🔊 “Juifs d’Orient” Une histoire plurimillénaire, à l’Institut du monde arabe, Paris, du 24 novembre 2021 au 13 mars 2022
“Juifs d’Orient“
Une histoire plurimillénaire
à l’Institut du monde arabe, Paris
du 24 novembre 2021 au 13 mars 2022
PODCAST – Interview de Élodie Bouffard, responsable des expositions et commissaire exécutive pour l’Institut du monde arabe,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 22 novembre 2021, durée 12’42.
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
Commissariat :
Commissaire général,
Benjamin Stora, Professeur des universités, Historien du Maghreb contemporain, des guerres de décolonisations et de l’immigration maghrébine en Europe
Commissaires exécutives pour l’Institut du monde arabe,
Élodie Bouffard, Responsable des expositions
Hanna Boghanim et Nala Aloudat, Chargées de collections et d’expositions
Département du musée et des expositions,
Nathalie Bondil, Directrice du musée et des expositions
Dans le prolongement des expositions « Hajj, le pèlerinage à La Mecque » en 2014 et « Chrétiens d’Orient, 2000 ans d’histoire » en 2017, l’IMA poursuit sa trilogie consacrée aux religions monothéistes dans le monde arabe avec une exposition exceptionnelle dédiée à l’histoire des communautés juives d’Orient.
Du 24 novembre 2021 au 13 mars 2022, l’exposition « Juifs d’Orient » portera un regard inédit sur l’histoire plurimillénaire des communautés juives dans le monde arabe.
Une approche chronologique et thématique déclinera les grands temps de la vie intellectuelle et culturelle juive en Orient et révèlera les échanges prolifiques qui ont façonné les sociétés du monde arabo-musulman durant des siècles.
Du pourtour méditerranéen jusqu’à l’Euphrate en passant par la péninsule arabique, l’exposition explorera les multiples facettes de la cohabitation entre juifs et musulmans, des premiers liens tissés entre les tribus juives d’Arabie et le Prophète Mohammed à l’émergence des principales figures de la pensée juive durant les califats médiévaux à Bagdad, à Fès, au Caire et à Cordoue, de l’essor des centres urbains juifs au Maghreb et dans l’empire ottoman aux prémices de l’exil définitif des juifs du monde arabe.
Le récit de cette coexistence, tour à tour féconde ou tumultueuse, témoignera du rôle de chacun dans l’enrichissement de la culture et de la religion de l’autre, qu’il s’agisse de la langue parlée, des coutumes, de l’artisanat ou encore de la production scientifique et intellectuelle.
Editorial de Benjamin Stora, Commissaire général de l’exposition
Cette exposition, qui est une grande première à l’échelle internationale, met en lumière la longue histoire juive en Orient. Le visiteur découvre la richesse des contacts des communautés juives avec les différentes civilisations, grecque, romaine, perse, qui ont dominé les territoires où la diaspora s’est implantée au cours de l’histoire… Ainsi apparaît pour la première fois toute la singularité des juifs en Orient, nourrie de pratiques religieuses, de « miracles » qui enchantent le réel et de volontés de transmission d’une mémoire tumultueuse….
Dans cette grande exposition, l’intention n’est pas de « réconcilier » ceux qui pensent que cette histoire doit être seulement décrite comme un exemple d’harmonie et de convivialité entre plusieurs mondes du monothéisme – de « convivence », comme disait le grand intellectuel Abdelwahab Meddeb – et ceux qui la décrivent seulement comme une suite de conflits terribles, notamment après l’apparition de la civilisation islamique. Ce que nous aimerions dire, montrer, se situe à l’inter – section de ces deux conceptions…
… Il nous a fallu choisir des moments singuliers, privilégier certaines oeuvres, insister davantage sur tel ou tel aspect de la longue présence juive en Orient : une exposition qui céderait à la tentation de l’exhaustivité manquerait nécessairement son objectif. Dès lors, chaque espace de l’exposition évoque une situation vécue par les populations juives, du Maroc à l’Irak, de la Tunisie à la Syrie. Le déroulé épouse ce mouvement géographique. Marcher d’une salle à une autre est comme emprunter plusieurs chemins menant à une même destination : à travers tous les détours philosophiques, littéraires ou géographiques, l’attachement à une foi ancienne revient toujours. L’exposition est une mise en espace d’une vie pleine, foisonnante, qui adopte différentes formes tout en conservant une remarquable cohérence d’ensemble. Le visiteur éprouve ce qui fait l’unité d’un tel univers ; une certaine tonalité, à la fois joyeuse et inquiétante, sombre et pleine des éclats du soleil de la Méditerranée….
Perpétuer une telle mémoire juive en Orient, principalement en Méditerranée, au Moyen-Orient ou dans la péninsule arabique, consiste à chercher des récits riches d’histoires anciennes dans plusieurs villes emblématiques, comme Constantinople, Jérusalem, Salonique, Fès… ; à maintenir des liens entre les personnes, à laisser ouvertes les portes du savoir et de la connaissance entre gens aux origines différentes. Le désir d’appropriation de ce passé s’opère dans une situation, en France, où de nombreux groupes de mémoire cherchent à se référer à des origines, fantasmées ou réelles. Nous le savons, la plupart des communautés juives ont disparu des terres d’Orient depuis le XXe siècle. La conclusion de l’exposition aborde les causes de ce départ : décolonisations, création de l’État d’Israël ou désir d’égalité… Mais les jeunes générations cherchent à comprendre les causes de cette séparation. Dans ce monde disparu qui se remet alors à vivre, il faut donner des repères précis. Ce travail, par l’exposition, nous suggère qu’un monde sans (re)père ne saurait être viable, qu’aucune fondation nouvelle ne nous dispense d’en assumer le prix. Car le regard se forme et s’exerce à partir de certains héritages historiques perçus dans le rapport quasi charnel à l’Orient au sens large et le refus d’une dispersion de la mémoire autour du temps englouti. Dans une quête intérieure, de nombreuses personnes, jeunes ou moins jeunes, veulent ainsi retrouver une cohérence et se refusent à ne penser qu’à l’exil auquel pourrait succéder une perte définitive de mémoire. Les quartiers, les rues, les jardins, les chants religieux ou profanes, les ciels et les musiques : tout cela continue à courir dans les veines, mêlé à des peines, à des espoirs, à des joies pour de très nombreuses personnes. Cette exposition, inédite dans un moment politique très particulier marqué par le long conflit israélo-palestinien, montre un récit porté par la nécessité d’une transmission aux générations qui viennent.
L’exposition
À travers un parcours déployé sur 1100 mètres carrés, le visiteur découvrira l’histoire des communautés juives dans les pays arabes. Des premiers liens tissés entre les tribus juives de la Péninsule Arabique et le Prophète Mohammed, à l’essor des centres urbains juifs au Maghreb et dans l’Empire ottoman ; de l’émergence des principales figures de la pensée juive à Bagdad, Fès, Le Caire, Cordoue et Safed à l’exil des juifs du monde arabe, l’exposition « Juifs d’Orient, une histoire plurimillénaire » fait le récit d’une coexistence, tour à tour féconde ou tumultueuse, qui enrichit depuis des siècles les cultures du monde arabe. Il s’agit de la première exposition de grande ampleur qui aborde ce sujet. Elle réunit une grande diversité d’oeuvres – près de 280 ! – qui témoignent de l’importance et de la pluralité des communautés juives, des rives de l’Euphrate aux plateaux de l’Atlas. Vestiges archéologiques, manuscrits anciens, peintures, textiles, objets liturgiques, photographies, musiques et installations audiovisuelles… Ces pièces d’exception révèlent un patrimoine profane et religieux d’une remarquable richesse. Elles illustrent aussi les liens profonds qui ont uni juifs et musulmans pendant des siècles. Le Président de l’Institut du Monde Arabe, Jack Lang, et ses équipes ont su convaincre les grands musées internationaux, (British Museum à Londres, musée archéologique de Rabat, Brooklyn Museum de New York, Israël Museum à Jérusalem…) et les grandes institutions françaises (musée d’art et d’histoire du Judaïsme, musée du Louvre, bibliothèque nationale de France, musée d’Orsay…) de prêter des oeuvres, qui, pour certaines sont présentées pour la première fois en Europe. Les prêts issus des collections privées telles que la Gross Family Collection et la collection Paul Dahan contribuent également à renforcer le caractère exceptionnel de l’exposition.