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🔊 “Paris 1874” Inventer l’impressionnisme, au MusĂ©e d’Orsay, du 26 mars au 14 juillet 2024

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“Paris 1874” Inventer l’impressionnisme

au Musée d’Orsay, Paris

du 26 mars au 14 juillet 2024

MusĂ©e d’Orsay


Interview de Sylvie Patry, conservatrice générale du patrimoine / directrice artistique, Mennour, Paris, et co-commissaire de l'exposition, par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 25 mars 2024, durée 19’53, © FranceFineArt.

PODCAST –  Interview de Sylvie Patry, conservatrice gĂ©nĂ©rale du patrimoine / directrice artistique, Mennour, Paris, et co-commissaire de l’exposition,


par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 25 mars 2024, durée 19’54,
© FranceFineArt.


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Paris 1874; Inventer l'impressionnisme
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©Anne-Fréderique Fer, présentation presse, le 25 mars 2024.

Extrait du communiqué de presse :




INTRODUCTION

Félix Nadar (1820-1910), Façade de l’atelier de Nadar, 35, boulevard des Capucines à Paris, Vers 1861. Épreuve sur papier albuminé d’après négatif sur plaque de verre au collodion, 24,4 x 19,1 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des estampes et de la photographie, EO-15(1)-FOL Bibliothèque nationale de France.

Félix Nadar (1820-1910), Façade de l’atelier de Nadar, 35, boulevard des Capucines à Paris, Vers 1861. Épreuve sur papier albuminé d’après négatif sur plaque de verre au collodion, 24,4 x 19,1 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des estampes et de la photographie, EO-15(1)-FOL Bibliothèque nationale de France.

Le 15 avril 1874, au 35 Boulevard des Capucines, ouvrait la première exposition impressionniste. Le musĂ©e d’Orsay, qui abrite la plus importante collection au monde d’oeuvres de ce mouvement, cĂ©lèbre ce 150eme anniversaire en grand : en conviant son public Ă  redĂ©couvrir cette exposition qui, en 1874, finira par s’inscrire dans le cours de l’histoire de l’art, et en prĂŞtant nombre de chefs-d’oeuvre de sa collection impressionniste Ă  travers toute la France.

• Au musée d’Orsay, l’exposition « Paris, 1874. Inventer l’impressionnisme » rassemble une sélection d’oeuvres ayant figuré à l’exposition impressionniste de 1874, mise en perspective avec des peintures montrées au Salon de cette même année, ainsi que des sculptures : oeuvres aux sujets religieux ou historiques, au « faire » léché, mais où se dessinent de nouvelles tendances, davantage en prise avec la vie contemporaine. En une centaine d’oeuvres, l’exposition célèbre l’anniversaire d’un événement historique aujourd’hui considéré comme le coup d’envoi des avant-gardes.

• Le musée d’Orsay propose également de passer « Un soir avec les impressionnistes, Paris 1874 » en vivant une expédition immersive en réalité virtuelle d’une ampleur inédite qui plonge le public au coeur de la soirée d’inauguration de la première exposition impressionniste, le 15 avril 1874. Equipé de casques à remonter le temps, le visiteur parcourt le Boulevard des Capucines et entre dans les anciens ateliers du photographe Nadar pour découvrir la première exposition impressionniste et les moments clefs qui ont mené à cette aventure humaine et artistique, à la rencontre de Monet, Renoir, Degas, Pissarro, Morisot, etc..

• Enfin, avec « Les 150 ans de l’impressionnisme avec le musĂ©e d’Orsay », opĂ©ration territoriale sans prĂ©cĂ©dent, depuis fĂ©vrier et jusqu’à la fin de l’étĂ©, cet anniversaire est cĂ©lĂ©brĂ© Ă  travers toute la France grâce aux prĂŞts de 178 chefs-d’oeuvre du musĂ©e d’Orsay accordĂ©s Ă  34 institutions musĂ©ales.


Paris, 1874. Inventer l’impressionnisme


Commissariat :

Ă€ Paris :
Sylvie Patry, conservatrice générale du patrimoine / directrice artistique, Mennour, Paris
Anne Robbins, conservatrice Peinture, musée d’Orsay
Assistées de Caroline Gaillard et Estelle Bégué, musée d’Orsay

Ă€ Washington :
Mary Morton, curator and Head of the Department of French Paintings, National Gallery of Art, Washington
D.C. Kimberly A. Jones, curator of 19th-Century French Paintings, National Gallery of Art, Washington D.C.





Cette exposition est organisée par le musée d’Orsay et la National Gallery of Art, Washington où elle sera présentée du 8 septembre 2024 au 19 janvier 2025.

Avec le soutien exceptionnel du Musée Marmottan Monet et de l’Académie des beaux-arts, Paris Avec la participation exceptionnelle de la Bibliothèque nationale de France

Il y a 150 ans, le 15 avril 1874, ouvrait à Paris la première exposition impressionniste. Un groupe d’artistes de tous horizons, parmi lesquels Monet, Renoir, Degas, Morisot, Pissarro, Sisley ou encore Cézanne, décident de s’affranchir des règles et des parcours établis en organisant une exposition indépendante : ainsi naît l’impressionnisme. Le musée d’Orsay célèbre cet anniversaire avec une exposition majeure intitulée Paris 1874. Inventer l’impressionnisme. Forte de quelque 160 oeuvres, celle-ci propose de poser un regard neuf sur cette période-clé.

Paris, 1874 : c’est à cette date, considérée encore aujourd’hui comme le coup d’envoi des avant-gardes, que « s’invente » l’impressionnisme. Que s’est-il passé exactement en ce printemps 1874 ? Quel sens donner aujourd’hui à une exposition devenue légendaire ? Que sait-on d’une manifestation dont on ne conserve aucune image, et où les artistes aujourd’hui qualifiés d’« impressionnistes » étaient en fait largement minoritaires ? Tel est l’enjeu de Paris 1874 : entrer dans la fabrique d’un mouvement artistique émergeant d’un monde en pleine mutation, et revenir sur une exposition visitée en son temps par seuls quelques milliers de curieux, mais dont le retentissement exceptionnel se prolonge jusqu’à aujourd’hui.

Paul Cézanne (1839-1906), Une moderne Olympia (détail), entre 1873 et 1874. Huile sur toile, 46,2 x 55,5 cm. Paris, musée d'Orsay, don de Paul Gachet, 1951 RF 1951 31. © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.

Paul CĂ©zanne (1839-1906), Une moderne Olympia (dĂ©tail), entre 1873 et 1874. Huile sur toile, 46,2 x 55,5 cm. Paris, musĂ©e d’Orsay, don de Paul Gachet, 1951 RF 1951 31. © MusĂ©e d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.

Camille Pissarro (1830-1903), Matinée de juin, Pontoise, 1873. Huile sur toile, 55 x 91 cm. Staatliche Kunsthalle Karlsruhe. Photo Staatliche Kunsthalle.

Camille Pissarro (1830-1903), Matinée de juin, Pontoise, 1873. Huile sur toile, 55 x 91 cm. Staatliche Kunsthalle Karlsruhe. Photo Staatliche Kunsthalle.

Berthe Morisot (1841-1895), La Lecture, 1873. Huile sur toile, 46 x 71,8 cm. Cleveland, The Cleveland Museum of Art, Gift of the Hanna Fund. © Image Courtesy of the Cleveland Museum of Art.

Berthe Morisot (1841-1895), La Lecture, 1873. Huile sur toile, 46 x 71,8 cm. Cleveland, The Cleveland Museum of Art, Gift of the Hanna Fund. © Image Courtesy of the Cleveland Museum of Art.

Édouard Manet (1832-1883), Le Chemin de fer, 1873. Huile sur toile, 93,3 x 111,5 cm. Washington, The National Gallery of Art, don de Horace Havemeyer en mémoire de sa mère, Louisine W. Havemeyer 1956. © Photo Courtesy of National Gallery of Art, Washington.

Édouard Manet (1832-1883), Le Chemin de fer, 1873. Huile sur toile, 93,3 x 111,5 cm. Washington, The National Gallery of Art, don de Horace Havemeyer en mémoire de sa mère, Louisine W. Havemeyer 1956. © Photo Courtesy of National Gallery of Art, Washington.

A partir de recherches neuves, l’exposition fait le point sur les circonstances ayant amené cette trentaine d’artistes, dont sept seulement sont considérés comme « impressionnistes », à se réunir pour montrer leur art en toute indépendance. Le climat de leur époque est celui d’un après-guerre, faisant suite à deux conflits : la guerre franco-allemande de 1870, perdue contre la Prusse, puis une violente guerre civile. Dans ce contexte de crise, les artistes repensent leur art et explorent de nouvelles directions. Avides d’autonomie, contestant un système académique qui le plus souvent les rejette, Monet, Degas, Morisot, Pissarro et leurs amis ou confrères se rassemblent sous forme de société anonyme coopérative pour exposer leur travail, au plein coeur du Paris moderne – au 35 boulevard des Capucines, dans l’ancien atelier du photographe Nadar –, en une présentation qui n’a rien d’homogène. Des scènes de la vie moderne ou de plein-air, à la touche enlevée, rapidement exécutées, y côtoient des tableaux plus conventionnels, de même que des gravures, sculptures et émaux. De cet assemblage d’environ 200 oeuvres, éminemment divers et inclassable, se dégage un désir commun : celui de faire carrière, en parallèle – ou en complément – de la voie officielle, et d’affirmer leur liberté.

Paris 1874. Inventer l’impressionnisme rassemble une sélection d’oeuvres ayant figuré à l’exposition impressionniste de 1874, mise en perspective avec des peintures montrées au Salon de cette même année, ainsi que des sculptures : oeuvres aux sujets religieux ou historiques, au « faire » léché, mais où se dessinent de nouvelles tendances, davantage en prise avec la vie contemporaine. Cette confrontation inédite entre les « indépendants » et les « académiques » permet de revivre et de souligner le choc visuel des oeuvres exposées par les impressionnistes cette année-là, mais aussi de le nuancer.

Invitation Ă  reconsidĂ©rer nos aprioris – en regardant de près la peinture des impressionnistes, et en la replaçant dans le contexte de son Ă©poque – Paris 1874. Inventer l’impressionnisme souligne la richesse et les contradictions de la crĂ©ation contemporaine au printemps 1874. L’exposition prĂ©sente des prĂŞts exceptionnels, notamment Impression, soleil levant de Claude Monet, dont le titre inspire le terme d’« impressionniste » – une moquerie de journaliste qui finira pourtant par donner son nom Ă  ce mouvement artistique et sceller son succès.

Avant tout, Paris 1874. Inventer l’impressionnisme propose au visiteur de s’interroger sur ce qui, en 1874, constitue une oeuvre impressionniste : à quoi tiennent sa différence et sa nouveauté ? Jugée au départ déroutante et bâclée, cette peinture est aujourd’hui unanimement plébiscitée, innervant toute une part de notre univers visuel. Un siècle et demi après son émergence, il est temps de faire le point sur l’impressionnisme tel qu’il éclot au printemps 1874, et de réexaminer sa radicalité

Claude Monet (1840-1926), Impression, soleil levant, 1872. Peinture à l'huile sur toile, 50 x 65 cm. Paris, musée Marmottan Monet, don Eugène et Victorine Donop de Monchy, 1940. © Musée Marmottan Monet / Studio Christian Baraja SLB.

Claude Monet (1840-1926), Impression, soleil levant, 1872. Peinture Ă  l’huile sur toile, 50 x 65 cm. Paris, musĂ©e Marmottan Monet, don Eugène et Victorine Donop de Monchy, 1940. © MusĂ©e Marmottan Monet / Studio Christian Baraja SLB.

Auguste Renoir (1841-1919), Bal du moulin de la Galette, 1876. Huile sur toile, 131,5 x 176,5 cm. Paris, Musée d'Orsay, legs de Gustave Caillebotte, 1894. 2739. © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.

Auguste Renoir (1841-1919), Bal du moulin de la Galette, 1876. Huile sur toile, 131,5 x 176,5 cm. Paris, MusĂ©e d’Orsay, legs de Gustave Caillebotte, 1894. 2739. © MusĂ©e d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.

Eugène Boudin (1824-1898), Ciel bleu, nuages blancs, Vers 1854-1859. Pastel sur papier bleu-gris, 16,2 x 21 cm. Honfleur, Musée Eugène Boudin, legs d’Eugène Boudin, 1899. 899.1.32. Photo : Musée Eugène Boudin, Henry Brauner.

Eugène Boudin (1824-1898), Ciel bleu, nuages blancs, Vers 1854-1859. Pastel sur papier bleu-gris, 16,2 x 21 cm. Honfleur, Musée Eugène Boudin, legs d’Eugène Boudin, 1899. 899.1.32. Photo : Musée Eugène Boudin, Henry Brauner.

Parcours de l’exposition


L’exposition se divise en 11 sections thématiques et comprend 157 oeuvres et documents d’archives, dont 89 peintures, 7 sculptures, 53 oeuvres d’arts graphiques.

Introduction
À Paris, le 15 avril 1874 ouvre une exposition qui marque la naissance d’un mouvement artistique parmi les plus célèbres au monde, l’impressionnisme. Pour la première fois, Monet, Renoir, Degas, Morisot, Pissarro, Cézanne et Sisley se réunissent en toute indépendance pour exposer leurs oeuvres : des tableaux clairs et lumineux, traduisant avec une touche rapide et enlevée leurs impressions fugitives ressenties devant le motif. Ils s’émancipent ainsi du Salon, grande exposition officielle dominant la vie artistique parisienne, et gardienne de la tradition académique. À une époque marquée par des bouleversements politiques, économiques et sociaux, les impressionnistes proposent un art en prise avec la modernité. Leur manière de peindre « ce qu’ils voient, […] comme ils le voient » surprend et déroute. Que s’est-il joué pendant ces quelques semaines ? En une sélection d’oeuvres issues de l’exposition de ces artistes indépendants, ou du Salon, Paris 1874. Inventer l’impressionnisme célèbre le 150e anniversaire d’un printemps décisif. L’exposition explore les coulisses et les enjeux d’un événement devenu légendaire, souvent considéré depuis comme le coup d’envoi des avant-gardes.



Paris entre ruines et renouveau
À Paris, au printemps 1874, le souvenir de la guerre franco-allemande de 1870 et de l’insurrection révolutionnaire de la Commune, l’année suivante, reste très vif. La capitale a été considérablement dégradée par ces événements dramatiques. Dès 1871, la reconstruction commence. Ces travaux prolongent les transformations entamées pendant le Second Empire, sous l’égide du baron Haussmann, préfet de la Seine, comme le percement de grands axes de circulation, l’édification de gares, la création d’espaces verts, ou encore la construction du nouvel Opéra. Le bâtiment de Charles Garnier s’inscrit dans un quartier complètement remodelé avec ses larges avenues et ses grands boulevards. C’est au coeur du Paris des affaires, du luxe et des spectacles, en plein renouveau, que se tient la première exposition impressionniste.



1. Chez Nadar
À la fin des années 1860, des artistes, parmi lesquels, Monet, Sisley, Renoir, Degas, Pissarro et Bazille élaborent, en pleine nature ou en ville, une peinture neuve, toute d’atmosphère et de perception, à la touche enlevée. Ils sont rassemblés en réseaux d’amitiés, ou liés par des affinités esthétiques, et réfléchissent à s’associer pour organiser leur propre exposition – hors des circuits officiels et du système du Salon, dont ils sont souvent exclus. Bazille est confiant : « Nous sommes sûrs de réussir. Vous verrez qu’on parlera de nous ». La guerre de 1870, qui les sépare, en mobilise certains, et fauche Bazille, brise leur élan. Leur projet d’exposition indépendante ne prend forme que trois ans plus tard, consolidé par l’intérêt manifeste de certains collectionneurs et marchands, dont Paul Durand-Ruel. Ces artistes se constituent en « Société anonyme des peintres, sculpteurs, graveurs, etc. », et partent à la recherche d’adhérents supplémentaires. Degas, qui « s’agite et travaille l’affaire, avec assez de succès », trouve un local à l’emplacement idéal, près du nouvel opéra : l’ancien atelier du photographe Nadar, au 35 boulevard des Capucines. « Il y a là de l’espace et une situation unique », note Degas : sept ou huit salles, sur deux niveaux, en pleine lumière, desservies par un ascenseur. Autre nouveauté, l’exposition sera ouverte en nocturne, éclairée au gaz, pour attirer une clientèle plus large. « Si on remue ainsi quelques milliers de gens, ce sera beau », espère Pissarro.

2. Peindre le présent, exposer par soi-même
Le 15 avril 1874, l’exposition de la « Société anonyme » ouvre ses portes, avec quelque 200 œuvres sélectionnées par les artistes eux-mêmes – sans la sanction d’un jury, ni l’entremise d’un marchand. Elles sont accrochées par leurs soins, dans l’ancien atelier de Nadar, sur des murs tapissés de laine brun-rouge. Il ne subsiste de cette exposition, pour s’en faire une idée, que des témoignages écrits et son livret. La première salle, évoquée ici, sans doute installée par Renoir, fait la part belle à sa peinture, avec d’éblouissants instantanés de la vie moderne, du Paris de la mode et des divertissements : ses boulevards, ses danseuses et ses spectateurs, autant de motifs également observés par Monet et Degas. « Vous qui entrez, laissez tout préjugé ancien ! », prévient le critique Prouvaire, notant quelques jours après l’ouverture que certains des tableaux de cette exposition sans nom – puisqu’anonyme – « donnent avant tout « l’impression » des choses, et non leur « réalité même ».

3. 15 avril 1874 : une exposition indépendante et éclectique
L’exposition rĂ©unit 31 artistes ayant surtout en commun d’avoir payĂ© leur cotisation. Ils sont d’âges et d’horizons divers : près de 40 ans sĂ©parent le doyen Adolphe-FĂ©lix Cals du cadet LĂ©on-Paul Robert, et le milieu social des grands bourgeois Degas ou Morisot est très Ă©loignĂ© de celui de l’anarchiste Pissarro et des communards Ottin et Meyer. Ce n’est pas non plus un principe esthĂ©tique qui les rassemble, mais plutĂ´t une mĂŞme volontĂ© d’exposer librement et de vendre leur travail. Leurs oeuvres sont d’une Ă©tonnante variĂ©tĂ© de sujets, de techniques et de styles. On y trouve deux fois moins de peintures que d’oeuvres sur papier, dont une quarantaine d’estampes, de mĂŞme qu’une dizaine de sculptures et quelques Ă©maux. Des paysages très esquissĂ©s, des scènes de chasse ou de course, voire une vue de maison close, cĂ´toient des gravures d’après Holbein, des intĂ©rieurs de synagogue ou un buste d’Ingres. L’entrĂ©e est payante, ainsi que le catalogue, et les oeuvres sont assez onĂ©reuses. 3 500 visiteurs environ verront l’exposition. La sociĂ©tĂ©, largement dĂ©ficitaire, sera dissoute. Seule une poignĂ©e de peintures de Sisley, Monet, Renoir et CĂ©zanne, trouvent preneur. Un critique raille la « forte quantitĂ© de croĂ»tes », tandis que d’autres discernent « sept ou huit oseurs, des Ĺ“uvres desquels […] s’échappe un impĂ©rieux sentiment du vrai ».

4. Le Salon de 1874
Au Palais de l’Industrie et des Beaux-Arts, avenue des Champs-Élysées – à vingt minutes à pied du boulevard des Capucines –, le Salon ouvre ses portes le 1er mai 1874. Incontournable vitrine de la production artistique du moment, cette gigantesque exposition officielle est un événement annuel où le public se presse en masse. Il est aussi essentiel pour les artistes, car depuis deux siècles, c’est là que se jouent leur succès et leur carrière. Soigneusement sélectionnés par un jury sous l’égide de la Direction des Beaux-Arts, plusieurs milliers d’oeuvres se côtoient, dont près de 2 000 peintures accrochées bord à bord : « grandes machines » – immenses tableaux à sujet historique, religieux ou mythologique –, scènes de genre anecdotiques, tableaux « orientalistes », nombreux paysages ou portraits léchés. La plupart de ces oeuvres sont à mille lieues des tableaux « trop frais peints » des futurs impressionnistes, parfois arbitrairement rejetés dans les années 1860. En 1874, même si son jury est particulièrement sévère, le Salon n’est « ni plus mauvais ni meilleur » que les années précédentes, selon le critique Castagnary : « Ce qui lui fait défaut, c’est l’oeuvre capitale […] qui […] devient une date dans l’histoire de l’art. » En effet, cette année-là, l’exposition qui passera à la postérité n’est pas le Salon.

5. Le Salon, la guerre et la défaite
En parcourant les 24 salles de peintures du Salon, le romancier et critique d’art Émile Zola se lamente : « Des tableaux, toujours des tableaux », des salles « long[ues] comme de Paris en Amérique », puis descend vers la nef des sculptures, aspirant à « fumer un cigare ». Il observe que les oeuvres qui passionnent le public sont « les scènes tragiques de la dernière guerre » qui s’est soldée par la défaite de la France face à la Prusse. Ces peintures et ces sculptures résonnent auprès des visiteurs, qu’il s’agisse de représentations directes, comme la scène de bataille de Detaille illustrant la tragique journée de Reichshoffen, le 6 août 1870, ou nettement plus symboliques comme le tableau de Maignan, un épisode de la conquête normande, évoquant le sacrifice et le deuil. En 1874, bien des artistes, officiels ou indépendants, ont vu cette guerre de près. Le Salon, qui en 1872 avait exclu des oeuvres sur ce sujet d’une actualité encore très vive, s’est ouvert à ce thème contrairement à celui de la Commune, qui n’y sera pas représentée. Les futurs impressionnistes se détournent de ces deux sujets au profit d’autres aspects de leur époque.

6. Convergences
En 1874, le Salon, tout comme la première exposition dite « impressionniste » dont il diffère apparemment en tout point, par son échelle et ses principes d’organisation – montre des œuvres offrant une certaine vision du présent. Cette institution séculaire n’est plus la vitrine d’un art exclusivement académique ; des oeuvres tout à fait radicales, comme Le Chemin de fer de Manet y trouvent leur place. Manet, invité quelques semaines auparavant par ses confrères à exposer avec eux au 35 boulevard des Capucines, refuse obstinément, car il ne veut pas s’abstraire du Salon – selon lui le seul véritable champ de bataille pouvant mener au succès. Tous les artistes qui en sont rejetés – comme Éva Gonzalès, avec une peinture de la vie moderne, ne rallient pas pour autant l’exposition indépendante. Enfin, pas moins de douze artistes préfèrent multiplier leurs chances d’être vus, et de vendre, en présentant simultanément des oeuvres à l’exposition de la Société anonyme et au Salon. Même parmi les futurs impressionnistes, tous ne sont pas définitivement « revenus » du Salon ; beaucoup y retourneront quatre ou cinq ans plus tard. Outre deux importants tableaux « refusés », cette section rassemble les oeuvres d’artistes présents à la fois à la première exposition impressionniste et au Salon de 1874. La ligne de partage entre tradition et avant-garde est, en 1874, encore très poreuse.

7. La vie moderne comme motif
En 1863, le poète Charles Baudelaire fait de la « modernité » – un mot apparu au XIXe siècle – une composante du beau. Industrialisation, mondialisation, urbanisation : tout change rapidement. À l’exposition de 1874, une trentaine de tableaux font écho à ces évolutions et à l’avènement d’un mode de vie urbain et bourgeois, de la sphère domestique aux rues de Paris rénovées, en passant par le développement des loisirs et des lieux de spectacle. En dehors de Degas, qui montre une blanchisseuse en plein travail, les impressionnistes peignent surtout la « high life », comme on dit alors pour désigner la haute société. Au Salon aussi, on peut voir des scènes de la vie moderne, mais souvent abordées de manière anecdotique ou moralisatrice. Pour les impressionnistes, le temps présent n’est pas seulement un réservoir de sujets nouveaux. C’est une manière neuve de voir et de peindre un monde en proie à l’accélération du temps et en perpétuel mouvement. Ils rapprochent ainsi l’art de la vie.

8. L’Ecole du plein air
C’est sous cette bannière que le critique Ernest Chesneau rassemble certains des participants à l’exposition de la Société anonyme de 1874. Cette manière de peindre rapidement, sur le motif, la nature et les effets changeants de l’atmosphère, se pratique pourtant depuis la fin du XVIIIe siècle. Cependant les impressionnistes innovent, car s’ils n’exécutent pas intégralement leurs tableaux en extérieur, ils placent au coeur du processus de travail de l’oeuvre aboutie ce qui n’était pour leurs prédécesseurs qu’un exercice, une étape préparatoire. L’importance accordée au paysage par Monet, Sisley et Pissarro reflète aussi un goût plus général. Depuis le milieu du XIXe siècle, au Salon comme sur le marché de l’art, le paysage s’affirme comme le « genre moderne », dans l’esprit du temps. Chintreuil et Daubigny, peintres de la génération précédente, présents au Salon en 1874, revitalisaient déjà une production de paysages en phase avec la nostalgie du public pour une campagne vue comme éternelle et intacte, au moment-même où la nature est menacée par l’urbanisation et l’industrialisation.

9. Faire sensation : « impression » et avant-garde
Impression, soleil levant a-t-il vraiment donné son nom à l’impressionnisme en 1874 ? C’est à la fois vrai et faux. Le titre du tableau a en effet inspiré, avec d’autres paysages de Monet, Pissarro et Sisley, le mot « impressionniste » au journaliste Louis Leroy, ironisant sur cette nouvelle peinture. Mais, hormis ce sarcasme, le mot ne s’impose pas encore et le tableau, passé à peu près inaperçu en 1874, ne devient célèbre qu’au début du XXe siècle. Avec cette « impression », Monet transgresse les usages. Il affirme ainsi son désir de transcrire un effet fugitif de la lumière, une sensation subjective, plutôt que de décrire un lieu. Cette intention était probablement renforcée par la présence dans l’exposition de 1874 de pastels accrochés à proximité, et d’études de ciel de son maître, Eugène Boudin, car, contrairement aux usages du Salon officiel, les impressionnistes exposaient ensemble dessins et peintures. Cette quête d’instantanéité ne signifie pas que les tableaux impressionnistes sont peints en une seule fois sur le motif. Impression, soleil levant a réclamé plusieurs séances. Il s’agit pourtant de préserver, y compris quand l’oeuvre est retravaillée en atelier, la fraîcheur de la sensation première, de donner l’impression d’une impression.

10. 1877 : l’exposition des impressionnistes
Le 4 avril 1877, la troisième exposition des impressionnistes ouvre ses portes, grâce à la détermination et au financement de Gustave Caillebotte, recrue récente, à la fois peintre et mécène. Elle succède aux expositions de 1874 et de 1876. Décevantes d’un point de vue commercial, elles ont néanmoins installé l’idée qu’un mouvement nouveau était né. Ainsi, pour la première et unique fois, les artistes qui exposent en ce printemps 1877 se proclament « impressionnistes ». Ils publient même un journal sous ce titre. Dans un vaste appartement parisien situé au 6 rue Le Peletier sont présentées 245 œuvres de 18 artistes dont deux femmes, Berthe Morisot et la marquise de Rambures, une amie de Degas. Par son exceptionnelle qualité et la primauté accordée à la célébration de la vie moderne, l’édition de 1877 restera peut-être la plus impressionniste de toutes ces expositions. Cinq autres manifestations collectives suivront jusqu’en 1886, mais aucune n’aura la force d’un manifeste. Résolument rétifs à toute théorie, profondément individualistes, les impressionnistes n’en continueront pas moins d’inventer de nouvelles manières de voir et de peindre le monde.




#Catalogue d’exposition, Sous la direction de Sylvie Patry et Anne Robbins, Paris, musée d’Orsay. Coédition : Musées d’Orsay et de l’Orangerie / RMN-GP. Ce catalogue examine sous un jour neuf une exposition devenue légendaire et longtemps considérée comme une rupture et le point de départ des avant-gardes. Il la replace dans le contexte de l’époque, en la confrontant avec ce que le public a l’habitude de voir au Salon officiel, à la fois tribune incontournable où les artistes jouent leurs carrières mais aussi conservatoire d’une tradition qui s’essouffle. Rassemblant les meilleurs spécialistes, cet ouvrage richement illustré raconte comment, il y a cent cinquante ans, des artistes ont affirmé leur liberté et leur indépendance pour changer le cours de l’histoire.