đ âJean Gaumyâ DâaprĂšs Nature, Ă la galerie Sit Down, du 2 fĂ©vrier au 13 avril 2024
âJean Gaumyâ DâaprĂšs Nature
Ă la galerie Sit Down, Paris
du 2 février au 13 avril 2024
PODCAST –Â Interview de Jean Gaumy
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 19 fĂ©vrier 2024, durĂ©e 28â20,
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
Pour lâouverture de la saison 2024, la galerie Sit Down est heureuse de prĂ©senter la sĂ©rie DâaprĂšs Nature du photographe Jean Gaumy. Ce projet photographique rĂ©alisĂ© lors de voyages en solitaire dans les montagnes du PiĂ©mont est largement imprĂ©gnĂ© de l’esthĂ©tique unique de son auteur. Par son regard intimiste, Jean Gaumy capture la beautĂ© brute et la complexitĂ© de la nature et nous y rĂ©vĂšle l’invisible prĂ©sence de l’homme tout en nous invitant Ă s’immerger dans la beautĂ© sauvage et mystique de ces territoires inhospitaliers.
La Tentation du Paysage â par Jean Gaumy
Cette sĂ©rie photographique est le fruit de plusieurs sĂ©jours dans les montagnes et vallĂ©es âoccitanesâ du PiĂ©mont. Jâyâai fait des rencontres marquantes et nouĂ© quelques amitiĂ©s. Je nâai pas voulu faire de ces rencontres la prioritĂ© de mon approche photographique comme je lâavais envisagĂ©.
Insensiblement le projet initial se transformait. Je prenais le parti dâĂȘtre pleinement contemplatif. Pour seuls outils : le cadre du viseur, lâĂ©coute, lâobservation, quelques notes dans un carnet. Souvent la solitude devant le vide. Le silence. Le temps mâa permis de faire le point sur les limites de la photographie, les miennes propres. Il a fallu me dĂ©faire de quelques acquis. Je me heurtais aux difficultĂ©s du genre.
Lors de cette pĂ©riode, lâactualitĂ© mondiale aidant, je sentais bien, comme tant dâautres, lâirrĂ©sistible accĂ©lĂ©ration de la rupture qui sâopĂ©rait entre lâespĂšce humaine et son environnement originel ; entre civilisation et nature.
Dâinstinct jâai voulu voir, comme je lâavais dĂ©jĂ fait en mer, ce qui pourrait bien me faire signe dans ces montagnes ; voir quelle reprĂ©sentation culturelle mâirriguait depuis lâenfance dĂšs lors quâil sâagit de nature, dâorigines. Quâest-ce que jâen ramĂšnerai aussi qui ne soit pas convenu, qui ne soit pas des âclichĂ©sâ.
Jâai cernĂ© un peu mieux ma part de fantasme, ma part de luciditĂ©. Imaginaire et rĂ©alitĂ©.
Ces photographies ont depuis donnĂ© naissance au livre âDâaprĂšs Natureâ. Elles sont le dĂ©but du long essai que je poursuis : âNature sous influenceâ.
Avec cette sĂ©rie, il sâagit ici, aâcontrepied, de la reprĂ©sentation trĂšs subjective dâune âNature sans influenceâ.
Jean Gaumy
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Jean Gaumy, Vers le col de la Cavale, via Val Stura, 2006, Piémont. © Jean Gaumy / Magnum Photos courtesy galerie Sit Down.
Jean Gaumy, Val de Susa vers le Mont Ceni. Vue aâpartir du val Cenischia, 2009, PiĂ©mont. © Jean Gaumy / Magnum Photos courtesy galerie Sit Down.
Jean Gaumy, Autour du col de Tende, 2008, Piémont. © Jean Gaumy / Magnum Photos courtesy galerie Sit Down.
Jean Gaumy, Autour du Val de Oncino via le val PÎ, 2008, Piémont. © Jean Gaumy / Magnum Photos courtesy galerie Sit Down.
Jean Gaumy, Col de Tende, 2008, Piémont. © Jean Gaumy / Magnum Photos courtesy galerie Sit Down.
Jean Gaumy, Vers le col dâEsischie via le Val Marmora, 2008, PieÌmont. © Jean Gaumy / Magnum Photos courtesy galerie Sit Down.
DâaprĂšs Nature â par Jonas CuĂ©nin
Jean Gaumy est un âvrai timideâ, mais pour rĂ©aliser une photographie il doit souvent sâapprocher Ă trois mĂštres ou moinsâ. Une variante du prĂ©cepte de Robert Capa â âSi votre photo n’est pas assez bonne, c’est que vous n’Ă©tiez pas assez prĂšsâ – qui a de quoi faire sourire. Elle a pourtant façonnĂ© son style. Et cette façon de voir notre monde, dans lâintimitĂ© des hommes, Ă travers des scĂšnes prises sur le vif, dans des compositions complexes, est devenue une sorte de seconde nature. Jean Gaumy parle dâune traque des concomitances. âC’est le chien qui arrive Ă gauche, les deux types qui vont se serrer la main, la vieille dame qui arrive au fond, et une voiture qui va passerâŠâ.
Cette fois-ci, pour DâaprĂšs Nature (projet dĂ©butĂ© en 2003), le photographe sâest tournĂ© vers des paysages en montagne oĂč, Ă premiĂšre vue, rien ne se passe. Comme pour brouiller les pistes. Lui, a bien suivi celles qui mĂšnent aux sommets du massif des Alpes. âQuatre ou cinq vallĂ©es parallĂšles qui vont de l’est Ă l’ouest, qui montent jusquâĂ 2000m, et ne sont pas beaucoup frĂ©quentĂ©es.â En marchant durant des jours entiers, passant dâun refuge Ă lâautre, descendant parfois au village pour retrouver quelques copains, Jean Gaumy a rĂ©alisĂ© des images qui rĂ©vĂšlent dans la nature, des formes, des lignes, des silhouettes⊠Au moyen format.âPour avoir un rythme plus lent. Ce sont des journĂ©es oĂč tout Ă coup, les choses s’imposent, se donnent Ă vous. Vous les âreconnaissezâ.â
Dans ces photographies noir et blanc, Ă la fois extrĂȘmement graphiques, parfois Ă la limite de l’abstraction, mais aussi intimes, on distingue souvent ce que lâon veut. Câest aussi le pouvoir de cette photographie, faire appel Ă lâimagination du spectateur, le forcer Ă regarder plus attentivement, quand notre monde nous pousse davantage Ă seulement apercevoir. On apprĂ©ciera dans ces images lâhistoire personnelle du photographe, sa culture, son passĂ©, et les liens humains quâil a crĂ©Ă©s.
Car pour lui, ces images sont tout dâabord le fruit dâune imprĂ©gnation, tout un mĂ©lange hĂ©tĂ©roclite dâĂ©lĂ©ments qui lui font âsigneâ. Jean Gaumy connaĂźt bien la montagne, la petite soeur des Alpes surtout, au sud-ouest du pays. âMon enfance, c’Ă©tait dans les PyrĂ©nĂ©es. Ma famille habitait Ă Toulouse. Nous Ă©tions trĂšs souvent en AriĂšge, le pays de mes arriĂšre-grands-parents.â Tout ça, tout ce qui fait la beautĂ© de ces images, ressemble Ă un dĂ©jĂ vu quâil nâaurait pas pu photographier avant. JusquâĂ ce projet, et ce livre, publiĂ© en 2010 chez Xavier Barral. âCe sont toutes les images qui me reviennent d’avant. Mais pas seulement. Ce sont aussi des rĂ©fĂ©rences inconscientes qui surgissent â la peinture par exemple⊠Certains tableaux de Andrew Wyeth, âDown Hillâ ou âWinter Monheganâ, dĂ©couverts quelques annĂ©es auparavant grĂące Ă Michelle, mon Ă©pouse. Ceux de la Renaissance, avec ces intĂ©rieurs oĂč se trouvent tout au fond des fenĂȘtres, des portes, des ouvertures qui donnent sur de minuscules paysages. Ce sont dâailleurs eux qui m’intĂ©ressent le plus souvent. A Pollock, lĂ je pense aux entrelacs dâarbres et de branches. Le cinĂ©ma (noir et blanc naturellement !): Carl Dreyer, Arne Sucksdorff, AndreĂŻ Tarkovski. La littĂ©rature aussi : Jean Giono, Julien Gracq, Charles-Ferdinand RamuzâŠâ.
Jean Gaumy parle de âmĂ©moire dĂ©cisiveâ Ă propos de son livre DâaprĂšs Nature. Lâhomme, qui est membre de lâAcadĂ©mie des beaux-arts depuis 2016, a de lâesprit, et comme ses aĂźnĂ©s, un vrai sens de la formule. Une gymnastique entretenue par les rencontres et les discussions Ă©clairĂ©es. Lorsque unmembre de lâAcadĂ©mie des sciences sâapproche et lui demande âpourquoi lâĂȘtre humain au coursde son Ă©volution est-il toujours attirĂ© par la beautĂ© ?â, il rĂ©pond: âIl y a certainement des pistes derĂ©flexion dans la sociologie, dans lâhistoire de lâart, mais cela a peut-ĂȘtre aussi Ă voir avec la biologie dont vous ĂȘtes spĂ©cialiste : une nĂ©cessitĂ© pour survivre.â
Jonas Cuénin