đ âFaith Ringgoldâ Black is bautiful, au MusĂ©e national Picasso, Paris, du 31 janvier au 2 juillet 2023
âFaith Ringgoldâ Black is bautiful
au Musée national Picasso, Paris
du 31 janvier au 2 juillet 2023
PODCAST – Interview de CĂ©cile Debray, prĂ©sidente du MusĂ©e national Picasso-Paris et commissaire de lâexposition,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 30 janvier 2023, durĂ©e 8â15.
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
Commissariat :
Cécile Debray, conservatrice générale du patrimoine, présidente du Musée national Picasso-Paris
Le MusĂ©e national Picasso-Paris accueille la premiĂšre exposition en France rĂ©unissant un ensemble dâoeuvres majeures de Faith Ringgold. Figure emblĂ©matique dâun art engagĂ© et fĂ©ministe amĂ©ricain, depuis les luttes pour les droits civiques jusquâĂ celles des Black Lives Matter, auteur de trĂšs cĂ©lĂšbres ouvrages de littĂ©rature enfantine, Faith Ringgold a dĂ©veloppĂ© une oeuvre qui relie le riche hĂ©ritage de la Harlem Renaissance Ă lâart actuel des jeunes artistes noirs amĂ©ricains. Elle mĂšne, Ă travers ses relectures de lâhistoire de lâart moderne, un vĂ©ritable dialogue plastique et critique avec la scĂšne artistique parisienne du dĂ©but du XXĂšme siĂšcle, notamment avec Picasso et ses Demoiselles dâAvignon.
NĂ©e Ă New York en 1930, Faith Ringgold a grandi Ă Harlem, quartier nord de Manhattan devenu, dans lâentre-deux guerres, la capitale symbolique de lâĂ©veil culturel des communautĂ©s noires, encouragĂ© notamment par lâouvrage The New Negro (1925) de lâĂ©crivain et philosophe Alain Locke. Elle a passĂ© son enfance dans une communautĂ© florissante de crĂ©ateurs, de musiciens, d’Ă©crivains et de penseurs. Elle a continuĂ© Ă y vivre et Ă y travailler en tant qu’artiste et enseignante dans les Ă©coles publiques pendant des dĂ©cennies. Câest lĂ oĂč se sont formĂ©s ses engagements artistiques, culturels et familiaux. L’ensemble du parcours de lâartiste tĂ©moigne de sa quĂȘte et de sa crĂ©ation de formes singuliĂšres propres Ă l’exploration radicale de l’identitĂ© sexuelle et raciale. Cette exposition est la premiĂšre Ă rĂ©unir, en France, un ensemble dâoeuvres majeures de Faith Ringgold. Elle prolonge la rĂ©trospective que lui a consacrĂ© le New Museum au dĂ©but de lâannĂ©e 2022 et est organisĂ©e en collaboration avec cette institution new-yorkaise.
Catalogue de lâexposition Faith Ringgold aux Ă©ditions MusĂ©e national Picasso-Paris â RMN-Grand-Palais
#RinggoldPicasso
Parcours de lâexposition
âLa question Ă©tait simplement de savoir comment ĂȘtre noir en AmĂ©rique. Il nây avait aucun moyen dâĂ©chapper Ă ce qui se passait Ă lâĂ©poque [les annĂ©es 1960] ; il fallait prendre position dâune maniĂšre ou dâune autre, car il nâĂ©tait pas possible dâignorer la situation : tout Ă©tait soit noir, soit blanc, et de maniĂšre tranchĂ©e.â
Figure majeure dâun art engagĂ© et fĂ©ministe amĂ©ricain, depuis les luttes pour les droits civiques jusquâĂ celles du mouvement Black Lives Matter, autrice de cĂ©lĂšbres ouvrages de littĂ©rature jeunesse, Faith Ringgold a dĂ©veloppĂ© une oeuvre qui relie le riche hĂ©ritage de la Renaissance de Harlem Ă la scĂšne artistique actuelle africaine amĂ©ricaine. Elle mĂšne, Ă travers ses relectures de lâhistoire de lâart moderne, un dialogue plastique et critique avec lâart du dĂ©but du XXe siĂšcle, notamment avec Pablo Picasso et ses Demoiselles dâAvignon.
NĂ©e Ă New York en 1930, elle a grandi Ă Harlem, quartier nord de Manhattan devenu, dans lâentre-deux-guerres, la capitale symbolique de lâĂ©veil culturel des communautĂ©s noires, encouragĂ© notamment par lâouvrage The New Negro (1925) de lâĂ©crivain et philosophe Alain Locke. DĂšs ses premiĂšres oeuvres, au dĂ©but des annĂ©es 1960, Faith Ringgold tĂ©moigne des relations interraciales conflictuelles aux Ătats-Unis et sâemploie Ă crĂ©er un art africain-amĂ©ricain Ă lâidentitĂ© propre. Elle ne cesse de transposer sa vision rĂ©volutionnaire du Black Power en une approche inĂ©dite de la thĂ©orie des couleurs et des techniques, Ă travers une forme biographique proche de lâautofiction. MĂȘlant modernitĂ© et traditions vernaculaires, textes et images, elle dĂ©veloppe un art original de la performance et du textile. Son oeuvre radicale et populaire, remise Ă lâhonneur notamment au moment de la nouvelle prĂ©sentation des collections du Museum of Modern Art de New York en 2018, est fondatrice pour nombre dâartistes aujourdâhui.Â
Il sâagit de sa premiĂšre rĂ©trospective en France. Lâexposition a bĂ©nĂ©ficiĂ© du soutien du New Museum de New York, de la galerie ACA et de la Ford Foundation.
LUMIĂRE NOIREÂ
En 1963, lâannĂ©e du Civil Rights Act qui met lĂ©galement fin Ă toutes formes de sĂ©grĂ©gations ou de discriminations, Faith Ringgold entreprend une longue sĂ©rie sur le racisme ordinaire, American People (Les AmĂ©ricains). En 1967, alors que les tensions sont Ă leur comble, elle peint selon une palette sombre et subtile des toiles dites Black Light (LumiĂšre noire). Elle y cĂ©lĂšbre la beautĂ© afro nouvellement reconnue, notamment au travers du slogan « Black is Beautiful ». Cette sĂ©rie de douze toiles monochromes qui jouent avec les codes de lâabstraction sera montrĂ©e en janvier 1970, lors de sa deuxiĂšme exposition personnelle Ă la galerie Spectrum de New York. En parallĂšle, lâartiste sâengage au sein du mouvement Black Power en rĂ©alisant des affiches militantes Ă partir de compositions typographiques.
â(âŠ) je voulais mâengager dĂ©sormais dans la « lumiĂšre noire », dans des nuances chromatiques subtiles et dans des compositions basĂ©es sur mon intĂ©rĂȘt nouveau pour les rythmes et les motifs africains.â
LES AMĂRICAINS
Avec sa sĂ©rie American People (Les AmĂ©ricains) Faith Ringgold offre un commentaire acerbe sur lâAmerican Way of Life au lendemain de la sĂ©grĂ©gation, dans des compositions figuratives trĂšs stylisĂ©es, au style « super rĂ©aliste ».
Dans le contexte extrĂȘmement violent du long Ă©tĂ© caniculaire (Long hot summer) de 1967, point dâorgue dâune sĂ©rie de soulĂšvements durement rĂ©primĂ©s, lâartiste entreprend, pour clore sa sĂ©rie, trois larges tableaux programmatiques reflĂ©tant la situation politique et sociale : The Flag is bleeding (Le drapeau saigne) ; US Postage Stamp (LâavĂšnement du Pouvoir Noir) et Die (Meurt !). Conçus comme autant de monuments commĂ©moratifs, ces tableaux Ă vocation politique sâinscrivent dans la lignĂ©e du Guernica de Picasso, prĂ©sentĂ© alors au MoMA, ou des oeuvres des muralistes mexicains tels que Diego Rivera. Faith Ringgold recourt ouvertement Ă des rĂ©fĂ©rences dĂ©tournĂ©es du Pop Art (Flag de Jasper Johns, grille rĂ©pĂ©titive des sĂ©rigraphies de Warhol, composition typographique de Robert IndianaâŠ).
âJe ne voulais pas que les gens puissent regarder et dĂ©tourner le regard, parce que beaucoup de gens font ça avec lâart. Je veux quâils regardent et voient. Je veux agripper leurs yeux et les maintenir ouverts, parce que câest ça, lâAmĂ©rique.â
TANKAS
Lors dâun voyage en Europe, en 1971, Faith Ringgold dĂ©couvre au Rijksmuseum Ă Amsterdam des peintures sur tissu tibĂ©taines et nĂ©palaises du XVe siĂšcle, dites Tankas, qui lui inspirent en 1974, sa premiĂšre sĂ©rie picturale textile de 19 peintures Slave Rape. Les bordures dĂ©coratives sont conçues par sa mĂšre styliste, Willy Posey, inaugurant une collaboration continue. Lâartiste aborde pour la premiĂšre fois et de façon frontale, la question de lâesclavage, se mettant en scĂšne avec ses deux filles sur fond de paysage, dans les trois premiers Tankas. Elle trouve-lĂ un mode dâexpression qui lui permet de renouer avec ses racines africaines-amĂ©ricaines vernaculaires et celles, plus lointaines, africaines.
âDans les annĂ©es 1970, jâai dĂ©couvert mes racines dans lâart africain et jâai commencĂ© Ă peindre et Ă crĂ©er un art correspondant Ă mon identitĂ© de femme noire. Jâai fait des poupĂ©es et des masques inspirĂ©s de ma peinture. Jâai commencĂ© Ă Ă©crire dans mon art et Ă raconter mon histoire non seulement avec des images mais aussi avec des mots et des performances masquĂ©es.â
THE FRENCH COLLECTION. QUILTS PEINTSÂ
« Mon art est ma voix. » Faith Ringgold nous raconte des histoires Ă travers ses quilts peints qui associent un tableau peint central et un texte dense en guise de bordure ; la teneur biographique de son travail se fait plus prĂ©gnante ; elle narre son parcours sous forme de rĂ©flexions et dâhistoires imaginaires et Ă©difiantes. Dans la sĂ©rie ambitieuse French Collection, elle campe une jeune artiste africaine amĂ©ricaine cherchant sa voie dans le Paris des annĂ©es 1920. Cet ensemble est particuliĂšrement important quant Ă la relecture quâil propose de lâart moderne Ă lâaune des enjeux de la Renaissance de Harlem et des sources artistiques que Faith Ringgold revendique et intĂšgre dans son travail, notamment Picasso ou Matisse mais aussi Gertrude Stein. Ă travers douze tableaux peints entre 1991 et 1997, dâaprĂšs ses souvenirs dâun voyage Ă Paris en 1961 et dâune rĂ©sidence dans le sud de la France, Ă La Napoule, elle dĂ©ploie des situations imaginaires, pleines de fantaisie, mettant en scĂšne des acteurs rĂ©els historiques, des lieux de la scĂšne française mais aussi des personnalitĂ©s africaines amĂ©ricaines historiques et contemporaines. MĂ©langeant les Ă©poques et les gĂ©nĂ©rations, elle propose une plongĂ©e dans les idĂ©aux de la Renaissance de Harlem qui interrogent le lien Ă la modernitĂ© des objets africains et qui fondent une modernitĂ© spĂ©cifique africaine-amĂ©ricaine dans laquelle elle exhorte les femmes Ă occuper leur place.
âAvec « The French Collection », je voulais montrer quâil y avait des Noirs Ă lâĂ©poque de Picasso, de Monet et de Matisse, montrer que lâart africain et les Noirs avaient leur place dans cette histoire.â
GOSPELS ET PERFORMANCES
Rejoignant Ă son retour dâun voyage en Afrique, le Black Arts Movement, elle renoue avec une certaine tradition pastorale amĂ©ricaine, hĂ©ritĂ©e de lâĂglise abyssinienne de son enfance Ă Harlem, en concevant un spectacle-performance itinĂ©rant dans les universitĂ©s du pays, The Wake and Resurrection of the Bicentennial Negro (1975-1989). En rĂ©ponse Ă la commĂ©moration du bicentenaire de la dĂ©claration dâindĂ©pendance des Ătats-Unis du 4 juillet 1776, soit 200 ans dâesclavage et dâoppression, elle met en scĂšne un rĂ©cit allĂ©gorique et prophĂ©tique sur la condition des Noirs, Ă partir dâune installation dâeffigies en tissus, dâaccessoires et de fleurs : un couple africain-amĂ©ricain, Buba, lui, mort dâoverdose, et Bena, de chagrin, ressuscite dans un monde meilleur Ă©galitaire. La performance de danses et dĂ©clamations des Ă©tudiants masquĂ©s a lieu sur un fond sonore dâextraits du fameux discours de Martin Luther King, « I Have a Dream », ainsi que des gospels comme Amazing Grace ou He Arose.Â
âNous nâallons pas cĂ©lĂ©brer ce bicentenaire [de la dĂ©claration dâindĂ©pendance du 4 juillet 1776] car nous ne sommes pas libres. Je vous le dis, nous nâallons pas le cĂ©lĂ©brer, mais nous rĂ©veiller, et ressusciter.â