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“Faisons corps” Récits intimes, histoire collective, au MAIF Social Club, du 30 mars 2024 au 4 janvier 2025

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“Faisons corps” Récits intimes, histoire collective

au MAIF Social Club, Paris

du 30 mars 2024 au 4 janvier 2025

MAIF Social Club


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©Sylvain Silleran, présentation presse, le 27 mars 2024.

Texte Sylvain Silleran

Andrea Scholze, Juste pour être là, 2021. Mousse de polyuréthane, polymère, céramique, mastic, vernis, métal. © Susann- Jamtøy.

Andrea Scholze, Juste pour être là, 2021. Mousse de polyuréthane, polymère, céramique, mastic, vernis, métal. © Susann- Jamtøy.

Élisabeth Daynès, Human II, 2016/2014. Sculpture hyperréaliste et image en trois dimensions. © Élisabeth Daynès.

Élisabeth Daynès, Human II, 2016/2014. Sculpture hyperréaliste et image en trois dimensions. © Élisabeth Daynès.

Sophie de Oliveira Barata, Crystal nexus, 2024. Verre et cristaux. © Omkaar Kotedia.

Sophie de Oliveira Barata, Crystal nexus, 2024. Verre et cristaux. © Omkaar Kotedia.

Le corps, le voilà dans ses détails les plus intimes: une tapisserie de Roxane Andrès nous le présente, grandeur nature. Inspiré des planches anatomiques, il est un hommage au travail traditionnel des femmes, leurs gestes répétés brodant, tissant, cousant. Son diagramme anatomique en épaisse laine est enlevé, coloré, festif, il tient du folklore joyeux, d’une société chaleureuse à l’échelle d’un village. On peut soulever poumons et autre organes pour découvrir dessous d’autre éléments, d’autres énergies, retrouver la douceur des livres en tissu pour enfants. Ce corps-labyrinthe, expérience sensible, ouvre une porte sur quelque chose d’universel. Un parcours où le commissariat de Nawal Bakouri présente une diversité de points de vues plutôt rafraichissante, une exposition-rencontre surprenante, brouillant les pistes et trompant nos sens. Joli programme !

L’anatomie écorchée des costumes de tissu de Daisy Collingridge présente deux corps plantureux saisis dans une étreinte. Une planche anatomique du XVIéme siècle devenue grande peluche est à la fois douce et effrayante. L’amour et la mort s’embrassent, la viande qui nous compose, source de désir, révèle aussi une réalité troublante, une fragilité insupportable. Autre vision de ce qui se passe sous notre peau, l’hologramme d’Elisabeth Daynes, un travail de reconstitution de visage d’après des ossements trouvés lors de fouilles archéologiques. Un ‘curieux’ se penche pour regarder cette image, une sculpture hyperréaliste que l’on prend d’abord pour un vrai visiteur. Ce curieux contemple donc son ancêtre, une image scientifique mais qui se perd entre tribalisme et punk de science-fiction.

Du corps individuel au corps social, les bannières de Ed Hall sont peintes pour des collectifs militants et syndicats. Des œuvres célèbres sans galerie ni musée puisqu’elles passent aux informations télévisées avec les images des manifestations. Il y illustre les luttes pour le droit des travailleurs, les mouvements de professeurs, l’exigence de droits sociaux, les grèves des ‘filles de harengs’. Aujourd’hui la nouvelle conscience écologique prolonge le corps à toute la planète, « les noisettes ne poussent pas sur une planète morte » écrit-il.

On passera rapidement sur l’inévitable évocation du migrant, figure obligatoire désormais de toute exposition contemporaine, pour traverser avec un bonheur simple l’installation de Jacob Dahlgren et ses rubans de satin suspendus. Une forêt multicolore dans laquelle nous sommes invités à nous perdre, à laisser nos sens troublés se laisser guider par notre intuition. Peut-être y rencontrerons-nous quelqu’un qui s’y est égaré comme nous? Lights contact de Grégory Lasserre et Anaïs met den Ancxt propose exactement cela: une petite sphère de métal sur laquelle on est invité à poser sa main. Il ne se passe rien. Il faut inviter une autre personne à nous toucher l’autre main pour que l’énergie statique accumulée allume une lumière colorée et déclenche des nappes sonores. Cette œuvre pousse à rencontrer l’autre, force les corps à entrer en contact, les êtres à communiquer sans écran, retrouver un language corporel élémentaire, deux doigts qui se touchent, toute la main peut-être, qui sait ? Une communication vernaculaire en quelque sorte, sans même un langage. Nos énergies deviennent visibles, roses, jaunes, et si une troisième personne se joignait à nous, comment le son évoluerait-il ?

Travail de Myriam Mechita rend hommage à la grande artiste féministe Judy Chicago. Un grand dessin au crayon d’une contorsionniste de cirque dont le corps se plie, l’image de la contorsion des femmes pour se conformer aux normes sociales et économiques qui leur sont imposées. La femme habituée à ce rôle, à cette dissociation, sourit, immune à la douleur. Elle sourit comme une artiste fardée sous les projecteurs. Mais cette douleur sera ressentie, la souffrance ne viendra qu’au moment de se relever et de tenter de se tenir droit, nous explique l’artiste. Son corps fragmenté s’éparpille en petits morceaux de céramique colorée, puzzle identitaire de petits bijoux. Yeux, tête, pieds, mains ou oreilles à l’aspect de corail hésitent entre préciosité et monde enfantin.

Ce corps blessé, mutilé, n’a pas dit son dernier mot. La prothèse de Sophie de Oliveira Barata le prolonge avec splendeur. Sa jambe de cristal, de métal, de quartz est une œuvre de joaillerie, une machine argentée futuriste, un ‘must’ de fashionista. Le gentil géant d’Andrea Scholze, est un corps-monstre aux grands yeux. Un être difforme et effrayant, d’une stature impressionnante, est contredit par la fragilité de ses matériaux, mousse de polyuréthane, mastic, céramique dégoulinante. Il nous raconte alors une autre histoire. D’ailleurs dans ses grands yeux vides se lit la détresse d’un petit enfant perdu dans un corps trop grand, l’errance de nos consciences prisonnières d’une chair qui n’est que mystère. Cet autre, le premier autre, n’est-il pas d’abord celui qui nous regarde depuis l’autre côté du miroir ?

Sylvain Silleran

Myriam Mechita, Les pièges des rêves perdus, 2019/2024.Céramique et émaux. © Myriam Mechita.

Myriam Mechita, Les pièges des rêves perdus, 2019/2024.Céramique et émaux. © Myriam Mechita.

Roxane Andrès, AnatomIA, 2024. Tapisserie, textiles et broderies. © Roxane Andrès.

Roxane Andrès, AnatomIA, 2024. Tapisserie, textiles et broderies. © Roxane Andrès.

Daisy Collingridge, Lean on me (burt and hillary), 2021. Ouate et tissus. © Daisy Collingridge.

Daisy Collingridge, Lean on me (burt and hillary), 2021. Ouate et tissus. © Daisy Collingridge.


Extrait du communiqué de presse :

Commissariat :
Nawal Bakouri

Scénographie :
Klapisch • scénographes / Marianne Klapisch / Laura Thavenot




Artistes :

Roxanne Andrès / Le studio sMarin / Nicolas Guiet / Elisabeth Daynès / Myriam Mechita / Andrea Scholze / Jacob Dahlgren / Sophie de Oliveira Barrata / Daisy Collingridge / Scenocosme – Grégory Lasserre et Anaïs met den Ancxt / Arnaud Adami / Barthélémy Toguo / Ed Hall / Laurent Perbos




C’est quoi un corps ?

Gros, maigre, grand, petit, jeune, vieux, sain, malade… hors norme ou normé, le corps est l’objet de nombreuses préoccupations.

On le caractérise généralement dans nos sociétés occidentales comme la partie matérielle d’un être animé, unie à une partie immatérielle qui serait l’esprit ou l’âme. En anatomie et en médecine, il est décrit comme la structure physique d’un être vivant dont le bon fonctionnement garantit la santé. Le corps constituerait ainsi une matérialité immédiatement saisissable et palpable, à la manière d’une enveloppe, voire d’une coquille. Pourtant, ce que l’on désigne ordinairement sous ce terme pourrait recouvrir une réalité plus complexe.

Notre corporéité et la façon d’interagir sensoriellement et intimement avec le monde nourrissent la perception et la compréhension que nous avons de celui-ci. Le corps nous permet ainsi d’accéder à notre environnement et de lui donner un sens. C’est en lui que s’enracinent notre sentiment d’une existence incarnée, partagée avec autrui, et notre identité, reflet des interactions constantes que le corps entretient avec lui-même et avec l’extérieur.

Par les liens qu’il tisse avec une infinité d’autres, le corps serait en somme la zone de contact entre le « je » et le « nous ». Le respect de l’environnement devient alors une éthique des corps et une responsabilité collective envers le vivant. Les luttes émancipatrices, raciales, féministes, sociales et écologiques relèvent dès lors d’une même prise de conscience de l’exploitation de nos écosystèmes et des corps qui l’habitent.

C’est le vaste sujet de l’exposition que vous vous apprêtez à découvrir. Une exploration d’un corps attentif et sensible évoluant dans un environnement fragile.




Parcours de l’exposition


Mesurer nos forces
Dans cette première partie, l’exposition nous plonge dans le corps anatomique.

On y explore notre intérieur en soulevant les enveloppes de l’écorchée tissée par la plasticienne Roxane Andrès. Place ensuite aux échauffements sur les sChaises de la designeure Stéphanie Marin. En nous invitant à reproduire une chorégraphie de bureau, l’artiste nous questionne sur les multiples injonctions à la bonne santé et au corps performant. Enfin, inspiré par le Modulor de l’architecte Le Corbusier, Nicolas Guiet nous propose d’interagir avec sa sculpture et rappelle, ce faisant, que notre corps est l’échelle de notre rapport au monde.

Identifier d’où nous parlons
Confrontons-nous à présent à nos singularités et à nos identités multiples. Le trouble opère à la rencontre du Curieux, sculpture hyperréaliste d’Élisabeth Daynès. Avec lui, nous nous interrogeons sur l’origine de notre humanité. En continuant notre chemin, nous faisons face au dessin d’une contorsionniste et à un corps fragmenté. Par ces deux oeuvres, Myriam Mechita évoque les femmes contraintes jusqu’à l’éclatement par les multiples attentes de la société. À côté, la sculpture monumentale d’Andrea Scholze nous permet de regarder avec tendresse notre monstre intérieur, mais nous interpelle aussi sur notre peur de l’altérité.

Se mettre en mouvement
C’est à travers la motricité et les perceptions que la troisième partie de l’exposition invite à Se mettre en mouvement. En pénétrant l’oeuvre de Jacob Dahlgren, nous pouvons physiquement traverser la couleur et percevoir le mouvement. Dans une vitrine, exposée tel un bijou, la prothèse ouvragée de la designeure Sophie de Oliveira Barata, conçue pour sublimer celui qui la porte, nous rappelle la beauté de tous les corps et déplace notre regard sur le handicap. Enfin, à travers l’étreinte de Burt et Hillary, Daisy Collingridge nous murmure que le mouvement est le premier pas pour rentrer en contact avec l’autre et ses sentiments.

Agir de tous nos corps
Dans cette dernière partie, nous sommes amenés à faire corps. En s’activant lorsque nous nous rapprochons les uns des autres, l’oeuvre de Scenocosme met en lumières et en sons la force du collectif. Impossible toutefois de ne pas évoquer les corps exclus et/ou exploités. Sur un tableau qui renvoie à la peinture classique, Arnaud Adami célèbre les travailleurs et travailleuses précaires d’un système uberisé. Barthélémy Toguo, quant à lui, aborde les corps déconsidérés des personnes en situation d’exil par des tampons qui rappellent ceux que collectionnent les voyageurs occidentaux. Avec ses bannières tissées, Ed Hall illustre la force et la créativité de l’action collective et nous rappelle que l’on peut concrètement combattre l’exploitation rationalisée des personnes et de nos environnements.

Hors parcours
Au sortir de l’exposition, Laurent Perbos nous invite à rejoindre la piste de danse. Son oeuvre, inspirée du ballon de basket et de la boule à facettes, invite à engager nos corps dans un destin commun. Le sport est ici abordé non pas comme une performance, mais plutôt comme un élément fédérateur et populaire. Il conclut le parcours dans la liesse des regroupements, que celle-ci naisse de la fête, du sport… ou des luttes militantes.