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“Samuel Fosso” à la Maison Européenne de la Photographie, Paris, du 10 novembre 2021 au 13 mars 2022

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“Samuel Fosso”

à la Maison Européenne de la Photographie, Paris

du 10 novembre 2021 au 13 mars 2022

MEP


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© Sylvain Silleran, visite presse, le 9 novembre 2021.


Samuel Fosso, Autoportrait « Emperor of Africa », 2013. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Samuel Fosso, Autoportrait « Emperor of Africa », 2013. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Samuel Fosso, Autoportrait « Emperor of Africa », 2013. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Samuel Fosso, Autoportrait « Emperor of Africa », 2013. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Samuel Fosso, Autoportrait Série « Tati », La Femme américaine libérée des années 70, 1997. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Samuel Fosso, Autoportrait Série « Tati », La Femme américaine libérée des années 70, 1997. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Samuel Fosso, Autoportrait Série « Tati », Le Chef (celui qui a vendu l'Afrique aux colons), 1997. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Samuel Fosso, Autoportrait Série « Tati », Le Chef (celui qui a vendu l’Afrique aux colons), 1997. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Samuel Fosso, Autoportrait Série « Tati », Le Golfeur, 1997. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Samuel Fosso, Autoportrait Série « Tati », Le Golfeur, 1997. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Samuel Fosso, Autoportrait Série « African Spirits », 2008. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Samuel Fosso, Autoportrait Série « African Spirits », 2008. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.

Texte de Sylvain Silleran



« Au Studio photo national vous serez beau, chic, délicat et facile à reconnaître. »

Le travail de portraitiste de Samuel Fosso habille les murs comme un papier peint. Bébés assis, jeunes gens funky à la chemise soigneusement amidonnée, le pantalon impeccable, la belle robe fleurie, l’uniforme du fier gendarme : la jeunesse de Bangui qui défile dans son studio reflète l’effervescence de ces années 70. Après son travail, Samuel Fosso commence à bricoler des autoportraits avec ce qui lui reste comme pellicule. Il s’habille, se déshabille, un jour karatéka, un autre star de la chanson. Dans cette grande marmite bout une pop culture aux épices queer, joyeuse comme des posters de cinéma, des pochettes de disques, des photos de mode, des pages de magazines qui nous invitent à voyager. On y croise des superhéros futuristes, des séducteurs, des amoureux, des danseurs élégants prêts pour le samedi soir.

Samuel Fosso, en endossant le costume, l’habite, devient le personnage photographié. Il entre dans une nouvelle identité comme Liu Bolin se fond dans le mur devant lequel il se tient. Tour à tour gangster, businessman, bourgeoise, rocker, le voilà maitre-nageur, pirate, formidable golfeur à la classe so british. La joie simple et légère des débuts laisse place à des projets plus travaillés, plus politiques, tel ce roi africain sur son trône. Une série représente les figures historiques: Malcom X, Lumumba, Angela Davis dans une sobriété aussi glorieuse que luxueuse. Ces portraits opèrent par leur stylisation une iconisation religieuse. Un Mohamed Ali en Saint Sébastien au corps luisant percé de flèches agonise sur un fond blanc. Samuel Fosso devient ensuite un Mao glacial et effrayant, saluant le peuple, contemplant l’avenir (sûrement radieux) depuis un rivage, prêt à travailler à son bureau. L’incarnation du pouvoir et de ses abus se poursuit avec plus de sourire dans Black Pope, Fosso, heureux pape, prie et veille à notre salut.

Dans Allonzenfans, deux soldats posent, deux ‘tirailleurs sénégalais’, un dans le bleu horizon de la guerre de 14, l’autre libérateur de la France en 44. Multiplié par les clichés, le soldat Fosso devient une armée entière, cinquante soldats graves ou souriants, toujours fiers. Changement de registre, le voilà nu dans un appartement, des clichés dans un noir et blanc dur, granuleux, une encre d’imprimerie noire comme du sang. L’hommage à son ami Tala assassiné par une milice montre la fragilité de l’homme, d’une vie lorsque la société sombre dans la violence. L’homme n’a même pas une couverture, un drap pour se couvrir, il tente de se cacher dans un carton, réduit à l’animalité d’une proie face au prédateur. Il ne peut être plus vulnérable que nu derrière la porte de sa maison, écoutant les cris de ses proches suppliciés.

Avec Sixsixsix, Fosso pousse l’autoportrait dans ses derniers retranchements. 666 portraits de face, cadrés serré comme de grandes photos d’identités déclinent dans un ocre rouge de terre odorante toutes les expressions qu’un visage peut exprimer. La mémoire d’une vie, de toutes les vies est enregistrée dans cette énumération d’émotions. Devant le nombre, l’accumulation, on ne peut s’empêcher de penser aux murs de portraits, de photos d’identité dans les mémoriaux des génocides : les visages assassinés par le communisme de Pol Pot, ceux du Rwanda. Samuel Fosso n’a plus besoin d’artifices, il regarde le miroir qu’est l’objectif de son appareil bien en face, les clichés comme les images d’un film sont les coulisses de ce temps qui passe. L’intime et l’universel sont les deux faces du même visage.




Sylvain Silleran

Archives du Studio Photo National, studio photo de Samuel Fosso à Bangui. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Archives du Studio Photo National, studio photo de Samuel Fosso à Bangui. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Samuel Fosso, Autoportrait Série « 70's Lifestyle », 1975-78. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Samuel Fosso, Autoportrait Série « 70’s Lifestyle », 1975-78. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Samuel Fosso, Autoportrait Série « 70's Lifestyle », 1975-78. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Samuel Fosso, Autoportrait Série « 70’s Lifestyle », 1975-78. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Samuel Fosso, Autoportrait Série « Fosso Fashion », 1999. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.
Samuel Fosso, Autoportrait Série « Fosso Fashion », 1999. © Samuel Fosso, courtesy Jean-Marc Patras / Paris.

Extrait du communiqué de presse :


Commissaire d’exposition :
Clothilde Morette en étroite collaboration avec Samuel Fosso et son galeriste Jean-Marc Patras.




Samuel Fosso dédie cette exposition à la mémoire d’Okwui Enwezor.



La MEP présente la première exposition regroupant l’ensemble du travail de Samuel Fosso depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui.

Artiste devenu incontournable sur la scène artistique contemporaine, Samuel Fosso est régulièrement invité à présenter son oeuvre dans des institutions de renommée internationale telles que la Tate Modern à Londres, la Fondation Louis Vuitton à Paris, ou encore le MoMA et le Guggenheim Museum à New York. Son travail est également représenté dans les collections privées et publiques les plus prestigieuses du monde. Malgré cette large reconnaissance et cet important succès critique, son travail n’a pas récemment fait l’objet d’une exposition rétrospective majeure.

L’exposition Samuel Fosso a vocation à montrer toute l’ampleur et la richesse d’une oeuvre foisonnante qui interroge les potentialités de l’image photographique depuis près de cinquante ans et qui ne cesse de proposer un regard neuf et pertinent sur le monde



Un maître de la performance devant l’objectif

Si Samuel Fosso s’inscrit dans une longue tradition africaine de la photographie de studio, dont Malick Sidibé et Seydou Keïta sont les plus éminents représentants, il a aussi largement contribué à réinventer ce genre photographique en tournant l’appareil vers lui-même et en faisant du studio un terrain de jeu, un espace de liberté absolue et le lieu de tous les possibles dans l’élaboration théâtrale des identités. Au-delà d’une pratique classique de l’autoportrait, Samuel Fosso incarne de multiples personnages comme pourrait le faire un acteur de cinéma pour mieux interroger les codes de la représentation et la fabrique inconsciente de nos imaginaires. Par une oeuvre singulière, qui mêle photographie et performance, Samuel Fosso s’inscrit dans une lignée d’artistes internationaux majeurs parmi lesquels figurent la photographe américaine Cindy Sherman ou encore le photographe japonais Yasumasa Morimura. Samuel Fosso utilise le corps, l’habillement, les accessoires et les poses comme outils critiques, pour déconstruire les représentations stéréotypées en matière d’identité de genre et de classes sociales. Il donne à voir des individualités multiples qui échappent à toute catégorisation simpliste et pense également le pouvoir symbolique des images dans l’élaboration des icônes et des mythes collectifs. Son travail en témoigne dès les années 70 avec ses premiers autoportraits, plus tard avec la série emblématique « Tati » et ses différentes collaborations avec le monde de la mode et notamment le magazine Vogue.



Une oeuvre miroir d’un monde post-colonial

L’oeuvre de Samuel Fosso revêt par ailleurs une dimension politique aussi incontestable que fascinante. Miroir d’une histoire mondiale marquée par le post-colonialisme et la globalisation des échanges, les différentes séries présentées tissent un récit sensible des relations que le continent africain entretient avec l’Orient et l’Occident depuis le milieu du 20e siècle. Il y est question de rapports d’influence et de domination mais aussi d’interdépendance et de résistance. L’artiste renvoie dos à dos les différentes aires géographiques et culturelles, mettant en évidence les limites et les contradictions de chacune, et donnant à voir l’héritage d’une longue histoire, des peuples, marqué par les notions de diaspora, d’impérialisme culturel et de néo-colonialisme. Ses séries « African Spirits », « Emperor of Africa »,

« Black Pope » et « ALLONZENFANS » en sont les exemples les plus probants.



Une oeuvre marquée par une histoire personnelle mouvementée

Pour autant, le travail du photographe n’est jamais totalement déconnecté de sa vie personnelle, certains projets s’inscrivent même dans une démarche très intime, voire autobiographique comme les séries « Le rêve de mon grand-père » et « Mémoire d’un ami ». Plus généralement, la pratique de l’autoportrait chez Samuel Fosso n’est pas sans rapport avec l’absence de photo de lui enfant, ses parents n’y voyant pas d’intérêt du fait d’un handicap physique de naissance. Se photographier devient dès lors pour lui une manière d’être au monde et de revendiquer son existence sociale. Son œuvre est aussi indissociable du contexte dans lequel il a grandi, celui de l’Afrique centrale postindépendances, et constitue une métaphore des exils répétés qui ont jalonné son existence, entre le Cameroun, le Nigéria, la Centrafrique et la France. Alors qu’il est le seul enfant survivant de sa famille au Nigéria, lors de la guerre du Biafra à la fin des années 60, il doit fuir la Centrafrique en 2014 à cause de la guerre civile qui ravage le pays. Sa maison y est pillée et ses archives brûlées. Quelques centaines de négatifs parmi ceux qui ont été sauvés miraculeusement de la destruction, sont présentés pour la première fois dans cette exposition et donnent à voir la genèse de sa pratique photographique. Il s’agit donc d’une oeuvre artistique de résilience et de résistance, à l’image de sa récente série « SIXSIXSIX ». Plus de 160 oeuvres de cette installation monumentale constituée de 666 Polaroïds seront exposées. Elle dresse le portrait d’une humanité complexe, capable du meilleur comme du pire, dont la condition profonde est d’accepter son destin fait de joies et de souffrances.

À l’occasion de l’exposition et en collaboration avec la MEP, les éditions Steidl publient la version française du livre Autoportrait, premier ouvrage monographique dédié à l’artiste. Autoportrait, collectif, éditions Steidl, 2020. Un texte de Simon Baker sera inclus dans la version française.



Biographie – Samuel Fosso

Né en 1962 à Kumba, au Cameroun, puis élevé au Nigéria, Samuel Fosso fuit la guerre civile du Biafra et s’installe en 1972 chez son oncle à Bangui en Centrafrique. Il découvre la photographie grâce à un voisin auprès duquel il se forme et ouvre son propre studio à l’âge de 13 ans.

Il réalise des travaux de commandes (photos d’identité, commémorations, mariages) et débute, à l’âge de 15 ans, ses autoportraits. Influencé par des magazines de pop-culture qu’il trouve à Bangui, il se photographie dans des tenues qu’il fait confectionner spécialement par des couturiers locaux.

Suite à sa rencontre avec le photographe Bernard Descamps, Samuel Fosso expose pour la première fois ses autoportraits lors des Rencontres Africaines de la Photographie de Bamako en 1994 et connaît un grand succès.

En 1997, il est invité à exposer en France à l’occasion des 50 ans de la marque Tati, aux côtés de photographes majeurs tels que William Klein, Dominique Issermann ou Sarah Moon.

Il remporte le prix Afrique en Création en 1995, puis le prix du Prince Claus en 2001. Ses autoportraits sont présents dans les collections des plus grands musées : Tate Modern à Londres, Centre Georges Pompidou et musée du quai Branly – Jacques Chirac. En 2017, une exposition personnelle lui est consacrée à la National Portrait Gallery de Londres. En 2020 paraît Autoportrait aux éditions Steidl, premier ouvrage monographique qui couvre l’intégralité de l’oeuvre de Samuel Fosso et qui comporte notamment une longue entrevue entre l’artiste et le grand critique d’art et commissaire d’exposition Okwui Enwezor.

L’artiste vit actuellement entre la France et le Nigéria.