🔊 “Festival Fata Morgana” au Jeu de Paume, Paris, du 22 mars au 22 mai 2022
“Festival Fata Morgana“
au Jeu de Paume, Paris
du 22 mars au 22 mai 2022
PODCAST – Interview de Béatrice Gross, commissaire de la première édition du Festival du Jeu de Paume Fata Morgana,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 22 mars 2022, durée 5’44.
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
Commissaire : Béatrice Gross
Conseil artistique : Katinka Bock
Scénographie : Cécile Degos
Edito par Quentin Bajac – Directeur du Jeu de Paume
Dans ses Harmonies de la nature paru en 1815, l’écrivain Bernardin de Saint-Pierre, précurseur du romantisme, rapporte une aventure survenue à son ami Joseph Vernet dans la campagne italienne : apercevant un jour à l’horizon « la forme d’une ville renversée », le peintre s’empressa d’en faire une esquisse avant de se diriger vers les montagnes au-dessus desquelles cette vision s’était formée, « mais quelle fut sa surprise de trouver à sept lieues de là la ville dont il avait vu le spectre dans les cieux, et dont il avait le dessin dans son portefeuille ! » En faisant se succéder en une phrase illusion optique et réalité physique, vision, vue et représentation, monde céleste et monde terrestre, image immatérielle et image dessinée, l’anecdote rassemble en un saisissant raccourci nombre des interrogations posées par Fata Morgana autour des ruses du voir.
La question « qu’est-ce que voir ? » est au coeur de la première édition du festival du Jeu de Paume, manifestation dédiée à la scène contemporaine et appelée à entrer régulièrement dans notre programmation. Elle pourrait relever de l’évidence pour ce lieu consacré à la notion aussi riche qu’insaisissable d’image. Pourtant, il revient à la commissaire Béatrice Gross et à la conseillère artistique Katinka Bock d’avoir proposé cette piste et su l’emprunter, avec imagination et subtilité, en se gardant d’une démarche illustrative ou trop didactique mais laissant au contraire les oeuvres les conduire et les séduire. L’ensemble ne prétend à aucune exhaustivité mais entend davantage proposer un parcours, une expérience qui soit exposition et événement, puisqu’aux oeuvres montrées en salle s’ajouteront, au long des semaines, performances, lectures, projections, podcasts renouvelant et amplifiant la visite. L’exposition a été l’occasion de produire de nombreuses oeuvres nouvelles, fidèle en cela à une des missions du centre d’art que nous sommes.
Quentin Bajac, Directeur du Jeu de Paume
LE FESTIVAL
Le festival du Jeu de Paume propose au public de découvrir les multiples dimensions de l’image dans la diversité de ses formes. Mêlant exposition, projections, performances et concerts, présentant un nombre important de nouvelles productions, ce rendez-vous entend donner une pleine visibilité à des artistes rarement montrés en France.
Centre d’art et lieu de référence pour la diffusion de l’image, le Jeu de Paume a pour vocation de mettre à l’honneur les artistes, qu’ils soient reconnus, méconnus ou émergents. C’est dans le cadre de cette mission majeure qu’est né le projet du festival.
Cette première, qui occupera l’ensemble du bâtiment, est confiée à Béatrice Gross, commissaire indépendante, avec le conseil artistique de Katinka Bock. Le titre retenu pour cette édition, Fata Morgana, renvoie au phénomène exceptionnel causé par la combinaison de mirages à la surface de la mer, dont les réfractions font apparaître des images en suspension d’objets situés en-deça de l’horizon : ce sont donc les réalités sensibles singulières véhiculées par l’image contemporaine que les commissaires ont choisi d’explorer.
Fata Morgana déploiera une réflexion critique et poétique sur les modalités concrètes d’apparition du visible, souvent plus instable et ambiguë qu’il n’y paraît. L’exposition pluridisciplinaire rassemblera, aux côtés de photographies, films et installations vidéo, des sculptures, performances et pièces sonores. C’est une certaine qualité d’attention au monde sensible – plutôt qu’un thème, un mouvement ou une génération – qui sera proposée. Le titre fait référence moins à l’effet de trompe-l’oeil qu’à l’apprentissage du regard, entre émerveillement et décryptage.
Le phénomène sert alors de métaphore riche en évocations, entre la science optique, l’histoire de la navigation ou encore le cycle arthurien – dont la Fée Morgane prête son nom en italien au phénomène – et autres légendes de vaisseaux et châteaux volants. C’est aussi dans ce phénomène de mirage que s’ancre la méthode d’élaboration artistique, chaque nouvelle étape se faisant présage de la suivante : d’un premier accrochage éphémère ayant eu lieu au printemps 2021, à des performances de préfiguration lors de la dernière Nuit Blanche ou encore au podcast dont un nouvel épisode publié chaque mois d’octobre 2021 à mars 2022 permet de découvrir l’avancement et les coulisses de l’événement, le festival Fata Morgana donne à voir toutes les étapes de la réalisation du projet.
FATA MORGANA par Béatrice Gross
Phénomène optique extraordinaire, une fata morgana est une combinaison de mirages qui se produit à la surface de l’eau, de la mer ou l’océan le plus souvent. Par réfraction de la lumière traversant des couches d’air de températures différentes apparaissent en suspension, au-dessus de la ligne d’horizon, les reflets déformés de bateaux, de maisons, de villes entières ou encore de lignes de côte. C’est depuis le XVIe ou le XVIIe siècle, dit-on, que le phénomène répond, dans plusieurs pays d’Europe, au nom italien de la fée Morgane. Selon la légende d’origine celtique, transmise en Sicile par les Normands au XIe siècle, l’enchanteresse aurait le pouvoir de commander aux vents et de faire flotter son château dans les airs.
Aux confins du merveilleux, entre prodige et hallucination, le phénomène de fata morgana est longtemps demeuré un défi pour l’entendement. S’il s’explique désormais tout à fait, le photométéore – ou phénomène optique se produisant dans l’atmosphère – continue d’offrir, à qui a la chance d’en être témoin, un spectacle singulier de l’instabilité des formes du monde. L’expérience de la fata morgana, rare et éphémère, captivante et déroutante, est adoptée ici comme métaphore de la relation entre image, réalité sensible et perception, dont chaque surgissement est l’occasion d’un apprentissage renouvelé du regard – un regard pleinement situé et incarné, par-delà une conception purement rétinienne de la vision […]
Béatrice Gross – Fata Morgana. Eléments d’une phénoménologie de l’image où un photométéore tient lieu de métaphore
Les artistes
BALCOU Béatrice / BEIER Nina / BISMUTH Julien / CATALA Antoine / CRESPO June / DODGE Jason / GA Ellie / GADONNEIX Marina / HARRISON Rachel / ILLOUZ Ilanit / JANSSENS Ann Veronica / KAKLEA Lenio / KALA Euridice Zaituna / KAR OÅNzgür / LECOQUIERRE Raphaël / LEMPERT Jochen / LEVINE David / MADANI Tala / NGUYEN Diane Severin / NOUVEL Constance/ OLSON B. Ingrid / REBET Christine / ROUX Sébastien / SOLINAS Stéphanie / STEEGMANN MANGRANÉ Daniel / SUTER Batia