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🔊 “La collection : revoir Picasso” au MusĂ©e national Picasso, Ă  partir du 12 mars 2024

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“La collection : revoir Picasso”
Nouvel accrochage de la collection

au Musée national Picasso, Paris

Ă  partir du 12 mars 2024

Musée national Picasso


Interview de CĂ©cile Godefroy, Responsable du Centre d’Etudes Picasso, et co-commissaire de l’exposition, par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 11 mars 2024, durĂ©e 19’00, © FranceFineArt.

PODCAST –  Interview de CĂ©cile Godefroy, Responsable du Centre d’Etudes Picasso, et co-commissaire de l’exposition,


par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 11 mars 2024, durĂ©e 19’01,
© FranceFineArt.


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La collection : revoir Picasso; Nouvel accrochage de la collection
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©Anne-Fréderique Fer, présentation presse, le 11 mars 2024.

Extrait du communiqué de presse :

Commissariat :

Cécile Debray, Présidente du Musée national Picasso-Paris

Sébastien Delot, Directeur de la conservation et des collections, Musée national Picasso-Paris

CĂ©cile Godefroy, Responsable du Centre d’Etudes Picasso

Virginie Perdrisot, Conservatrice du patrimoine, Musée national Picasso-Paris

Johan Popelard, Conservateur du patrimoine, Musée national Picasso-Paris

Joanne Snrech, Conservatrice du patrimoine, Musée national Picasso-Paris




Le MusĂ©e national Picasso-Paris retrouve sa collection dĂ©ployĂ©e sur trois Ă©tages, Ă  partir du 12 mars prochain ; aprĂšs une annĂ©e de cĂ©lĂ©bration et la magistrale exposition consacrĂ©e Ă  l’artiste Sophie Calle. Dix ans aprĂšs la rĂ©ouverture du musĂ©e, la collection s’installe de maniĂšre pĂ©renne dans l’écrin de l’HĂŽtel SalĂ©.

Fruit d’une histoire hors du commun, la constitution de la collection du MusĂ©e national Picasso-Paris a Ă©tĂ© rendue possible grĂące au dispositif de la dation – aujourd’hui c’est la plus importante collection publique d’oeuvres de Picasso, les « Picasso de Picasso ». Issue des ateliers de l’artiste, cette collection nous permet de mieux saisir les explorations esthĂ©tiques de ce Picasso tour Ă  tour : dĂ©concertant, pluriel, contradictoire, rĂ©flexif, gestuel et conceptuel, esthĂšte et engagĂ©, bricoleur et poĂšte. Est-il symboliste, cubiste, classique, surrĂ©aliste ou tout simplement figuratif et politique ?

Pablo Picasso, Verre, bouteille de vin, paquet de tabac, journal (mars 1914). © Succession Picasso 2024. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Mathieu Rabeau.

Pablo Picasso, Verre, bouteille de vin, paquet de tabac, journal (mars 1914). © Succession Picasso 2024. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Mathieu Rabeau.

Pablo Picasso, Portrait de Marie-ThérÚse (6 janvier 1937). © Succession Picasso 2024. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Adrien Didierjean.

Pablo Picasso, Portrait de Marie-ThérÚse (6 janvier 1937). © Succession Picasso 2024. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Adrien Didierjean.

Pablo Picasso, Maternité (30 août 1971). © Succession Picasso 2024. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Adrien Didierjean

Pablo Picasso, Maternité (30 août 1971). © Succession Picasso 2024. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Adrien Didierjean

Pablo Picasso, Le Peintre et son modÚle (été 1914). © Succession Picasso 2024. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Mathieu Rabeau.

Pablo Picasso, Le Peintre et son modÚle (été 1914). © Succession Picasso 2024. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Mathieu Rabeau.

Lieu ouvert et vivant, le musĂ©e se saisit des questions de sociĂ©tĂ© pour interroger Ă  travers la traversĂ©e de son oeuvre, celle de sa rĂ©ception, c’est-Ă -dire celle du peintre le plus renommĂ©, le plus regardĂ©, mais Ă©galement le plus discutĂ©. C’est Ă©galement l’occasion de consacrer des expositions dossiers ou des contrepoints, au coeur des collections. Le premier de cette sĂ©rie rend hommage Ă  l’artiste Françoise Gilot, rĂ©cemment disparue. Au-delĂ  de son cĂ©lĂšbre ouvrage intitulĂ© Vivre avec Picasso, publiĂ© en 1965 – le parcours de l’artiste est Ă©voquĂ© depuis sa proximitĂ© avec le groupe des RĂ©alitĂ©s nouvelles aux grandes compositions totĂ©miques des « peintures emblĂ©matiques » des annĂ©es 1980.

DĂ©veloppĂ©e sur 22 salles, cette nouvelle prĂ©sentation rassemble prĂšs de 400 oeuvres : peintures, sculptures, assemblages, cĂ©ramiques, dessins ou estampes, de toutes les pĂ©riodes qui permettent d’offrir le tĂ©moignage de l’ampleur de ses explorations.

Pour l’occasion, un appareil critique a Ă©tĂ© conçu Ă  partir d’une documentation abondante (provenant des archives exceptionnelles du musĂ©e) : revues, photographies, ouvrages, films, correspondances, ainsi que des textes de salles permettant de saisir le contexte culturel de la crĂ©ation de ces oeuvres.

La prĂ©sence d’oeuvres de sa collection, des tableaux d’Henri Matisse ou de Paul CĂ©zanne, des sculptures anonymes d’Afrique ou d’OcĂ©anie, rĂ©vĂšle le dialogue constant que celui-ci a entretenu avec d’autres crĂ©ateurs.

L’oeuvre de Pablo Picasso enregistre soigneusement le monde qui l’entoure. Picasso dĂ©veloppe sa propre thĂ©orie de l’histoire : il montre comment toute mĂ©moire est associĂ©e Ă  des archives de donnĂ©es et d’images. Conçu en Ă©troite complicitĂ© avec Joris Lipsch de l’agence scĂ©nographique Studio Matters, le parcours a Ă©tĂ© le fruit d’un commissariat collectif de la conservation. Il s’est construit de maniĂšre Ă  favoriser dĂ©tours et redĂ©couvertes.

Pablo Picasso, Joueur de diaule assis (1956). © Succession Picasso 2024. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Adrien Didierjean.

Pablo Picasso, Joueur de diaule assis (1956). © Succession Picasso 2024. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Adrien Didierjean.

Pablo Picasso, Homme à la cheminée (1916). © Succession Picasso 2024. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Adrien Didierjean.

Pablo Picasso, Homme à la cheminée (1916). © Succession Picasso 2024. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Adrien Didierjean.

Pablo Picasso, Femme au fauteuil rouge (27 janvier 1932). © Succession Picasso 2024. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Mathieu Rabeau.

Pablo Picasso, Femme au fauteuil rouge (27 janvier 1932). © Succession Picasso 2024. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Mathieu Rabeau.


Le parcours




1. INTRODUCTION

L’art est un mensonge qui nous permet d’approcher la vĂ©ritĂ©. Pablo Picasso (Malaga 1881 – Mougins 1973)

La traversĂ©e de l’oeuvre de Pablo Picasso, c’est aussi celle de la rĂ©ception du peintre le plus renommĂ©, le plus regardĂ©, le plus Ă©tudiĂ© mais aussi le plus discutĂ©. Abritant la plus riche collection publique d’oeuvres de l’artiste, le MusĂ©e national Picasso-Paris conserve une grande part de ces « Picasso de Picasso » qu’il garda auprĂšs de lui sa vie durant. La collection reflĂšte ainsi la dimension expĂ©rimentale et l’extraordinaire diversitĂ© du travail de cet artiste qui incarne dans une large mesure l’art moderne du XXe siĂšcle. Inventeur du cubisme, acteur du surrĂ©alisme, peintre figuratif engagĂ©, Picasso n’a cessĂ© de se renouveler, inventant tout au long de sa vie de nouvelles maniĂšres de reprĂ©senter le rĂ©el. Peintures, sculptures, assemblages, cĂ©ramiques, dessins ou estampes de toutes les pĂ©riodes tĂ©moignent de l’ampleur de ses explorations. La prĂ©sence de tableaux d’Henri Matisse ou de Paul CĂ©zanne, de sculptures d’artistes anonymes d’Afrique ou d’OcĂ©anie qui appartenaient Ă  Picasso rĂ©vĂšle le dialogue constant que celui-ci a entretenu avec d’autres crĂ©ateurs. Les archives personnelles de l’artiste, donnĂ©es par les hĂ©ritiers en 1992 et riches de plus de deux cent mille piĂšces, apportent enfin Ă  cette collection une Ă©paisseur documentaire et culturelle unique.


2. NOCTURNES

À Barcelone, dĂšs 1895, le jeune Pablo Picasso, Ă©tudiant des Beaux-Arts, frĂ©quente les thĂ©Ăątres et les cafĂ©s-concerts de l’EdĂ©n et du Paralelo dont il dĂ©peint l’atmosphĂšre vibrante et colorĂ©e. AprĂšs un premier sĂ©jour, Ă  l’occasion de l’Exposition universelle de 1900, l’artiste s’installe Ă  Paris en 1904. En compagnie d’autres expatriĂ©s catalans ou de ses amis poĂštes Max Jacob et Guillaume Apollinaire, il mĂšne l’existence prĂ©caire de la vie de bohĂšme, loge et travaille dans un atelier Ă  Montmartre, frĂ©quente les salles de spectacle de la place de Clichy, le cirque Medrano et le cabaret Au Lapin agile. Son oeuvre, Ă  la suite d’autres artistes comme Henri de Toulouse-Lautrec ou Edgar Degas, se nourrit de ses observations du monde du spectacle et de la nuit, des rapports de classe et de genre qui s’y donnent Ă  voir exacerbĂ©s. CĂ©lĂ©britĂ©s et marginaux, chanteuses et acrobates peuplent ses peintures dites de la pĂ©riode « bleue » ou « rose », aux accents souvent plus sombres et tragiques que festifs.


3. LE TOURNANT RADICAL

À partir de 1906, fort de sa dĂ©couverte de la peinture de Paul CĂ©zanne et d’Henri Matisse, de sa rencontre avec la poĂšte Gertrude Stein, Pablo Picasso rĂ©interroge la tradition de l’art occidental. DĂšs l’étĂ© 1906, il expĂ©rimente un nouveau langage caractĂ©risĂ© par un traitement massif et simplifiĂ© des formes, une stylisation des traits du visage en masque et une franche rĂ©duction de la palette chromatique. Ce questionnement fondamental des moyens de la reprĂ©sentation prĂ©pare le travail autour du tableau Les Demoiselles d’Avignon (1907, Museum of Modern Art, New York), qui constituera un jalon fondateur dans la dĂ©finition du modernisme artistique occidental. Face au canon acadĂ©mique, l’art ibĂ©rique archaĂŻque, la sculpture mĂ©diĂ©vale catalane, puis les arts africains et ocĂ©aniens que Picasso dĂ©couvre dĂšs 1907 au musĂ©e d’ethnographie du TrocadĂ©ro offrent autant de contre-modĂšles Ă  partir desquels l’artiste construit un nouveau langage formel.


4. CUBISME

Avec l’invention du cubisme, Pablo Picasso et le peintre Georges Braque transposent de maniĂšre littĂ©rale la formule de Paul CĂ©zanne, qui invitait Ă  traiter « la nature par le cylindre, la sphĂšre, le cĂŽne, le tout mis en perspective ». La multiplication des lignes et des plans superposĂ©s brise les formes, les fait Ă©clater dans des harmonies de gris et de bistre. Motifs et fonds tendent Ă  se confondre. Se perçoit-lĂ , dans ces expĂ©rimentations autour de la reprĂ©sentation sur une toile plane d’un volume dans l’espace, l’influence diffuse des travaux sur l’espace et le temps de mathĂ©maticiens comme Raymond PoincarĂ© ou Esprit Jouffret, dont les idĂ©es furent alors vulgarisĂ©es auprĂšs du cercle de Picasso par Maurice Princet. Cette logique de fragmentation de l’objet qui, poussĂ©e trĂšs loin pendant l’annĂ©e 1911, menace la lisibilitĂ© du sujet, conduit Picasso et Braque Ă  rĂ©insĂ©rer le rĂ©el par le signe et la citation, puis Ă  inventer des procĂ©dĂ©s artistiques inĂ©dits qui ouvrent une voie nouvelle pour l’art du XXe siĂšcle : le collage, les papiers collĂ©s et l’assemblage.


5. LABORATOIRE

Avec le procĂ©dĂ© des papiers collĂ©s Ă  l’automne 1912, le cubisme de Georges Braque et de Pablo Picasso s’engage dans la conquĂȘte du volume. Les passages se multiplient entre la deuxiĂšme et la troisiĂšme dimension. Par le pliage, le collage devient relief. Dans ce laboratoire des formes qu’est l’atelier, l’artiste bricoleur s’empare de tous les matĂ©riaux Ă  sa disposition, bouts de carton, ficelles et cordes, papiers d’emballage, toile cirĂ©e, etc. S’ouvre alors un vaste « espace mental » que Picasso ne refermera jamais, oĂč par le jeu combinatoire de l’assemblage et l’inclusion de l’objet concret dans le processus de crĂ©ation s’invente une nouvelle « Ă©criture du rĂ©el », selon les mots du critique et galeriste Daniel-Henry Kahnweiler.


6. RÉALISME ET DÉCORS

À partir de 1917, en pleine guerre mondiale, Pablo Picasso, restĂ© Ă  l’arriĂšre, pacifiste et ressortissant d’un pays demeurĂ© neutre, l’Espagne, collabore avec le monde de la scĂšne. SollicitĂ© par les Ballets russes de Serge de Diaghilev, pour lesquels il signera notamment le rideau de scĂšne, les dĂ©cors et les costumes de Parade (mai 1917) puis Le Tricorne (1919) et Pulcinella (1920), il voyage en Italie. Il rĂ©interroge alors les notions d’hĂ©ritage classique et d’humanisme Ă  travers un dessin Ă  la ligne claire et les thĂšmes du nu et du portrait, qu’il a commencĂ© Ă  explorer dĂšs 1914, en parallĂšle de sa production cubiste. Le scandale qui entoure la premiĂšre de Parade, en mai 1917, confĂšre Ă  l’évĂ©nement une dimension de manifeste esthĂ©tique, entre dĂ©construction dada et onirisme surrĂ©aliste. GrĂące aux ballets, Picasso prend part Ă  des crĂ©ations collectives, mĂȘlant peinture, sculpture, musique, danse et poĂ©sie, et collabore avec les plus grands compositeurs de son temps, parmi lesquels Erik Satie, Manuel de Falla, Igor Stravinsky et Darius Milhaud.


7. BAIGNEURS / BAIGNEUSES

Le thĂšme classique et antique de la Baigneuse ou du Baigneur est repris par Pablo Picasso, mais aussi Henri Matisse ou AndrĂ© Derain, dans le sillage des grandes compositions tardives de Paul CĂ©zanne qui renouvellent le genre en 1907-1908. Dans les reprĂ©sentations de baignades ou de bords de mer, Picasso utilise une gamme Ă©tendue de stylisations et d’émotions : classicisante et nostalgique dans les compositions au trait de l’étĂ© 1921 ou La FlĂ»te de Pan de 1923 ; surrĂ©alisante et inquiĂ©tante pour La Nageuse de 1929. Il offre une version modernisĂ©e et triviale du thĂšme Ă  travers le motif de la plage, lieu d’exhibition des corps, espace de jeu et de dĂ©tente, qui se trouve alors souvent assorti d’une menace latente, comme le montrent les scĂšnes de noyade dans sa peinture. LiĂ©e Ă  une vaste tradition, dont on trouve quelques exemples dans la collection personnelle de l’artiste – de Camille Corot et Jean-Auguste-Dominique Ingres Ă  Auguste Renoir –, l’iconographie du bain, Ă  laquelle se mĂȘle Ă©troitement le thĂšme de la danse, irrigue continĂ»ment l’oeuvre de Picasso.


8. MÉTAMORPHOSES

« La beautĂ© sera convulsive ou ne sera pas » : cette formule du surrĂ©aliste AndrĂ© Breton se lit dans plusieurs oeuvres de Pablo Picasso oĂč la dĂ©formation touche la figure humaine, nouvel assemblage de formes biomorphiques, Ă  l’instar des compositions d’AndrĂ© Masson, de Max Ernst ou des photographies de Dora Maar. Au grĂ© des mĂ©tamorphoses, les membres courbes se transforment en faisceau de lignes dans Figure : projet pour un monument Ă  Guillaume Apollinaire (1928), « une profonde statue en rien, comme la poĂ©sie » (Le PoĂšte assassinĂ©, 1916). Le projet est traduit en sculpture grĂące aux conseils de son ami Julio GonzĂĄlez, qui l’initie Ă  la technique du fer soudĂ©. L’intĂ©rĂȘt de Picasso pour la psychanalyse et l’écriture automatique au dĂ©but des annĂ©es 1930 se lit dans l’enchevĂȘtrement des lignes qui dessine des figures humaines imbriquĂ©es dans des aplats de couleur beige, grise ou noire, faisant parfois apparaĂźtre, dans une formalisation extrĂȘme, la figure inĂ©dite de l’artiste.


9. L’OEIL SAUVAGE

À la fin des annĂ©es 1920, Pablo Picasso pousse Ă  un point jamais atteint auparavant dans son oeuvre la violence des couleurs, des formes et des matiĂšres. PlĂ©biscitĂ©e par les surrĂ©alistes, cette nouvelle inflexion se traduit d’abord par l’utilisation d’objets de rebut : Louis Aragon Ă©voque de « vrais dĂ©chets de la vie humaine, quelque chose de pauvre, de sali, de mĂ©prisĂ© ». L’artiste Ă©prouve un plaisir manifeste Ă  violenter les rĂšgles acadĂ©miques. Loin de chercher Ă  charmer ou Ă  sĂ©duire, les oeuvres dĂ©ploient une forme d’agressivitĂ© envers le spectateur : l’une des Guitare de 1926 laisse ainsi apparaĂźtre des clous plantĂ©s au verso de la toile, dont les pointes sont dangereusement tournĂ©es vers l’oeil du public, Ă  la maniĂšre de certaines sculptures d‘Alberto Giacometti. Les crĂ©atures archaĂŻques et monumentales Ă  l’apparence hostile qui surgissent dans la peinture et la sculpture de cette pĂ©riode tĂ©moignent Ă©galement de cette exploration des territoires de l’inconscient.


10. PICASSO POÈTE

La poĂ©sie tient une place importante dans la vie et la dĂ©marche crĂ©atrice de Pablo Picasso. FascinĂ© par la figure du poĂšte, il noue des amitiĂ©s fondatrices avec Max Jacob, Gertrude Stein, Guillaume Apollinaire, AndrĂ© Salmon, Jean Cocteau, Michel Leiris, Pierre Reverdy
 De 1935 aux annĂ©es 1950, il Ă©crit environ trois cent quarante poĂšmes, qui se ramifient en de multiples Ă©tats et variantes, traversĂ©s par quelques motifs obsĂ©dants : l’amour, l’érotisme, la tauromachie, la nourriture, la crucifixion, le sacrifice, d’ailleurs souvent Ă©troitement imbriquĂ©s les uns dans les autres. Dans les carnets, sur des bouts de papier ou, le plus souvent, sur de belles feuilles de papier Ă  dessin, les manuscrits laissent transparaĂźtre le geste du dessinateur. Tour Ă  tour rugueux, acĂ©rĂ©s ou luxuriants, les textes, parfois accompagnĂ©s de dessins, dĂ©ploient une grande variĂ©tĂ© calligraphique. DĂšs 1936, dans la revue Cahiers d’art, le poĂšte AndrĂ© Breton consacre un long article aux poĂšmes de Picasso, saluant l’importance de ce « journal intime Ă  la fois sensoriel et sentimental ».


11. IMAGES CINÉMATOGRAPHIQUES

Dans l’entre-deux-guerres, le cinĂ©ma s’impose comme un art majeur profondĂ©ment liĂ© aux dĂ©veloppements des avant-gardes artistiques. Dans le sillage du mouvement surrĂ©aliste, avec La Coquille et le Clergyman (1928) de Germaine Dulac et Un chien andalou (1929) de Luis Buñuel, le film devient l’un des moyens mis au service de l’exploration de l’inconscient, mais aussi un instrument d’enquĂȘte sociale, comme en tĂ©moigne Terre sans pain (1932) du cinĂ©aste espagnol. Les documentaires scientifiques de Jean PainlevĂ© donnent aussi Ă  voir, notamment dans La Pieuvre, un merveilleux naturaliste subaquatique qui fascine les surrĂ©alistes et qui rĂ©sonne avec le biomorphisme- de certaines oeuvres de Picasso, oĂč bras et jambes se muent en tentacules. Les archives conservĂ©es au musĂ©e Picasso, Ă  travers les nombreux tickets ou invitations Ă  des projections, attestent son intĂ©rĂȘt pour ce nouvel univers visuel.


12. PRÉHISTOIRE

Pablo Picasso s’adonne Ă  la sculpture, particuliĂšrement en 1930, dans son atelier de Boisgeloup en Normandie. TĂȘtes et bustes en plĂątre, au nez de plus en plus proĂ©minent, aux yeux en forme de boules ou creusĂ©s en amande, Ă  la poitrine saillante et au cou allongĂ©, font l’objet d’infinies variations, chargĂ©es de jeu et d’érotisme. Alors qu’est dĂ©couverte en 1922 l’effigie palĂ©olithique de la VĂ©nus de Lespugue et que les origines de l’art et de l’humanitĂ© sont repoussĂ©es de maniĂšre vertigineuse et Ă©nigmatique dans la profondeur du temps long, l’attrait pour la prĂ©histoire suscite chez Picasso, comme chez Joan MirĂł ou Alberto Giacometti, une profusion d’idoles aux formes biomorphiques. Plus tard, il sculpte et grave des galets zoomorphes, quand le photographe BrassaĂŻ publie ses photos de graffitis parisiens dans la revue Minotaure sous le titre « Du mur des cavernes au mur d’usine » (1933).


13. POLYPTIQUE

Pablo Picasso n’a cessĂ© d’explorer le genre du portrait, rĂ©duisant la tĂȘte Ă  une forme Ă©lĂ©mentaire ou la complexifiant Ă  l’extrĂȘme, permutant ses organes ou jouant avec ses contours. « Qu’est-ce qu’un visage, au fond ? » se demandait Picasso en 1946, « Ce qui est devant ? dedans ? derriĂšre ? Et le reste ? Chacun ne le voit-il pas Ă  sa façon ? » Dans les annĂ©es 1930, les portraits de Marie-ThĂ©rĂšse Walter puis de Dora Maar, ses compagnes et modĂšles d’alors, constituent l’une des parts majeures de sa crĂ©ation. La rĂ©union en un seul visage de la face et du profil devient l’un des problĂšmes plastiques les plus insistants de son travail. Plusieurs photographies de Dora Maar montrent les tableaux disposĂ©s bord Ă  bord et les uns sur les autres dans l’atelier des Grands-Augustins. Ces accrochages Ă©phĂ©mĂšres sur le mode de l’accumulation mettent en lumiĂšre l’inscription de chaque oeuvre au sein d’une sĂ©rie de variations possibles ; ils tĂ©moignent Ă©galement d’une fascination pour le dispositif mĂ©diĂ©val du polyptique, alors que l’artiste dĂ©couvre l’expressive Crucifixion du retable d’Issenheim de Matthias GrĂŒnewald.


14. GRAVURE

Les annĂ©es 1930 sont marquĂ©es par le travail intense de Pablo Picasso dans le domaine de la gravure. AprĂšs la publication de deux livres illustrĂ©s majeurs au dĂ©but de la dĂ©cennie, Les MĂ©tamorphoses d’Ovide et Le Chef-d’oeuvre inconnu d’HonorĂ© de Balzac, la Suite Vollard, du nom du marchand d’art qui en fit la commande, Ambroise Vollard, manifeste l’ampleur nouvelle que l’estampe prend alors dans la crĂ©ation de l’artiste. Les cent planches rĂ©unies en suite, gravĂ©es entre le 16 septembre 1930 et le 4 mars 1937, ne s’enchaĂźnent pas selon le fil d’une narration, mais constituent autant de fragments d’un thĂ©Ăątre imaginaire et Ă©rotique, mises en scĂšne du regard voyeur, dont les deux thĂ©matiques centrales sont l’atelier du sculpteur antique et la figure du minotaure. Dans la Suite Vollard, la ligne claire du dessin Ă  la pointe sĂšche alterne avec les noirs profonds des aquatintes, dĂ©montrant une grande maĂźtrise des techniques de l’estampe par l’artiste.


15. LA GUERRE

À partir du dĂ©clenchement de la guerre d’Espagne en 1936, la violence de l’Histoire percute brutalement la crĂ©ation de Pablo Picasso. Guernica, peint en rĂ©ponse au bombardement de la ville basque de Gernika par l’aviation nazie avec l’appui de l’Italie fasciste, puis la sĂ©rie des Femmes qui pleurent, variation sur le motif de la mater dolorosa, deviennent des symboles universels des dĂ©sastres de la guerre. L’atmosphĂšre sombre et inquiĂ©tante des oeuvres crĂ©Ă©es pendant les annĂ©es d’Occupation fait Ă©cho Ă  ces temps troubles. L’Aubade est la plus emblĂ©matique et la plus monumentale. Transposant progressivement la VĂ©nus Ă©coutant de la musique (1550) du Titien et L’Odalisque Ă  l’esclave (1839) de Jean-Auguste-Dominique Ingres, Picasso compose une scĂšne Ă©nigmatique de veillĂ©e funĂšbre d’un gisant entravĂ©, suppliciĂ©. « Je n’ai pas peint la guerre, disait Picasso, parce que je ne suis pas ce genre de peintre qui va comme un photographe Ă  la quĂȘte d’un sujet. Mais il n’y a pas de doute que la guerre existe dans les tableaux que j’ai faits alors. »


16. FRANÇOISE GILOT (1921-2023)

Françoise Gilot, peintre proche du groupe des RĂ©alitĂ©s nouvelles, notamment de Nicolas de StaĂ«l (1913-1955), rencontre Pablo Picasso en 1943. Leur liaison dure une dizaine d’annĂ©es ; elle le quitte en 1953. Les deux artistes peignent cĂŽte Ă  cĂŽte en 1946, au cours d’un Ă©tĂ© passĂ© Ă  Antibes. En 1952, Françoise Gilot expose son travail Ă  la galerie Louise Leiris, faisant partie des rares artistes femmes Ă  avoir signĂ© un contrat avec le cĂ©lĂšbre marchand Daniel-Henry Kahnweiler. Les annĂ©es 1960 voient se multiplier les expositions consacrĂ©es Ă  l’artiste dans plusieurs galeries europĂ©ennes et amĂ©ricaines. À partir de 1965 et de la publication de son ouvrage Vivre avec Picasso, qui provoque un tollĂ© en France, Françoise Gilot se tient Ă  l’écart du milieu artistique français. Son indĂ©pendance est renforcĂ©e par son dĂ©part pour les États-Unis, oĂč elle s’installe en 1970. Elle y poursuit sa carriĂšre, alternant entre une figuration structurĂ©e et une abstraction colorĂ©e, jusqu’aux grandes compositions totĂ©miques des « peintures emblĂ©matiques », dans les annĂ©es 1980.


17. LE « SALON DE LA LIBÉRATION »

Interrompu pendant les annĂ©es de guerre, le Salon d’Automne ouvre Ă  nouveau ses portes au Palais de Tokyo Ă  Paris le 6 octobre 1944 et est prĂ©sentĂ© comme le « Salon de la LibĂ©ration » marquant la fin de l’Occupation, Ă  la gloire de la RĂ©sistance. Une salle entiĂšre est consacrĂ©e Ă  Picasso, avec des Ɠuvres rĂ©centes dont L’Aubade ou Chat saisissant un oiseau. L’adhĂ©sion du peintre au Parti communiste français, la veille de l’ouverture, confĂšre Ă  la manifestation une portĂ©e politique et dĂ©clenche de violentes polĂ©miques. Expliquant son ralliement dans un article de l’HumanitĂ© du 30 octobre 1944, Picasso date son engagement personnel de la Guerre d’Espagne ; il recherche vraisemblablement aussi, au sein du Parti Communiste, une appartenance Ă  une communautĂ© dont il est privĂ© par l’Espagne franquiste et par son statut d’étranger en France. Proche des idĂ©aux communistes mais jamais membre actif du parti, il peint en 1949 la cĂ©lĂšbre Colombe de la paix, Ă  l’occasion de son adhĂ©sion au Conseil mondial de la paix.


18.
L’HOMME AU MOUTON

Pablo Picasso modĂšle la statue L’Homme au mouton en rĂ©action Ă  l’esthĂ©tique nĂ©oclassique fasciste des sculptures d’Arno Brecker exposĂ©es Ă  l’Orangerie des Tuileries Ă  Paris, en 1942. L’oeuvre incarne une forme d’humanisme et, Ă  certains Ă©gards, la position de solitude et de rĂ©sistance de Picasso, restĂ© dans son atelier parisien durant l’Occupation et Ă  qui il importe d’exorciser l’appropriation de l’idĂ©al antique par la statuaire de propagande totalitaire. DĂšs l’aprĂšs-guerre, la sculpture est interprĂ©tĂ©e comme une reprĂ©sentation du Bon Pasteur, image de paix et de gĂ©nĂ©rositĂ©. AndrĂ© Malraux y voit « le Guernica de la sculpture ». Reproduite en trois exemplaires, l’un est offert par Picasso Ă  la Ville de Vallauris. Lors de l’érection de la statue sur la place du marchĂ© en 1950, Tristan Tzara compare le porteur d’agneau au cĂ©lĂšbre Moscophore antique ; quand Picasso rĂ©fute tout caractĂšre symbolique de l’oeuvre : « Il n’y a pas de symbolisme lĂ -dedans. C’est simplement beau. [
] Dans L’Homme au mouton j’ai exprimĂ© un sentiment humain, un sentiment qui existe aujourd’hui comme il a toujours existĂ©. »


19. CÉRAMIQUE

Dans les annĂ©es d’aprĂšs-guerre, qui voient le peintre affirmer son engagement communiste, la cĂ©ramique lui apparaĂźt comme un art Ă©troitement mĂȘlĂ© Ă  la vie et au peuple. InstallĂ© Ă  Vallauris, petite ville de potiers du sud de la France, Pablo Picasso, devient Ă  partir des annĂ©es 1950 une vĂ©ritable « vedette » de la CĂŽte d’Azur, photographiĂ©e, interviewĂ©e, entourĂ©e d’une cour de sympathisants communistes, de cĂ©lĂ©britĂ©s, mais aussi d’artisans, d’aficionados, d’affichistes
 InitiĂ© Ă  la technique de la cĂ©ramique par Suzanne RamiĂ©, Picasso invente, avec son travail de l’argile, un nouveau vocabulaire associant les formes rondes et pleines des pots et pichets pansus aux cassures irrĂ©guliĂšres des fragments de marmites ou de tuiles creuses. Comme la lithographie ou la linogravure que l’artiste pratique intensĂ©ment dans les mĂȘmes annĂ©es, la cĂ©ramique ouvre la voie d’un art diffusĂ© Ă  grande Ă©chelle. Picasso confiait ainsi dĂšs 1948 Ă  propos de ces poteries : « Je voudrais qu’on les trouve sur tous les marchĂ©s, qu’on voit, dans un village de Bretagne ou d’ailleurs, une femme s’en allant Ă  la fontaine chercher de l’eau avec un de mes pots. ».


20. MATISSE DISPARU

En 1955, Pablo Picasso s’installe Ă  la villa La Californie, situĂ©e sur les hauteurs de Cannes : lieu de vie et atelier s’y entremĂȘlent. Les oeuvres de l’artiste et de sa collection personnelle, ainsi qu’un amas d’objets hĂ©tĂ©roclites, s’accumulent et remplissent peu Ă  peu l’espace de la villa, jusqu’au jardin oĂč Picasso prĂ©sente certaines de ses sculptures. Il rĂ©alise Ă  cette Ă©poque une sĂ©rie de dessins et de tableaux montrant des intĂ©rieurs d’atelier, un thĂšme central dans la peinture d’Henri Matisse, mort quelques mois auparavant, en 1954. Ces oeuvres sont parmi les plus matissiennes de Picasso. Les fenĂȘtres en arabesque, ainsi que les palmiers et la vĂ©gĂ©tation Ă©voquĂ©s derriĂšre, forment de vĂ©ritables citations du peintre et ont souvent Ă©tĂ© considĂ©rĂ©es comme un hommage Ă  son ami disparu, venant clore un dialogue artistique de prĂšs de cinq dĂ©cennies. À la fin de sa vie, Picasso possĂ©dait sept tableaux de Matisse, dont l’exceptionnelle Nature morte aux oranges (1912), acquise en 1942.


21. LA PEINTURE, SEULE

Du style tardif de Pablo Picasso, fait Ă  la fin des annĂ©es 1960 d’un geste hĂątif, d’un mĂ©lange de peinture Ă©paisse et fluide, gĂ©nĂ©rant coulures et empĂątements, Ă©mane un sentiment d’urgence. La figure humaine, l’homme tout particuliĂšrement, est au centre de cette derniĂšre et rĂ©flexive production, qui le dĂ©cline seul, en couple ou en famille, mais aussi Ă  travers le personnage du matador, ultime lien de l’artiste avec son Espagne natale. Le public dĂ©couvre ce travail lors de deux grandes expositions organisĂ©es au Palais des Papes d’Avignon, en 1970 et 1973. Si de nombreux critiques soulignent la virtuositĂ© picturale et la crĂ©ativitĂ© intactes de l’artiste Ă  l’aube de ses 90 ans, certains commentateurs moquent un art grotesque et sĂ©nile, Ă  l’image d’un Douglas Cooper dĂ©plorant les « gribouillages incohĂ©rents exĂ©cutĂ©s par un vieillard frĂ©nĂ©tique dans l’antichambre de la mort ». Pourtant, dĂšs 1981, le Kunstmuseum Basel consacre une exposition Ă  l’oeuvre tardif de Picasso, tandis que la Royal Academy of Arts Ă  Londres organise l’exposition « A New Spirit in Painting », oĂč cinq toiles de la derniĂšre pĂ©riode de Picasso figurent comme des rĂ©fĂ©rences majeures pour la jeune gĂ©nĂ©ration de peintres (Francesco Clemente, Georg Baselitz, Julian Schnabel, Markus LĂŒpertz).


22. DE PICASSO AU MUSÉE PICASSO

À la mort de Pablo Picasso, le 8 avril 1973, dĂ©bute l’immense travail d’inventaire des oeuvres restĂ©es en sa possession et se trouvant dans ses diffĂ©rents ateliers : prĂšs de deux mille peintures, plus de onze mille dessins, des milliers de sculptures, cĂ©ramiques et gravures. L’artiste ayant conservĂ© auprĂšs de lui des oeuvres rĂ©alisĂ©es tout au long de sa vie, l’ensemble constitue une saisissante traversĂ©e d’une carriĂšre longue de prĂšs de quatre-vingts ans. Ces « Picasso de Picasso », dont une partie importante entre dans les collections publiques en 1979, forment le coeur du musĂ©e Picasso, inaugurĂ© en 1985. Picasso, comme peu d’autres artistes, appartient Ă  un imaginaire collectif mondial et incarne, encore aujourd’hui, la figure de l’artiste moderne. Son travail fait l’objet d’un nombre croissant d’allusions, de dĂ©tournements, d’hommages ou de caricatures, sa personnalitĂ© suscite de nombreuses questions et dĂ©bats. Au-delĂ  du mythe Picasso, le MusĂ©e national Picasso-Paris, Ă  travers ses collections, a pour vocation de donner Ă  voir la richesse et la diversitĂ© de son oeuvre, d’explorer aussi sa rĂ©ception large, complexe et toujours vivace au XXIe siĂšcle, dans un contexte culturel qui ne cesse de se rĂ©inventer.