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“Formes vivantes“ 

au musĂ©e national de cĂ©ramique – Manufacture et MusĂ©e nationaux, SĂšvres

du 9 novembre 2022 au 7 mai 2023

SĂšvres


Interview de Charlotte Vignon, directrice du patrimoine et des collections Ă  SĂšvres, et co-commissaire de l'exposition, par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  SĂšvres, le 8 novembre 2022, durĂ©e 14’25. © FranceFineArt.

PODCAST –  Interview de Charlotte Vignon, directrice du patrimoine et des collections Ă  SĂšvres, et co-commissaire de l’exposition,


par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  SĂšvres, le 8 novembre 2022, durĂ©e 14’25.
© FranceFineArt.

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©Anne-Fréderique Fer, vernissage presse, le 8 novembre 2022.

Extrait du communiqué de presse :



Patricia Glave, Seins-bols, 2005, porcelaine, D 10,5 cm. Sévres, Manufacture et musée nationaux. Photo (C) RMN-Grand Palais (Sévres - Manufacture et musée nationaux) - © Martine Beck-Coppola. (C) Patricia Glave.
Patricia Glave, Seins-bols, 2005, porcelaine, D 10,5 cm. SĂ©vres, Manufacture et musĂ©e nationaux. Photo (C) RMN-Grand Palais (SĂ©vres – Manufacture et musĂ©e nationaux) – © Martine Beck-Coppola. (C) Patricia Glave.
Jean Carriés, Crapaud, 1892, grÚs cérame, 17.5 x 18 x 16,5 cm. © RMN-Grand Palais (Sévres - Manufacture et musée nationaux) / Martine Beck-Coppola.
Jean CarriĂ©s, Crapaud, 1892, grĂšs cĂ©rame, 17.5 x 18 x 16,5 cm. © RMN-Grand Palais (SĂ©vres – Manufacture et musĂ©e nationaux) / Martine Beck-Coppola.
Marc Alberghina, Canis Lingua, 2014, faïence, 35 x 35 x 35 cm. Limoges, musée national Adrien Dubouché. Photo (C) RMN-Grand Palais (Limoges, musée national Adrien Dubouché) - © Mathieu Rabeau. (C) Droits réservés.
Marc Alberghina, Canis Lingua, 2014, faĂŻence, 35 x 35 x 35 cm. Limoges, musĂ©e national Adrien DubouchĂ©. Photo (C) RMN-Grand Palais (Limoges, musĂ©e national Adrien DubouchĂ©) – © Mathieu Rabeau. (C) Droits rĂ©servĂ©s.
Jean-Claude Duplessis, 1756, Pot Ă  eau et cuvette feuille d’eau fond rose (Ă©dition contemporaine) SĂ©vres - Manufacture et MusĂ©e nationaux. © GĂ©rard Jonca / SĂ©vres - Manufacture et MusĂ©e nationaux.
Jean-Claude Duplessis, 1756, Pot Ă  eau et cuvette feuille d’eau fond rose (Ă©dition contemporaine) SĂ©vres – Manufacture et MusĂ©e nationaux. © GĂ©rard Jonca / SĂ©vres – Manufacture et MusĂ©e nationaux.

Commissariat :


Judith Cernogora – Conservatrice du patrimoine Ă  SĂšvres

Charlotte Vignon – Directrice du patrimoine et des collections Ă  SĂšvres






L’exposition Formes vivantes met en lumiĂšre les liens qui unissent le monde minĂ©ral, issu de la terre et le monde du vivant, de l’organique, animal et vĂ©gĂ©tal. Avec prĂšs de 350 oeuvres, des cĂ©ramiques de la Renaissance Ă  nos jours, en regard de peintures, de piĂšces d’orfĂšvrerie ou d’objets scientifiques avec lesquels elles sont mises en perspective, l’exposition nous interroge sur notre propre rapport au vivant. On y (re)dĂ©couvre ainsi un mĂ©dium rĂ©solument ancrĂ© dans son temps et qui inspire, aujourd’hui plus que jamais, les artistes contemporains tels que Giuseppe Penone, Johan Creten ou encore Claire Lindner. Conçue par le musĂ©e national Adrien DubouchĂ© Ă  Limoges en 2019 l’exposition connaĂźt un second souffle en poursuivant sa mutation au musĂ©e de SĂšvres.




L’exposition valorise le fonds incomparable de collections de cĂ©ramiques de SĂšvres et du musĂ©e national Adrien DubouchĂ©. Elles dialoguent avec des peintures, des piĂšces d’orfĂšvrerie ou des objets scientifiques qui les ont inspirĂ©es et Ă©clairent le propos, ce qui unit le minĂ©ral, l’animal, l’humain et le vĂ©gĂ©tal.




L’exposition bĂ©nĂ©ficie de prĂȘts importants d’institutions prestigieuses (MusĂ©um national d’Histoire naturelle, musĂ©e du Louvre, musĂ©e d’Orsay, musĂ©e des Arts dĂ©coratifs, musĂ©e national de la Renaissance d’Ecouen, musĂ©e des beaux-arts de la Ville de Paris, musĂ©e de l’École de Nancy, École nationale supĂ©rieure d’art de Limoges, Verrerie de Meisenthal) et d’artistes contemporains (Arnold Annen, François Azambourg, Jean-Michel Barathon-Cadelle, Johan Creten, ValĂ©rie Delarue, Wayne Fisher, Jean Girel, Claire Lindner). L’artiste NadĂšge Mouyssinat a quant Ă  elle rĂ©alisĂ© une oeuvre spĂ©cialement pour l’exposition.





AprĂšs une introduction immersive dans un cabinet de curiositĂ©s, le parcours de l’exposition se divise en trois grandes parties : Naturalismes, Imaginaires organiques et À l’intĂ©rieur du vivant.

Parcours de l’exposition

Elsa Guillaume, Slices, 2019. Vue d'exposition au centre d'art Eleven Steens, Bruxelles. Courtesy de l'artiste. © Tadzio.
Elsa Guillaume, Slices, 2019. Vue d’exposition au centre d’art Eleven Steens, Bruxelles. Courtesy de l’artiste. © Tadzio.
Claire Lindner, Buisson n°4, 2021, grés émaillé, 50 x 53 x 41 cm. Musée de la céramique, Vallauris. © Anthony Girardi.
Claire Lindner, Buisson n°4, 2021, grés émaillé, 50 x 53 x 41 cm. Musée de la céramique, Vallauris. © Anthony Girardi.
Claire Lindner, Blue Flow n°4, 2017, grés émaillé, H 37 cm x 38 x 36 cm. Limoges, musée national Adrien Dubouché. Photo (C) RMN-Grand Palais (Limoges, musée national Adrien Dubouché) / Mathieu Rabeau. (C) Droits réservés.
Claire Lindner, Blue Flow n°4, 2017, grés émaillé, H 37 cm x 38 x 36 cm. Limoges, musée national Adrien Dubouché. Photo (C) RMN-Grand Palais (Limoges, musée national Adrien Dubouché) / Mathieu Rabeau. (C) Droits réservés.

NATURALISMES 



Bernard Palissy et les suiveurs
Au XVIe siĂšcle, Bernard Palissy (vers 1510-1590), grand savant de son temps s’illustre par l’originalitĂ© de ses cĂ©ramiques ornĂ©es d’animaux et de vĂ©gĂ©taux, souvent rĂ©alisĂ©es par la technique du moulage sur le vif. Son oeuvre, inscrite dans une Ă©poque oĂč l’opposition entre minĂ©ral et vivant n’existe pas encore, marque l’histoire de l’art et connaĂźt, aujourd’hui encore, une postĂ©ritĂ© florissante. La sĂ©rie des Vagues pour Palissy rĂ©alisĂ©es par Johan Creten (nĂ© en 1963) lors d’une rĂ©sidence Ă  la Manufacture Nationale de SĂšvres en 2007 en est une illustration marquante. Chez Jean Girel (nĂ© en 1947), le naturalisme s’exprime moins par les effets de modelage que par les phĂ©nomĂšnes cĂ©ramiques qu’il travaille de sorte Ă  donner Ă  ses oeuvres un aspect rappelant l’épiderme des animaux.

Trompe-l’oeil et tables vivantes, le monde animal
Entre le XVIe et le XVIIe siĂšcles, les sciences naturelles se structurent, l’observation des espĂšces et la collecte des spĂ©cimens se codifient. Une sĂ©paration Ă©merge entre l’homme et la nature, envisagĂ©e comme objet d’étude. Au XVIIIe siĂšcle, les Ă©maux permettent de donner des couleurs vives Ă  la faĂŻence, favorisant ainsi la crĂ©ation de piĂšces naturalistes, notamment sous forme de terrines zoomorphes. Les manufactures peuvent rendre de façon illusionniste le plumage des oiseaux ou l’aspect des vĂ©gĂ©taux. Les arts de la table Ă  la française favorisent l’art du trompe-l’oeil. La recherche de fidĂ©litĂ© dans la reprĂ©sentation de l’animal se rĂ©vĂšle notamment dans de nombreuses oeuvres d’art en cĂ©ramique produites Ă  cette pĂ©riode, comme la mĂ©nagerie en porcelaine de la manufacture de Meissen commandĂ©e par le prince-Ă©lecteur de Saxe Auguste II dit le Fort, pour orner les murs de son Palais japonais de Dresde et dont le musĂ©e de SĂšvres conserve cinq animaux, des chefs-d’oeuvre.

Naturaliser le corps humain
Le corps humain peut paraĂźtre plus familier que l’animal, Ă  la fois incontournable et disponible pour l’artiste dĂ©sireux de restituer avec fidĂ©litĂ© des formes du vivant. À une Ă©poque oĂč la photographie ne permet pas encore de garder la trace du corps, de conserver l’image de l’ĂȘtre cher, le masque mortuaire connait un succĂšs croissant. Cet attrait pour le corps est Ă©galement prĂ©sent chez des artistes comme Pascal Convert (nĂ© en 1957) ou Giuseppe Penone (nĂ© en 1947), pour lesquels la technique du moulage ou du modelage permet de restituer la prĂ©sence ou l’empreinte du corps, sous une forme figĂ©e dans l’absence par le vide ou alors animĂ©e du souffle de la vie. Plusieurs artistes abordent la reprĂ©sentation du corps fĂ©minin avec cruditĂ© et dĂ©licatesse comme Carole Deltenre (nĂ©e en 1983), avec son oeuvre Nymphes oĂč les sexes fĂ©minins deviennent objets de parure.

Johann-Gottlieb Kirchner (1706 - aprÚs 1737), Chien dit de Bologne, vers 1733, porcelaine dure, H 43 cm, Manufacture de Meissen. Modéle de Kirchner, ensemble, face ; aprÚs restauration. Paris, musée du Louvre. Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) - © Thierry Ollivier.
Johann-Gottlieb Kirchner (1706 – aprĂšs 1737), Chien dit de Bologne, vers 1733, porcelaine dure, H 43 cm, Manufacture de Meissen. ModĂ©le de Kirchner, ensemble, face ; aprĂšs restauration. Paris, musĂ©e du Louvre. Photo (C) RMN-Grand Palais (musĂ©e du Louvre) – © Thierry Ollivier.
Johan Creten, Grande vague pour Palissy, 2006, grÚs émaillé, 132 x 77 x 70 cm. © Gérard Jonca / Sévres - Manufacture et Musée nationaux - © Adagp, Paris, 2022.
Johan Creten, Grande vague pour Palissy, 2006, grĂšs Ă©maillĂ©, 132 x 77 x 70 cm. © GĂ©rard Jonca / SĂ©vres – Manufacture et MusĂ©e nationaux – © Adagp, Paris, 2022.
Jean Girel, Boite grenouilles, 2013, porcelaine dure, H 15 cm x 34, Limoges, musée national Adrien Dubouché. Photo (C) RMN-Grand Palais (Limoges, musée national Adrien Dubouché) - © Mathieu Rabeau.
Jean Girel, Boite grenouilles, 2013, porcelaine dure, H 15 cm x 34, Limoges, musĂ©e national Adrien DubouchĂ©. Photo (C) RMN-Grand Palais (Limoges, musĂ©e national Adrien DubouchĂ©) – © Mathieu Rabeau.

IMAGINAIRES ORGANIQUES



Le style rocaille
MarquĂ© par un goĂ»t pour la symĂ©trie autant que par les arabesques et les mĂ©langes d’élĂ©ments Ă©clectiques, l’esprit Rocaille est caractĂ©risĂ© par des formes aux courbes et contre-courbes marquĂ©es, par des objets dont l’esthĂ©tique est chargĂ©e, voire surchargĂ©e. Surtout, les formes rocaille trouvent leur inspiration dans le motif de la coquille, la forme vĂ©gĂ©tale comme la feuille de cĂ©leri, et de petits fruits ou lĂ©gumes formant les boutons de prise des objets en faĂŻence ou en porcelaine.

L’Art nouveau
Les artistes de l’Art nouveau cherchent l’harmonie entre la structure de l’objet et son dĂ©cor Ă  travers le vĂ©gĂ©tal, la tige, la liane dite aussi ligne « en coup de fouet ». Chez Hector Guimard (1867-1942), cette recherche s’opĂšre d’abord dans l’architecture avec la construction des sorties du mĂ©tro parisien ou du Castel BĂ©ranger, avant de s’appliquer Ă  des oeuvres sculpturales. Les piĂšces produites en grĂšs Ă  la Manufacture nationale de SĂšvres au tournant du XXe siĂšcle tĂ©moignent du goĂ»t de l’époque pour l’esthĂ©tique toute en courbe de l’Art nouveau. Directeur des travaux d’art Ă  la Manufacture de 1897 Ă  1916, Alexandre Sandier redynamise les sources d’inspiration et le rĂ©pertoire dĂ©coratif de SĂšvres en vue de l’Exposition universelle de 1900.

Hybridations, abstraction, biomorphisme
Dans l’histoire des sciences, la publication en 1859 de L’Origine des espĂšces par Charles Darwin est un bouleversement majeur qui se rĂ©percute dans l’imaginaire de la fin du XIXe siĂšcle. L’idĂ©e de la sĂ©lection naturelle s’impose comme moteur de l’évolution et soumet l’espĂšce humaine Ă  la mĂȘme contrainte d’adaptation Ă  son environnement, ce qui Ă©tablit une continuitĂ© inĂ©dite avec le rĂšgne animal. Cette remise en question de l’ordre du monde nourrit l’imaginaire des artistes de la fin du siĂšcle, qui mettent en scĂšne ces passages de frontiĂšre entre humain et animal, animal et vĂ©gĂ©tal. La cĂ©ramique se prĂȘte notamment au jeu des hybridations Ă  la fois par la transformation matĂ©rielle dont elle est issue, mais aussi par sa mallĂ©abilitĂ©. On retrouve cette dĂ©marche dans le travail d’artistes tels que Jean CarriĂšs, Wayne Fisher, Claire Lindner, Farida Le SuavĂ© ou NadĂšge Mouyssinat. NĂ© dans les annĂ©es 1930, Ă  la croisĂ©e du surrĂ©alisme et de l’art abstrait, et portĂ© par des artistes tels que Joan MirĂł ou Jean Arp, le « biomorphisme » est une maniĂšre de suggĂ©rer le vivant au moyen de formes non figuratives, Ă  la fois familiĂšres et Ă©nigmatiques. Aujourd’hui encore, de nombreux artistes contemporains trouvent dans la cĂ©ramique un matĂ©riau idĂ©al pour Ă©voquer plastiquement des dynamiques ou des processus organiques.

Christine Viennet, Un jardin si délectable, 2006, terre cuite vernissée, 14 x 56 cm. Sévres, Manufacture et musée nationaux. Photo (C) RMN-Grand Palais (Sévres - Manufacture et musée nationaux) / Martine Beck-Coppola. (C) Droits réservés.
Christine Viennet, Un jardin si dĂ©lectable, 2006, terre cuite vernissĂ©e, 14 x 56 cm. SĂ©vres, Manufacture et musĂ©e nationaux. Photo (C) RMN-Grand Palais (SĂ©vres – Manufacture et musĂ©e nationaux) / Martine Beck-Coppola. (C) Droits rĂ©servĂ©s.
Charles Jean Avisseau (1796-1861) (atelier de), Plat ovale, imitation de Bernard Palissy, faïence stannifÚre, 4,6 x 30 x 23 cm. Sévres, Manufacture et musée nationaux. Photo (C) RMN-Grand Palais (Sévres - Manufacture et musée nationaux) - © Martine Beck-Coppola.
Charles Jean Avisseau (1796-1861) (atelier de), Plat ovale, imitation de Bernard Palissy, faĂŻence stannifĂšre, 4,6 x 30 x 23 cm. SĂ©vres, Manufacture et musĂ©e nationaux. Photo (C) RMN-Grand Palais (SĂ©vres – Manufacture et musĂ©e nationaux) – © Martine Beck-Coppola.

À L’INTÉRIEUR DU VIVANT



Anatomie, dissection, structures microscopiques
La troisiĂšme partie de l’exposition est conçue comme un zoom Ă  l’intĂ©rieur du vivant, un voyage Ă  travers l’infiniment petit. L’invention du microscope au XVIIe siĂšcle permet la dĂ©couverte et l’observation d’organismes jamais vus auparavant, tels que des bactĂ©ries ou des cellules de plantes. En 1902, le biologiste allemand Ernst Haeckel (1834-1919) publie Kunstformen der Natur – Formes artistiques de la nature un livre restĂ© cĂ©lĂšbre pour ses planches rĂ©vĂ©lant l’existence de planctons et d’ĂȘtre vivants unicellulaires, dont les formes extraordinaires fascinent les artistes. La reprĂ©sentation des organes ou des mĂ©canismes internes des ĂȘtres vivants est souvent liĂ©e Ă  la mĂ©decine ou Ă  la biologie. Les univers visuels produits par la science attisent Ă©galement la curiositĂ© des artistes, qui s’approprient les formes invisibles et les processus cachĂ©s du vivant comme Pierre-Adrien Dalpayrat (1844-1910) et ValĂ©rie Delarue. De la sculpture Ă  la prothĂšse biomĂ©dicale en passant par le design d’objet en cĂ©ramique imprimĂ©s en 3D, l’art et la science s’entremĂȘlent et rĂ©vĂšlent des contacts insoupçonnĂ©s entre le vivant et le minĂ©ral. Dans la cĂ©ramique s’incarnent alors diffĂ©rentes rĂ©flexions esthĂ©tiques et Ă©thiques sur la connaissance et la dĂ©finition de la vie, ses limites ou sa maĂźtrise par l’homme, de l’échelle du corps Ă  celle du gĂšne comme chez Jean-Michel Barathon-Cadelle ou Arnold Annen.

LE VIVANT À SÈVRES

Par Judith Cernogora, commissaire de l’exposition
L’exposition Formes vivantes initialement créée au musĂ©e national Adrien DubouchĂ© de Limoges en 2019-2020 est reprise au musĂ©e national de CĂ©ramique de SĂšvres dans une version lĂ©gĂšrement diffĂ©rente, en y adjoignant des oeuvres conservĂ©es dans les riches collections de la CitĂ© de la cĂ©ramique de SĂšvres, comprenant les piĂšces créées Ă  la manufacture de SĂšvres dĂšs le XVIIIe siĂšcle et jusqu’à nos jours, les collections du musĂ©e, ainsi que le trĂšs important fonds documentaire, composĂ© d’ouvrages, de dessins et de peintures. L’exposition Ă  SĂšvres est l’occasion de complĂ©ter le propos initial en montrant comment, dĂšs les origines de la manufacture de SĂšvres au XVIIIe siĂšcle, puis dĂšs la crĂ©ation du musĂ©e de CĂ©ramique par Alexandre Brongniart en 1824, le lien au monde du vivant est omniprĂ©sent.


Les formes du vivant : une constante source d’inspiration
Le monde du vivant nourrit les crĂ©ations de la Manufacture de SĂšvres depuis ses origines et a donnĂ© lieu Ă  des Ɠuvres directement inspirĂ©es du rĂšgne animal, vĂ©gĂ©tal, minĂ©ral. Au XVIIIe siĂšcle, le mouvement rocaille s’épanouit dans les arts dĂ©coratifs avec des piĂšces rĂ©alisĂ©es dans les annĂ©es 1750 Ă  la manufacture de Vincennes par Jean-Claude Duplessis, dont les formes, trĂšs largement influencĂ©es par l’orfĂšvrerie, Ă©voquent des coquilles ou des coraux. OrfĂšvre de mĂ©tier, il fournit des bronzes et des dessins pour servir de modĂšle aux piĂšces de porcelaine tendre. Le goĂ»t rocaille s’exprime dans les dĂ©cors, mais aussi dans la structure mĂȘme des objets dont les formes extravagantes s’apparentent Ă  de la matiĂšre en transformation.

Les services ornithologiques
Vers 1750 les premiers dĂ©cors d’oiseaux apparaissent sur les productions de la manufacture de Vincennes (1). Si les premiĂšres porcelaines produites Ă  la manufacture de Vincennes comprenaient de nombreux dĂ©cors d’oiseaux, ceux-ci Ă©taient surtout issus de l’imagination des peintres et ne correspondaient Ă  aucune espĂšce rĂ©elle. Des motifs d’oiseaux copiĂ©s d’aprĂšs les gravures de George Edwards (1694-1773), considĂ©rĂ© comme le pĂšre de l’ornithologie britannique, marquent un tournant, fondĂ© sur l’observation ornithologique scientifique. Ce type de dĂ©cor disparut peu aprĂšs 1770, mais le dĂ©cor ornithologique renaĂźt ensuite Ă  SĂšvres dans les annĂ©es 1780, avec une sĂ©rie d’objets dĂ©corĂ©s d’oiseaux s’inspirant des gravures de François-Nicolas Martinet (1731-1800), pour L’Histoire naturelle des oiseaux (1770-1786) de Buffon (1707-1788) (2). Offrant des reprĂ©sentations d’oiseaux exotiques accompagnĂ©es de leurs noms et de leurs pays d’origine, ces services ornithologiques inscrivent dans la porcelaine la dĂ©marche scientifique Ă©laborĂ©e sous les LumiĂšres consistant Ă  construire le savoir Ă  partir de l’observation. Avec leurs riches dessins colorĂ©s et vivants, les services ornithologiques constituent ainsi de vĂ©ritables encyclopĂ©dies sur porcelaine (3).

Alexandre Brongniart, une approche scientifique au service de la céramique
Alexandre Brongniart (1770-1847), directeur de la manufacture de SĂšvres de 1800 jusqu’à sa mort, s’intĂ©resse trĂšs tĂŽt aux sciences naturelles. DĂšs sa nomination Ă  SĂšvres, Brongniart a Ă  coeur de rĂ©nover les procĂ©dĂ©s de fabrication, le choix des argiles et aussi l’iconographie. Les formes inspirĂ©es de la nature, notamment les animaux et les vĂ©gĂ©taux, constituent un motif de prĂ©dilection qu’accompagne et enrichit les avancĂ©es et dĂ©couvertes scientifiques. De nombreux artistes empruntent Ă  la dĂ©marche naturaliste, faite d’observation rigoureuse et de classification, contribuant ainsi de maniĂšre notable au renouvellement formel et iconographique des piĂšces produites Ă  SĂšvres. En 1824 il fonde le musĂ©e cĂ©ramique et vitrique. GuidĂ© par une dĂ©marche scientifique, il s’attache Ă  « chercher une classification raisonnĂ©e des produits cĂ©ramiques et le systĂšme d’un musĂ©e qui devait rĂ©unir tous les Ă©lĂ©ments de cette classification» (4). Pour enrichir les collections, il sollicite « les amateurs, les voyageurs et les fabricants» (5). Parmi les nombreux donateurs du musĂ©e, figurent en bonne position ceux que Brongniart qualifie de « naturalistes voyageurs» (6).

L’inspiration vĂ©gĂ©tale Ă  SĂšvres
L’inspiration florale omniprĂ©sente sur les piĂšces produites par la manufacture, s’inspire de la copie de fleurs prĂ©sentes dans les jardins, mais aussi d’ouvrages imprimĂ©s ou de dessins. Aujourd’hui encore ces motifs restent une source d’inspiration pour les ateliers de la dĂ©coration de la Manufacture de SĂšvres lors de la réédition de piĂšces anciennes. Pierre-Joseph RedoutĂ© (1759-1840), surnommĂ© le « RaphaĂ«l des fleurs», est sollicitĂ© Ă  partir de 1804 pour donner des dessins originaux de fleurs qui serviront de sources d’inspiration pour les peintres de la manufacture (7) . Les assiettes du Service des productions de la nature créée entre 1830 et 1862 prĂ©sentent de maniĂšre trĂšs exacte des espĂšces de fleurs, fruits et coquillages, peints comme les illustrations des ouvrages d’histoire naturelle. Les talents de coloristes, dessinateurs et peintres de la manufacture s’accompagnent ici d’une dĂ©marche scientifique puisque les noms des espĂšces reprĂ©sentĂ©es sont inscrits Ă  l’arriĂšre des assiettes, suivant en cela le principe initiĂ© avec les services ornithologiques, sept dĂ©cennies auparavant.

L’Art nouveau Ă  sĂšvres : une pĂ©riode florissante
La crĂ©ation Ă  SĂšvres s’illustre par une longue tradition de formes naturalistes qui connaĂźtra son plein Ă©panouissement avec l’Art nouveau Ă  la fin du XIXe siĂšcle, et une apogĂ©e lors de l’Exposition universelle de 1900. Ce mouvement artistique inspirĂ© des formes de la nature et caractĂ©risĂ© par des lignes sinueuses a connu une riche pĂ©riode de crĂ©ation Ă  SĂšvres, sous la direction d’Alexandre Sandier entre 1897 et 1916. Celui-ci redynamise les sources d’inspiration et le rĂ©pertoire dĂ©coratif de la Manufacture, en crĂ©ant de nombreux modĂšles. Auteur d’un ouvrage sur les formes de vases, il est Ă  l’origine de nouvelles formes mais aussi de nouveaux dĂ©cors. Sandier dĂ©veloppe la technique du coulage sous vide mise au point dans les annĂ©es 1860 pour Ă©viter les dĂ©formations, et une nouvelle pĂąte de porcelaine créée en 1884 pour rĂ©aliser des piĂšces de grand format en un seul morceau, avec des formes empruntĂ©es Ă  la nature.

Les oeuvres de céramistes contemporains
Au cours du XXe siĂšcle et au dĂ©but du XXIe, si les techniques et les expressions plastiques tendent Ă  se diversifier, l’intĂ©rĂȘt des cĂ©ramistes pour le monde du vivant demeure, voire s’accentue au fur et Ă  mesure d’une prise de conscience de la fragilitĂ© de celui-ci. L’aspiration Ă  une harmonie avec le vivant accompagne une pratique artistique qui s’inscrit dans celui-ci en Ă©tant en prise directe avec les Ă©lĂ©ments. Pour certains artistes nordiques, le contact avec les Ă©lĂ©ments est omniprĂ©sent, dans la vie quotidienne mĂȘme, et irrigue leur travail qui emprunte aux formes de la nature. Bente SkjĂžttgaard, grande figure de la cĂ©ramique danoise, joue ainsi du matĂ©riau cĂ©ramique pour crĂ©er des oeuvres qui peuvent aussi bien Ă©voquer des racines, des concrĂ©tions rocheuses, que des organismes marins issus de planches des Formes artistiques de la nature de Ernst Haeckel. De nombreux crĂ©ateurs japonais Ă©laborent une oeuvre dans laquelle le lien au vivant est omniprĂ©sent, par l’attachement Ă  une pratique trĂšs ancienne qui s’ancre dans la maĂźtrise des Ă©lĂ©ments et l’observation sensible de la nature. ProfondĂ©ment marquĂ©s par les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, de nombreux cĂ©ramistes ont fondĂ© leur dĂ©marche en rĂ©action Ă  ce traumatisme inscrit dans les chairs et les paysages pour livrer des oeuvres qui sont autant de rĂ©flexions sensibles et inquiĂštes quant au devenir du vivant. La cĂ©ramique, dont les propriĂ©tĂ©s plastiques paraissent infinies, semble s’extraire du champ de la matiĂšre inerte auquel elle s’apparente pour poursuivre une croissance mouvante, vivante, en constante Ă©volution. À la croisĂ©e des rĂ©flexions et des regards propres Ă  l’histoire des arts et des sciences, la cĂ©ramique invite Ă  s’interroger sur un matĂ©riau qui permet Ă  l’homme de s’inscrire dans un vaste univers de formes. Les trĂšs riches collections du musĂ©e national de CĂ©ramique de SĂšvres, de par leur universalitĂ© et leur compagnonnage avec les formes du vivant, attestent du rapport sensible et poĂ©tique que les cĂ©ramistes ne cessent de nouer avec le vivant, portant un regard lucide et inquiet sur la fragilitĂ© et la beautĂ© infinie de notre monde.


1 Bernard Dragesco, « Les dĂ©cors d’oiseaux Ă  la manufacture de Vincennes-SĂšvres au XVIIIe siĂšcle », dans Collectif, Des porcelaines et des oiseaux, Tournai, CrĂ©dit communal, 1994, p. 39

2 Voir notice pp. 84-85. Quinze services de table, communĂ©ment appelĂ©s « services Buffon », ont Ă©tĂ© produits par la Manufacture royale entre 1782 et 1796. Les dĂ©cors d’oiseaux s’accompagnent au revers des piĂšces des noms des diffĂ©rentes espĂšces recopiĂ©s d’aprĂšs les gravures.

3 Sylvie Legrand-Rossi, Les services aux oiseaux Buffon. Une encyclopédie sur porcelaine, Gourcuff Gradenigo, 2017.

4 Alexandre Brongniart, Denis-Désiré Riocreux, Description méthodique du musée céramique de la Manufacture royale de porcelaine de SÚvres, Paris, A. Leleux, 1845, préface p. III.

5 Id., préface p. VI.

6 Id., prĂ©face p. VII : « On remarquera parmi les naturalistes voyageurs presque tous ceux que le MusĂ©um d’histoire naturelle ou le Gouvernement ont envoyĂ©s en mission [
]. »

7 Audrey Milet, « L’inspiration vĂ©gĂ©tale Ă  SĂšvres », dans Catherine de Bourgoing, Sophie Eloy et JĂ©rĂŽme Farigoule (dir.), Le Pouvoir des fleurs : Pierre-Joseph RedoutĂ©, Paris MusĂ©es, 2017, p. 95.