đ âDans lâappartement de LĂ©once Rosenbergâ au MusĂ©e national Picasso, du 30 janvier au 19 mai 2024
âDans lâappartement de LĂ©once Rosenbergâ
De Chirico, Ernst, LĂ©ger, PicabiaâŠ
au Musée national Picasso, Paris
du 30 janvier au 19 mai 2024
PODCAST – Interview de Juliette Pozzo, responsable de la collection personnelle de lâartiste au musĂ©e national Picasso de Paris et co-commissaire de l’exposition,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 29 janvier 2024, durĂ©e 16â00,
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
Giorgio de Chirico, Combat. © Adagp, Paris, 2023.
Commissariat :
Juliette Pozzo est chargĂ©e dâĂ©tudes documentaires principale. responsable de la collection personnelle de lâartiste au musĂ©e national Picasso de Paris
Giovanni Casini est historien de l’art et commissaire indĂ©pendant basĂ© Ă Milan
Le MusĂ©e national Picasso-Paris prĂ©sente sa nouvelle exposition temporaire, « Dans lâappartement de LĂ©once Rosenberg. De Chirico, Ernst, LĂ©ger, Picabia⊠». Sous forme dâĂ©vocation dâun dĂ©cor disparu, lâexposition permettra de mettre en lumiĂšre un ensemble pictural inĂ©dit et mĂ©connu, conçu par des artistes majeurs de lâentre-deux-guerres.
Lâexposition prĂ©sente lâhistoire du dĂ©cor mythique de lâappartement parisien du marchand et galeriste LĂ©once Rosenberg. Celui-ci entend associer son nom au cubisme tardif mĂątinĂ© de figuration, voie ouverte par Picasso, artiste quâil admire et accompagne pendant la guerre et les annĂ©es 1920.
Giorgio de Chirico, « Vues de la galerie et diffĂ©rents accrochages (1913-1921) ». © Fonds Rosenberg RMN – reproduisant plusieurs toiles dont une de Chirico, © Adagp, Paris, 2023.
Francis Picabia, Pavonia, 1929. © Adagp, Paris, 2023.
Gino Severini, L’Ă©quilibriste. © Adagp, Paris, 2023.
Parcours de l’exposition
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Salle 0.1
Le 15 juin 1929, la pendaison de crĂ©maillĂšre du marchand dâart LĂ©once Rosenberg au 75 rue de Longchamp attire le Paris mondain. TĂ©moignage spectaculaire de la production artistique de lâentre-deux-guerres, le dĂ©cor de cet appartement fut Ă©laborĂ© Ă partir de 1928 avant dâĂȘtre dĂ©mantelĂ© quelques mois plus tard. Une douzaine dâartistes, dont les oeuvres oscillent entre abstraction et figuration, tradition et modernitĂ©, ont participĂ© Ă lâĂ©laboration de cette oeuvre dâart total. Deux ensembles dĂ©coratifs se distinguent par leur ampleur : celui des « Gladiateurs », rĂ©alisĂ© par Giorgio de Chirico pour le hall de rĂ©ception et celui des « Transparences » de Francis Picabia conçu pour la chambre de Madame Rosenberg. Le dĂ©cor de lâappartement Rosenberg sâinscrit dans le contexte artistique ambivalent de la fin des annĂ©es 1920, entre retour Ă une pratique acadĂ©mique et Ă©mergence du SurrĂ©alisme. Il exprime cet entre-deux artistique, fusion originale entre un classicisme retrouvĂ© et une modernitĂ© provocante, qui trouve en partie sa source dans lâoeuvre de Picasso. DĂšs les annĂ©es 1910, ce dernier nâhĂ©sitait pas en effet Ă mĂȘler au cubisme une reprise souvent ironique de la culture classique. Ă nouveau rĂ©unies pour la premiĂšre fois dans cette exposition, les oeuvres conçues pour lâappartement de la rue de Longchamp retrouvent leur cohĂ©rence dâensemble.
Texte accompagnant le plan de lâappartement :
ComposĂ© de onze piĂšces rĂ©parties sur prĂšs de 360m2, lâappartement est situĂ© au troisiĂšme Ă©tage dâun immeuble moderne construit au 75 rue de Longchamp, dans le XVIe arrondissement de Paris. LĂ©once Rosenberg y emmĂ©nage au printemps 1928 pour y loger sa femme Marguerite et ses trois filles, Jacqueline, Lucienne, et Madeleine. Le plan prĂ©sente une distribution en deux parties sĂ©parant les piĂšces intimes dâune part (chambres, boudoir, sanitaires) des piĂšces de rĂ©ceptions dâautre part (salle Ă manger, hall de rĂ©ception, grand salon) selon un axe central. Rosenberg initie la commande du dĂ©cor dĂšs le mois de mai 1928 et retient dâemblĂ©e le principe dâattribuer une piĂšce par artiste en associant aux toiles peintes, un choix de mobilier ancien et contemporain.
Salle 0.2 – Un classicisme insolent
Conçu par lâartiste italien Giorgio de Chirico pour le hall de rĂ©ception, lâimpressionnant cycle des « Gladiateurs » comprenait Ă lâorigine un ensemble de onze toiles rĂ©alisĂ©es entre 1928 et 1929. Ces oeuvres monumentales couvrent les murs de la piĂšce Ă la maniĂšre de tapisseries. Chirico mise sur lâeffet de puissance qui se dĂ©gage de ces variations autour du nu guerrier. En apparence, il renvoie Ă une grandeur antique et virile prĂŽnĂ©e Ă la mĂȘme Ă©poque par le rĂ©gime fasciste. Pourtant, les corps dĂ©chus, amollis et effĂ©minĂ©s de ces gladiateurs prennent ici le contrepied dâune reprĂ©sentation glorieuse et acadĂ©mique du nu masculin. Les oeuvres de Gino Severini, initialement prĂ©vues pour la chambre de Jacqueline, cultivent cette mĂȘme veine parodique : ruines antiques et personnages de la commedia dellâarte composent des scĂšnes qui semblent tourner Ă vide. Ce mĂ©lange des genres fait Ă©cho au choix dâun mobilier dâĂ©poques diffĂ©rentes. Par cette juxtaposition de styles, ces oeuvres livrent un classicisme de façade et prĂ©figurent une approche post-moderne de lâart caractĂ©risĂ©e par la citation et le dĂ©tournement.
Salle 0.3 – Survivances du cubisme
Convaincu que le cubisme demeure aprĂšs-guerre lâexpression la plus moderne de lâart de son temps, LĂ©once Rosenberg tente dâen faire une marque de fabrique et sâimplique dans la promotion dâartistes dont il se voit le chef de file. Le dĂ©cor de sa salle Ă manger tĂ©moigne de cette implication, y compris dans le champ des arts appliquĂ©s. Il fait appel au peintre Georges Valmier, au sculpteur hongrois Joseph Csaky et au designer RenĂ© Herbst qui crĂ©ent un ensemble sâadaptant parfaitement Ă lâintĂ©rieur cossu du collectionneur. Les abstractions dâAuguste Herbin envisagĂ©es pour le fumoir et les harmonies colorĂ©es dâAlbert Gleizes pour la chambre de Jacqueline sâinscrivent dans ce style tardif affranchi des canons du cubisme dâavant-guerre. La dĂ©composition du sujet, les couleurs en demi-teintes, la ligne brisĂ©e ont Ă©tĂ© abandonnĂ©s au profit dâun langage visuel gĂ©omĂ©trique et abstrait, sensuel et colorĂ©, qui annonce lâĂ©mergence du groupe Abstraction â CrĂ©ation au dĂ©but des annĂ©es 1930.
Salle 0.4 – En marge du SurrĂ©alisme
Lâalternance dâoeuvres figuratives et abstraites au sein de lâappartement illustre le souhait de Rosenberg de crĂ©er une synthĂšse cohĂ©rente par la cohabitation de styles diffĂ©rents. Lâimplication dâartistes moins connus du grand public sur le chantier du dĂ©cor tels que le sculpteur armĂ©nien Yervand Kotchar ou le peintre Ă©quatorien Manuel RendĂłn Seminario rĂ©vĂšle par ailleurs une conception cosmopolite de lâart contemporain. En marge du dĂ©veloppement du SurrĂ©alisme, mouvement fondĂ© en 1924 par AndrĂ© Breton, ces oeuvres « inclassables » frappent par leur vitalitĂ© chromatique et la curiositĂ© visuelle quâelles constituent. PrĂ©sentĂ©es ensemble, elles tĂ©moignent des goĂ»ts du commanditaire pour une figuration aux limites du kitsch.
Salle 0.5 – Ăvanescences
Les ensembles dĂ©coratifs crĂ©Ă©s pour les chambres de Madame Rosenberg et de ses filles sont propices Ă la rĂȘverie et Ă lâintrospection. Le cycle des « Transparences » rĂ©alisĂ© pour la chambre de Madame Rosenberg par Francis Picabia, restituĂ© ici de maniĂšre inĂ©dite, illustre cette fonction enveloppante du dĂ©cor et le goĂ»t de lâĂ©poque pour lâĂ©sotĂ©risme. Sa beautĂ© fugace et Ă©vanescente fait Ă©cho aux fascinantes « CitĂ©s Transparentes » dâAlberto Savinio. Tels des jeux de construction branlants, le cycle Ă©voque de lointaines JĂ©rusalem cĂ©lestes ou ces « paysages de l’air », visions hallucinĂ©es, Ă©voquĂ©es dans un roman dâAnatole France. Avec les Fleurs de coquillages de Max Ernst, et la toile cosmique dâOzenfant, ces oeuvres tĂ©moignent dâune recherche plastique sur les effets de transparence oĂč la superposition de couches picturales laisse deviner un monde dissimulĂ©.
Salle 0.6 – La fabrique du dĂ©cor
Le cycle des Quatre Saisons de Fernand LĂ©ger, conçu Ă l’origine pour le vestibule d’entrĂ©e, vient clore Ă rebours l’Ă©vocation de l’appartement du 75 rue de Longchamp et rappelle combien la couleur fut un Ă©lĂ©ment crucial de ce dĂ©cor. La salle propose en contrepoint, une plongĂ©e dans la fabrique du dĂ©cor Ă l’appui d’un appareil documentaire comprenant des Ă©lĂ©ments relatifs Ă la carriĂšre de LĂ©once Rosenberg et une partie des archives liĂ©es Ă la conduite du chantier.
Catalogue – Dans l’appartement de LĂ©once RosenbergDe Chirico, Ernst, LĂ©ger, Picabia⊠une coĂ©dition MusĂ©e Picasso-Paris â Flammarion