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🔊 “Le Chant des Forêts” au MAIF Social Club, Paris, du 1er octobre 2022 au 22 juillet 2023

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“Le Chant des Forêts“
L’écho d’un monde qui pousse

au MAIF Social Club, Paris

du 1er octobre 2022 au 22 juillet 2023

MAIF Social Club


Interview de Lauranne Germond, COAL, commissaire de l’exposition, par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 28 septembre 2022, durée 14’39. © FranceFineArt.

PODCAST –  Interview de Lauranne Germond, COAL, commissaire de l’exposition,


par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 28 septembre 2022, durée 14’39.
© FranceFineArt.

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Le Chant des Forêts
Le Chant des Forts
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©Anne-Fréderique Fer, présentation presse, le 28 septembre 2022.

Texte de Sylvain Silleran

 

Root System Drawings collection/ Wageningen University & Research Image Collections, 2002. © Kutschera, L. Lichtenegger, E. (Erwin) (Wurzeldarstellungen), Wurzelatlas, 2002.
Root System Drawings collection/ Wageningen University & Research Image Collections, 2002. © Kutschera, L. Lichtenegger, E. (Erwin) (Wurzeldarstellungen), Wurzelatlas, 2002.
Félix Blume, Curupira, bête des bois, 2018 . Vidéo HD 16/9 (1920 • 1080), Color, 25fps, 35 min. © Félix Blume.
Félix Blume, Curupira, bête des bois, 2018 . Vidéo HD 16/9 (1920 • 1080), Color, 25fps, 35 min. © Félix Blume.
Beya Gille Gacha, Orant #5, 2022. Sculpture en perles et textile, terre, arbuste.
Beya Gille Gacha, Orant #5, 2022. Sculpture en perles et textile, terre, arbuste.
Thierry Cohen, Forêt de Białowieża, Pologne, 2018. Photographie. © Thierry Cohen.
Thierry Cohen, Forêt de Białowieża, Pologne, 2018. Photographie. © Thierry Cohen.
Collectif Fibra, Desbosque : desenterrando señales / Déforestation : déterrer des signaux, 2021. Son. Sculptures en cosses de maïs stérilisées et son de blé stérilisé inoculé avec du mycélium de Ganoderma Lucidum, 28 haut-parleurs. © Juan Pablo Murrugarra / MAC Lima.
Collectif Fibra, Desbosque : desenterrando señales / Déforestation : déterrer des signaux, 2021. Son. Sculptures en cosses de maïs stérilisées et son de blé stérilisé inoculé avec du mycélium de Ganoderma Lucidum, 28 haut-parleurs. © Juan Pablo Murrugarra / MAC Lima.
Émilie Faïf, Canopée, 2022. Installation textile en chutes de tissus recyclés. Production MAIF Social Club. © DR.
Émilie Faïf, Canopée, 2022. Installation textile en chutes de tissus recyclés. Production MAIF Social Club. © DR.

Les murs se recouvrent d’une mousse végétale, un organisme vivant, odorant, qui grimpe le long des piliers, tombe du haut des murs comme une chevelure lourde. La nature envahit le MAIF Social Club; la forêt, lieu de contes et de légendes, là où se réfugient les exclus et les brigands, théâtre de luttes, de découvertes, reprend ses droits sur la ville.


Carbon catcher
de Thierry Cohen, photographie d’une forêt primaire de Pologne, livre ses couleurs sous la forme de la bande-son de l’audionaturaliste Fernand Deroussen. Ses enregistrements des chants des oiseaux de la forêt de Białowieża emplissent l’espace et le rendent plus lumineux. Parfaite ambiance pour respirer les couleurs de chlorophylle de la Canopée d’Emilie Faïf. Ses cimes d’arbres en bandes de tissus, chutes textiles soigneusement triées et recyclées forment un mini labyrinthe de onze petits poufs souples et élastiques sur lesquels on voudrait rebondir moelleusement. Les gammes de vert vont du sombre, terne un peu bleuté aux verts tendres, vifs et juvéniles. Les motifs à fleurs, à rayures et à pois laissent éclore une floraison.


Il faut regarder dans des petits tubes pour voir quelques planches de l’Atlas racinaire des chercheurs de l’université de Wageningen. Ces dessins des réseaux de racines de milliers de plantes et d’arbres ont été réalisés, classés et archivés pendant près de quarante ans. (http://images.wur.nl/digital/collection/coll13). Puis on change d’échelle avec, accrochée au mur, l’araignée géante de Florian Mermin construite en sapins de Noël abandonnés. Elle est susceptible d’effrayer les plus émotifs, car se promener dans la forêt n’est pas de tout repos. Entrer dans la cabane de Tatiana Wolska, passer sous ce mikado de branches dont le sommet nous échappe nous fait pénétrer dans une forêt enchantée, un monde baigné dans l’obscurité, une nuit aux fragrances d’humus, de champignons. On y trouve une maison de contes de fées en céramique, celle de Hansel et Gretel, qui commence déjà à se laisser engloutir par des plantes, des tentacules végétales. Disposés dans un halo de lumière, une paire de mains griffues, des gants de pattes de loup-garou. Le bronze patiné de Florian Mermin ressemble à du cuir un peu maléfique, une erreur génétique ayant engendré un monstre entre homme et animal. 


Après la fiction, la forêt-chantier du collectif Fibra nous rend à la réalité. Des sculptures en cosses de maïs et son de blé, remplies de mycélium, de spores de pleurotes sont pendues à des fils. Mégaphones, téléphones, radios et ordinateurs, microphones, enceintes sont les outils des bûcherons qui déforestent ce coin de forêt péruvienne. Mais ces mêmes outils servent désormais aux défenseurs de l’écosystème. Ces objets à l’aspect terreux, comme s’ils avaient subi quelques saisons enfouis dans la terre rappellent que les champignons forment un réseau de communication souterrain entre les arbres. Les technologies de communication servent désormais aux peuples autochtones à défendre leur territoire, leur habitat.


Romain Bernini ne peint pas les arbres comme éléments d’un paysage mais en fait le portrait sur des toiles immenses. Le violet vire au turquoise, des reflets roses, des ombres rouges, carmins dressent une ambiance nocturne, une nuit américaine de cinéma. Le fond liquide coule comme une pluie acide, une lumière fluorescente un peu inquiétante. L’arbre-sujet montre un caractère, une personnalité à la fois paisible et trouble, la possibilité d’un climat qui se ferait dangereux. La vie et la mort, voilà bien l’enjeu. Forêt de plumes de Thierry Boutonnier clôture cette traversée. Une clairière apparait au sortir d’une forêt de troncs de feutre noir. Sur un élégant tapis de plumes blanches se dresse une montagne dorée. C’est chic et glamour comme une pièce montée de mariage, mais il s’agit d’une accumulation écœurante de nuggets de fast food, une production industrielle sortie de grands sacs surgelés. La beauté de la nature, sa sauvagerie, sa liberté sont soudain assassinés. Il ne reste qu’une pile de nourriture qui ressemble plus à un débordement de déchets. Une abondance en forme de tombe, de monument funéraire.


De la naissance, des petits papiers contenant des graines que l’on est invités à cueillir dans un panier, à la mort, c’est tout un cycle de vie que l’on a ainsi parcouru. Le chant des forêts résonnera encore longtemps. 


Sylvain Silleran

Extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :

Lauranne Germond, COAL




Les artistes :

Romain Bernini / Félix Blume / Thierry Boutonnier / Thierry Cohen / Fernand Deroussen / Émilie Faïf / FIBRA / Beya Gille Gacha / Florian Mermin / Tatiana Wolska



Comme une polyphonie,
Le Chant des Forêts donne à entendre les voix de la forêt, celles des vivants qui la composent et la décomposent, celles des rites et des cultes qui la traversent depuis la nuit des temps, mais aussi celles des humains qui l’habitent et luttent pour les protéger.

À la fois chaîne et maillon de l’écosystème planétaire, source d’oxygène et puits de carbone, aérienne et souterraine, la forêt est vitale pour l’équilibre global des écosystèmes, pour la biodiversité et pour les sociétés humaines qui, depuis des millénaires, comptent sur ses ressources. Lieu de vie pour de nombreux peuples autochtones qui luttent aujourd’hui pour défendre un autre rapport à la nature et au vivant, le « bois » est aussi ce lieu politique, refuge historique pour les libertaires et les résistants. Toutes sortes de créatures, dieux, fées, elfes, sorcières, monstres et démons y cohabitent également et hantent l’imaginaire de la forêt, des mythes d’Amazonie aux légendes de Brocéliande. Objet de crainte ou havre de paix, la forêt véhicule une multitude de récits et de savoirs qui nous renvoient aux confins de l’humanité.

Pourtant, la forêt est devenue en quelques décennies le symbole et le point de convergence des convoitises, des catastrophes environnementales et des luttes qui agitent le monde contemporain en crise. Treize millions d’hectares de forêts disparaissent chaque année sous la pression du surpâturage, de l’exploitation du bois, de l’urbanisation et surtout de l’agriculture intensive d’huile de palme et de soja à destination de l’élevage industriel. Des pans entiers de forêt brûlent aux quatre coins de la planète, tandis que d’autres meurent sous l’effet du réchauffement climatique, privant la faune et la flore de leur habitat naturel.

Les forêts parlent, elles chantent et nous enchantent. Elles crient aussi. Elles appellent et interpellent. Les dix artistes de l’exposition Le Chant des Forêts nous invitent à composer ensemble cet appel du vivant pour le droit au merveilleux et à la beauté du monde, depuis la forêt-refuge, là où germent les résistances et où bourgeonnent les expressions en marge, là où fleurit cette liberté sauvage et furtive qui s’exerce loin des regards, loin de la ville et de l’agitation du monde, là où se plante le monde de demain.

Lauranne Germond, commissaire