e du quai Branly – Jacques Chirac, et commissaire associĂ© de l’exposition,


par Anne-Frédérique Fer, réalisé par téléphone, à Paris, le 15 avril 2024, durée 30’02,
© FranceFineArt.


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©Anne-FrĂ©derique Fer, visite de l’exposition, le 15 avril 2024.
Squelette de loup, anneau de nez et ornements d’oreilles, Zone archéologique du Templo Mayor, Mexico, Mexique, 1486-1502. © Mirsa Islas / Proyecto Templo Mayor, D. R. Secretaría de Cultura–INAH–MEX

Squelette de loup, anneau de nez et ornements d’oreilles, Zone archéologique du Templo Mayor, Mexico, Mexique, 1486-1502. © Mirsa Islas / Proyecto Templo Mayor, D. R. Secretaría de Cultura–INAH–MEX


Extrait du communiqué de presse :

Mictlantecuhtli. © Foto Michel Zabé. D.R. Secretaría de Cultura-INAH-MEX.

Mictlantecuhtli. © Foto Michel Zabé. D.R. Secretaría de Cultura-INAH-MEX.

Masque olmeque. ©Foto Jorge Pérez de Lara. D.R. Secretaría de Cultura-INAH-MEX

Masque olmeque. ©Foto Jorge Pérez de Lara. D.R. Secretaría de Cultura-INAH-MEX

Sculpture anthropomorphe de déesse. N° inventaire 71.1887.155.20. Personnage agenouillé les mains posées sur les genoux. Le nez est à moitié cassé. Haut. : 43,5 cm. Larg. : 23,5 cm. C'est Chalchiuhtilcue-Chicomecoatl, la déesse du maïs et de l'eau terrestre. Chalchiuhtilcue signifie "celle à la jupe de pierres vertes". Elle porte sur sa pélerine (quechquemitl) le pectoral à 4 rangées de pierres vertes (chalchiuh-cozcapetlatl) . La coiffe est plissée horizontalement en éventail (tlaquechpayotl) par derrière. Les cheveux retombent en deux touffes de chaque côté des joues et en deux nattes sur le dos. Le bandeau frontal à 4 cordes est bordé de deux rangs de coquilles, signe typique de la déesse des eaux. 1350 – 1521. Rituels associés au maïs, à l'agriculture et à l'eau. Roche volcanique dense de couleur violacée. 43 x 24 x 15 cm, 17600 g. Amérique. Mexique. © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Daniel Ponsard.

Sculpture anthropomorphe de dĂ©esse. N° inventaire 71.1887.155.20. Personnage agenouillĂ© les mains posĂ©es sur les genoux. Le nez est Ă  moitiĂ© cassĂ©. Haut. : 43,5 cm. Larg. : 23,5 cm. C’est Chalchiuhtilcue-Chicomecoatl, la dĂ©esse du maĂŻs et de l’eau terrestre. Chalchiuhtilcue signifie « celle Ă  la jupe de pierres vertes ». Elle porte sur sa pĂ©lerine (quechquemitl) le pectoral Ă  4 rangĂ©es de pierres vertes (chalchiuh-cozcapetlatl) . La coiffe est plissĂ©e horizontalement en Ă©ventail (tlaquechpayotl) par derrière. Les cheveux retombent en deux touffes de chaque cĂ´tĂ© des joues et en deux nattes sur le dos. Le bandeau frontal Ă  4 cordes est bordĂ© de deux rangs de coquilles, signe typique de la dĂ©esse des eaux. 1350 – 1521. Rituels associĂ©s au maĂŻs, Ă  l’agriculture et Ă  l’eau. Roche volcanique dense de couleur violacĂ©e. 43 x 24 x 15 cm, 17600 g. AmĂ©rique. Mexique. © musĂ©e du quai Branly – Jacques Chirac, photo Daniel Ponsard.

Commissaire général :

Leonardo López Luján, Directeur Proyecto Templo Mayor, INAH, Mexico

Commissaires associés :

Fabienne de Pierrebourg, Responsable de collections Amériques, musée du quai Branly – Jacques Chirac

Steve Bourget, Responsable de collections Amériques, musée du quai Branly – Jacques Chirac

Commissaire associĂ©e – section contemporaine :

Aline Hémond, Professeure d’anthropologie, Département d’anthropologie, Université Paris Nanterre/CNRS, LESC-EREA


Mexica. Des dons et des dieux au Templo Mayor présente, pour la première fois en Europe, le fruit des recherches conduites au temple principal de la civilisation précolombienne mexica. Une exposition inédite dans l’histoire de l’archéologie mésoaméricaine.

Le 21 fĂ©vrier 1978, les sous-sols de la ville de Mexico livrent l’un des secrets les plus exceptionnels de la MĂ©soamĂ©rique : les vestiges de l’ancienne citĂ© de Tenochtitlan, capitale de la civilisation mexica – longtemps nommĂ©e Ă  tort aztèque-, de son enceinte sacrĂ©e et de son Templo Mayor. La dĂ©couverte d’un Ă©norme monolithe circulaire figurant la dĂ©esse de la lune Coyolxauhqui inaugure un demi-siècle de fouilles archĂ©ologiques d’une ampleur inĂ©dite. Le Projet Templo Mayor (INAH) a totalement exhumĂ© le Templo Mayor et 14 Ă©difices environnants sur 1,51 hectares ainsi que 209 offrandes dĂ©diĂ©es aux divinitĂ©s, dĂ©posĂ©es selon une liturgie très prĂ©cise. Grâce Ă  ces recherches, les connaissances sur l’empire et la pensĂ©e mexica se prĂ©cisent de jour en jour.

OrganisĂ©e en collaboration avec l’Institut National d’Anthropologie et d’Histoire (INAH), avec la contribution du Projet Templo Mayor, l’exposition lève le voile sur ces dĂ©couvertes. Parmi les plus remarquables figurent quelques-unes des 209 offrandes qui n’avaient jamais Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©es auparavant, dont certaines dĂ©couvertes très rĂ©cemment. Il s’agit d’agencements hautement symboliques composĂ©s de minĂ©raux, de plantes, d’objets culturels, d’animaux et d’êtres humains que le peuple mexica offrait Ă  ses divinitĂ©s les plus vĂ©nĂ©rĂ©es, pour leur rendre hommage et tenter d’obtenir des faveurs en retour. Les offrandes, disposĂ©es dans des cavitĂ©s creusĂ©es dans les sols ou Ă  l’intĂ©rieur de coffres ou boĂ®tes en pierre de taille, Ă©taient dĂ©posĂ©es sous les places ou sous les Ă©difices religieux, principalement pyramidaux.

Ces dons révèlent l’extraordinaire pouvoir politique et économique que cet empire exerçait à l’arrivée des conquistadors espagnols en 1519. Leur étude révèle non seulement une société dynamique et expansionniste, qui étendait sa domination politique et économique de l’Atlantique au Pacifique et de l’ouest du Mexique à la frontière actuelle avec le Guatemala, mais aussi une excellence artistique et une pensée symbolique et religieuse complexe.

Parmi les nombreuses sculptures de dieux présentées, on peut mentionner l’extraordinaire statue en terre cuite de Mictlantecuhtli, le dieu de la mort. Haute de près d’un mètre quatre-vingt, elle exprime magnifiquement la complexité de la pensée religieuse mexica. A noter également, la reproduction en 3D et l’animation en vidéomapping de la Pierre du Soleil, célèbre disque solaire conservé au Mexique, qui racontent la vision mexica de la création de la Terre. Après la conquête espagnole et la disparition de l’empire mexica, l’exposition se conclut sur les pratiques – toujours en vigueur au Mexique aujourd’hui – de don aux puissances de l’au-delà et de la terre.

Dans une scénographie alliant immersion et médiation, rythmée par de nombreux dispositifs audiovisuels, ce sont près de 500 oeuvres provenant pour la plus grande majorité du Mexique, rarement ou jamais présentées en Europe, que le public découvre au travers de cette exposition exceptionnelle.

Cette exposition est organisée en collaboration avec l’Instituto Nacional de Antropología e Historia, Mexico.

Sculpture zoomorphe. N° inventaire 71.1887.155.17. Poisson, oeil circulaire, bouche ouverte, grandes écailles hexagonales représentant une espèce commune dans les lacs du bassin de Mexico : Chirostoma jordani, Chirostoma regani (charal), Chirostoma humboldtianum (pescado blanco), ou bien un poisson de mer tlacamichi, 1350 – 1521. Les représentations de poisson sont rares dans l'art aztèque.Le poisson symbolise le monde de l'eau et de la fertilité et est associé aux divinités Chalchiuhtlicue, Cipactli, Mayahuel, Quetzalcoatl, Xochipilli et Xochiquetzal. Roche volcanique dense de couleur rosâtre, 29 x 59 x 11 cm, 14609 g. Amérique, Mexique. © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Daniel Ponsard.

Sculpture zoomorphe. N° inventaire 71.1887.155.17. Poisson, oeil circulaire, bouche ouverte, grandes Ă©cailles hexagonales reprĂ©sentant une espèce commune dans les lacs du bassin de Mexico : Chirostoma jordani, Chirostoma regani (charal), Chirostoma humboldtianum (pescado blanco), ou bien un poisson de mer tlacamichi, 1350 – 1521. Les reprĂ©sentations de poisson sont rares dans l’art aztèque.Le poisson symbolise le monde de l’eau et de la fertilitĂ© et est associĂ© aux divinitĂ©s Chalchiuhtlicue, Cipactli, Mayahuel, Quetzalcoatl, Xochipilli et Xochiquetzal. Roche volcanique dense de couleur rosâtre, 29 x 59 x 11 cm, 14609 g. AmĂ©rique, Mexique. © musĂ©e du quai Branly – Jacques Chirac, photo Daniel Ponsard.

Sculpture anthropozoomorphe. N° inventaire 71.1887.155.6. Grenouille dont la bouche largement ouverte laisse voir une tête humaine. 1350 – 1521. Roche volcanique dense de couleur rosâtre (granite rose ou andésite?), 29,5 x 27,5 x 35 cm, 32180 g. Amérique, Mexique. © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Daniel Ponsard.

Sculpture anthropozoomorphe. N° inventaire 71.1887.155.6. Grenouille dont la bouche largement ouverte laisse voir une tĂŞte humaine. 1350 – 1521. Roche volcanique dense de couleur rosâtre (granite rose ou andĂ©site?), 29,5 x 27,5 x 35 cm, 32180 g. AmĂ©rique, Mexique. © musĂ©e du quai Branly – Jacques Chirac, photo Daniel Ponsard.

Masque olmeque. ©Foto Jorge Pérez de Lara. D.R. Secretaría de Cultura-INAH-MEX

Masque olmeque. ©Foto Jorge Pérez de Lara. D.R. Secretaría de Cultura-INAH-MEX

Olla Tlaloc. Olla Tlaloc Museo de Sitio del Templo Mayor. ©D.R. Secretaría de Cultura-INAH-MEX. Proyecto Templo Mayor, photo Mirsa Islas.

Olla Tlaloc. Olla Tlaloc Museo de Sitio del Templo Mayor. ©D.R. Secretaría de Cultura-INAH-MEX. Proyecto Templo Mayor, photo Mirsa Islas.


Parcours de l’exposition    #ExpoMexica 

Textes de Leonardo López Luján, Fabienne de Pierrebourg, Steve Bourget et Aline Hémond


Introduction
Le mot « Aztèque », qui dans l’imaginaire collectif europĂ©en Ă©voque souvent des rituels sanglants ou un peuple belliqueux, est une appellation impropre pour dĂ©signer le peuple Mexica Ă©tabli dans le bassin de Mexico Ă  partir du 13e siècle jusqu’en 1521. S’il s’agit d’une sociĂ©tĂ© guerrière aux visĂ©es impĂ©riales et aux rituels souvent sacrificiels, les Mexicas forment la sociĂ©tĂ© la plus complexe et la plus raffinĂ©e du monde mĂ©soamĂ©ricain, dont l’art n’a peut-ĂŞtre pas d’égal dans la rĂ©gion. Grâce au programme archĂ©ologique Proyecto Templo Mayor, qui se poursuit depuis plus de quarante ans, Tenochtitlan – capitale des Mexicas – et son enceinte rituelle dotĂ©e de plusieurs temples sont progressivement mis au jour dans les sous-sols de la ville moderne de Mexico. Ces travaux de longue haleine ont permis de faire avancer la recherche sur la culture mexica dans plusieurs domaines des sciences sociales, notamment l’histoire, l’anthropologie, l’histoire de l’art et la linguistique. Les rĂ©sultats de certaines de ces recherches sont prĂ©sentĂ©s dans cette exposition, ainsi qu’une partie des quelque deux cents offrandes spectaculaires retrouvĂ©es devant le Templo Mayor. Leur Ă©tude dĂ©taillĂ©e a rĂ©vĂ©lĂ© la profonde dimension symbolique, religieuse et artistique du plus grand empire de la MĂ©soamĂ©rique. Cette incursion dans l’histoire, la religion et l’art de la cette fascinante civilisation Mexica devrait enfin prĂ©senter une image plus juste et plus nuancĂ©e de cette extraordinaire culture mĂ©soamĂ©ricaine.

SECTION 1 : La mésoamérique – la civilisation Mexica
L’origine du peuple mexica de langue nahuatl, telle que relatée dans les documents datant de la période post-conquête du 16e siècle, est maintes fois présentée comme une large fresque migratoire où se mêlent des aspects historiques et mythiques. Ces récits évoquent de petits groupes nomades venus d’Aztlan, une localité située sur une île au nord-ouest de la Mésoamérique. Cette épopée comporte de hauts faits extraordinaires tels que celui de la victoire du héros ancestral Huitzilopochtli à Coatepec (la « montagne des serpents »). Elle a ensuite été largement réinterprétée afin d’épouser étroitement les intérêts politiques des tlatoque (« dirigeants »). L’archéologie révèle cependant que ce groupe venu du nord-ouest s’établit dans le bassin de Mexico au cours du 13e siècle. Après de tumultueuses relations avec les autres peuples déjà bien établis à cet endroit, il trouve refuge sur de petites îles dans la partie ouest du lac de Texcoco, et c’est sur deux de ces îles qu’il fonde Tenochtitlan, future ville de Mexico, en 1325 et Tlatelolco en 1338.

SECTION 2 : La vision Mexica du monde
Des dieux ont créé l’univers à partir d’un être primordial qu’ils ont divisé en deux pour former le ciel et la terre. Cette dernière repose sur le monde souterrain. Elle est couverte de la surface terrestre où vivront les êtres humains et d’autres créatures. Les dieux ont ensuite créé le soleil, les hommes, leur nourriture, la vie, mais pour cela ils ont dû se sacrifier. Puis, quatre âges ont précédé le temps présent, les quatre soleils. Détruits successivement par un cataclysme, ils ont laissé la place à notre ère, le cinquième soleil. Cette histoire, résumée, de la création de l’univers met en lumière des constantes fondamentales de la pensée mexica. Le ciel et le monde souterrain s’opposent mais ils ne peuvent pas exister l’un sans l’autre. Aussi, l’équilibre nécessaire à la vie et à la course du monde repose sur le principe de dualité, d’opposition et de complémentarité. Mais cet équilibre est précaire. Il doit être préservé et revitalisé par les rituels, par la nourriture offerte aux dieux ou de dépôts rituels, et dans le cas extrême, par le sacrifice, don fait aux dieux qui eux-mêmes se sont tués pour créer leur monde.

SECTION 3 : Les figures divines
Des images de dieux étaient placées dans les maisons, dans les temples, sur les places, à la croisée des chemins, à l’intérieur des grottes, sur les rochers, autour des sources d’eau et dans tout autre lieu de la géographie sacrée où les fidèles s’adressaient aux divinités par des offrandes, des prières, des chants, des processions. Souvent sculptées dans de la pierre ou du bois, elles pouvaient également être en céramique ou modelées dans de la terre ou dans une pâte d’amarante (plante herbacée). Les Mexicas voyaient dans chaque figure des dieux, un ixiptla, une peau, une coquille du divin, c’est-à-dire un réceptacle des influences, des vertus et des forces que les divinités y insufflaient pour le bien de leurs protégés. Sa nature d’ixiptla découlait de sa ressemblance avec le dieu qui l’habitait et lui donnait vie. Les sculptures étaient souvent pourvues d’un « coeur » qui animait la matière, sous la forme d’une pierre semi-précieuse placée dans une cavité aménagée au niveau de la poitrine. Une fois la sculpture achevée et activée, rares étaient ceux qui osaient soutenir l’éclat de ses yeux d’obsidienne ou de pyrite.

SECTION 4 : Les échanges entre humains et dieux : le temps et l’espace
En se déplaçant et en agissant dans le monde terrestre des créatures, les dieux se fatiguent et perdent progressivement leurs forces. Pour récupérer et rester en mouvement, ils doivent se nourrir. C’est pour cette raison qu’ils ont créé les êtres humains qui, toute leur vie, doivent les vénérer et les nourrir avec des offrandes et des sacrifices. Les sources historiques du 16e siècle montrent que les fidèles se considéraient comme des êtres privilégiés, en raison de leurs relations étroites avec les dieux, et se sentaient redevables envers ces derniers qui les avaient créés et subvenaient à leurs besoins. Leur engagement envers les dieux était tel que le produit de leur travail ne suffisait pas à rembourser ce qu’ils avaient reçu : ils devaient leur donner leur propre sang et, à la fin de leur vie, leur offrir leur dépouille. Les actuels Nahuas de la Sierra Norte de Puebla du Mexique, héritiers de cette ancienne conception, résument le processus en une seule phrase : « La très sainte Terre Mère nous nourrit, puis elle nous mange ».

SECTION 5 : Le Templo Mayor
Le Huei Teocalli ou Templo Mayor de Tenochtitlan, comme beaucoup de pyramides mésoaméricaines, était une masse solide de pierre, de terre, de chaux, de sable et de bois. Il était constitué d’une plate-forme quadrangulaire de 78 sur 84 mètres, sur laquelle se dressait une pyramide de 45 mètres de haut, constituée de quatre corps en escalier. Ces derniers servaient de base à deux chapelles : celle du sud dédiée à Huitzilopochtli, le dieu du soleil et de la guerre, et celle du nord consacrée au culte de Tlaloc, dieu de la pluie. On montait aux chapelles depuis la place par un double escalier situé sur la façade ouest de la pyramide, flanquée de grandes têtes de serpent de basalte. Le Templo Mayor a fait l’objet de rénovations constantes depuis son édification au 14e siècle jusqu’à sa destruction au 16e siècle. Ceci est démontré par la découverte d’au moins sept extensions totales, c’est-à-dire sur les quatre façades : six extensions partielles, uniquement sur la façade principale ou la façade nord, une remise en état complète de l’escalier de la plate-forme, plusieurs renivellements de la face supérieure de certains corps pyramidaux, et de nombreux réaménagements mineurs des faces latérales. Le Templo Mayor évoque la Montagne sacrée de la vision mexica du monde et, en particulier, la mythique Coatepec (« montagne des serpents ») où le dieu solaire Huitzilopochtli vainquit ses frères et soeurs, la déesse de la lune Coyolxauhqui et les stellaires Centzonhuitznahuah. La double structure du Templo Mayor est parfaitement conforme à la vision mésoaméricaine de l’univers, à la classification par oppositions binaires : saison sèche/saison des pluies, mûr/tendre, solstice d’été/solstice d’hiver, ciel/terre, jour/nuit, feu/ eau, chaud/froid, ocre/bleu, etc.

SECTION 6 : La conquĂŞte et la colonisation du Mexique par les espagnols
Arrivés en 1492 aux Antilles, les Espagnols entament la conquête du Mexique le 10 février 1519. Parti de Cuba avec onze caravelles et plus de 600 hommes, le conquistador Hernán Cortés accoste dans le golfe du Mexique, et pénètre dans les terres. Il atteint la grande Tenochtitlan le 8 novembre 1519. Les premières relations, cordiales, se transforment rapidement en conflit, puis en massacres. Le 13 août 1521, Cuauhtemoc, le dernier empereur, est capturé, et Cortés s’empare de Tenochtitlan. Les vestiges de Tenochtitlan sont progressivement recouverts par la nouvelle ville de Mexico, capitale de la Nouvelle Espagne, vice-royauté de la couronne espagnole qui, instaurée en 1535, étend peu à peu son empire jusqu’au nord de l’Amérique centrale et au sud des États-Unis. Dès les premiers contacts, les religions mésoaméricaines sont diabolisées. Les missionnaires détruisent les images et les temples et interdisent les cérémonies. Bien que officiellement prohibé en 1542, l’esclavage des peuples autochtones se poursuit, dissimulé ou sous la forme d’une servitude pour dettes. Dans ce contexte, des épidémies se propagent et déciment les populations autochtones.

SECTION 7 : Les offrandes du Mexique autochtone moderne
Environ 70 langues amérindiennes sont parlées dans le Mexique actuel. Les peuples autochtones, descendants des vaincus de la conquête espagnole, y occupent une place culturelle importante, malgré leur marginalisation économique et politique. Dans une imbrication complexe avec le catholicisme, qui s’est autochtonisé, des entités issues des anciennes divinités côtoient des images saintes chrétiennes. Parfois liées au chamanisme agraire, elles sont célébrées lors des demandes de pluie, des cérémonies en lien avec le cycle agricole ou des rituels politiques. Les offrandes adressées aux puissances qui peuplent le ciel, la Terre et le monde souterrain constituent des engagements répétés qui lient les hommes à leur environnement et aux entités non-humaines, en créant une cohésion sociale. Parfois enterrées, plus souvent déposées sur des nattes tressées ou sur des tables ornées d’une nappe, ces offrandes répondent aux principes mésoaméricains mis en place durant le deuxième millénaire avant notre ère. Pour la plupart, leur organisation précise reproduit les trois niveaux (la Terre, la surface terrestre, le ciel), les directions cardinales, le centre, le haut et le bas, ce qui représente l’univers.