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🔊 “Formes vivantes” au musée national de céramique – Manufacture et Musée nationaux, Sèvres, du 9 novembre 2022 au 7 mai 2023

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“Formes vivantes“ 

au musée national de céramique – Manufacture et Musée nationaux, Sèvres

du 9 novembre 2022 au 7 mai 2023

Sèvres


Interview de Charlotte Vignon, directrice du patrimoine et des collections à Sèvres, et co-commissaire de l'exposition, par Anne-Frédérique Fer, à Sèvres, le 8 novembre 2022, durée 14’25. © FranceFineArt.

PODCAST –  Interview de Charlotte Vignon, directrice du patrimoine et des collections à Sèvres, et co-commissaire de l’exposition,


par Anne-Frédérique Fer, à Sèvres, le 8 novembre 2022, durée 14’25.
© FranceFineArt.

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©Anne-Fréderique Fer, vernissage presse, le 8 novembre 2022.

Extrait du communiqué de presse :



Patricia Glave, Seins-bols, 2005, porcelaine, D 10,5 cm. Sévres, Manufacture et musée nationaux. Photo (C) RMN-Grand Palais (Sévres - Manufacture et musée nationaux) - © Martine Beck-Coppola. (C) Patricia Glave.
Patricia Glave, Seins-bols, 2005, porcelaine, D 10,5 cm. Sévres, Manufacture et musée nationaux. Photo (C) RMN-Grand Palais (Sévres – Manufacture et musée nationaux) – © Martine Beck-Coppola. (C) Patricia Glave.
Jean Carriés, Crapaud, 1892, grès cérame, 17.5 x 18 x 16,5 cm. © RMN-Grand Palais (Sévres - Manufacture et musée nationaux) / Martine Beck-Coppola.
Jean Carriés, Crapaud, 1892, grès cérame, 17.5 x 18 x 16,5 cm. © RMN-Grand Palais (Sévres – Manufacture et musée nationaux) / Martine Beck-Coppola.
Marc Alberghina, Canis Lingua, 2014, faïence, 35 x 35 x 35 cm. Limoges, musée national Adrien Dubouché. Photo (C) RMN-Grand Palais (Limoges, musée national Adrien Dubouché) - © Mathieu Rabeau. (C) Droits réservés.
Marc Alberghina, Canis Lingua, 2014, faïence, 35 x 35 x 35 cm. Limoges, musée national Adrien Dubouché. Photo (C) RMN-Grand Palais (Limoges, musée national Adrien Dubouché) – © Mathieu Rabeau. (C) Droits réservés.
Jean-Claude Duplessis, 1756, Pot à eau et cuvette feuille d’eau fond rose (édition contemporaine) Sévres - Manufacture et Musée nationaux. © Gérard Jonca / Sévres - Manufacture et Musée nationaux.
Jean-Claude Duplessis, 1756, Pot à eau et cuvette feuille d’eau fond rose (édition contemporaine) Sévres – Manufacture et Musée nationaux. © Gérard Jonca / Sévres – Manufacture et Musée nationaux.

Commissariat :


Judith Cernogora – Conservatrice du patrimoine à Sèvres

Charlotte Vignon – Directrice du patrimoine et des collections à Sèvres






L’exposition Formes vivantes met en lumière les liens qui unissent le monde minéral, issu de la terre et le monde du vivant, de l’organique, animal et végétal. Avec près de 350 oeuvres, des céramiques de la Renaissance à nos jours, en regard de peintures, de pièces d’orfèvrerie ou d’objets scientifiques avec lesquels elles sont mises en perspective, l’exposition nous interroge sur notre propre rapport au vivant. On y (re)découvre ainsi un médium résolument ancré dans son temps et qui inspire, aujourd’hui plus que jamais, les artistes contemporains tels que Giuseppe Penone, Johan Creten ou encore Claire Lindner. Conçue par le musée national Adrien Dubouché à Limoges en 2019 l’exposition connaît un second souffle en poursuivant sa mutation au musée de Sèvres.




L’exposition valorise le fonds incomparable de collections de céramiques de Sèvres et du musée national Adrien Dubouché. Elles dialoguent avec des peintures, des pièces d’orfèvrerie ou des objets scientifiques qui les ont inspirées et éclairent le propos, ce qui unit le minéral, l’animal, l’humain et le végétal.




L’exposition bénéficie de prêts importants d’institutions prestigieuses (Muséum national d’Histoire naturelle, musée du Louvre, musée d’Orsay, musée des Arts décoratifs, musée national de la Renaissance d’Ecouen, musée des beaux-arts de la Ville de Paris, musée de l’École de Nancy, École nationale supérieure d’art de Limoges, Verrerie de Meisenthal) et d’artistes contemporains (Arnold Annen, François Azambourg, Jean-Michel Barathon-Cadelle, Johan Creten, Valérie Delarue, Wayne Fisher, Jean Girel, Claire Lindner). L’artiste Nadège Mouyssinat a quant à elle réalisé une oeuvre spécialement pour l’exposition.





Après une introduction immersive dans un cabinet de curiosités, le parcours de l’exposition se divise en trois grandes parties : Naturalismes, Imaginaires organiques et À l’intérieur du vivant.

Parcours de l’exposition

Elsa Guillaume, Slices, 2019. Vue d'exposition au centre d'art Eleven Steens, Bruxelles. Courtesy de l'artiste. © Tadzio.
Elsa Guillaume, Slices, 2019. Vue d’exposition au centre d’art Eleven Steens, Bruxelles. Courtesy de l’artiste. © Tadzio.
Claire Lindner, Buisson n°4, 2021, grés émaillé, 50 x 53 x 41 cm. Musée de la céramique, Vallauris. © Anthony Girardi.
Claire Lindner, Buisson n°4, 2021, grés émaillé, 50 x 53 x 41 cm. Musée de la céramique, Vallauris. © Anthony Girardi.
Claire Lindner, Blue Flow n°4, 2017, grés émaillé, H 37 cm x 38 x 36 cm. Limoges, musée national Adrien Dubouché. Photo (C) RMN-Grand Palais (Limoges, musée national Adrien Dubouché) / Mathieu Rabeau. (C) Droits réservés.
Claire Lindner, Blue Flow n°4, 2017, grés émaillé, H 37 cm x 38 x 36 cm. Limoges, musée national Adrien Dubouché. Photo (C) RMN-Grand Palais (Limoges, musée national Adrien Dubouché) / Mathieu Rabeau. (C) Droits réservés.

NATURALISMES 



Bernard Palissy et les suiveurs
Au XVIe siècle, Bernard Palissy (vers 1510-1590), grand savant de son temps s’illustre par l’originalité de ses céramiques ornées d’animaux et de végétaux, souvent réalisées par la technique du moulage sur le vif. Son oeuvre, inscrite dans une époque où l’opposition entre minéral et vivant n’existe pas encore, marque l’histoire de l’art et connaît, aujourd’hui encore, une postérité florissante. La série des Vagues pour Palissy réalisées par Johan Creten (né en 1963) lors d’une résidence à la Manufacture Nationale de Sèvres en 2007 en est une illustration marquante. Chez Jean Girel (né en 1947), le naturalisme s’exprime moins par les effets de modelage que par les phénomènes céramiques qu’il travaille de sorte à donner à ses oeuvres un aspect rappelant l’épiderme des animaux.

Trompe-l’oeil et tables vivantes, le monde animal
Entre le XVIe et le XVIIe siècles, les sciences naturelles se structurent, l’observation des espèces et la collecte des spécimens se codifient. Une séparation émerge entre l’homme et la nature, envisagée comme objet d’étude. Au XVIIIe siècle, les émaux permettent de donner des couleurs vives à la faïence, favorisant ainsi la création de pièces naturalistes, notamment sous forme de terrines zoomorphes. Les manufactures peuvent rendre de façon illusionniste le plumage des oiseaux ou l’aspect des végétaux. Les arts de la table à la française favorisent l’art du trompe-l’oeil. La recherche de fidélité dans la représentation de l’animal se révèle notamment dans de nombreuses oeuvres d’art en céramique produites à cette période, comme la ménagerie en porcelaine de la manufacture de Meissen commandée par le prince-électeur de Saxe Auguste II dit le Fort, pour orner les murs de son Palais japonais de Dresde et dont le musée de Sèvres conserve cinq animaux, des chefs-d’oeuvre.

Naturaliser le corps humain
Le corps humain peut paraître plus familier que l’animal, à la fois incontournable et disponible pour l’artiste désireux de restituer avec fidélité des formes du vivant. À une époque où la photographie ne permet pas encore de garder la trace du corps, de conserver l’image de l’être cher, le masque mortuaire connait un succès croissant. Cet attrait pour le corps est également présent chez des artistes comme Pascal Convert (né en 1957) ou Giuseppe Penone (né en 1947), pour lesquels la technique du moulage ou du modelage permet de restituer la présence ou l’empreinte du corps, sous une forme figée dans l’absence par le vide ou alors animée du souffle de la vie. Plusieurs artistes abordent la représentation du corps féminin avec crudité et délicatesse comme Carole Deltenre (née en 1983), avec son oeuvre Nymphes où les sexes féminins deviennent objets de parure.

Johann-Gottlieb Kirchner (1706 - après 1737), Chien dit de Bologne, vers 1733, porcelaine dure, H 43 cm, Manufacture de Meissen. Modéle de Kirchner, ensemble, face ; après restauration. Paris, musée du Louvre. Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) - © Thierry Ollivier.
Johann-Gottlieb Kirchner (1706 – après 1737), Chien dit de Bologne, vers 1733, porcelaine dure, H 43 cm, Manufacture de Meissen. Modéle de Kirchner, ensemble, face ; après restauration. Paris, musée du Louvre. Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) – © Thierry Ollivier.
Johan Creten, Grande vague pour Palissy, 2006, grès émaillé, 132 x 77 x 70 cm. © Gérard Jonca / Sévres - Manufacture et Musée nationaux - © Adagp, Paris, 2022.
Johan Creten, Grande vague pour Palissy, 2006, grès émaillé, 132 x 77 x 70 cm. © Gérard Jonca / Sévres – Manufacture et Musée nationaux – © Adagp, Paris, 2022.
Jean Girel, Boite grenouilles, 2013, porcelaine dure, H 15 cm x 34, Limoges, musée national Adrien Dubouché. Photo (C) RMN-Grand Palais (Limoges, musée national Adrien Dubouché) - © Mathieu Rabeau.
Jean Girel, Boite grenouilles, 2013, porcelaine dure, H 15 cm x 34, Limoges, musée national Adrien Dubouché. Photo (C) RMN-Grand Palais (Limoges, musée national Adrien Dubouché) – © Mathieu Rabeau.

IMAGINAIRES ORGANIQUES



Le style rocaille
Marqué par un goût pour la symétrie autant que par les arabesques et les mélanges d’éléments éclectiques, l’esprit Rocaille est caractérisé par des formes aux courbes et contre-courbes marquées, par des objets dont l’esthétique est chargée, voire surchargée. Surtout, les formes rocaille trouvent leur inspiration dans le motif de la coquille, la forme végétale comme la feuille de céleri, et de petits fruits ou légumes formant les boutons de prise des objets en faïence ou en porcelaine.

L’Art nouveau
Les artistes de l’Art nouveau cherchent l’harmonie entre la structure de l’objet et son décor à travers le végétal, la tige, la liane dite aussi ligne « en coup de fouet ». Chez Hector Guimard (1867-1942), cette recherche s’opère d’abord dans l’architecture avec la construction des sorties du métro parisien ou du Castel Béranger, avant de s’appliquer à des oeuvres sculpturales. Les pièces produites en grès à la Manufacture nationale de Sèvres au tournant du XXe siècle témoignent du goût de l’époque pour l’esthétique toute en courbe de l’Art nouveau. Directeur des travaux d’art à la Manufacture de 1897 à 1916, Alexandre Sandier redynamise les sources d’inspiration et le répertoire décoratif de Sèvres en vue de l’Exposition universelle de 1900.

Hybridations, abstraction, biomorphisme
Dans l’histoire des sciences, la publication en 1859 de L’Origine des espèces par Charles Darwin est un bouleversement majeur qui se répercute dans l’imaginaire de la fin du XIXe siècle. L’idée de la sélection naturelle s’impose comme moteur de l’évolution et soumet l’espèce humaine à la même contrainte d’adaptation à son environnement, ce qui établit une continuité inédite avec le règne animal. Cette remise en question de l’ordre du monde nourrit l’imaginaire des artistes de la fin du siècle, qui mettent en scène ces passages de frontière entre humain et animal, animal et végétal. La céramique se prête notamment au jeu des hybridations à la fois par la transformation matérielle dont elle est issue, mais aussi par sa malléabilité. On retrouve cette démarche dans le travail d’artistes tels que Jean Carriès, Wayne Fisher, Claire Lindner, Farida Le Suavé ou Nadège Mouyssinat. Né dans les années 1930, à la croisée du surréalisme et de l’art abstrait, et porté par des artistes tels que Joan Miró ou Jean Arp, le « biomorphisme » est une manière de suggérer le vivant au moyen de formes non figuratives, à la fois familières et énigmatiques. Aujourd’hui encore, de nombreux artistes contemporains trouvent dans la céramique un matériau idéal pour évoquer plastiquement des dynamiques ou des processus organiques.

Christine Viennet, Un jardin si délectable, 2006, terre cuite vernissée, 14 x 56 cm. Sévres, Manufacture et musée nationaux. Photo (C) RMN-Grand Palais (Sévres - Manufacture et musée nationaux) / Martine Beck-Coppola. (C) Droits réservés.
Christine Viennet, Un jardin si délectable, 2006, terre cuite vernissée, 14 x 56 cm. Sévres, Manufacture et musée nationaux. Photo (C) RMN-Grand Palais (Sévres – Manufacture et musée nationaux) / Martine Beck-Coppola. (C) Droits réservés.
Charles Jean Avisseau (1796-1861) (atelier de), Plat ovale, imitation de Bernard Palissy, faïence stannifère, 4,6 x 30 x 23 cm. Sévres, Manufacture et musée nationaux. Photo (C) RMN-Grand Palais (Sévres - Manufacture et musée nationaux) - © Martine Beck-Coppola.
Charles Jean Avisseau (1796-1861) (atelier de), Plat ovale, imitation de Bernard Palissy, faïence stannifère, 4,6 x 30 x 23 cm. Sévres, Manufacture et musée nationaux. Photo (C) RMN-Grand Palais (Sévres – Manufacture et musée nationaux) – © Martine Beck-Coppola.

À L’INTÉRIEUR DU VIVANT



Anatomie, dissection, structures microscopiques
La troisième partie de l’exposition est conçue comme un zoom à l’intérieur du vivant, un voyage à travers l’infiniment petit. L’invention du microscope au XVIIe siècle permet la découverte et l’observation d’organismes jamais vus auparavant, tels que des bactéries ou des cellules de plantes. En 1902, le biologiste allemand Ernst Haeckel (1834-1919) publie Kunstformen der Natur – Formes artistiques de la nature un livre resté célèbre pour ses planches révélant l’existence de planctons et d’être vivants unicellulaires, dont les formes extraordinaires fascinent les artistes. La représentation des organes ou des mécanismes internes des êtres vivants est souvent liée à la médecine ou à la biologie. Les univers visuels produits par la science attisent également la curiosité des artistes, qui s’approprient les formes invisibles et les processus cachés du vivant comme Pierre-Adrien Dalpayrat (1844-1910) et Valérie Delarue. De la sculpture à la prothèse biomédicale en passant par le design d’objet en céramique imprimés en 3D, l’art et la science s’entremêlent et révèlent des contacts insoupçonnés entre le vivant et le minéral. Dans la céramique s’incarnent alors différentes réflexions esthétiques et éthiques sur la connaissance et la définition de la vie, ses limites ou sa maîtrise par l’homme, de l’échelle du corps à celle du gène comme chez Jean-Michel Barathon-Cadelle ou Arnold Annen.

LE VIVANT À SÈVRES

Par Judith Cernogora, commissaire de l’exposition
L’exposition Formes vivantes initialement créée au musée national Adrien Dubouché de Limoges en 2019-2020 est reprise au musée national de Céramique de Sèvres dans une version légèrement différente, en y adjoignant des oeuvres conservées dans les riches collections de la Cité de la céramique de Sèvres, comprenant les pièces créées à la manufacture de Sèvres dès le XVIIIe siècle et jusqu’à nos jours, les collections du musée, ainsi que le très important fonds documentaire, composé d’ouvrages, de dessins et de peintures. L’exposition à Sèvres est l’occasion de compléter le propos initial en montrant comment, dès les origines de la manufacture de Sèvres au XVIIIe siècle, puis dès la création du musée de Céramique par Alexandre Brongniart en 1824, le lien au monde du vivant est omniprésent.


Les formes du vivant : une constante source d’inspiration
Le monde du vivant nourrit les créations de la Manufacture de Sèvres depuis ses origines et a donné lieu à des œuvres directement inspirées du règne animal, végétal, minéral. Au XVIIIe siècle, le mouvement rocaille s’épanouit dans les arts décoratifs avec des pièces réalisées dans les années 1750 à la manufacture de Vincennes par Jean-Claude Duplessis, dont les formes, très largement influencées par l’orfèvrerie, évoquent des coquilles ou des coraux. Orfèvre de métier, il fournit des bronzes et des dessins pour servir de modèle aux pièces de porcelaine tendre. Le goût rocaille s’exprime dans les décors, mais aussi dans la structure même des objets dont les formes extravagantes s’apparentent à de la matière en transformation.

Les services ornithologiques
Vers 1750 les premiers décors d’oiseaux apparaissent sur les productions de la manufacture de Vincennes (1). Si les premières porcelaines produites à la manufacture de Vincennes comprenaient de nombreux décors d’oiseaux, ceux-ci étaient surtout issus de l’imagination des peintres et ne correspondaient à aucune espèce réelle. Des motifs d’oiseaux copiés d’après les gravures de George Edwards (1694-1773), considéré comme le père de l’ornithologie britannique, marquent un tournant, fondé sur l’observation ornithologique scientifique. Ce type de décor disparut peu après 1770, mais le décor ornithologique renaît ensuite à Sèvres dans les années 1780, avec une série d’objets décorés d’oiseaux s’inspirant des gravures de François-Nicolas Martinet (1731-1800), pour L’Histoire naturelle des oiseaux (1770-1786) de Buffon (1707-1788) (2). Offrant des représentations d’oiseaux exotiques accompagnées de leurs noms et de leurs pays d’origine, ces services ornithologiques inscrivent dans la porcelaine la démarche scientifique élaborée sous les Lumières consistant à construire le savoir à partir de l’observation. Avec leurs riches dessins colorés et vivants, les services ornithologiques constituent ainsi de véritables encyclopédies sur porcelaine (3).

Alexandre Brongniart, une approche scientifique au service de la céramique
Alexandre Brongniart (1770-1847), directeur de la manufacture de Sèvres de 1800 jusqu’à sa mort, s’intéresse très tôt aux sciences naturelles. Dès sa nomination à Sèvres, Brongniart a à coeur de rénover les procédés de fabrication, le choix des argiles et aussi l’iconographie. Les formes inspirées de la nature, notamment les animaux et les végétaux, constituent un motif de prédilection qu’accompagne et enrichit les avancées et découvertes scientifiques. De nombreux artistes empruntent à la démarche naturaliste, faite d’observation rigoureuse et de classification, contribuant ainsi de manière notable au renouvellement formel et iconographique des pièces produites à Sèvres. En 1824 il fonde le musée céramique et vitrique. Guidé par une démarche scientifique, il s’attache à « chercher une classification raisonnée des produits céramiques et le système d’un musée qui devait réunir tous les éléments de cette classification» (4). Pour enrichir les collections, il sollicite « les amateurs, les voyageurs et les fabricants» (5). Parmi les nombreux donateurs du musée, figurent en bonne position ceux que Brongniart qualifie de « naturalistes voyageurs» (6).

L’inspiration végétale à Sèvres
L’inspiration florale omniprésente sur les pièces produites par la manufacture, s’inspire de la copie de fleurs présentes dans les jardins, mais aussi d’ouvrages imprimés ou de dessins. Aujourd’hui encore ces motifs restent une source d’inspiration pour les ateliers de la décoration de la Manufacture de Sèvres lors de la réédition de pièces anciennes. Pierre-Joseph Redouté (1759-1840), surnommé le « Raphaël des fleurs», est sollicité à partir de 1804 pour donner des dessins originaux de fleurs qui serviront de sources d’inspiration pour les peintres de la manufacture (7) . Les assiettes du Service des productions de la nature créée entre 1830 et 1862 présentent de manière très exacte des espèces de fleurs, fruits et coquillages, peints comme les illustrations des ouvrages d’histoire naturelle. Les talents de coloristes, dessinateurs et peintres de la manufacture s’accompagnent ici d’une démarche scientifique puisque les noms des espèces représentées sont inscrits à l’arrière des assiettes, suivant en cela le principe initié avec les services ornithologiques, sept décennies auparavant.

L’Art nouveau à sèvres : une période florissante
La création à Sèvres s’illustre par une longue tradition de formes naturalistes qui connaîtra son plein épanouissement avec l’Art nouveau à la fin du XIXe siècle, et une apogée lors de l’Exposition universelle de 1900. Ce mouvement artistique inspiré des formes de la nature et caractérisé par des lignes sinueuses a connu une riche période de création à Sèvres, sous la direction d’Alexandre Sandier entre 1897 et 1916. Celui-ci redynamise les sources d’inspiration et le répertoire décoratif de la Manufacture, en créant de nombreux modèles. Auteur d’un ouvrage sur les formes de vases, il est à l’origine de nouvelles formes mais aussi de nouveaux décors. Sandier développe la technique du coulage sous vide mise au point dans les années 1860 pour éviter les déformations, et une nouvelle pâte de porcelaine créée en 1884 pour réaliser des pièces de grand format en un seul morceau, avec des formes empruntées à la nature.

Les oeuvres de céramistes contemporains
Au cours du XXe siècle et au début du XXIe, si les techniques et les expressions plastiques tendent à se diversifier, l’intérêt des céramistes pour le monde du vivant demeure, voire s’accentue au fur et à mesure d’une prise de conscience de la fragilité de celui-ci. L’aspiration à une harmonie avec le vivant accompagne une pratique artistique qui s’inscrit dans celui-ci en étant en prise directe avec les éléments. Pour certains artistes nordiques, le contact avec les éléments est omniprésent, dans la vie quotidienne même, et irrigue leur travail qui emprunte aux formes de la nature. Bente Skjøttgaard, grande figure de la céramique danoise, joue ainsi du matériau céramique pour créer des oeuvres qui peuvent aussi bien évoquer des racines, des concrétions rocheuses, que des organismes marins issus de planches des Formes artistiques de la nature de Ernst Haeckel. De nombreux créateurs japonais élaborent une oeuvre dans laquelle le lien au vivant est omniprésent, par l’attachement à une pratique très ancienne qui s’ancre dans la maîtrise des éléments et l’observation sensible de la nature. Profondément marqués par les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, de nombreux céramistes ont fondé leur démarche en réaction à ce traumatisme inscrit dans les chairs et les paysages pour livrer des oeuvres qui sont autant de réflexions sensibles et inquiètes quant au devenir du vivant. La céramique, dont les propriétés plastiques paraissent infinies, semble s’extraire du champ de la matière inerte auquel elle s’apparente pour poursuivre une croissance mouvante, vivante, en constante évolution. À la croisée des réflexions et des regards propres à l’histoire des arts et des sciences, la céramique invite à s’interroger sur un matériau qui permet à l’homme de s’inscrire dans un vaste univers de formes. Les très riches collections du musée national de Céramique de Sèvres, de par leur universalité et leur compagnonnage avec les formes du vivant, attestent du rapport sensible et poétique que les céramistes ne cessent de nouer avec le vivant, portant un regard lucide et inquiet sur la fragilité et la beauté infinie de notre monde.


1 Bernard Dragesco, « Les décors d’oiseaux à la manufacture de Vincennes-Sèvres au XVIIIe siècle », dans Collectif, Des porcelaines et des oiseaux, Tournai, Crédit communal, 1994, p. 39

2 Voir notice pp. 84-85. Quinze services de table, communément appelés « services Buffon », ont été produits par la Manufacture royale entre 1782 et 1796. Les décors d’oiseaux s’accompagnent au revers des pièces des noms des différentes espèces recopiés d’après les gravures.

3 Sylvie Legrand-Rossi, Les services aux oiseaux Buffon. Une encyclopédie sur porcelaine, Gourcuff Gradenigo, 2017.

4 Alexandre Brongniart, Denis-Désiré Riocreux, Description méthodique du musée céramique de la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres, Paris, A. Leleux, 1845, préface p. III.

5 Id., préface p. VI.

6 Id., préface p. VII : « On remarquera parmi les naturalistes voyageurs presque tous ceux que le Muséum d’histoire naturelle ou le Gouvernement ont envoyés en mission […]. »

7 Audrey Milet, « L’inspiration végétale à Sèvres », dans Catherine de Bourgoing, Sophie Eloy et Jérôme Farigoule (dir.), Le Pouvoir des fleurs : Pierre-Joseph Redouté, Paris Musées, 2017, p. 95.