“Aux origines du reportage de guerre“
Le photographe anglais Roger Fenton (1819-1869) et la guerre de Crimée (1855)
au Cabinet d’Arts Graphiques du Château de Chantilly
du 13 novembre 2021 au 27 février 2022

PODCAST – Interview de Nicole Garnier, conservateur gĂ©nĂ©ral du Patrimoine chargĂ©e du musĂ©e CondĂ© et commissaire de l’exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Chantilly, le 12 novembre 2021, durée 15’21.
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :







Commissariat :
Nicole Garnier, conservateur général du Patrimoine chargée du musée Condé.
Peintre formé à Paris dans l’atelier de Delaroche avec Gustave Le Gray, Roger Fenton se tourne vers la photographie. De mars à juin 1855, il se rend en Crimée au siège de Sébastopol où l’Angleterre et la France soutiennent l’Empire ottoman contre la Russie, réalisant des images aseptisées d’un conflit sanglant et très impopulaire. Son « camion photographique » sert de cible aux tirs russes, la forte lumière et la chaleur de l’été rendent ses conditions de travail difficiles. Il fait les portraits des officiers et des correspondants de guerre (dont celui du Times), participe à la vie quotidienne de l’Etat-major, assiste au conseil de guerre. Après trois mois d’un reportage éprouvant, malade et déprimé, Fenton rapporte en Angleterre 360 clichés-verres qui, tirés sur papier et publiés par l’éditeur Thomas Agnew, constituent l’un des tout premiers reportages de guerre. Le musée Condé à Chantilly est l’une des rares institutions françaises à conserver 45 tirages de cet ensemble, acquis dès l’automne 1855 par le duc d’Aumale alors exilé à Londres.
Un catalogue aux éditions Faton accompagne l’exposition
ROGER FENTON (1819-1869)
Roger Fenton fait son droit Ă l’universitĂ© de Londres, mais se tourne vers la peinture vers 1841-1843 Ă Paris dans l’atelier de Paul Delaroche qui, pressentant l’importance de la photographie, aurait dit : « A partir d’aujourd’hui, la peinture est morte ». Fenton y cĂ´toie Gustave Le Gray, Henri Le Secq et Charles Nègre, Ă©lèves de Delaroche qui, comme Fenton, dĂ©laisseront la peinture pour la photographie comme technique d’expression artistique. Revenu en Angleterre, Fenton expose ses tableaux Ă la Royal Academy de 1849 Ă 1851 sans succès, puis s’inscrit au barreau, mais n’exerce pas. En 1852, il se rend en Russie et expose ses photos de Russie en dĂ©cembre 1852. Premier secrĂ©taire de la Royal Photographic Society dès juin 1852, Fenton participe en janvier 1854 Ă l’organisation de la première exposition oĂą six de ses vues de Russie sont acquises par la reine Victoria et le prince Albert. Devenu en 1850 le photographe officiel du British Museum, il reçoit en 1854 de la reine Victoria commande de portraits du prince Albert, d’ellemĂŞme et des enfants royaux. William Agnew envoie Fenton en CrimĂ©e rĂ©aliser des images destinĂ©es aux peintres ou aux graveurs et lithographes. Le marchand Ernest Gambart avait ainsi envoyĂ© en CrimĂ©e de janvier Ă avril 1855 le peintre Edward Armitage (1817-1896) qui rĂ©alisa des toiles de la bataille d’Inkermann et de la charge de la Brigade LĂ©gère, exposĂ©es au printemps 1856 Ă Londres chez Gambart, tandis que la galerie P. & D. Colnaghi avait missionnĂ© William Simpson pour prĂ©parer une quarantaine de lithographies du conflit. Amateur Ă©clairĂ©, Fenton ne pratique la photographie qu’une dizaine d’annĂ©es, entre 1852 et 1862, comme son ami Gustave Le Gray, autre peintre qui comme lui utilise la photographie Ă des fins de crĂ©ation artistique, puis l’abandonne quand elle devient une simple technique de reproduction commerciale. Outre ses photos de CrimĂ©e, Roger Fenton a produit des vues d’architecture, des scènes de genre, des portraits (de la famille royale britannique, notamment), et des natures mortes de fruits et de gibiers. C’est l’un des plus grands photographes anglais des annĂ©es 1850.
LA GUERRE DE CRIMÉE ET LA PHOTOGRAPHIE
Quinze ans après son invention en 1839, la photographie intervient pour la première fois dans le domaine militaire, accompagnée d’autres technologies nouvelles comme le télégraphe, la marine à vapeur et un armement plus perfectionné. La technique de la photographie n’est pourtant pas adaptée à ce domaine nouveau : les appareils sont lourds, la chimie complexe à gérer sur le terrain, les temps de pose trop longs ne permettent pas de rendre compte des combats. Il faut utiliser un laboratoire ambulant pour développer rapidement les clichés, et être assisté : l’Anglais Roger Fenton travaille avec Marcus Sparling, son compatriote James Robertson avec Felice Beato, le Français Jean-Baptiste Durand-Brager avec Lassimone, le colonel français Jean-Charles Langlois avec Léon Méhédin. Les conditions météorologiques sont difficiles en Crimée : forte chaleur l’été, froid et intempéries l’hiver. Si la photographie est censée par nature transcrire fidèlement la réalité, la technologie rudimentaire et la météorologie exécrable ne permettent de donner qu’une image partielle de la guerre. Les photographes de la guerre de Crimée montrent ainsi une guerre propre : on ne voit ni blessés, ni malades, ni morts, à la fois pour des raisons éthiques, mais aussi pour des motifs politiques. Fenton pour l’Angleterre, le colonel Langlois pour la France, doivent donner à une opinion publique très hostile au conflit une image positive de la guerre que l’aspect incontestable de la photographie doit conforter. Les photographes de la guerre de Crimée ne montrent aucune scène de combat ni aucune action militaire : qu’ils soient français ou anglais, les différents reportages montrent les lieux et les hommes (soldats, mais surtout officiers) au repos dans le camp. Les sites sont photographiés de haut, pour permettre de comprendre la topographie des lieux dans un contexte militaire. Les premiers panoramas sont réalisés en juxtaposant deux, trois ou quatre clichés, ainsi La vallée d’Inkermann est composée de trois prises de vues distinctes. Rares sont donc les scènes historiques ; proches des officiers d’état-major français et anglais, Fenton assiste avec son appareil au conseil de guerre du 7 juin 1855 qui décide de l’attaque du Mamelon Vert – ou plus probablement reconstitue la scène le lendemain avec la complicité des participants. Le reportage de Fenton est aujourd’hui le plus important ensemble de photos de la guerre de Crimée qui soit parvenu jusqu’à nous, mais il n’est pas le premier. Le gouvernement anglais avait envoyé en Crimée début 1854 plusieurs photographes dont Richard Nicklin associé aux militaires Pendered et Hammond, mais ils firent naufrage à bord du Rip Van Winckle à Balaklava le 14 novembre 1854 et disparurent corps et biens. Une seconde équipe militaire fut formée par Brandon et Dawson au printemps 1855 sous l’autorité de John Mayall, mais les photos envoyées en Angleterre ne furent ni exposées ni publiées et s’effacèrent rapidement. Avant même que la guerre n’ait atteint la Crimée, le photographe de Bucarest Carol Pop de Szathmari (1818- 1887) avait photographié l’armée russe qui ravagea Valachie et Moldavie en juin 1853 ; il exposa à Paris à l’Exposition Universelle en juin 1855, selon le journal La Lumière. Arrivé en Crimée peu après le départ de Fenton, l’anglais James Robertson réalisa en un an une soixantaine de vues de Sébastopol en ruines, complétant la mission de Fenton.
LA MISSION DE FENTON EN CRIMEE (MARS-JUIN 1855)
Fin 1854, Roger Fenton reçoit la commande des Ă©diteurs de Manchester Thomas Agnew & Sons d’aller en CrimĂ©e oĂą une guerre très impopulaire avait commencĂ© sept mois plus tĂ´t, et dont les combats les plus marquants ont dĂ©jĂ eu lieu, Ă l’Alma et Ă Inkermann notamment. Après trois mois et demi de sĂ©jour, il repart avant la prise de SĂ©bastopol. NĂ©anmoins il est le premier photographe Ă avoir « couvert » dans la durĂ©e un conflit armĂ©. Sa mission principale est de ramener les portraits des personnalitĂ©s qui comptent dans cette guerre pour que le peintre Thomas Jones Barker (1815-1882) puisse les utiliser dans un tableau (Londres, coll. privĂ©e) dont la composition rappelle les panoramas : c’est pourquoi Fenton diversifie au maximum les attitudes de ses modèles que Barker reprendra très exactement pour la plupart. Les photographies se rĂ©partissent en deux groupes, les portraits d’officiers et les vues des principaux sites qui serviront de fond au tableau. Ce reportage, le plus connu de Fenton, donne une image adoucie d’une guerre sanglante : c’est presque un reportage de propagande qui pose pour la première fois la question de la vĂ©racitĂ© de la photographie. Dès l’automne 1854, Fenton se prĂ©pare Ă affronter les conditions de travail difficiles qui l’attendent en CrimĂ©e. Il achète Ă un marchand de vin de Cantorbery un camion Ă chevaux qu’il transforme en chambre noire ambulante pour prĂ©parer les plaques de verre au collodion humide et pour assurer les dĂ©veloppements sur place en laboratoire, immĂ©diatement après la prise de vue. Les temps de pose sont encore très longs, de 3 Ă 20 secondes dans des conditions climatiques normales, ce qui n’est pas le cas en CrimĂ©e. Le 20 fĂ©vrier 1855, Fenton s’embarque, passe par Gibraltar et Malte oĂą il achète les trois chevaux destinĂ©s Ă tirer le photographic van. ArrivĂ© le 7 mars en CrimĂ©e Ă Balaklava avec ses deux assistants, Marcus Sparling et William, Fenton apporte sept cents plaques de verre de trois formats diffĂ©rents, cinq chambres photographiques de tailles diffĂ©rentes, et divers produits chimiques, soit au total trente-six caisses de matĂ©riel. Son sĂ©jour Ă SĂ©bastopol est connu par son rĂ©cit publiĂ© dans la Revue Photographique du 5 fĂ©vrier 1856, et par sa correspondance avec sa femme et son Ă©diteur William Agnew publiĂ©e par Gernsheim en 1954. Dès son arrivĂ©e au port de Balaklava le 7 mars, Fenton dĂ©couvre Ă la vue des chevaux les grandes privations endurĂ©es par l’armĂ©e durant l’hiver, dĂ©crivant Balaklava comme un « chaos » et le plus vilain endroit qu’il ait jamais connu. La question du dĂ©barquement du camion se pose : il faut le transporter du navire jusqu’au port de Balaklava qui est mal Ă©quipĂ©. Ayant amadouĂ© les militaires qui lui mettent Ă disposition les manoeuvres croates pour dĂ©charger, il installe ses chevaux dans l’écurie du chemin de fer. Le 15 mars, il commence Ă prendre des vues du port et de la poste qui a Ă©tĂ© bombardĂ©e. En avril, il s’avance près du front jusqu’aux quartiers gĂ©nĂ©raux et rĂ©alise un extraordinaire panorama du site en onze prises de vues juxtaposĂ©es. Jusqu’au dĂ©but du printemps, les conditions techniques sont bonnes, les temps de pose sont de dix Ă vingt secondes, il prend des photographies presque instantanĂ©es. En mai, il tente une courte expĂ©dition jusque dans la vallĂ©e d’Inkermann dont il rĂ©alise un panorama en trois prises de vues, mais l’aventure est risquĂ©e : l’artillerie russe prend son camion photographique pour du matĂ©riel militaire ; devenu une cible vivante, Fenton doit battre en retraite. La saison s’avançant, la lumière devient trop forte, or Fenton ne peut mesurer la lumière solaire ni le temps d’exposition nĂ©cessaire. En mai-juin, la forte chaleur interdit les prises de vues après huit ou neuf heures du matin : le collodion humide sèche trop vite sur la plaque de verre, et il devient difficile de l’Ă©tendre uniformĂ©ment. Fenton doit changer plus souvent ses bains de nitrate d’argent et se procurer les matières premières auprès du mĂ©decin chef. Des altĂ©rations apparaissent sur les nĂ©gatifs, dues, semble-t-il, aux impuretĂ©s du verre, exacerbĂ©es par la chaleur. Le camp est infestĂ© de mouches qu’il faut chasser du laboratoire avant de prĂ©parer les plaques de verre au collodion humide. Dès lors, ne pouvant faire de vues extĂ©rieures, Fenton se consacre Ă exĂ©cuter la commande reçue d’Agnew : il rĂ©alise les portraits des principaux responsables militaires des armĂ©es alliĂ©es qu’il fait poser vers quatre ou cinq heures du matin, avant la forte lumière et la forte chaleur (PĂ©lissier lui fixe rendez-vous Ă quatre heures et demie du matin). Francophone, Fenton se lie avec les chefs d’état-major français et anglais et rĂ©side au quartier gĂ©nĂ©ral. Sentant sa santĂ© s’altĂ©rer, il est tĂ©moin de l’attaque du Mamelon Vert par les Français. Proche de l’Etat-major, il photographie le conseil de guerre qui dĂ©cide l’attaque du Mamelon Vert vers cinq heures du matin, ou plus probablement fait rejouer la scène le lendemain de l’évĂ©nement le 8 juin 1855, date portĂ©e sur l’image. Après plusieurs mois de sĂ©jour, le reporter de guerre est liĂ© Ă de nombreux officiers, parmi lesquels son beau-frère qui est blessĂ© Ă l’attaque du Redan ; il le veille toute la nuit, entendant gĂ©mir dans la tente voisine le commandant de la compagnie d’assaut qui meurt dans la nuit ; il enterre le lendemain trois des cinq officiers avec qui il dĂ®nait la veille. Très Ă©prouvĂ© par cet Ă©pisode, dĂ©primĂ© et fiĂ©vreux, Fenton reste encore en CrimĂ©e dans l’attente de la prise de SĂ©bastopol que l’on supposait imminente, puis quitte la CrimĂ©e le 26 juin après trois mois et demi de sĂ©jour, avant que n’Ă©clate l’Ă©pidĂ©mie de cholĂ©ra qui allait coĂ»ter la vie Ă Lord Raglan, commandant en chef des troupes anglaises. Revenu en Angleterre le 11 juillet, il rĂ©alise en studio les photographies des officiers rentrĂ©s de CrimĂ©e, y ajoutant sa propre photo en zouave. Fenton a rĂ©alisĂ© en CrimĂ©e 700 prises de vues, selon son rapport Ă la Photographic Society, mais la presse mentionne seulement 360 clichĂ©s publiĂ©s. Sans doute bon nombre de plaques furentelles brisĂ©es durant le voyage de retour, et certaines prises de vues ont pu ĂŞtre jugĂ©es insuffisantes en qualitĂ© par Fenton lui mĂŞme. Il explique dans ses lettres que certaines photos prises sous le feu ennemi, ou avec une lumière insuffisante, ou par grand vent, ont Ă©tĂ© altĂ©rĂ©es. ConfrontĂ©es au rĂ©cit de son sĂ©jour en CrimĂ©e, les photographies de Roger Fenton surprennent par leur sĂ©rĂ©nitĂ© : on ne ressent pas l’angoisse et l’émotion prĂ©sentes dans ses lettres, car il ne montre aucune action militaire ; l’on voit tout au plus un bataillon formant le carrĂ©, mais ce n’est pas pour l’attaque, et si l’on croit voir de la fumĂ©e, ce n’est que le sirocco soufflant sur le sable du dĂ©sert. Les portraits d’officiers rĂ©alisĂ©s dans le camp dominent la production. Fenton joue sur la multiplicitĂ© ethnique des troupes alliĂ©es, fait poser les manoeuvres croates, les Egyptiens d’IsmaĂŻl Pacha, ou les tirailleurs algĂ©riens venus d’Afrique du Nord. Les scènes de camp sont parfois un peu apprĂŞtĂ©es et paraissent artificielles : une cantinière feint de soigner un blessĂ© au pansement immaculĂ©. Fenton ne montre rien de choquant ni de violent, ses photos devant servir Ă illustrer un panorama historique avec les figures des principaux responsables. Ce premier reportage de guerre donne une image aseptisĂ©e d’un siège terriblement meurtrier bien que victorieux.
LE DUC D’AUMALE ET LES PHOTOGRAPHIES DE CRIMEE DE FENTON
Vainqueur en 1843 de la smala d’Abd el-Kader et gouverneur de l’AlgĂ©rie en 1847, Henri d’OrlĂ©ans, duc d’Aumale (1822-1897), alors exilĂ© Ă Londres depuis la rĂ©volution de 1848, ne pouvait qu’être intĂ©ressĂ© par les Ă©preuves de Fenton oĂą il retrouvait ses compagnons d’armes de l’armĂ©e d’Afrique, Bosquet ou PĂ©lissier, et sĂ©lectionna dans sa souscription les portraits des militaires français qui prĂ©dominent sur les Anglais. « Sa pensĂ©e attentive accompagne sur les rivages de CrimĂ©e l’armĂ©e française », comme l’écrit Ernest Daudet, citant une lettre d’Aumale Ă©crite le 9 aoĂ»t 1855 Ă Chabaud de La Tour : « La guerre de CrimĂ©e absorbe en ce moment toute l’attention, et je fais un peu comme tout le monde ; je ne pense qu’à cela. Vous qui nous connaissez, vous devez comprendre ce que nous souffrons en assistant de si loin Ă ces batailles livrĂ©es sans nous, en voyant nos soldats se couvrir de gloire, nos amis tomber sans que nous soyons lĂ . J’ai tout supportĂ© en philosophe depuis 1848 : mais cette Ă©preuve-ci a passĂ© mes forces ; l’exil n’a pas changĂ© mon coeur ; il est insĂ©parable du drapeau. Il y aurait cependant beaucoup Ă dire sur l’expĂ©dition de CrimĂ©e. Je crois, quoi qu’on en dise, que le commandement local a fait Ă peu près ce qu’il pouvait ; l’armĂ©e a fait peut-ĂŞtre plus qu’on ne pouvait attendre ; jamais la France n’en a eu de meilleure. Mais tout le monde est-il aussi Ă l’abri de la critique ? Ce n’est pas Ă moi qu’il appartient de prononcer. Le dĂ©tail du siège de SĂ©bastopol doit vivement vous intĂ©resser. Mon Dieu ! que j’aimerais Ă en causer avec vous, car, malgrĂ© tout, je suis soldat dans l’âme . » Le duc d’Aumale acquit au total quarante-cinq Ă©preuves de Fenton par souscription de novembre 1855 Ă mars 1856. La facture du 10 fĂ©vrier 1856 en mentionne cinquante et une, certaines en double ou triple exemplaire, car sans doute destinĂ©es Ă ĂŞtre offerts ; l’album de souvenirs de sa mère la reine Marie-AmĂ©lie contient six Ă©preuves de Fenton, dont les modèles Ă©taient connus de la famille d’OrlĂ©ans, ainsi que des zouaves et chasseurs d’Afrique. Cet achat par souscription est contemporain de l’acquisition par le duc d’Aumale des Marines de Gustave Le Gray (1856) et des clichĂ©s par Louis-Remy Robert des porcelaines de Sèvres exposĂ©es Ă Paris Ă l’Exposition Universelle de1855. Ce premier reportage de guerre de l’histoire de la photographie figure donc parmi les photographies les plus anciennement acquises par le duc d’Aumale, qui lĂ©gua en 1884 Chantilly et ses collections Ă l’Institut de France pour crĂ©er le musĂ©e CondĂ©. L’intĂ©rĂŞt du duc d’Aumale pour la photographie venait en partie de ses liens Ă©troits avec le couple royal britannique, mais aussi de son amitiĂ© avec le comte Joseph Vigier : photographe amateur, ce condisciple du duc au collège Henri IV lui avait fait connaĂ®tre et apprĂ©cier cet art naissant, rĂ©alisant dès 1852 des portraits des OrlĂ©ans en exil. En 1863, le duc devait recevoir quelques photographies de la guerre de SĂ©cession Ă laquelle participèrent ses neveux le comte de Paris et le duc de Chartres.