🔊 “La part de l’ombre” Sculptures du sud-ouest du Congo, au musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris, du 14 décembre 2021 au 10 avril 2022
“La part de l’ombre“
Sculptures du sud-ouest du Congo
au musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris
du 14 décembre 2021 au 10 avril 2022
musée du quai Branly – Jacques Chirac
PODCAST – Interview de Julien Volper, conservateur des collections ethnographiques du MRAC – Musée royal de l’Afrique centrale (Tervuren, Belgique, maître de conférence en Histoire de l’art de l’Afrique à l’ULB – Université libre de Bruxelles (Bruxelles, Belgique) et commissaire de l’exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 13 décembre 2021, durée 20’07.
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
Commissaire :
Julien Volper, Conservateur des collections ethnographiques du MRAC – Musée royal de l’Afrique centrale (Tervuren, Belgique) et Maître de conférence en Histoire de l’art de l’Afrique à l’ULB – Université libre de Bruxelles (Bruxelles, Belgique).
Lumière sur le Bandundu, ancienne province de la République Démocratique du Congo. La Part de l’ombre. Sculptures du sud-ouest du Congo dévoile une production artistique d’une région riche mais encore méconnue, au travers de plus de 160 oeuvres datant dans leur grande majorité des années 1875 – 1950 et pour la plupart jamais exposées. L’occasion de redonner toutes ses lettres de noblesse à la statuaire en bois congolaise.
Le sud-ouest congolais constitue un vaste territoire regroupant les provinces actuelles du Kwango, du Kwilu, du Mai-Ndombe et de Kinshasa où plusieurs dizaines de peuples cohabitent. Une diversité que l’on retrouve tout particulièrement dans le domaine des arts plastiques, comme en témoigne l’extraordinaire variété des formes de la statuaire, des masques et autres objets usuels de la région.
Orchestrée par Julien Volper, conservateur au Musée royal de l’Afrique centrale (Tervuren, Belgique), l’exposition s’attache à dresser un panorama des arts traditionnels de cette aire culturelle. Au-delà des emblématiques masques liés au rite initiatique du mukanda (destiné aux jeunes garçons), La Part de l’ombre entend éclairer une production plus discrète, celle de la statuaire en bois, et en donner plusieurs clés d’analyses. Ce sont ainsi plus de 160 oeuvres créées par les Yaka, Pende, Tshokwe et Suku, et par des groupes plus discrets comme les Yanzi, Buma, Lyembe, Sakata ou Mbala, qui sont présentées et analysées dans cette exposition, de leurs caractéristiques typologiques, iconographiques et stylistiques aux détails de leurs usages.
Des masques comme ambassadeurs privilégiés
Après une présentation géographico-culturelle, le parcours thématique de l’exposition débute par la présentation de pièces emblématiques créées par les peuples Yaka, Suku, Pende et Tshokwe dont on découvre la fonction dans le cadre du mukanda, rites d’initiation masculine des jeunes garçons pour le passage à l’âge adulte – certaines études menées sur le mukanda des Yaka montrent en effet l’importance que revêtait la création de masques dans les compétitions artistiques auxquelles se livraient les sculpteurs. Cette section présente également des masques d’autres groupes, comme les Mbala ou les Kwese, qui n’ont pas fait jusqu’à présent l’objet d’études ethnographiques aussi approfondies que celles des peuples précités.
Regarder pour mieux comprendre
Dans la section suivante sont proposées quelques clés d’analyses permettant d’appréhender la diversité de la statuaire en bois du Bandundu. Les nombreuses typologies de statues, la gestuelle, la gamme chromatique, le degré de naturalisme ou d’abstraction, selon les cultures et l’iconographie, permettent de mieux cerner fonction et origine des oeuvres exposées. L’étude de ces artefacts rend également compte d’échanges artistiques et de diffusion de rites dans la région.
Quels usages pour la statuaire ?
La diversité des fonctions de la statuaire du sud-ouest congolais est ensuite abordée au travers d’oeuvres dont beaucoup peuvent être considérées comme des fétiches au sens neutre du terme, c’est-à-dire des objets faits de main d’homme et dotés, par le biais de rites précis, de certains pouvoirs. Parmi les fonctions multiples existantes, celles touchant à l’aide cynégétique, à l’anti-sorcellerie ou bien encore à la guérison de maladies sont davantage développées. Certaines sculptures étaient la possession exclusive des chefs et servaient à légitimer et à renforcer leur pouvoir. A l’inverse, d’autres statuettes relevaient de cultes plus familiaux.
Histoires d’hommes et d’objets
Le parcours de l’exposition se poursuit avec des objets permettant de mieux comprendre des événements historiques tels que la « révolte pende », survenue au Congo en 1931. Dans cette avant-dernière section, d’autres objets permettent d’aborder la biographie de personnalités du sud-ouest congolais au destin singulier comme le cas d’un homme paralysé, le notable yaka Khaa Isiimbi, qui fut le « grand faiseur » de chef chez les Yaka jusqu’à sa mort en 1941. Par l’intermédiaire de statuettes et de masques, c’est également l’histoire de la recherche dans toute sa diversité qui est présentée. Il est ainsi question d’un ethnographe allemand qui, à l’époque coloniale, s’intéressa aux artistes congolais, à leurs méthodes de travail et leur sens esthétique. Un autre ensemble d’objets est mis en rapport avec les travaux d’un chercheur congolais qui dans les années 1970 réalisa un travail doctoral de première importance.
Au-delà des statues et des masques
La sculpture figurative du sud-ouest du Congo ne se limite pas à la statuaire et aux masques. Au sein de nombreuses cultures, il existait par le passé d’autres catégories d’objets dont l’iconographie accordait une place importante à la représentation humaine ou animale. L’exposition s’achève ainsi sur la présentation d’armes et outils (hachettes, herminettes, couteaux) à manche céphalomorphe, de pendentifs en ivoire, d’appui-nuques et de sièges à caryatide zoomorphes ou anthropomorphes ou bien encore sur de très surprenants instruments divinatoires articulés arborant un masque miniature. Certaines de ces pièces permettent d’aborder sous différents angles des sujets abordés dans les parties précédentes tels que l’art et le pouvoir ou bien les objets en relation avec les pratiques des nganga (devins, tradi-praticiens).
PARCOURS DE L’EXPOSITION
Le sud-ouest congolais ici abordé correspond aux actuelles provinces administratives de Kinshasa, du Kwango, du Kwilu et du Mai-Ndombe, soit une population de plus de 28 millions d’habitants et un territoire d’une très grande superficie.
Si cette région est réputée pour ses créations plastiques, en particulier ses masques et ses statues, les connaissances touchant à ces objets sont très inégales. Certains types d’artefacts ont été très documentés tandis que peu d’informations ethnographiques existent pour d’autres. Des dizaines de cultures du sud-ouest du Congo ont été « oubliées » des ethnologues alors que d’autres ont été plus fréquemment mises en lumière.
Enfin, des objets bien renseignés se rattachent aussi à des événements historiques moins connus, parfois antérieurs à la période coloniale. Par l’intermédiaire d’objets datant majoritairement entre la deuxième moitié du 19e siècle et la première moitié du 20e siècle, l’exposition La part de l’ombre. Sculptures du sud-ouest du Congo explore les zones d’ombres qui témoignent tout autant des doutes de la recherche que des amnésies volontaires comme involontaires de la Mémoire.