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🔊 “Tamara Kostianovsky” la chair du monde, au musée de la Chasse et de la Nature, du 23 avril au 3 novembre 2024

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“Tamara Kostianovsky” la chair du monde

au musée de la Chasse et de la Nature, Paris

du 23 avril au 3 novembre 2024

musée de la Chasse et de la Nature


Entretien avec Rémy Provendier-Commenne, historien de l’art, responsable des collections Musée de la Chasse et de la Nature, et commissaire l’exposition, par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 22 avril 2024, durée 14’16, © FranceFineArt.

PODCAST –  Entretien avec RĂ©my Provendier-Commenne, historien de l’art, responsable des collections MusĂ©e de la Chasse et de la Nature, et commissaire l’exposition,


par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 22 avril 2024, durée 14’17,
© FranceFineArt.


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Tamara Kostianovsky
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©Anne-Fréderique Fer, présentation presse, le 22 avril 2024.

Extrait du communiqué de presse :

Commissaire de l’exposition :

Rémy Provendier-Commenne, historien de l’art, responsable des collections Musée de la Chasse et de la Nature



Du 23 avril au 03 novembre 2024, le Musée de la Chasse et de la Nature présente la première grande exposition en France de l’artiste Tamara Kostianovsky.



L’upcycling comme expression du monde.

Avec subtilité et force, son travail artistique explore des thèmes complexes tels que la mémoire, la violence, la colonisation, l’évanescence de la vie, les connexions entre le corps humain et la nature. Son travail de sculptrice s’exprime dans des installations qui utilisent des matériaux inhabituels, notamment des vêtements usagés et des textiles mis au rebut, pour explorer des idées liées à la fragilité de l’existence et à la relation entre la chair et notre environnement. Elle conçoit de véritables trompe-l’oeil d’une beauté saisissante, mais trompeuse, où l’oeuvre oscille entre fascination et répulsion. En explorant des thèmes profonds et universels à travers une utilisation innovante de matériaux ordinaires, Tamara Kostianovsky a gagné une place singulière dans le monde de l’art contemporain, captivant les spectateurs avec ses oeuvres chargées de sens et d’émotion. Pour sa première exposition personnelle dans un musée français, près de trente oeuvres ont été soigneusement sélectionnées et intégrées au sein de la salle d’exposition et du parcours permanent, mettant en lumière toute la diversité de son oeuvre.



Entre souches d’arbre, oiseaux exotiques et carcasses de textile…

La salle d’exposition est une carte blanche offerte Ă  l’artiste. Elle invite le visiteur Ă  une balade en forĂŞt, oĂą les arbres et les souches qui y ont pris racine sont faits de vĂŞtements recyclĂ©s, mĂ©tamorphosĂ©s. Pour cette installation exceptionnelle, Tamara Kostianovsky a crĂ©Ă© une oeuvre monumentale inĂ©dite. Dans le salon de compagnie, entre les toiles de Chardin et de Desportes, des oiseaux de tissus se posent sur les murs de damas de velours prune. Dans l’antichambre, le visiteur dĂ©couvre d’imposantes carcasses de textiles, troublantes et dĂ©rangeantes par les tensions qu’elles produisent, agissant entre beautĂ© et violence, entre raffinement et fĂ©rocitĂ©. L’artiste explique : « La sĂ©rie reprĂ©sente des carcasses qui se transforment en vĂ©gĂ©tation, devenant des capsules qui hĂ©bergent des oiseaux et des plantes exotiques. Je conçois ces oeuvres en termes de mĂ©tamorphose. L’idĂ©e est de transformer l’image de la carcasse, qui, de lieu de carnage, devient une matrice oĂą la vie prend racine – Ă  la manière d’un environnement utopique. » Un peu plus loin, tout naturellement, la salle des oiseaux offre ses murs Ă  des panneaux dĂ©coratifs vĂ©gĂ©talisĂ©s enrichis d’oiseaux qui traitent de manière implicite de la colonisation. Des recherches sur les papiers peints français du siècle des Lumières, empreints de l’imaginaire colonial d’un ailleurs exotique et fantasmĂ©, sont les sources de cette sĂ©rie Ă  la vĂ©gĂ©tation presque fĂ©erique et aux oiseaux parĂ©s – voire saturĂ©s – de milliers de couleurs. Enfin, dans la salle de la forĂŞt, lĂ  encore, d’autres panneaux – dont des triptyques – permettent aux visiteurs de s’approcher de plus près et d’effleurer du regard toute la minutie et la poĂ©sie de son travail. Après les expositions d’Eva Jospin, de Carolein Smit, de Vincent Fournier ou de Sean Landers explorant des mĂ©diums aussi diffĂ©rents que le carton, la cĂ©ramique, la photographie ou encore la peinture, avec Tamara Kostianovsky, le MusĂ©e de la Chasse et de la Nature poursuit son ambition de faire dĂ©couvrir des figures diffĂ©rentes de l’art contemporain. Toujours fidèle Ă  la vision des fondateurs du musĂ©e, François et Jacqueline Sommer, cet engagement se matĂ©rialise par la mise en avant d’un dialogue crĂ©atif et pacifiĂ© entre l’Homme et le Vivant.

Née en 1974 à Jérusalem, Tamara Kostianovsky a grandi en Argentine avant de s’installer aux États-Unis. Elle a obtenu une licence en beaux-arts à l’École nationale des beaux-arts « Prilidiano Pueyrredón » de Buenos Aires (1998) et une maîtrise en beaux-arts à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts, Philadelphie, PA (2003).

Tamara Kostianovsky, Foul Decoration i-iii, 2020. © rx & slag, Paris ny — Théo Pitout

Tamara Kostianovsky, Foul Decoration i-iii, 2020. © rx & slag, Paris ny — Théo Pitout

Tamara Kostianovsky, Foul Decorations i-iii, 2022 (détails). © rx & slag, Paris, ny — Théo Pitout.

Tamara Kostianovsky, Foul Decorations i-iii, 2022 (détails). © rx & slag, Paris, ny — Théo Pitout

Tamara Kostianovsky, Tropical Rococo, 2021. © rx & slag, Paris, ny — Théo Pitout

Tamara Kostianovsky, Tropical Rococo, 2021. © rx & slag, Paris, ny — Théo Pitout

Tamara Kostianovsky, Uprooted, 2020 © rx & slag, Paris New-York

Tamara Kostianovsky, Uprooted, 2020 © rx & slag, Paris New-York

Éditorial du commissaire – RĂ©my Provendier-Commenne

« La chair du monde » nous invite à une rencontre unique et intime avec Tamara Kostianovsky. Son travail depuis ses premières créations est profondément lié à son histoire personnelle. Ses oeuvres sont construites comme une autobiographie textile, une trame performative.

Au début des années 2000, elle vit alors aux Etats- Unis, une crise financière majeure frappe l’Argentine et ses économies sont complètement dévaluées : elle n’a plus les moyens de fréquenter les boutiques de beaux-arts. Un passage express dans une laverie automatique va conduire au plus beau des accidents ; ses vêtements ont tous rétréci ! Après quelques jours à les observer et au lieu de voir cela comme une frustration, Tamara Kostianovsky saisit cette opportunité pour sublimer cet incident : les vêtements désormais trop petits deviennent la matière même de ses sculptures monumentales. L’épiderme, la chair, les vêtements mis au rebut ne forment plus qu’un seul et même tissu : celui de ses rêves et de ses créations, un nouveau médium qu’elle sculpte. Chaque pièce raconte une histoire, explore les relations complexes entre l’homme et la nature, la vie et la mort, invite à une introspection profonde sur la place de l’homme dans le monde, mêlant subtilement le personnel et l’universel. Pour le Musée de la Chasse et de la Nature, c’est aussi le moment de provoquer la rencontre entre les sculptures de Tamara Kostianovsky et les maîtres anciens de la collection. Ainsi, les oeuvres de Jean Siméon Chardin (1699-1779) et de François Desportes (1661-1743) dialoguent merveilleusement avec cette « chair du monde », qu’elle soit carcasse ou oiseau de paradis, os ou plumes, végétale ou animale. En 2017 son père décède. Elle décide – comme hommage intime – de l’intégrer à son oeuvre par le biais de ses pantalons de velours côtelés, qui désormais ne seront plus portés. Cette série fait allusion au retour du corps à la terre et permet aussi, comme l’œuvre monumentale Second Skin d’aborder d’autres thèmes chers à l’artiste : la nature et l’écologie ; les incendies de forêts symbolisés par la puissance de la teinte noire, inédite dans sa palette jusqu’à cette exposition. C’est également pour elle le moyen de relier la mort du bois à celle de la peau, et de toujours questionner le rapport au vivant. Elle sourit volontiers en expliquant que son père est présent ici même, sous nos yeux : ses pantalons n’ont jamais été lavés et peut-être reste-t-il un peu de lui.

« La chair du monde » est bien plus qu’une exposition, c’est aussi un concept éponyme du philosophe Maurice Merleau-Ponty (1908-1961) qui fascine tant l’artiste : percevoir le monde à travers notre corps. Merleau-Ponty introduit l’idée que notre corps n’est pas un objet physique dans le monde, mais le moyen fondamental par lequel nous expérimentons et comprenons le monde. Le terme « chair » est utilisé pour désigner cette expérience incarnée. Tamara Kostianovsky a rendu ce concept vivant, fusionnant les idées et son propre ressenti pour développer l’ensemble de son vocable créatif. Les vêtements de l’artiste et de ses proches sont bien plus qu’un simple matériau. Ils s’incarnent directement dans sa création. Pour Tamara Kostianovsky, concevoir, ressentir, toucher le monde, passe avant tout par la chair. Les carcasses pointent avec évidence ce propos. Si elles sont étroitement connectées à ses souvenirs de jeunesse, à son père chirurgien esthétique qui lui a tant appris, ces charognes devenues des horreurs merveilleuses viennent de souvenirs d’enfance, quand elle observait les garçons bouchers décharger les carcasses de viande dans les rues de Buenos Aires. Ce sont aussi des histoires bien plus bouleversantes qui sont cousues ici : en 2004 sa grand-mère a été retrouvée assassinée à son domicile. L’affaire demeure non résolue et Tamara Kostianovsky sublime cette image effroyable et fait renaître de ces corps sans vie de mirifiques oiseaux exotiques. Ces tissus, ces motifs, ces couleurs, cette faune ornithologique sont aussi le vêtement avec lequel elle recouvre le corps, tel un linceul pour los desaparecidos (les disparus) – ces dizaines de milliers de victimes de la dictature militaire en Argentine –, témoignant également de la violence faite aux femmes à travers le monde, comme autant d’empreintes laissées sur la peau et plus profondément encore.

Née à Jérusalem dans une famille d’immigrés, arrivée à l’âge de 2 ans à Buenos Aires, et vivant aujourd’hui à New-York, elle se revendique Latinx. Aussi, la question de l’immigration et de la colonisation sont des sujets naturellement proches de ses créations. Une série de panneaux décoratifs directement reprise de lés de papier peint français du XVIIIe siècle sont utilisés pour interroger l’histoire de la colonisation et la véracité de ses représentations.

« La chair du monde » est un récit poétique qui explore le vivant, un état du monde où l’oeuvre de Tamara Kostianovsky semble se refléter à l’infini dans les vers de Baudelaire :« Et le ciel regardait la carcasse superbe, comme une fleur s’épanouir […] » (Une Charogne, Les Fleurs du Mal, 1857).