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“Chaumont-Photo-sur-Loire” 4e édition, au Domaine de Chaumont-sur-Loire, Centre d’arts et de nature, du 20 novembre 2021 au 27 février 2022

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“Chaumont-Photo-sur-Loire” 4e édition

au Domaine de Chaumont-sur-Loire, Centre d’arts et de nature

du 20 novembre 2021 au 27 février 2022

Domaine de Chaumont-sur-Loire


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© Sylvain Silleran, voyage et présentation presse, le 19 novembre 2021.


Pascal Convert, Les 1000 yeux de la falaise de Bâmiyân. Chaumont-Photo-sur-Loire 2021. Falaise de Bâmiyân, Intérieur Grotte 8. © Pascal Convert.
Pascal Convert, Les 1000 yeux de la falaise de Bâmiyân. Chaumont-Photo-sur-Loire 2021. Falaise de Bâmiyân, Intérieur Grotte 8. © Pascal Convert.
Pascal Convert, Les 1000 yeux de la falaise de Bâmiyân. Chaumont-Photo-sur-Loire 2021. Falaise de Bâmiyân, Intérieur Grotte 8. © Pascal Convert.
Pascal Convert, Les 1000 yeux de la falaise de Bâmiyân. Chaumont-Photo-sur-Loire 2021. Falaise de Bâmiyân, Intérieur Grotte 8. © Pascal Convert.

Tania Mouraud, Borderland 251-52, 2010. 109 x 105 cm. Digigraphie. Collection de l’artiste . Edition : 3 + 2 EA. © Tania Mouraud, Adagp, Paris, 2021.
Tania Mouraud, Borderland 251-52, 2010. 109 x 105 cm. Digigraphie. Collection de l’artiste . Edition : 3 + 2 EA. © Tania Mouraud, Adagp, Paris, 2021.
Edward Burtynsky, Uralkali Potash Mine #2, Berezniki, Russia, 2017. © Edward Burtynsky, Courtesy Nicholas Metivier Gallery, Toronto.
Edward Burtynsky, Uralkali Potash Mine #2, Berezniki, Russia, 2017. © Edward Burtynsky, Courtesy Nicholas Metivier Gallery, Toronto.
Edward Burtynsky, Morenci Mine #2, Clifton, Arizona, USA, 2012. © Edward Burtynsky, Courtesy Nicholas Metivier Gallery, Toronto.
Edward Burtynsky, Morenci Mine #2, Clifton, Arizona, USA, 2012. © Edward Burtynsky, Courtesy Nicholas Metivier Gallery, Toronto.
Clark et Pougnaud, La perruche, 2018. Tirage jet d’encre sur papier Hahnemüle, 60 x 80 cm. © Clark et Pougnaud, Adagp, Paris, 2021.
Clark et Pougnaud, La perruche, 2018. Tirage jet d’encre sur papier Hahnemüle, 60 x 80 cm. © Clark et Pougnaud, Adagp, Paris, 2021.
Clark et Pougnaud, Les grenades, 2018 Tirage jet d’encre sur papier Hahnemüle, 60 x 80 cm. © Clark et Pougnaud, Adagp, Paris, 2021.
Clark et Pougnaud, Les grenades, 2018 Tirage jet d’encre sur papier Hahnemüle, 60 x 80 cm. © Clark et Pougnaud, Adagp, Paris, 2021.
Raymond Depardon, La ferme du Garet. © Raymond Depardon.
Raymond Depardon, La ferme du Garet. © Raymond Depardon.

Texte de Sylvain Silleran



La terre, notre terre, la voilà dans tous ses états, parée de ses plus belles couleurs comme un oiseau amoureux, ou noire, blanche, abstraite, elle est le sujet cette saison. Le modèle photographié se livre, se dévêt, ou s’espionne depuis un hélicoptère façon paparazzi. Cinq photographes présentent cinq façons de la voir, de la sentir, de la dire.

Tania Mouraud avec Borderland regarde le reflet du monde sur les bâches emballant les ballots de paille. Sur cet écran de plastique luisant la campagne française apparait comme un monde strié,  une forêt de bambous, de roseaux. La photographe regarde le paysage qui défile vite, une enfant qui l’observe à travers la pluie sur la vitre d’un train, d’une voiture. On voyage dans un monde gris métallique ou quelques couleurs arrivent comme de jolies surprises, des rencontres. Tout est flou, embué de larmes, on n’en capture qu’une devinette, l’espace d’un clin d’œil. Des tableaux impressionnistes racontent notre campagne, notre rapport à la terre avec une tendre mélancolie où parfois pointe un joli rayon de soleil.

Dans Balafres, ce sont des mines de lignite à ciel ouvert qui sont photographiées en Allemagne. Les gris rayés d’une trace orange, la roche comme du métal, la morsure de la rouille, forment des tableaux, le récit d’une terre attaquée, martyrisée, mutilée. Les structures industrielles d’acier sont des monstres géants, ils dévorent le paysage. Et dans le ciel gronde une tempête titanesque, une tempête à la Turner, quelque chose de terrible et de beau en même temps. Car Tania Mouraud est une peintre : ses marécages abstraits, roseaux en traits de pinceau d’encre de Chine de Film Noir tracent une calligraphie sur un miroir d’eau. Nostalgia Emergences en est le négatif. Sur une étendue blanche de neige. une parcimonie de fins traits noirs, des brins d’herbes, des fleurs percent courageusement la neige épaisse. Au loin l’horizon d’un forêt barre l’immensité d’une fine horizontale crénelée. Les arbres forment l’image d’un son, un audiogramme, le bruissement du vent que personne n’entend.

Edward Burtynsky avec Water et Anthropocène nous offre de fabuleux paysages vus du ciel. Il faut voler très haut pour que la terre livre de si merveilleux trésors. L’art de la couleur laisse éclater les ocres, les turquoises hypnotiques que l’on croyait réservés à la peinture, on pense aux paysages-corps alanguis de Georgia O’Keefe. Ici c’est le Mexique, l’Espagne, là la Russie, l’Islande. Des tempêtes de sable et d’épices de Dune, des champs cubistes, la neige fond en vagues anguleuses, des chemins se déroulent comme des protéines serpentant dans des cellules. La perte d’échelle nous emmène de l’immense à l’infiniment petit, jusqu’à ce qu’un amas de blocs de béton sur un site industriel chinois nous ramène au réel. Les blocs ondulent comme des vagues; et en bas de la photo les coffrages sagement alignés, régulièrement espacés battent la mesure d’un rythme techno.

Pascal Convert s’intéresse aux Bouddhas détruits par les Talibans, Les 1000 yeux de la falaise de Bâmiyân propose une lecture renversée de ce drame. En pénétrant ces falaises et en photographiant le paysage qu’il y a en face, il se demande ce que ces bouddhas regardaient. A travers ces milles fenêtres troglodytes, ces milles yeux, on voit des montagnes titanesques, couvertes de neige que l’on devine éternelle. Pendant qu’à leurs pieds des enfants ne s’en soucient plus guère, jouent au foot comme tant d’autres ailleurs, les falaises méditent un monde si vaste que ces hommes et leurs roquettes se dissolvent, s’oublieront bientôt eux aussi.

L’Eden en Charente de Clark et Pougnaud est le résultat d’un séjour d’un an dans une ferme. La nature sauvage comme celle domestiquée se mêlent. Le produit de la ferme, potirons, fruits et des oiseaux, des fleurs sont photographiés devant un fond peint, un portrait de studio photo comme jadis où posaient nourrissons sur des coussins, communiantes, jeunes mariés. Le naturel et l’artificiel se mélangent, indissociables, dans des couleurs vives, des couleurs d’illustrations de contes, ou d’un glamour à la Pierre et Gilles. Une autre ferme, celle de Raymond Depardon est sobre et rude. Sans hommes, il reste le blé et le ciel, l’horizon de nuages lourds comme des montagnes. Une porte de bois est rafistolée de diverses planches, on y lit les siècles d’interventions qui l’ont formée. Le réel est cru, d’un silence terrien. La lumière entre dans une étable et le temps disparait. Des vaches ruminent au bord d’une rivière, bien droites, leurs sabots sont enfoncés dans la terre de nos ancêtres, la boue, la vraie terre, on dirait celle d’où sortit Adam.




Sylvain Silleran

Raymond Depardon, La ferme du Garet. © Raymond Depardon.
Raymond Depardon, La ferme du Garet. © Raymond Depardon.
Tania Mouraud, Balafres 122, 2015. © Tania Mouraud, Adagp, Paris, 2021.
Tania Mouraud, Balafres 122, 2015. © Tania Mouraud, Adagp, Paris, 2021.

Extrait du communiqué de presse :


Commissaire de Chaumont-Photo-sur-Loire :
Chantal Colleu-Dumond, directrice du Domaine et du Festival des Jardins de Chaumont-sur-Loire.




Avec Tania MOURAUD, Raymond DEPARDON, Edward BURTYNSKY, Pascal CONVERT, CLARK et POUGNAUD.




CHAUMONT–PHOTO-SUR-LOIRE 2021

Cette quatrième édition de Chaumont-Photo-sur-Loire rassemble cinq artistes ou duo d’artistes liés par leur émotion devant le paysage, toujours se tenant devant lui, selon la belle formule de François Cheng,”oeil ouvert et coeur battant”, que ce paysage soit admiré sans réserve pour sa splendeur ou envisagé dans toute la complexité d’une beauté meurtrie par l’action humaine.

Plusieurs de ces images sont des “classiques”, des pans d’histoire de la photographie. D’autres réservent au spectateur des surprises qui l’intrigueront, le charmeront peut-être. Entre grave et léger, pesanteur et grâce, l’équilibre a lieu. Car il est bien ici, outre de beauté sublime, question de gravité, de pesanteur. Une manifestation contemporaine dédiée  au paysage ne peut éluder la question du désastre écologique. Le public du Domaine connaît l’engagement du site en

faveur de la réflexion sur le développement durable, au travers de thème forts et actuels tels le retour à la Terre Mère (2020) et le biomimétisme (2021). Historiquement, la photographie a partie liée avec la documentation de notre monde.

Être photographe, c’est se tenir les yeux grands ouverts, en toutes circonstances. Or qui se tient aujourd’hui les yeux ouverts fait face à deux extrêmes : d’un côté, la beauté du monde toujours là, d’une force intacte ; de l’autre, l’horreur de ravages irréversibles infligés par les activités humaines à l’environnement. Ces deux pôles antagonistes et qui pourtant caractérisent notre monde tous deux au même degré, la Française Tania Mouraud et le Canadien Edward Burtynsky ont choisi de les envisager d’un seul regard. L’un et l’autre présentent des séries qui ont pour sujet des paysages saccagés et dont les images, pourtant, sont d’une beauté sublime, comme picturale. Nulle fascination malsaine, au contraire : la vertu de ces images, leur ardente beauté, c’est de toucher notre corde la plus intime, la plus sensible.

Dans le contexte lourd des événements récemment survenus en Afghanistan et en souvenir de la disparition des Bouddhas de Bâmiyân, les images inédites de Pascal Convert montrant, non pas l’extraordinaire falaise et ses sculptures perdues, présentées au Louvre-Lens et au Musée Guimet, mais ce que voyaient les Bouddhas et ce que l’on apercevait des grottes, nous a semblé comme une évidence. Ces photographies, empreintes d’une émotion aujourd’hui décuplée, donnent à contempler les paysages somptueux vus de la falaise des Bouddhas, à travers le cadre de grès de ces grottes multiples, façonnées par la main de l’homme.

Comme l’écrit dans L’OEil esthétique Jacques Rancière, auteur d’un récent essai en dialogue avec la série de Raymond Depardon présentée, La ferme du Garet : “Il n’y a pas de révolte devant l’intolérable qui ne passe par la satisfaction d’un regard esthétiquement formé.” Plus intimiste, La ferme du Garet nous offre, dans cette sélection, une plongée précieuse dans l’oeuvre de l’un des plus grands photographes et documentaristes français. La voix baisse, le regard se plisse devant ces images d’une ferme comme il en est tant, témoin du passage du temps, à l’échelle des territoires et de leur aménagement comme de la vie d’un homme et d’une famille. Dans la contemplation, on réfléchit là-aussi, sur ce qui lie les hommes et leur milieu, sur la façon dont ce lien peut être mis à mal ou préservé.

Enfin, Clark et Pougnaud, duo de photographes français, apportent leur regard plein de fantaisie, mais non sans profondeur, sur le paysage idyllique qui fut un temps leur Eden, contemplé avec une contagieuse ferveur créative.

Cinq univers aux échos multiples, qui nous engagent autant par l’émotion que par la réflexion. Nous en sortirons plus lucides et plus rêveurs que jamais, car il nous semble bien, comme l’écrit le poète Reverdy dans “Le bonheur des mots” (La liberté des mers, 1950), que “l’avenir est plus près, plus souple, plus tentant”, parce qu’il présente des risques, des menaces, mais que nous pouvons aussi, dès aujourd’hui, nous émerveiller et agir.

Chantal Colleu-Dumond, Commissaire de Chaumont-Photo-sur-Loire