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“Zanele Muholi” à la Maison Européenne de la Photographie, Paris, du 1er février au 21 mai 2023

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“Zanele Muholi” 

à la Maison Européenne de la Photographie, Paris

du 1er février au 21 mai 2023

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Zanele Muholi
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©Anne-Fréderique Fer, vernissage presse, le 31 janvier 2023.
Zanele Muholi, Miss D'vine II, 2007. Courtesy of the Artist and Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York © Zanele Muholi.
Zanele Muholi, Miss D’vine II, 2007. Courtesy of the Artist and Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York © Zanele Muholi.
Zanele Muholi, Miss D'vine I, 2007. Courtesy of the Artist and Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York © Zanele Muholi.
Zanele Muholi, Miss D’vine I, 2007. Courtesy of the Artist and Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York © Zanele Muholi.

Texte de Sylvain Silleran

Zanele Muholi, Qiniso, The Sails, Durban, 2019. Courtesy of the Artist and Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York © Zanele Muholi Julie.
Zanele Muholi, Qiniso, The Sails, Durban, 2019. Courtesy of the Artist and Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York © Zanele Muholi Julie.
Zanele Muholi, Ntozakhe II, Parktown, 2016. Courtesy of the Artist and Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York © Zanele Muholi.
Zanele Muholi, Ntozakhe II, Parktown, 2016. Courtesy of the Artist and Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York © Zanele Muholi.
Zanele Muholi, Mpho Nefuri, Pretoria North, Gauteng, 2018. Courtesy of the Artist and Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York © Zanele Muholi.
Zanele Muholi, Mpho Nefuri, Pretoria North, Gauteng, 2018. Courtesy of the Artist and Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York © Zanele Muholi.
Zanele Muholi, Collen Mfazwe, August House, Johannesburg, 2012. Courtesy of the Artist and Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York © Zanele Muholi.
Zanele Muholi, Collen Mfazwe, August House, Johannesburg, 2012. Courtesy of the Artist and Stevenson, Cape Town/Johannesburg and Yancey Richardson, New York © Zanele Muholi.

« La programmation sera féminine, engagée et expérimentale » nous a promis la MEP pour 2023. C’est parti avec Zanele Muholi qui ouvre ce bal, avec écriture inclusive recommandée, s’il vous plaît. La photographe sud-africaine – qui a demandé expressément à être définie par « iel (sujet) et ellui (complément) » – investit donc les lieux avec toute la force et l’expérience de son militantisme LGBTQIA+.

En plus de son activisme pour les droits des gays, lesbiennes et trans noirs, notamment à travers son association FEW, Muholi réalise une séries de photos de victimes d’agressions et de viols. Les corps se mélangent, se touchent, s’isolent, entre document et fiction, selon le cadrage parfois serré. Des corps anonymes qui tentent de cicatriser, de se laver de l’horreur subie. Un couple s’enlace, l’artiste et son assistante, une pellicule graineuse, contrastée de reportage nocturne, de bas-fonds brutaux façon série noire, une image apparaissant volée, comme vue par un trou de serrure. Mais ici c’est fabriqué en tartinant l’objectif de vaseline. L’amour existe-t-il lorsqu’il n’y a pas de leçon à donner, lorsque il n’a pas de finalité idéologique?

Un concours de beauté queer: hommes, femmes ou non-binaires posent devant un décor terne, un sol d’atelier couvert de peinture, le mur du fond tendu de plastique noir. Une beauté fatiguée en boa de plumes rouges, Wonder Woman devant une vieille chaise de bureau à moitié démolie abandonnée là, la chair est triste, sans promesse de joie. Seul un jeune homme ceint d’une écharpe Miss Gay 2019/20 apporte, le temps de quelques clichés, un peu de grâce dans un noir et blanc chaleureux. Dehors, une reine de beauté pose sur une plage devant quelques broussailles jonchées de déchets; deux beaux garçons posent sous la lumière blafarde d’un ciel gris, tenant un vieux barbelé rouillé, vestige d’une frontière désuette. Il y a une froideur communicative, l’absence d’émotion est glaçante. La militante a dépassé la photographe. 

Avec Faces and Phases, Muholi réalise une belle collection de portraits. Plus de 500 photos de membres noirs de la communauté LGBTQIA+ d’Afrique du Sud. En extérieur, en intérieur, devant un mur ou un motif textile, en habit traditionnel ou en Dolce Gabanna, hommes et femmes regardent droit dans l’objectif, avec une gravité lourde et importante. On pense à la génération des grands photographes africains de studio et à leur œuvre, les portraits de familles, la radiographie des quartiers, l’effervescence d’une époque… Mais là où les pères posaient fièrement avec leurs fils, les élégants sur leur moto, il y a ici le regard d’un peuple assiégé, bombardé, las de la guerre.

Dans une série d’autoportraits Zanele Muholi change complètement de registre. Elle se peint le visage en noir, les lèvres en blanc, un blackface absurde qui construit un style puissant, pictural. Un noir et blanc tranché ayant éliminé toute nuance de gris. Son visage devient une icône. Toutes les références se téléscopent: l’élégance et l’inventivité graphique des années folles, le folklore ancestral africain, la réclame, la mode, l’histoire. Les accessoires sont des articles de ménage: les parures sont faites d’épingles à nourrice, de pinces à linge ou de stylos, d’une rallonge électrique. Un tabouret-masque, une toison de mouton teinte comme perruque royale, un sac de voyage comme couvre-chef de nurse, du gaffer, et naissent ainsi cent personnages, cent histoires d’ici ou d’ailleurs. 

L’œuvre photographique de Zanele Muholi semble inégale, oscillant entre la radicalité visuelle des autoportraits et quelque chose de plus plat, une lumière parfois paresseuse peinant à laisser émerger le sensible. Le discours ne suffit pas toujours à remplir un espace d’exposition. Muholi, Docteur militante ou Miss photographe ? 

Sylvain Silleran


Extrait du communiqué de presse :

Commissariat :

Laurie Hurwitz et Victoria Aresheva pour la MEP, à Paris.

Pour la Tate Modern, à Londres, à l’origine de ce projet : Yasufumi Nakamori, conservateur-en-chef de l’art international (photographie) et Sarah Allen, ancienne assistante conservatrice.





La MEP est fière de présenter la première rétrospective en France consacrée à Zanele Muholi, photographe et activiste sud- africain·e* de renommée internationale,

dont le travail documente la vie de la communauté noire LGBTQIA+ (lesbienne, gay, bisexuel·le, transgenre, queer, intersexe, asexue·le +) et des individus qui la constituent. Cet événement majeur, qui rassemble plus de 200 photographies, vidéos et installations créées depuis le début des années 2000 ainsi que de nombreux documents d’archives, couvre toute l’étendue de la carrière de Muholi à ce jour, faisant ainsi honneur à l’un·e des artistes les plus salué·es aujourd’hui.

Zanele Muholi, qui se définit comme « activiste visuel·le », utilise l’appareil photo comme un outil contre les injustices. Dans les années 1990, l’Afrique du Sud connaît des changements sociaux et politiques importants. La démocratie s’établit en 1994 avec l’abolition de l’apartheid, suivie par une nouvelle Constitution en 1996, la première au monde à interdire toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Malgré ce progrès, les personnes noires LGBTQIA+ y restent la cible de violences et de préjugés. Très impliquée dans la vie de cette communauté, Muholi mène un travail photographique indissociable de son militantisme. Dans ses portraits individuels et collectifs, l’artiste cherche à rendre visible des personnes queer et racisées, tout en questionnant les stéréotypes et les représentations dominantes qui y sont associées. Les photographies de Muholi montrent la diversité et la singularité des membres de la communauté, en mettant en avant leur courage et leur dignité face aux multiples discriminations. Privilégiant une approche collaborative, l’artiste invite les personnes qu’iel photographie à être des « participant·es » actif·ves de l’oeuvre qui contribuent à déterminer le lieu, les vêtements et la pose adoptés pour la prise de vue. L’artiste tourne également son appareil photo vers ellui-même, pour interroger l’image de la femme noire dans l’Histoire. Les photographies de Zanele Muholi encouragent le spectateur à interroger les idées reçues. Elles créent un nouveau lexique d’images positives pour des communautés mal et sous-représentées en vue de promouvoir le respect mutuel.

*Zanele Muholi se définit en tant que non-binaire et souhaite être présenté·e par l’emploi des prénoms neutres iel (sujet) et ellui (complément).



Parcours de l’exposition #ExpoMuholi

L’exposition, qui occupe les deuxième et troisième étages de la MEP, retrace le parcours artistique de Zanele Muholi à travers plusieurs projets emblématiques. Elle s’ouvre sur deux séries relativement confidentielles marquant les débuts de l’artiste, qui capturent des moments d’intimité entre couples ainsi que leur vie quotidienne, leurs routines et leurs rituels. Ces travaux donnent à voir des images fortes et positives d’une communauté jusqu’alors souvent cachée, sans voix et marginalisée. L’exposition présente également des images prises lors de concours de beauté queer, ainsi qu’une installation immersive du célèbre projet « Faces and Phases », une vaste collection de portraits dont la production est toujours en cours. Cette dernière reflète l’ambition de Muholi de documenter les communautés queer noires sud-africaines, de leur donner de la visibilité, de promouvoir le respect et la reconnaissance des individus qui les constituent.  La seconde partie de l’exposition s’ouvre avec une sélection d’images issue de la célèbre série d’autoportraits de l’artiste dans laquelle iel explore les frontières entre fiction et réalité. Cette série est suivie de photographies, de diaporamas et de vidéos qui soulignent l’engagement de Zanele Muholi, qui offre en tant que « militant·e visuel·le » l’opportunité à chacun de partager des récits susceptibles de résonner de manière personnelle tout autant que collective.



Only Half the Picture (2002–2006)

La première série de Muholi documente la vie de survivant·es de crimes haineux vivant à travers l’Afrique du Sud et ses townships, ces quartiers érigés sous l’apartheid pour regrouper les personnes expulsées des lieux « réservés aux Blancs·ches ». Les participant·es sont présenté·es avec compassion, dignité et courage face à la discrimination, la racialisation et la violence sexiste ambiante, des viols « correctifs » et « curatifs » à tout type d’agressions physiques et psychologiques. Sur la plupart des clichés, l’identité des modèles demeure cachée afin de protéger leur sécurité, leur dignité et leur vie privée. Parallèlement, Only Half the Picture comprend des images capturant des gestes de tendresse et d’intimité, déployant un récit qui dépasse la victimisation. La série révèle ainsi la douleur, l’amour et la défiance qui cohabitent au sein de la communauté noire LGBTQIA+ en Afrique du Sud. Les photographies sont accompagnées de documents relatifs aux procès et à la campagne de communication contre les crimes de haine. En 2002, lorsqu’iel commence à travailler sur cette série, Muholi cofonde le Forum for the Empowerment of Women (FEW), une organisation à but non lucratif dont l’objectif est de fournir un espace sécurisé aux lesbiennes noires pour qu’elles puissent se rencontrer et chercher un soutien en matière de santé, d’éducation, d’emploi et de logement. L’artiste expose cette série de jeunesse pour l’une des premières fois à l’occasion de la conférence « Gender and Visuality » qui se tient en 2004 à l’université de Western Cape, au Cap. Les membres du public sont alors invité·es à soumettre leurs commentaires ; le malaise qu’ils·elles expriment inspire à Muholi la création du court métrage Enraged by A Picture, également présenté dans cette salle.



Being (2006 – en cours)

Des couples amoureux sont montrés dans leur sphère privée à travers des images tendres et intimes. Elles incarnent la nécessité d’exprimer réciproquement l’amour et la protection pour panser les blessures de l’oppression. Muholi dénonce ici l’idée reçue selon laquelle la vie queer serait « non africaine », issue en partie de la croyance faisant de l’orientation homosexuelle une importation coloniale en Afrique. L’artiste estime que de telles images sont nécessaires pour démanteler la vision patriarcale, qui impose l’hétérosexualité comme la « norme » ou l’orientation sexuelle par défaut. « Des amant·es et des ami·es ont accepté de participer au projet, désireux de se mettre à nu et d’exprimer leur amour l’un·e pour l’autre », explique-t-iel.



Brave Beauties (2014 – en cours)

Les concours de beauté queer offrent un espace de résistance au sein de la communauté noire LGBTQIA+ en Afrique du Sud, par l’expression d’une beauté qui échappe aux cultures hétéronormatives et suprémacistes blanches. Cette série de portraits représente des femmes transgenres, des personnes non conformes au genre et non binaires, notamment des candidat·es à des concours de beauté et des drag queens, qui, explique Muholi, « participent à des concours de beauté pour changer les mentalités au sein des communautés dans lesquelles iels vivent, les mêmes communautés au sein desquelles iels sont le plus susceptibles d’être harcelé·es, ou pire encore ». La série s’inspire également des shootings de mode ; Muholi s’est demandé si « l’Afrique du Sud, en tant que démocratie, pourrait ou non montrer l’image d’une femme transgenre en couverture d’un magazine ». Ces images remettent en question les stéréotypes queerphobes et transphobes ainsi que les stigmates de la honte du corps. Comme toutes les photographies de Muholi, ces portraits sont issus d’un processus collaboratif dans lequel l’artiste et la personne photographiée déterminent ensemble le décor, les vêtements et la pose. Ces oeuvres sont mises en regard de la série Miss Lesbian I-VII, dans laquelle Muholi, adoptant différentes poses et gestes, incarne une reine de beauté. Cet ensemble souligne comment la performance devant l’appareil photo, la mise en scène et l’utilisation d’accessoires ont été employées très tôt dans sa pratique.



Donner une dimension queer à l’espace public (2006-2020)

Photographier des participant·es noir·es LGBTQIA+ dans les espaces publics est une part importante de l’activisme visuel de Zanele Muholi. « Nous ‘queerons’ l’espace afin d’y accéder. Nous présentons notre transition au monde afin de nous assurer que les corps trans noirs font également partie de l’espace public. Nous nous le devons à nous-mêmes », déclare l’artiste. Plusieurs des lieux représentés sur ces images ont marqué l’histoire del’Afrique du Sud, notamment les espaces urbains historiques, les quartiers ouvriers et les fronts de mer tels que Durban Beach, situé près d’Umlazi, lieu de naissance de Muholi. Soumises à la ségrégation pendant l’apartheid, les plages sont de puissants symboles de la ségrégation raciale dans tous les aspects de la vie. Certaines images ont été prises à Constitutional Hill, le siège de la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud, symbole de la marche du pays vers la démocratie. Ici, Muholi a souvent choisi de photographier dans des couleurs très vives, afin de rapprocher l’oeuvre de la réalité et de l’enraciner dans le présent.



Faces and Phases (2006 – en cours)

Cette série emblématique, qui compte actuellement plus de 500 images, est un puissant portrait collectif qui célèbre, commémore et archive la vie des lesbiennes noires, des transgenres et des personnes non conformes au genre en Afrique du Sud. Le mot « Faces » fait référence aux individus, et « Phases » suggère différentes étapes de la vie des modèles. Directement confronté·es au regard du spectateur, iels sont tous·tes photographié·es selon le même protocole, toujours sans artifice : à égale distance de l’appareil photo, de face ou légèrement inclinés, en lumière naturelle, en noir et blanc. Muholi revient régulièrement photographier les mêmes personnes, et nombre de ces portraits sont le fruit d’une collaboration soutenue à travers le temps. Les vides dans la grille symbolisent les personnes dont le portrait n’a pas encore été réalisé, et un espace est spécifiquement dédié à ceux décédés depuis. Véritable archive vivante, Faces and Phases matérialise la conviction de Zanele Muholi selon laquelle « nous exprimons notre identité sexuée, radicalisée et de classe de manière riche et diverse ». En créant ce projet, Muholi donne une visibilité aux personnes noires LGBTQIA+ en Afrique du Sud, révèle leur présence et leur donne l’opportunité de s’affirmer, de faire valoir leurs différences et leur singularité.



Somnyama Ngonyama, (2012 – en cours)

Dans cette série d’autoportraits, dont le titre signifie « Salut à toi, lionne noire ! » en zoulou, Muholi tourne l’appareil photo vers ellui-même, incarnant différents personnages et archétypes qui explorent des représentations liées à l’origine ethnique. Pris dans différents endroits du monde, ces autoportraits incorporent des matériaux et objets que Muholi prend dans leur environnement. Certains tirages remettent en question la violence systémique et les stéréotypes oppressifs ; l’objectif de l’artiste est de mettre en lumière ces histoires pour éduquer les gens et contribuer au traitement des traumatismes, tant personnels que collectifs. Muholi emploie également des objets domestiques du quotidien – éponges en inox, pinces à linge, gants en latex, plumeau – pour souligner les cadres culturels imposés aux femmes noires. Quelques portraits représentent le personnage de « Bester », en hommage à sa mère, qui a travaillé comme employée de maison pour une famille blanche pendant plus de quarante ans, subvenant seule aux besoins d’une famille de huit personnes (son père est décédé peu après sa naissance). Muholi accentue le contraste de ces autoportraits, exagérant la noirceur de sa peau pour en faire valoir la beauté : « Je reconquiers ma négritude, qui, selon moi, est continuellement sujette aux interprétations d’un autre, privilégié. » L’artiste interroge également la manière dont iel regarde l’objectif, détournant les yeux dans certaines images alors que dans d’autres, iel fixe l’appareil photo, s’interrogeant sur ce que cela signifie pour « une personne noire de regarder en arrière ». Les titres de la série sont en zoulou, la langue maternelle de Muholi (et l’une des onze langues officielles de l’Afrique du Sud) ; l’artiste réaffirme ainsi sa langue maternelle et son identité, dont iel est fier·ère. Sous le colonialisme et l’apartheid, les Noir·es se sont souvent vu·es attribuer des noms anglais par leurs employeurs ou leurs enseignants qui refusaient de se souvenir de leurs vrais noms et de les utiliser. Ici, Muholi encourage un public occidental à les appréhender par la prononciation et le sens.



Partage d’histoires

Dès ses débuts en tant qu’activiste, Muholi a cherché à enregistrer les témoignages et expériences directes des personnes noires LGBTQIA+. Leur donner une plateforme pour raconter leur propre histoire avec leurs propres mots a été un objectif au long cours pour l’artiste. Une installation vidéo rassemble les interviews de huit personnes qui racontent, au travers d’histoires, leur expérience en tant que membres de la communauté LGBTQIA+ en Afrique du Sud, dont certain·es sont visibles dans Faces and Phases. Les entretiens ont été menés et produits par des collaborateur.rices de l’artiste, dont des membres d’Inkanyiso (qui signifie « lumière » en zoulou), un média queer fondé par Zanele Muholi en 2006. La devise de la plateforme est « Queer Activism = Queer Media » ; sa mission est de « produire, éduquer et diffuser des informations auprès de nombreux publics, en particulier ceux qui sont souvent marginalisés ou exhibés par les médias grand public ».



L’action collective

Les visions collectives sont centrales dans le travail de Muholi ; ses photographies sont destinées à créer un sanctuaire où les gens peuvent se connecter et guérir ensemble. Cette section présente un inventaire collaboratif d’événements publics qui jouent un rôle réparateur dans la société. L’autonomie, le partage des compétences et le mentorat sont au coeur de la vie de Muholi. Qu’il s’agisse de documenter des événements publics comme les marches des fiertés et les manifestations, ou des moments privés comme les mariages et les funérailles, ces images constituent une archive visuelle exponentielle. Elles suggèrent une autre façon de connaître et de préserver la communauté noire LGBTQIA+, en devenant un lieu, dit l’artiste, « où nous faisons émerger nos propres récits vivant au-delà de nous ». La religion, la spiritualité et l’église chrétienne sont autant de points communs pour de nombreux modèles présents dans cette exposition ; les services représentés ici sont souvent assurés par des pasteurs d’églises fondées spécifiquement pour et/ou par des personnes LGBTQIA+ en Afrique du Sud, qui offrent un espace de culte sûr pour celleux qui ont été rejeté·es par leur famille, leurs amis ou les lieux  de culte traditionnels en raison de leur identité.



Contextualisation

L’exposition se termine par une salle de lecture et un espace de conversation. Ce dernier présente une chronologie détaillée (dont des extraits se trouvent dans la suite du dossier de presse). Des textes, des extraits de films, des affiches ainsi que des coupures de presse contextualisent le travail de Muholi en relation avec l’apartheid et l’émergence de l’activisme queer en Afrique du Sud, soulignant également l’engagement de l’artiste dans l’action collective.