🔊 “Le Brésil illustré” L’héritage postcolonial de Jean-Baptiste Debret, à la Maison de l’Amérique Latine, du 30 avril au 4 octobre 2025
“Le Brésil illustré”
L’héritage postcolonial de Jean-Baptiste Debret
Ă la Maison de l’AmĂ©rique Latine, Paris
du 30 avril au 4 octobre 2025
Maison de l’AmĂ©rique Latine

PODCAST – Entretien avec Jacques Leenhardt, philosophe et sociologue, directeur d’études Ă l’ehess – Paris, et commissaire de l’exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 29 avril 2025, durée 21’06,
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
![Isabel Löfgren & Patricia Gouvêa, Modo de olhar, [Manière de regarder, de la série Mère Noire], 2016.](https://im-francefineart.com/agenda/icono-3501-3650/3617_Le-Bresil-illustre_1.jpg)
Isabel Löfgren & Patricia Gouvêa, Modo de olhar, [Manière de regarder, de la série Mère Noire], 2016.

Jaime Lauriano, Travail, 2017.

GêViana, Culture de champignons, de la série Actualisations traumatiques de Debret, 2000.
Commissariat : Jacques Leenhardt, associé à Gabriela Longman.
Ce projet est inscrit dans la Saison France-Brésil 2025
En 2025, la Maison de l’AmĂ©rique latine Ă Paris fait la part belle aux relations bilatĂ©rales France-BrĂ©sil au travers d’une saison culturelle dĂ©diĂ©e. Ă€ partir du 30 avril 2025, elle prĂ©sente, sous le commissariat de Jacques Leenhardt et Gabriela Longman, une importante exposition, consacrĂ©e au travail de critique et de resymbolisation des images du peintre Jean-Baptiste Debret (1768-1848) par une gĂ©nĂ©ration effervescente d’artistes brĂ©siliens contemporains. IntitulĂ©e « Le BrĂ©sil illustrĂ©. L’hĂ©ritage postcolonial de Jean-Baptiste Debret », l’exposition s’appuie sur les recherches rĂ©centes de Jacques Leenhardt (Rever Debret, Editora 34, SĂŁo Paulo/BrĂ©sil, 2023), qui font partie d’une publication Ă©ponyme (Actes Sud, avril 2025).
J.-B. Debret (1768-1848), peintre du cercle de J. L. David pendant la RĂ©volution française et l’Empire, Ă©migre en 1815 Ă Rio de Janeiro, reçu peintre officiel de la cour du Portugal dĂ©placĂ©e dans sa colonie. Pendant 15 ans, il est tĂ©moin de la transformation de cette colonie en empire du BrĂ©sil. RentrĂ© Ă Paris en 1831, il publie un livre amplement illustrĂ©, Voyage pittoresque et historique au BrĂ©sil, oĂą sont rĂ©vĂ©lĂ©es les aquarelles jusque-lĂ tenues secrètes, rĂ©alisĂ©es durant son sĂ©jour, vĂ©ritable sociologie en image de la vie quotidienne Ă Rio de Janeiro Ă l’heure de sa mutation. Un siècle plus tard, après que son livre a Ă©tĂ© censurĂ© par la bibliothèque impĂ©riale, puis oubliĂ© pour avoir montrĂ© trop crĂ»ment la sociĂ©tĂ© esclavagiste, Voyage pittoresque et historique au BrĂ©sil est redĂ©couvert, traduit et publiĂ© au BrĂ©sil (1940) avec un succès tel qu’il est devenu l’iconographie de rĂ©fĂ©rence sur cette pĂ©riode. L’ouvrage a Ă©tĂ© publiĂ© par l’Imprimerie Nationale en 2014.
En 2022, les célébrations du Bicentenaire du Brésil incitent de nombreux artistes des nouvelles générations indigènes ou afro-descendantes à se confronter à ces images de leurs ancêtres et de leurs communautés. Comme ils ne se reconnaissent pas dans cette archive coloniale, ils s’en emparent pour la détourner, la carnavaliser, la resymboliser.
Les oeuvres ainsi produites constituent comme un dialogue et une rĂ©plique Ă celles de Debret. Elles posent, grâce Ă leur inventivitĂ© et Ă leur pouvoir critique, la question très actuelle de la confrontation avec le passĂ© colonial. En illustrant la richesse de cet atelier contemporain, oĂą s’inventent des formes nouvelles de savoir et de reprĂ©sentations, l’exposition Le BrĂ©sil illustrĂ©. L’hĂ©ritage postcolonial de Jean-Baptiste Debret montre de quelle manière le travail artistique invente des stratĂ©gies pour reconnecter l’histoire de ces communautĂ©s au rĂ©cit national qui les avait occultĂ©es.

GêViana, Asseyez-vous pour dîner, de la série Actualisations traumatiques de Debret, 2021. digital, courtoisie de l’artiste.

Denilson Baniwa, King Kong, 2021.
![Denilson Baniwa, Arqueiro digital, [Archer digital], 2017, infogravure, courtoisie de l’artiste.](https://im-francefineart.com/agenda/icono-3501-3650/3617_Le-Bresil-illustre_6.jpg)
Denilson Baniwa, Arqueiro digital, [Archer digital], 2017, infogravure, courtoisie de l’artiste.
Parcours de l’exposition
L’exposition « Le BrĂ©sil illustrĂ©. L’hĂ©ritage postcolonial de Jean-Baptiste Debret » se dĂ©ploie en trois parties.
1- Vision de Rio de Janeiro par un peintre jacobin français en exil
La première salle est consacrée au Voyage pittoresque et historique au Brésil. S’il a été le peintre de la cour, Debret a pour son compte propre, et sans jamais montrer ce travail, produit au Brésil quelque 800 aquarelles où, dans ce que nous appelons l’Atelier de la rue, il capte la pulsation vivante de la ville de Rio de Janeiro. Après un tome I consacré aux indigènes qu’il ne connaissait que de seconde main, l’auteur donne toute son importance à la population noire urbaine (tome II), soumise à la violence institutionnelle de l’esclavage. Il illustre les compétences diverses, mais aussi des violences subies, montrant la contribution essentielle qu’apportent les Noirs à la construction du pays. Le tome III traite l’histoire politique et religieuse et donc essentiellement des populations blanches. Sans doute franc-maçon et saint-simonien, Debret rêve de l’union de ces citoyens hétérogènes dans un projet unanimiste qu’illustre le grand Rideau de scène qu’il conçut pour le couronnement de l’empereur Pedro Ier. Par-delà ce rêve qui témoigne aussi de son histoire personnelle, les images de Debret posent la question de leur réception et de leur signification en ce début de XXIe siècle. Le décalage entre ces deux époques est au coeur de cette exposition.
2- Malaises et interrogations
La deuxième partie évoque les interrogations qui accompagnent, au XXe siècle la redécouverte du livre de Debret dont les images, après avoir été occultées, se multiplient dans les manuels scolaires, prolifèrent dans les médias et sollicitent les chercheurs. Elles touchent désormais également des publics nouveaux, notamment les communautés amérindiennes et afro-descendantes, qui se trouvent exposées à leur violence et ont peine à s’y reconnaître. Décalage générationnel, technique, iconique, cette image rend concrètes les questions que se posent ceux qui ont été marginalisés depuis la période coloniale. Autre manière de formuler le problème de la construction de la communauté nationale : un collage de l’artiste Anna Bella Geiger montre un visage qui semble regarder mais sans doute ne voit rien : ses yeux sont couverts de cartes postales ! Comment dépasser les clichés qui nous aveuglent ? C’est avec cette question dans la tête, que le visiteur va s’engager dans la troisième partie de l’exposition, la plus vaste, où il sera mis en face de diverses stratégies, développées par les artistes brésiliens contemporains.
3- Des artistes contemporains s’emparent des images du passé colonial
Les oeuvres rĂ©unies dans cette partie se confrontent aux images de J.-B. Debret. Elles y expriment tour Ă tour joie, angoisses et colères, ironie, rejet et interrogations. Ce coeur vibrant de l’exposition Le BrĂ©sil illustrĂ©. L’hĂ©ritage postcolonial de Jean-Baptiste Debret met en Ă©vidence la variĂ©tĂ© des stratĂ©gies qu’ils mettent en oeuvre dans ces confrontations. Pour le spectateur français, lui-mĂŞme confrontĂ© aux effets de son passĂ© colonial, c’est une occasion magnifique de rĂ©flĂ©chir sur les diffĂ©rentes manières de confronter, document et image, mĂ©moire et histoire.
Avec des oeuvres de : Denilson Baniwa, Anna Bella Geiger, Isabel Löfgren&Patricia GouvĂŞa, Tiago Gualberto, Claudia Hersz, Jaime Lauriano, LĂvia Melzi, Valerio Ricci Montani, Eustáquio Neves, Dalton Paula, Tiago Sant’Ana, Heberth Sobral, GĂŞ Viana.
Le livre – Jacques Leenhardt Le BrĂ©sil illustrĂ©. L’hĂ©ritage postcolonial de Jean-Baptiste Debret – Actes Sud – parution en librairie le 23 avril 2025.
Auteur d’un Voyage pittoresque et historique au Brésil, Jean-Baptiste Debret, peintre jacobin exilé à Rio de Janeiro en 1816, dresse un portrait inédit des diverses populations formant le Brésil impérial en train de naître. Deux siècles plus tard, une génération d’artistes entreprend l’examen critique de ces images. Elle s’en empare pour les détourner et se les réapproprier.
Les oeuvres ainsi produites posent de manière fracassante la question complexe de la confrontation avec l’archive coloniale. Sous nos yeux prend forme un “atelier contemporain”, dans lequel des artistes imaginent de nouvelles formes de savoir et de représentations, afin que leur propre histoire prenne sa place dans la multiplicité contemporaine des récits. L’auteur analyse les résonances de ces travaux dans les débats actuels sur le rapport aux représentations du passé colonial.
Jacques Leenhardt, philosophe et sociologue, est directeur d’études à l’ehess  (Paris) où il dirige l’équipe de recherche efisal : Fonction imaginaires et sociales des arts et des littératures. Il travaille sur l’art et la littérature, en particulier dans les Amériques latines. Il est le spécialiste de l’oeuvre de Jean-Baptiste Debret. Critique d’art, il a organisé diverses expositions et rédigé de nombreux ouvrages.
Â