đ âGeorges Hugoâ Lâart dâĂȘtre petit-fils, Ă la Maison Victor Hugo, du 10 novembre 2023 au 10 mars 2024
âGeorges Hugoâ Lâart dâĂȘtre petit-fils
Ă la Maison Victor Hugo, Paris
du 10 novembre 2023 au 10 mars 2024
PODCAST – Interview de GĂ©rard Audinet, directeur des Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey et commissaire de lâexposition,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 27 novembre 2023, durĂ©e 27â44,
© FranceFineArt.
Nadar (Gaspard-Félix Tournachon, dit), Georges Hugo, 1882, photographie, Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey / Paris Musées.
Alfred Capelle, Victor Hugo avec son petits-fils Georges, hiver 1885, Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey / Paris Musées.
Extrait du communiqué de presse :
Georges Hugo, Vue des environs de Florence, v. 1901-1910 ?, Huile sur toile, Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey / Paris Musées.
Georges Hugo, VH descendant l’escalier Ă Hauteville House, aprĂšs 1880, huile sur toile, Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey / Paris MusĂ©es.
Georges Hugo, Fjord [Islande ?], Huile sur toile, Musée du Grand SiÚcle.
Georges Hugo, Le Beerenberg, Ăźle Jan Mayen, avec vol de goĂ©lands, Paysage d’Islande, 1902 Huile sur toile, Collection Jean-François Heim.
Commissaires :
GĂ©rard Audinet, directeur des Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey
Alexandrine Achille, chargée de la collection photographique à la Maison de Victor Hugo.
Georges Hugo (18681925), petit-fils du poĂšte, immortalisĂ© enfant par le recueil de poĂšmes LâArt dâĂȘtre grand-pĂšre, fut le premier peintre, dâune lignĂ©e familiale qui se poursuit aujourdâhui. Dilettante de grand talent, il fut une sorte de chroniqueur proustien de son Ă©poque.
Cette premiĂšre grande rĂ©trospective lui rend hommage 100 ans aprĂšs sa mort et invite Ă dĂ©couvrir son parcours en sâappuyant sur prĂšs de 300 piĂšces : dessins, peintures, manuscrits, carnets, gravures, photographies provenant du fonds du musĂ©e, de collections privĂ©es et particuliĂšrement dâarchives familiales inĂ©dites.
Cette exposition sâinscrit dans une double logique de programmation : prĂ©senter une sĂ©rie de monographies de peintres liĂ©s dâune façon ou dâune autre Ă Victor Hugo, et illustrer la mĂ©moire artistique familiale.
Georges Hugo est un personnage empreint de paradoxes. Mondain, il fait preuve dâempathie pour les pauvres. Fils de famille, il effectue son service militaire comme simple matelot. EsthĂšte raffinĂ© et ardent patriote, bien que quinquagĂ©naire, il sâengage en 1914 et part au front comme agent de liaison. Amoureux passionnĂ©, il est instable dans ses relations. De santĂ© fragile, Georges Hugo est Ă la fois timide, flamboyant, flambeur, sensible, discret, joueur, mĂ©lancolique, charmant et sĂ©ducteur⊠Les seuls points dâancrage dans sa vie ont sans doute Ă©tĂ© la fidĂ©litĂ© Ă la mĂ©moire de son grand-pĂšre et son amour de lâart.
Petit-fils unique de Victor Hugo quâil appelait «Papapa», Georges commence Ă dessiner et les Ă©changes de dessins font partie de leur complicitĂ©.
Cet artiste fait partie des peintres sans atelier, posant leur chevalet dans un salon ou sur le pont dâun navire. On ne sait pas toujours oĂč, ni surtout quand il a peint. Son langage de prĂ©dilection est le dessin. Un carnet Ă la main, il consignait sa vie et son monde dâun trait rapide en usant de son esprit vif et de son oeil acĂ©rĂ©. Il dĂ©peignait les scĂšnes de cafĂ©s oĂč il passait lâessentiel de son temps, les scĂšnes de spectacles quâil aimait frĂ©quenter, celles du front dont il voulait tĂ©moigner, les reprĂ©sentations dâhomme et de femme dont il traquait la cocasserie ou lâĂ©lĂ©gance, ou portraiturait ses proches. Avec une sorte de mĂ©moire proustienne, il fait montre dâune technique savoureuse et mordante. Il y mĂȘle crayon, encre et aquarelle non sans se souvenir, discrĂštement, du talent de dessinateur de son grand-pĂšre. Georges Hugo a sans doute donnĂ© ses lettres de noblesse au dilettantisme, lui qui semblait surtout peindre et dessiner pour lui jusquâĂ ce que lâeffritement de sa fortune ne le pousse Ă exposer et Ă vendre. Câest la premiĂšre exposition monographique consacrĂ©e Ă son oeuvre.
La Maison de Victor Hugo crĂ©Ă©e par Paul Meurice Ă lâoccasion du centenaire de Victor Hugo en 1902 nâaurait pu voir le jour sans le soutien de la famille Hugo et particuliĂšrement celui de Georges Hugo, qui fit des donations successives afin de constituer le fonds initial du musĂ©e dâenviron 600 oeuvres.
#GeorgesHugo â catalogue aux Ă©ditions Paris MusĂ©es – Georges Hugo, lâart dâĂȘtre petit-fils par GĂ©rard Audinet
Georges Hugo, Dora vue de Dos, v. 1910, Huile sur toile, © RMN-Grand Palais (musĂ©e d’Orsay) / HervĂ© Lewandowski.
Georges Hugo, Hortensias, huile sur toile, collection particuliĂšre.
Parcours de l’exposition :
Lâart dâĂȘtre petit-fils
Cette premiĂšre partie rappelle lâimportance du lien avec son grand-pĂšre et la façon dont son souvenir sâest cristallisĂ© autour de Guernesey et de Hauteville House. « Petit Georges » est, avec sa soeur, Jeanne, immortalisĂ© Ă lâĂąge de onze ans par LâArt dâĂȘtre grand-pĂšre. Il vit une enfance merveilleuse et hors norme dans lâaffection de son grand-pĂšre, bien que marquĂ©e par les deuils, celui de son pĂšre et de son oncle. La mort de Victor Hugo, en 1885, dont il conduit le cortĂšge de lâArc de Triomphe au PanthĂ©on, met un point final Ă cette enfance. Restant le jeune homme le plus cĂ©lĂšbre de France, Georges se destine aux lettres et Ă la peinture. Mais comment ĂȘtre peintre quand on est « Petiphysse », comme il se nommait ? Toute sa vie semble dĂ©chirĂ©e entre sa vĂ©nĂ©ration pour son grand-pĂšre dont il dĂ©fend la mĂ©moire, sans faille, et cette vocation par laquelle il craint de ternir cette mĂ©moire. La vie mondaine, dispendieuse, dĂ©bridĂ©e, semble ĂȘtre une Ă©chappatoire Ă ce dilemme. Sa carriĂšre de peintre avortĂ©e, de 1894 Ă 1897, ne renaĂźt quâen 1917. Ce nâest, sans doute, quâĂ partir de la Grande Guerre et jusquâĂ sa mort, en 1925, quâil trouve grĂące Ă la peinture la paix avec lui-mĂȘme. CommencĂ©e dans lâexubĂ©rance poĂ©tique de son aĂŻeul, la vie de Georges est romanesque, faite dâexcĂšs et de contrastes : jeune homme riche et cĂ©lĂšbre, bagarreur, sĂ©ducteur, simple matelot, homme du monde, collectionneur esthĂšte, poilu de 14-18, joueur, flambeur⊠« Je ne suis pas un exemple Ă suivre », disait-il Ă son fils Jean. Mais il reste un artiste dĂ©licat autant que lâun des meilleurs peintres de guerre, et un dessinateur vif, acerbe et plein dâesprit qui sut faire pleinement sien le trait de son grand-pĂšre.
Mon grand-pĂšre
Guernesey reste le vĂ©ritable sanctuaire de cette mĂ©moire. Câest sans doute Ă Hauteville House, la maison dâexil de Victor Hugo, quâil ressent une grande proximitĂ© avec son grand-pĂšre. « Je pense tout le temps Ă Guernesey qui est un idĂ©al ; je me demande souvent si je ne serai jamais aussi heureux que quand jâĂ©tais enfant. Je crains bien que non », Ă©crit Georges Ă sa mĂšre. Les sĂ©jours quâil a faits enfant auprĂšs de son grand-pĂšre Ă Guernesey, en 1870, 1872 et 1878, le marquent profondĂ©ment. La magie des dĂ©cors de Hauteville House qui servent de toile de fond Ă ces moments de grande proximitĂ© imprĂšgne sa mĂ©moire. Il aimera, tout au long de sa vie, revenir sur lâĂźle qui cristallise le souvenir de « Papapa », tel quâil avait baptisĂ© Victor Hugo. Câest lĂ sans doute que sa vocation artistique sâĂ©veille : il voit son grand-pĂšre dessiner ; plus tard, câest lĂ quâil reçoit ses premiĂšres leçons de peinture dâErnest Duez. Il se plait Ă peindre la maison, mais aussi Ă crayonner lâĂźle et ses habitants, quâil observe Ă la bibliothĂšque, Ă la Cour royale ou au pub. En 1902, alors quâil obtient lâautorisation de prendre le nom de Georges Victor-Hugo, il publie un livre de mĂ©moires, Mon grand-pĂšre. Il dĂ©fend avec acharnement la figure de Victor Hugo dans plusieurs polĂ©miques. Mais ses dessins forment Ă©galement un vĂ©ritable album de souvenirs et Guernesey reste le vĂ©ritable sanctuaire de sa mĂ©moire. En 1914, lors de lâinauguration de la sculpture de Victor Hugo Ă Saint-Pierre-Port, il fait le voeu que Hauteville House devienne un musĂ©e pour en assurer la pĂ©rennitĂ©.
Des «MĂ©moires dâun matelot» aux annĂ©es Pauline
DĂšs son adolescence, Georges dessine et peint. Sa vocation est arrĂȘtĂ©e mais son service militaire dans la marine, de 1891 Ă 1893, semble ĂȘtre une expĂ©rience dĂ©cisive, sur le plan humain, littĂ©raire et artistique. Simple matelot, il vit au milieu de ses camarades pauvres et souvent analphabĂštes Ă qui il apprend Ă lire. Il transcrit cette expĂ©rience sociale et humaine dans un livre quâil publie en 1896, MĂ©moires dâun matelot. Les portraits quâil y fait de ses compagnons, oĂč se lit toute son empathie, trouvent leur Ă©quivalent dans ceux quâil dessine. Rendu Ă la vie civile, sa premiĂšre participation au salon de la SociĂ©tĂ© nationale des beaux-arts, en 1894, avec Vieux navires et La DĂ©vastation, a trait Ă cette pĂ©riode militaire. ParallĂšlement, Georges crayonne des portraits souvent sarcastiques de son entourage â hommes politiques et Ă©crivains. En 1894, il Ă©pouse une amie dâenfance, Pauline MĂ©nard-Dorian. Le couple mĂšne une vie mondaine. Georges dĂ©core luxueusement leur appartement ; Ă lâexemple de son ami Edmond de Goncourt, il collectionne lâart du XVIIIeĂsiĂšcle et lâart japonais. Son Ćuvre se recentre sur lâintimitĂ© : portraits de sa femme, de son fils Jean, nĂ© en 1894, tandis que sa fille Marguerite naĂźt en 1896. Il se consacre aussi Ă la gravure, expĂ©rimentant techniques et tirages. Ce sont les derniĂšres oeuvres quâil expose au Salon. En 1898, sa vie bifurque : il quitte Pauline pour vivre avec la cousine de celle-ci, Dora Dorian.
«Sur le front de Champagne»
ĂgĂ© de quarante-six ans Ă la dĂ©claration de la guerre, en 1914, Georges doit faire des pieds et des mains pour sâengager et se battre sur le front. EnvoyĂ© en Champagne, en 1915, il participe comme agent de liaison aux combats de la ferme Navarin. CitĂ© Ă lâordre de lâarmĂ©e, il reçoit la croix de guerre. En avril 1916, il est dĂ©mobilisĂ© Ă la suite dâune crise de rhumatismes, dont il souffre depuis lâenfance. Au front, il nâa cessĂ© de crayonner, conservant la mĂ©moire de tout ce dont il est le tĂ©moin. Ses dessins montrent autant dâobjectivitĂ© que de sensibilitĂ©, ses titres attestent de son patriotisme, ses portraits retrouvent dans la fraternitĂ© des armes lâempathie quâil avait ressentie matelot. Cet Ă©quilibre, la nervositĂ© de son trait, sa maĂźtrise de lâaquarelle en font lâun des plus beaux tĂ©moignages sur la Grande Guerre. MalgrĂ© la crainte de la censure militaire, il est dĂ©sireux de faire connaĂźtre ses dessins. Alors quâon vient de lui confier, en novembre 1916, une mission de peintre aux armĂ©es, son ami lâillustrateur Sem (1863-1934) les rĂ©vĂšle dans le numĂ©ro de NoĂ«l 1916 de Lâillustration, puis une grande exposition leur est consacrĂ©e au musĂ©e des Arts dĂ©coratifs, en fĂ©vrier 1917. Il publie alors chez Devambez un portfolio de cent fac-similĂ©s. Cet album sera dâailleurs rĂ©Ă©ditĂ© Ă lâoccasion de lâexposition. Cette pĂ©riode semble avoir Ă©tĂ© dĂ©cisive. Georges se montre de plus en plus concernĂ© par la peinture et sensible aux jugements et encouragements dâartistes quâil admire. Travaillant beaucoup, il envisage de nouveau dâexposer.
Des années Dora au café des gaufres
Ă la suite de son divorce, il se remarie avec Dora Dorian et part sâinstaller prĂšs de Florence.
Georges aime peindre les rives de lâArno. Leur fils, François, y naĂźt en 1899. BrouillĂ© avec sa soeur depuis son divorce dâavec LĂ©on Daudet, il se rĂ©concilie avec Jeanne et son nouveau mari, Jean-Baptiste Charcot, pour les fĂȘtes du centenaire de Victor Hugo en 1902. Cet Ă©tĂ©-lĂ , il part avec son nouveau beau-frĂšre en Islande et jusquâĂ lâĂźle Jan Mayen, oĂč il rĂ©alise certaines de ses plus belles peintures. Georges nâexposant plus et ne datant que trĂšs rarement ses travaux, il est dĂ©sormais difficile de suivre lâĂ©volution de son oeuvre. Celle-ci, avec lâimportante production quâil semble avoir Ă partir de 1917, nâest rĂ©vĂ©lĂ©e au public quâaprĂšs-guerre, lors de lâexposition qui lui est consacrĂ©e au musĂ©e des Arts dĂ©coratifs en 1920, puis Ă la galerie Brame en 1923. Le peintre se montre essentiellement sensible au paysage, tandis que le dessinateur, au crayon acĂ©rĂ©, sâadonne aux scĂšnes de sociabilitĂ©, aux spectacles, aux ĂȘtres quâil observe dâun oeil proustien, comme sâil Ă©tait Ă la recherche dâun temps perdu ou en train de disparaĂźtre. Ayant dilapidĂ© sa fortune, Georges vit entre le CafĂ© des gaufres aux Champs-ĂlysĂ©es et une petite chambre dans un cercle de jeu proche. Câest lĂ quâil meurt le 5 fĂ©vrier 1925. Un mois plus tard, la Maison de Victor Hugo, musĂ©e depuis 1903, lui rend hommage naturellement par une exposition.
Une production présente dans les collections muséales
La plupart des oeuvres de Georges Hugo â peintures, dessins, gravures â sont aujourdâhui prĂ©sentes dans les collections musĂ©ales et institutions françaises (musĂ©e de lâArmĂ©e, musĂ©e dâOrsay, musĂ©e des Arts DĂ©coratifs, Centre national des arts plastiques, BibliothĂšque La Contemporaine, musĂ©e du Grand SiĂšcleâŠ) ainsi que dans les collections familiales et privĂ©es. La Maison de Victor Hugo conserve prĂšs dâune centaine dâoeuvres diverses : des peintures de paysages aux pastels de natures mortes, des dessins des tranchĂ©es de la Grande Guerre aux croquis sur le vif saisis dans des cafĂ©s, des lettres Ă son grand-pĂšre aux livres illustrĂ©s rĂ©alisĂ©s avec sa soeur Jeanne.