âKimonoâÂ
au musĂ©e du quai Branly â Jacques Chirac, Paris
du 22 novembre 2022 au 28 mai 2023

PODCAST – Interview de Anna Jackson, Conservatrice en chef du dĂ©partement Asie du Victoria and Albert Museum, Londres, et commissaire de l’exposition,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 21 novembre 2022, durĂ©e 16â41.
© FranceFineArt.
(avec l’aimable traduction de Anne Geurts)
Extrait du communiqué de presse :







Commissaires :
Anna Jackson, Conservatrice en chef du département Asie du Victoria and Albert Museum, Londres
Josephine Rout, Conservatrice au département Asie du Victoria and Albert Museum, Londres
Référent scientifique
Julien Rousseau, Responsable de l’unitĂ© patrimoniale Asie au musĂ©e du quai Branly – Jacques Chirac, Paris
Au fil dâun parcours regroupant prĂšs de 200 kimonos, vĂȘtements inspirĂ©s du kimono et objets associĂ©s, dont certains sont exposĂ©s pour la premiĂšre fois en France, lâexposition retrace lâhistoire de ce vĂȘtement depuis le dĂ©but de lâĂ©poque Edo – au 17e siĂšcle. En mĂȘme temps quâelle met en lumiĂšre lâimportance esthĂ©tique, sociale et vestimentaire du kimono, lâexposition souligne le grand dynamisme dâun vĂȘtement trop longtemps perçu comme traditionnel et immuable mais dont pourtant lâinfluence sur la mode contemporaine, et mondialisĂ©e, est majeure depuis le 17e siĂšcle.
VĂȘtement iconique, le kimono est probablement le symbole japonais ultime, vĂ©nĂ©rĂ© au Japon comme lâincarnation de la culture et de la sensibilitĂ© nationales, et considĂ©rĂ© internationalement comme un fascinant objet dâexotisme. Son statut symbolique et sa forme demeurĂ©e inchangĂ©e au travers de nombreux siĂšcles lui confĂšrent une image dâhabit traditionnel, immuable et hors du temps. Cette exposition choisit de renverser cette vision pour souligner tout Ă la fois sa fluiditĂ© et sa capacitĂ© Ă s’adapter Ă la mode, aussi bien au Japon quâailleurs. Ou comment le kimono se livre en emblĂšme dâun Japon qui influence le monde et se laisse influencer par lui.
Lâexposition prĂ©sente des piĂšces rares et remarquables, dont un kimono créé par Kunihiko Moriguchi, « trĂ©sor national vivant » au Japon, mais aussi des tenues cĂ©lĂšbres associĂ©es Ă la culture populaire comme les costumes originaux des films Star Wars par Trisha Biggar. Des crĂ©ations de Paul Poiret, Yohji Yamamoto et John Galliano rĂ©vĂšlent lâimportance du rĂŽle du kimono comme source dâinspiration pour les plus grands couturiers.
Le kimono au Japon
La mode des kimonos sâĂ©panouit au Japon durant l’Ă©poque Edo (1603-1868), pĂ©riode marquĂ©e par une stabilitĂ© politique, une croissance Ă©conomique et une expansion urbaine sans prĂ©cĂ©dent. Kyoto devient le centre dâun artisanat de luxe du kimono et lâesprit crĂ©atif qui lâanime se conjugue au dynamisme commercial de sa voisine Osaka, faisant de cette rĂ©gion le berceau dâun style et dâun raffinement nouveaux. Ă lâorĂ©e du 18e siĂšcle, lâattention se dĂ©place sur Edo, actuelle Tokyo, oĂč rĂšgne une bouillonnante culture entremĂȘlant divertissements, glamour et Ă©rotisme, dĂ©signĂ©e sous lâappellation de ukiyo ou « monde flottant ». Pendant cette pĂ©riode, la mode constitue une force sociale et Ă©conomique majeure au Japon. La plupart des kimonos conservĂ©s de l’Ă©poque Edo correspondent Ă des tenues de luxe, vendues dans des boutiques spĂ©cialisĂ©es. Si les clients ont la possibilitĂ© de se procurer des tissus afin de coudre eux-mĂȘmes leur kimono, les somptueux vĂȘtements portĂ©s par lâĂ©lite fortunĂ©e correspondent Ă des commandes spĂ©cifiques. Câest toutefois la classe marchande, situĂ©e au bas de la hiĂ©rarchie sociale japonaise, qui favorise lâextraordinaire dĂ©veloppement de la production de kimonos. Une culture de la mode sâĂ©panouit de maniĂšre trĂšs dynamique, en dĂ©pit des lois somptuaires destinĂ©es Ă limiter le dĂ©ferlement dâune consommation tournĂ©e vers le paraĂźtre.
Le kimono dans le monde
Durant la plus grande partie de l’Ă©poque Edo (1603-1868), le Japon instaure une politique de fermeture du pays, qui restreint de façon extrĂȘme les relations avec l’international. La Compagnie nĂ©erlandaise des Indes Orientales, autorisĂ©e Ă Ă©tablir des liens commerciaux avec le Japon, rĂ©ussit toutefois Ă y introduire des tissus tout en exportant des kimonos vers l’Europe durant l’Ă©poque Meiji (1868-1912). Le Japon sâouvre peu Ă peu sur le monde. Lâindustrie textile se modernise et le commerce se dĂ©veloppe de façon spectaculaire. Lâengouement pour le kimono se rĂ©pand dans le monde entier. Pour rĂ©pondre Ă la demande, les Japonais rĂ©alisent des tenues spĂ©cifiquement destinĂ©es Ă lâexportation. Au dĂ©but du 20e siĂšcle, les formes droites et le drapĂ© du kimono commencent Ă influencer profondĂ©ment les stylistes europĂ©ens. Brouillant les limites entre ce qui est familier et ce qui est Ă©tranger, la mode du kimono franchit les frontiĂšres gĂ©ographiques et sâinscrit dans un double jeu dâinfluences entre le Japon et les pays occidentaux.
Les métamorphoses du kimono
Sâil est de moins en moins portĂ©, le kimono sâaffirme aprĂšs la Seconde Guerre mondiale comme symbole et devient un emblĂšme de lâidentitĂ© nationale et culturelle du pays. Beaucoup le portent comme un costume de cĂ©rĂ©monie rĂ©servĂ© aux grandes occasions. En 1955, le gouvernement japonais, sâefforçant de prĂ©server les pratiques ancestrales, donne aux crĂ©ateurs le statut de « trĂ©sor national vivant ». Le kimono nâen reste pas moins un objet en perpĂ©tuelle mutation : aprĂšs la guerre, le monde du spectacle au Japon comme en occident sâen empare. Depuis plus dâun demi-siĂšcle, nombreux sont les stylistes qui sâinspirent du kimono. Sa capacitĂ© Ă ĂȘtre dĂ©construit et restructurĂ©, traduit ou modifiĂ©, en fait un fleuron de la mode, caractĂ©risĂ© par une polyvalence unique. Câest Ă une vĂ©ritable renaissance de cette tenue quâassiste aujourdâhui le Japon, dâabord dans la rue, avec des kimonos anciens stylisĂ©s par les jeunes que lassent les incessants changements de la mode occidentale, puis avec lâĂ©mergence dâune nouvelle vague de crĂ©ateurs qui sâapproprient le kimono de façon innovante et parfois subversive. Celles et ceux qui arborent aujourdâhui ce vĂȘtement lâapprĂ©cient non pas tant comme un produit de la tradition que comme un objet de mode dynamique.
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Victoria and Albert Museum – Exposition itinĂ©rante conçue et organisĂ©e par le Victoria and Albert Museum du 27 aoĂ»t au 25 octobre 2020 dont la premiĂšre Ă©tape internationale sâest dĂ©roulĂ©e au VĂ€rldskulturmuseet Ă Göteborg, du 17 aoĂ»t 2021 au 30 janvier 2022.