🔊 “Christo et Jeanne-Claude” Paris ! au Centre Pompidou, Paris, du 1er juillet au 19 octobre 2020
“Christo et Jeanne-Claude” Paris !
au Centre Pompidou, Paris
du 1er juillet au 19 octobre 2020
PODCAST – Interview de Sophie Duplaix, conservatrice en chef des Collections contemporaines au MusĂ©e national d’art moderne, et commissaire de l’exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 25 juin 2020, durée 24’04. © FranceFineArt.
© Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, visite de l’exposition avec Sophie Duplaix, commissaire de l’exposition, le 25 juin 2020.
extrait du communiqué de presse :
Commissaire : Sophie Duplaix, conservatrice en chef des Collections contemporaines au MusĂ©e national d’art moderne, Centre Pompidou, Paris
Chargée de recherche : Marion Guibert, attachée de conservation au Centre Pompidou
Intitulée « Christo et Jeanne-Claude. Paris ! » et présentée dans la Galerie 2 du Centre Pompidou, cette exposition majeure consacrée à Christo et Jeanne-Claude retrace leur période parisienne, entre 1958 et 1964, ainsi que l’histoire du projet The Pont-Neuf Wrapped [Le Pont-Neuf empaqueté], Paris, 1975-1985. Elle se présente comme une avant-première au projet L’Arc de Triomphe, Wrapped (Project for Paris, Place de l’Étoile – Charles De Gaulle), visible du 18 septembre au 3 octobre 2021.
Ces sept années passées dans la capitale sont essentielles pour l’évolution du travail de Christo. Il s’affranchit de la surface du tableau, empaquette les objets du quotidien et élabore des oeuvres temporaires dans l’espace public. Il commence également à donner une dimension monumentale à ses oeuvres en concevant différents projets pour la ville. La première partie de l’exposition présente environ 80 oeuvres créées de 1958, année où Christo et Jeanne-Claude se rencontrent, jusqu’à 1964, date à laquelle les artistes s’installent définitivement à New York. La deuxième partie, The Pont-Neuf Wrapped Documentation Exhibition [Le Pont-Neuf empaqueté, exposition-dossier], rend compte de toutes les étapes du projet menant à la réalisation de l’oeuvre monumentale The Pont-Neuf Wrapped, Paris, 1975-1985, avec la présentation d’environ 300 pièces, incluant des dessins et collages originaux, une maquette, des photographies, des documents d’archives, des études et des éléments d’ingénierie issus du projet réalisé.
L’exposition intègre également la projection du film d’Albert et David Maysles, Christo in Paris (1990), qui retrace les dix années consacrées par Christo et Jeanne-Claude au projet The Pont-Neuf Wrapped et évoque la biographie de ce couple exceptionnel, dont le travail commun a fait naître des oeuvres parmi les plus spectaculaires de l’histoire de l’art des 20e et 21e siècles.
Parcours de l’exposition
Les années parisiennes 1958 – 1964
Christo (Christo Vladimirov Javacheff) et Jeanne-Claude (Jeanne-Claude Marie Denat) sont nés tous deux le 13 juin 1935, respectivement à Gabrovo (Bulgarie) et à Casablanca (Maroc). Christo fuit la Bulgarie communiste pour se rendre à Prague en 1956. Il parvient à s’échapper du bloc soviétique en 1957 en passant dans un premier temps par Vienne, puis par Genève, pour finalement s’établir en mars 1958 à Paris, où il rencontre Jeanne-Claude à l’âge de 23 ans. Malgré sa formation classique à l’Académie des Beaux-Arts de Sofia, Christo développe son propre langage artistique durant ces années parisiennes, en travaillant la surface, les textures, l’empaquetage d’objets et l’appropriation sculpturale de l’espace. Par la suite, il commence avec Jeanne-Claude à développer les projets temporaires monumentaux pour lesquels ils sont désormais célèbres.
À son arrivée à Paris, afin de gagner sa vie, Christo réalise des portraits à l’huile sur toile de familles de la haute société, signant la plupart de ces oeuvres de son vrai nom, « Javacheff ». Dans la chambre de bonne qui lui sert d’atelier, il commence à créer ce qu’il appelle son Inventaire – un ensemble de boîtes en métal, de bouteilles, de caisses et plus tard de barils, empaquetés dans du tissu rigidifié par de la laque et ficelés, qu’il signe de son nom d’artiste, « Christo ». Christo s’intéresse alors particulièrement au travail de la surface : « Il ne s’agissait pas tant de créer un objet, mais plutôt la texture de l’objet lui-même » dit-il. Les Surfaces d’Empaquetage résultent de ces expériences réalisées avec du papier, parfois du tissu, auquel Christo donne un aspect accidenté par des froissages et des plis qu’il rigidifie avec de la laque, la peinture venant rehausser les reliefs.
Dans la continuité de ces recherches, il créé la série des « Cratères ». Peu connue et présentée ici pour la première fois, elle se caractérise par une forte matérialité : le sable et la poussière mêlés à la peinture et à la colle créent un paysage lunaire qui envahit la surface de l’oeuvre en ménageant aspérités et crevasses. Les Cratères réalisés par Christo peuvent être considérés comme une réponse au travail matiériste de Jean Dubuffet des années 1950. La plupart des Empaquetages caractéristiques de Christo sont réalisés entre 1958 et le début des années 1960, à partir d’objets du quotidien. Le tissu, dans un premier temps froissé et laqué, puis laissé à l’état brut, simplement attaché avec des cordes et des ficelles, fait aussi place par la suite au polyéthylène. La transparence et la rigidité sculpturale de ce film plastique en feront un matériau de prédilection pour l’empaquetage de statues et de modèles vivants.
Les premières oeuvres de Christo dans l’espace public sont des structures temporaires, faites de colonnes ou d’accumulations de barils. La plupart de ces oeuvres sont réalisées dans l’atelier dont l’artiste dispose également à Gentilly, en banlieue parisienne. « Je trouvais que les barils de pétrole ressemblaient déjà à des sculptures », dit-il, « Les taches d’huile, les couleurs délavées, la rouille, les bosses – Je les trouvais fascinants, très beaux, car ils faisaient “vrais”. »
En rĂ©action Ă l’édification du Mur de Berlin en 1961, Christo et Jeanne-Claude imaginent de barrer une des rues les plus Ă©troites de Paris avec un mur constituĂ© de 89 barils. ÉrigĂ© dans la nuit du 27 juin 1962, le Mur provisoire de tonneaux mĂ©talliques – Le Rideau de fer, rue Visconti, Paris, 1961-1962, consitue leur deuxième intervention dans l’espace public. Dès 1961, Christo et Jeanne-Claude envisagent pour la première fois d’empaqueter un bâtiment public (salle de concert, salle de confĂ©rence, prison, parlement…). Ă€ cette Ă©poque, Christo, qui habite non loin de l’Arc de triomphe, rĂ©alise diffĂ©rentes Ă©tudes de ce monument dont le photomontage Édifice public empaquetĂ© (Projet pour l’Arc de triomphe, Paris), 1962-1963. Ce projet doit finalement voir le jour Ă l’automne 2020.
Christo in Paris
Un film d’Albert et David Maysles – 1990
Les frères Albert et David Maysles (1926-2015 et 1931-1987) ont accompagné Christo et Jeanne-Claude à partir des années 1970 pour filmer sans concession toutes les étapes de l’élaboration de nombre de leurs projets. Leur cinéma “direct”, qui leur a valu une place majeure dans l’histoire du document filmé, a permis d’immortaliser les instants les plus spectaculaires comme les plus triviaux du déroulement des projets. Une de leurs oeuvres majeures, Christo in Paris, est présentée ici, au coeur de l’exposition.
Achevé en 1990, le film retrace l’aventure de l’empaquetage du Pont-Neuf depuis ses débuts, en y mêlant le récit biographique de Christo et Jeanne-Claude, qui permet au spectateur d’entrer dans la vie de ce couple exceptionnel à qui l’on doit des réalisations hors normes. Prenant la forme d’allers-retours entre une bataille sans relâche pour l’accomplissement du projet et la résurgence des souvenirs de jeunesse des artistes, le film peut être visionné à n’importe quel moment de sa projection.
Le Pont-Neuf empaqueté, Paris, 1975 – 1985
Exposition-dossier
La seconde partie de l’exposition dévoile l’histoire du projet urbain majeur imaginé par Christo et Jeanne-Claude pour Paris, dès 1975. The Pont-Neuf Wrapped Documentation Exhibition [Le Pont-Neuf empaqueté, exposition-dossier] est un ensemble de 337 pièces, incluant 36 dessins et collages originaux, une maquette, des documents d’archives, des éléments d’ingénierie issus du projet réalisé et environ 200 photographies de Wolfgang Volz, qui travaille aux côtés des artistes depuis une quarantaine d’années. Le principe de l’exposition-dossier, constitué pour chaque projet majeur de Christo et Jeanne-Claude, est de préserver la mémoire des oeuvres temporaires, de faire comprendre leur ampleur et leur complexité, en retraçant l’histoire du projet, des prémices à sa réalisation.
Dès 1975, Christo et Jeanne-Claude conçoivent l’idée d’empaqueter le Pont-Neuf avec de la toile polyamide de couleur grès doré, qui recouvrirait les côtés et les voûtes des douze arches du pont, ses parapets, ses bordures et ses trottoirs (le public doit pouvoir marcher sur la toile), ses quarante-quatre lampadaires, ainsi que les parois verticales du terre-plein de la pointe occidentale de l’Île de la Cité et l’esplanade du Vert-Galant. OEuvre temporaire, en prise avec le réel, cette transformation souligne les qualités architecturales du pont et renouvelle notre rapport à l’appréhension de ses volumes et à la déambulation.
« Depuis plus de quatre siècles, le Pont-Neuf a été le sujet de centaines d’oeuvres », explique Christo, « Une fois empaqueté pour deux semaines, il est devenu une oeuvre d’art à part entière ». S’inscrivant dans la lignée de Jacques Callot, Turner, Renoir, Brassaï, Pissaro, Picasso et Marquet, Christo et Jeanne-Claude écrivent un nouveau chapitre de l’histoire du pont parisien.
À l’instar de toutes les oeuvres temporaires de Christo et Jeanne-Claude, The Pont-Neuf Wrapped, Paris, 1975-1985 [Le Pont-Neuf empaqueté, Paris, 1975-1985] a été présenté pendant une durée très brève du 22 septembre au 6 octobre 1985. Ce projet a nécessité un dispositif technique et humain colossal, sans compter les dix années de négociation auprès des politiques et des riverains. Les artistes financent leurs réalisations monumentales exclusivement grâce à la vente des collages, dessins préparatoires, maquettes réalisés par Christo dans le cadre des projets et à la vente d’oeuvres des années 1950 et 1960. Les artistes n’ont jamais bénéficié de financement public ou privé.
« Tous nos projets temporaires ont un caractère nomade, transitoire, ils sont en perpétuel mouvement », précise Christo, « Ces oeuvres ne sont visibles qu’une fois dans une vie mais restent gravées dans les mémoires. Cet aspect est essentiel dans notre démarche et rappelle un principe résolument humain : rien ne dure éternellement et c’est là toute la beauté de la vie ».
L’Arc de triomphe empaqueté
du 18 septembre au 3 octobre 2021
Christo, en étroite collaboration avec le Centre des monuments nationaux (CMN) et le Centre Pompidou, créera une oeuvre temporaire à Paris intitulée L’Arc de triomphe empaqueté (Projet pour Paris, Place de l’Étoile-Charles de Gaulle). Compte tenu de la pandémie du Covid-19, Christo, le Centre des monuments nationaux et le Centre Pompidou ont, d’un commun accord, décidé le report d’une année de L’Arc de Triomphe empaqueté, initialement prévu à l’automne 2020. Cette oeuvre sera donc visible pendant 16 jours, du samedi 18 septembre au dimanche 3 octobre 2021. Elle nécessitera 25 000 mètres carrés de tissu recyclable en polypropylène argent bleuté et 7 000 mètres de corde rouge.
L’Arc de triomphe empaqueté sera entièrement autofinancé par Christo grâce à la vente de ses études préparatoires, dessins, collages du projet ainsi que des maquettes, oeuvres des années cinquante-soixante et des lithographies originales dédiés à d’autres sujets. Il ne bénéficiera d’aucun financement public ou privé.
En 1961, trois ans après leur rencontre à Paris, Christo et Jeanne-Claude commencent à concevoir et réaliser des oeuvres temporaires pour l’espace public. Christo fait, en 1962-63, un photomontage avec l’Arc de triomphe empaqueté, vu depuis l’avenue Foch, puis, en 1989, un collage, avant de reprendre et développer ce projet à partir de 2017. Près de 60 ans plus tard, ce projet se concrétise enfin. Le Centre des monuments nationaux, qui assure au nom de l’État la conservation et l’ouverture au public de l’Arc de triomphe, se félicite de la réalisation d’un projet qui témoigne de son engagement en faveur de la création contemporaine et de la mise en valeur de l’un des monuments les plus emblématiques de Paris et de France.
La Flamme de la Nation devant la tombe du Soldat Inconnu, sous l’Arc de triomphe, continuera à brûler pendant l’installation et toute la période où l’oeuvre sera visible. Associations, bénévoles et volontaires attachés aux valeurs de la République continueront à s’y relayer pour assurer la continuité du souvenir et de la mémoire et assurer les cérémonies quotidiennes du ravivage de la Flamme et les hommages au Soldat Inconnu dans la solennité requise. L’Arc de triomphe, y compris sa terrasse, restera accessible pendant la durée du projet. Le Centre des monuments nationaux précisera prochainement les modalités de cet accès.
« Trente-cinq ans après que Jeanne-Claude et moi avons emballé le Pont-Neuf, je suis impatient de travailler à nouveau à Paris pour réaliser notre projet pour l’Arc de triomphe », déclare Christo.
Un catalogue, sous la direction de Sophie Duplaix et aux editions du Centre Pompidou, présentant des documents inédits et dévoilant le processus créatif à l’origine de la carrière de l’artiste, accompagne l’exposition.