đ âYves Saint Laurent â FORMESâ au MusĂ©e Yves Saint Laurent Paris, du 9 juin 2023 au 14 janvier 2024
âYves Saint Laurent â FORMESâ
DĂ©cors et Ćuvres de Claudia Wieser
au Musée Yves Saint Laurent Paris
du 9 juin 2023 au 14 janvier 2024
Musée Yves Saint Laurent
PODCAST – Interview de Serena Bucalo-Mussely, Conservatrice, responsable des collections du MusĂ©e Yves Saint Laurent Paris, et co-commissaire de l’exposition,,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 8 juin 2023, durĂ©e 22â08,
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
Commissaires de lâexposition
Elsa Janssen, Directrice du Musée Yves Saint Laurent Paris
Serena Bucalo-Mussely, Conservatrice, responsable des collections du Musée Yves Saint Laurent Paris
Artiste invitée, Claudia Wieser
Commissariat scientifique – MusĂ©e Yves Saint Laurent Paris,
Alice Coulon-Saillard, Curatrice, chargée des collections photographiques, audiovisuelles et archives presse
Domitille Eblé, Curatrice, chargée des collections arts graphiques
Judith Lamas, Curatrice, chargée des collections textiles et accessoires
AVEC lâexposition Yves Saint Laurent â FORMES, la modernitĂ© du couturier Yves Saint Laurent trouve un nouvel Ă©cho. Par une mise en espace, lâartiste Claudia Wieser dialogue avec les piĂšces textiles et les arts graphiques issus des collections du MusĂ©e. Lâexposition prĂ©sente une quarantaine de modĂšles, haute couture et prĂȘt-Ă -porter, accessoires et croquis, qui se trouvent en rĂ©sonance avec les dĂ©cors et les oeuvres de lâartiste allemande. Cette expĂ©rience originale inscrit dĂ©finitivement le gĂ©nie du couturier dans notre Ă©poque contemporaine.
Grand couturier, Yves Saint Laurent nâa eu de cesse dâinventer des formes. DĂšs 1958, directeur artistique chez Christian Dior, il affirme sa modernitĂ© en signant la ligne « TrapĂšze ». Cette silhouette gĂ©omĂ©trique devient iconique et sâinscrit dans lâhistoire de la mode.
« Je pense que lâĂ©lĂ©ment principal de cette mode est la jeunesse et surtout un retour Ă des tendances jusque-lĂ un peu oubliĂ©es câest-Ă -dire la simplicitĂ©, le naturel et la souplesse. » Interview Yves Saint Laurent par AndrĂ© Parinaud, 1959, INA
Ă partir des annĂ©es 1960, les crĂ©ations d’Yves Saint Laurent allient en effet simplicitĂ© de la coupe, rigueur des lignes et franchise des couleurs. Ses oeuvres font Ă©cho aux courants artistiques modernes, abstraction simple et gĂ©omĂ©-trique, constructivisme, art concret, autant de chapitres qui nous laissent dĂ©couvrir son talent tout en contraste dâYves Saint Laurent.
Radical, le couturier exĂ©cute des robes minimales et des combinaisons monochromes qui semblent jaillies dâun seul trait. Au fondement de son art, s’affirme la prĂ©cision du geste.
Coloriste, il imagine des compositions abstraites, entre Ă©pure et exubĂ©rance, nĂ©es de lâassemblage de surfaces planes aux teintes vibrantes. Transposant la matiĂšre picturale en matiĂšre textile, il Ă©quilibre ainsi couleur, forme, surface et ligne.
Illusionniste, il oppose le noir au blanc pour crĂ©er, par jeux dâoptique, du mouvement dans le vĂȘtement. Par lâutilisation de lâaplat ou du simple tracĂ©, la forme prĂ©vaut sur la couleur.
Le couturier se veut enfin ludique et joue avec les gĂ©omĂ©tries, assemblant des prismes colorĂ©s comme autant de fragments aux cloisonnements audacieux. Courbes ou angles droits, sphĂšres ou lignes brisĂ©es, cette ronde de formes est mise en scĂšne par lâartiste allemande Claudia Wieser qui porte ici une attention toute particuliĂšre Ă la couleur et Ă la forme. InfluencĂ©e par lâoeuvre de Vassily Kandinsky et de Paul Klee, intuitive et spirituelle, lâartiste qui explore les constructions gĂ©omĂ©triques dâinspiration moderniste est reconnue pour ses installations immersives et contemplatives. Pour le projet Yves Saint Laurent â FORMES, Wieser propose une expĂ©rience totale, en prĂ©sentant un ensemble de piĂšces, dont certaines inĂ©dites.
Parcourt de l’exposition
Formes pures
TOUT au long de sa crĂ©ation Yves Saint Laurent a inscrit la beautĂ© fĂ©minine en lignes, aplats et formes. DĂšs ses dĂ©buts pour la maison Christian Dior, il conçoit des crĂ©ations lĂ©gĂšres, tenues par les Ă©paules et non plus par la taille, qui sâĂ©loignent de la ligne New Look . Cette tendance au dĂ©pouillement apparaĂźt ensuite de maniĂšre constante dans son oeuvre et au travers de rĂ©alisations discrĂštes, qui tĂ©moignent de toujours plus de rigueur. Yves Saint Laurent trace une silhouette toute en verticalitĂ©, essentielle et libĂ©rĂ©e de tout super-flu, afin dâatteindre la puretĂ© de la construction. Câest de cette rigueur que dĂ©coule son style. Ce dernier est, comme il lâexprime, nourri de multiples influences : « Jâai lâimpression de faire toujours la mĂȘme chose et en fait, pas du tout. Il y a une Ă©volution, qui peut venir dâun tissu, dâune tendance, dâun courant dâidĂ©es, dâun mouvement artistique. » Les vĂȘtements empruntĂ©s au monde du travail sont une de ses sources dâinspiration. Il les adapte Ă la haute couture, pour en offrir une version fĂ©minisĂ©e. Il rĂ©interprĂšte les codes des « formes permanentes » de ce quâil appelle « les vrais vĂȘtements » Ainsi, le jump-suit, combinaison utile aux aviateurs puis aux spationautes, est transformĂ© en un ensemble monochrome, dont lâĂ©lĂ©gance est profilĂ©e par des lignes simples et fluides. Ă la fin des annĂ©es 1960, ce vĂȘtement devient un classique de la garderobe Saint Laurent Ă©voquant Ă la perfection son esthĂ©tique « chic dĂ©contractĂ©e ». La volontĂ© farouche du couturier est dâhabiller le corps de la femme, de sorte que le tissu suive ses mouvements et ses attitudes. La mode, selon lui, ne doit pas ĂȘtre raide mais bien au service de la femme. Il lâexplique ainsi : « Une robe, ce nâest pas de âlâarchitectureâ, câest une maison : elle nâest pas faite pour ĂȘtre contemplĂ©e, mais pour ĂȘtre habitĂ©e et il faut que la femme qui lâhabite se sente belle et bien dedans ». Le secret dâun art qui entre en maturitĂ© pour toucher lâabsolu raffinement, la grĂące et lâintempora-litĂ© dâun vĂȘtement.
Formes et couleurs
LA COULEUR est pour Yves Saint Laurent lâessence mĂȘme de la composition des formes. Les premiĂšres crĂ©ations du couturier sont des robes courtes, droites aux coloris exubĂ©rants, Ă lâimage dâune femme Ă©lĂ©gante et moderne. Les collections des annĂ©es 1965 et 1966 proposent un style avant-gardiste, puisant leurs sources dans lâunivers des peintres abstraits. Combinant rigueur de la coupe et fantaisie chromatique, ces robes se prĂ©sentent comme des constructions nouvelles, nĂ©es de la rencontre de plusieurs plans aux tonalitĂ©s vives, qui dynamisent lâensemble. La nature et la disposition de ces surfaces colorĂ©es participent Ă la diversitĂ© des formes produites. Chez Yves Saint Laurent la couleur est au coeur de sa dĂ©marche crĂ©ative, elle se fait matiĂšre et expression. Il privilĂ©gie des assemblages par aplats de couleurs saturĂ©es, faits sur des matiĂšres unies et lisses comme le jersey. La juxtaposition « en vagues » qui avait caractĂ©risĂ© une grande partie de la collection automne-hiver 1966 est remplacĂ©e dans les dĂ©cennies suivantes par des imbrications bien plus nettes, entre rectangles de couleur ou matiĂšres diffĂ©rentes et lignes tranchantes. Les teintes sont assemblĂ©es par deux ou par trois et sâĂ©tagent tel un colorama. Une couleur foudroyante sâimpose toujours plus que les autres, attirant le regard sur une partie choisie de la silhouette. Coloriste hors pair, Saint Laurent ose une palette radicalement nouvelle, empruntant pour ses tenues les tons vifs de lâabstraction gĂ©omĂ©trique ou ceux vibrant du Pop art. La forme se dĂ©finit ainsi par contraste entre ces couleurs. Des accords stridents, parfois mĂȘme imprĂ©visibles, sâaffrontent sur une mĂȘme tenue avec inventivitĂ© et prĂ©cision, et un jeu de tension se met en place entre forme et couleur.
Noir et blanc, dessiner la forme
INTEMPORELS et contemporains, le noir et le blanc font partie intĂ©grante de lâunivers crĂ©atif dâYves Saint Laurent et ce dĂšs lâorigine. Avec le couturier, tout travail sur la forme commence par un trait de crayon sur le papier pour esquisser ses modĂšles. « [âŠ] je pense quâune feuille blanche, câest trĂšs ennuyeux et que sans le noir il nây a pas de traits, pas de lignes. Câest pour ça que mes femmes sont souvent en noir, jâaime que les femmes ressemblent Ă des dessins, Ă des Ă©pures ». En effet, Yves Saint Laurent utilise la ligne noire comme un moyen dâexpression concordant avec sa recherche constante de simplicitĂ© et de puretĂ©. Le noir, teinte favorite du couturier pour le soir comme pour le jour, est dans lâinconscient collectif encore associĂ© au deuil par opposition au blanc, symbole de lumiĂšre. Pourtant, dĂšs le XIVe siĂšcle, il sâimpose peu Ă peu dans la mode, puis entre, au XIXe siĂšcle, dans toutes les garde-robes devenant la quintessence de la simplicitĂ©, de lâĂ©lĂ©gance et de la sĂ©duc-tion. Si, en 1926, il connaĂźt un apogĂ©e avec la couturiĂšre Coco Chanel (1883â1971) et sa cĂ©-lĂšbre petite robe noire, Yves Saint Laurent sâaventure encore plus loin. « Je lâaime parce quâil affirme. [âŠ] Mais attention, pas la âpetite robe noireâ quâon porte avec des perles et une Ă©tole de vison. Du noir moderne. » Car, si dĂšs les annĂ©es 1910â1920, le noir devient un manifeste de la modernitĂ© en opposition binaire avec le blanc avec des artistes comme le peintre russe Kasimir Malevitch (1879â1935) et son fameux tableau CarrĂ© noir sur fond blanc (1915), il est poussĂ© Ă son paroxysme dans lâoeuvre du couturier. Ă lâinstar des artistes mini-malistes ou de lâOp art, par un subtil jeu de contrastes, de symĂ©tries et de dissimulations, Yves Saint Laurent crĂ©e un rĂ©pertoire visuel et formel quâil dĂ©cline Ă lâinfini.
Formes géométriques
LA FORME peut ĂȘtre donnĂ©e de diffĂ©rentes maniĂšres : par la coupe, la ligne ou la couleur. Ces trois Ă©tats sont ici rĂ©unis pour façonner des ensembles. Comme en tĂ©moignent ses multiples dessins de recherches, Yves Saint Laurent construit sa collection SAINT LAURENT rive gauche de l’automne-hiver 1988 autour de formes gĂ©omĂ©triques colorĂ©es. Ă lâinstar des peintres cubistes et dans la continuitĂ© des collections haute couture de cette mĂȘme annĂ©e, il va jusquâau bout dâune thĂ©matique en la dĂ©clinant grĂące Ă de nombreuses combinaisons de lignes, couleurs ou textiles. Câest Ă lâaide du pastel et dâĂ©chantillons quâil rĂ©flĂ©chit dĂšs son dessin Ă diffĂ©rentes compositions. Comme le maitre verrier Ă©laborant son vitrail, il sĂ©pare les formes de larges ganses noires pour appuyer les lignes du corps fĂ©minin. Les textiles choisis pour rĂ©aliser ces vestes crĂ©ent un nouvel effet dâoptique par lâalternance de mates et de brillants, de surface lisses ou cĂŽtelĂ©s et de reliefs engendrĂ©s par les ganses et les sequins. Les accessoires, des gants colorĂ©s et des chapeaux constituĂ©s de cubes superposĂ©s ou de cĂŽnes, prolongent la pensĂ©e du couturier. Yves Saint Laurent avait affirmĂ© lâimportance de la forme dĂšs sa premiĂšre collection chez Christian Dior au printemps-Ă©tĂ© 1958, oĂč une majeure partie des modĂšles Ă©tait confectionnĂ©e Ă partir du trapĂšze qualifiant ainsi la ligne de cette collection. La forme reste prĂ©sente au fil des collections et se retrouve jusquâĂ la fin de sa carriĂšre.
TREIZE vestes de la collection SAINT LAURENT rive gauche de lâautomne â hiver 1988 sont dâinspiration cubiste. Elles sont façonnĂ©es Ă partir de formes gĂ©omĂ©triques imbriquĂ©es les unes aux autres, aux textiles et aux couleurs contrastantes. Celle-ci est composĂ©e dâun patchwork de satin et cuir, procurant brillance et rigiditĂ©, aux cinq couleurs fortes et tranchantes : rose, blanc, noir, fuchsia et jaune. Lors du dĂ©filĂ©, Iman porte cette veste avec une jupe droite de satin cuir noir et des accessoires venant accentuer la silhouette : un chapeau crĂ©Ă© de deux cubes enchevĂȘtrĂ©s fuchsia et noir et des boucles dâoreille composĂ©es de triangles et de cercles.
DANS sa collection haute couture printemps â Ă©tĂ© 1980, Yves Saint Laurent remet au goĂ»t du jour lâun de ses prĂ©cĂ©dents succĂšs : lâhommage Ă Piet Mondrian (1872 â 1944) et au mouvement « De Stijl », dont il a trouvĂ© lâinspiration dans lâouvrage Piet Mondrian, Sa vie, son oeuvre Ă©crit par Michel Seuphor en 1956. En effet, le couturier transforme de nouveau les crĂ©ations du peintre en une oeuvre animĂ©e tridimensionnelle. Il reprend les codes de ses fameuses robes de la collection haute couture automne â hiver 1965 en optant cette fois-ci pour un tailleur-jupe de toile et gabardine : proche de lâabstraction, la coupe est simple, droite et structurĂ©e. Les grands aplats de couleurs primaires sont soulignĂ©s par un grillage composĂ© de traits noirs, donnant ainsi un effet gĂ©omĂ©trique Ă lâoeuvre.
Oeuvres et décors de Claudia Wieser
APRĂS une formation en ferronnerie et des Ă©tudes Ă lâAcadĂ©mie des beaux-arts de Munich, Claudia Wieser (nĂ©e en 1973, en Allemagne) dĂ©veloppe une pratique artistique dominĂ©e par le travail de la gĂ©omĂ©trie et de lâespace. Elle mĂ©lange les techniques et les matiĂšres (cĂ©ramique, miroir, bois, photographie) en crĂ©ant des compositions graphiques ainsi que des volumes dĂ©coratifs. Depuis 2002, elle expose rĂ©guliĂšrement Ă lâinternational et participe Ă de nombreuses rĂ©sidences. En 2010, elle rĂ©interprĂšte Le PoĂšme de lâangle droit du Corbusier au sein du Drawing Center Ă New York. En 2021, invitĂ©e par le Public Art Fund de New York, lâartiste conçoit son premier projet dâart dans lâespace public : cinq sculptures monumentales mettent en lumiĂšre le dynamisme de la ville et ses habitants.