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“Chana Orloff” au musée Zadkine, du 15 novembre 2023 au 31 mars 2024

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“Chana Orloff” Sculpter l’époque

au musée Zadkine, Paris

du 15 novembre 2023 au 31 mars 2024

Musée Zadkine


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©Sylvain Silleran, vernissage presse, le 14 novembre 2023.
Photographie anonyme, Chana Orloff dans son atelier rue d’Assas, 1915 Ateliers-musée Chana Orloff, Paris © Chana Orloff, Adagp, Paris 2023.
Photographie anonyme, Chana Orloff dans son atelier rue d’Assas, 1915 Ateliers-musée Chana Orloff, Paris © Chana Orloff, Adagp, Paris 2023.

Texte Sylvain Silleran

Chana Orloff (1888-1968), Grande baigneuse accroupie, 1925, bronze Ateliers-musée Chana Orloff, Paris © Chana Orloff, Adagp, Paris 2023.

Chana Orloff (1888-1968), Grande baigneuse accroupie, 1925, bronze Ateliers-musée Chana Orloff, Paris © Chana Orloff, Adagp, Paris 2023.

Sous la verrière de l’atelier, une galerie de portraits comme une bande d’amis qui bavardent. Le musée Zadkine offre le silence de son jardin à l’œuvre de Chana Orloff. Ce cadre intimiste invite à la lenteur, celle qui permet de suivre les courbes si fines de cette sculpture. Le bruissement du feuillage des arbres répond à la rumeur des conversations, les débats, les échanges, l’amitié, celle des jours difficiles et celle des jours de fête. Ils sont tous là, peintres, poètes, éditeurs, architectes, attablés comme une grande famille, sculptés tels qu’ils sont, avec gravité, une tendre vérité mais toujours cette ironie mordante venue de l’est qui donne de la légèreté aux plus lourdes pierres. De la légèreté, il y en a puisque nous sommes entre amis, nous buvons et chantons au son de l’accordéon de Per Krohg.

Un marin entraîne sa partenaire dans une danse canaille de guinguette, quelque chose d’érotique et de dangereux. Une étreinte de mauvais garçon, pourvu qu’on ait l’ivresse. La danse est la vie, elle suit la musique d’une société en pleine effervescence. Déjà le torse de 1912 se dressait vers le ciel, corps tentant une ascension pleine de cette effronterie juvénile si chantante. Sa délicate ondulation de fleur engendrera des danseuses souples et stylisées. Des femmes aux courbes aérodynamiques de carrosseries de voitures ou de locomotives. La Danseuse au disque en forme de S semble une statue de déesse antique. La Danseuse au voile est une épure lisse, torsadée comme une hélice d’avion, tournée vers la vitesse. C’est la fête, les bulles de champagne et les lumières de la ville.

L’Amazone sur son cheval aux accents perses, les maternités totémiques, la sculpture enracinée de Chana Orloff est furieusement, musicalement de son temps. Une maternité ployant tel un roseau balancé par le vent berce ainsi son enfant, s’abandonnant aux forces de la nature. Une Dame enceinte déesse de fertilité ancestrale passée par la reconstruction cubiste défie l’abstraction de sa tendresse maternelle. Les différents champs artistiques fusionnent, la sculpture, le design, le graphisme, prenant quelques années d’avance sur le Bauhaus. Sur un bois gravé, la mère allongée est un paysage, une colline que gravit son enfant de ses quatre pattes encore hésitantes. La maternité est un corps-terre ferme, une force tranquille et nourricière.

Lors de son exil, Chana Orloff réalise des petites sculptures, qu’elle appellera sculptures de poche. Des animaux, des caniches comme un bestiaire mythologique, griffons, phénix prêts à cracher des flammes. Une sauterelle à l’allure de blindé, venue d’une armée d’envahisseurs, défie un oiseau d’or, droit comme un souverain. Deux inséparables, un croisement de deux courbes qui s’envolent. La synthèse forme une calligraphie dans l’espace, un geste unique mais distillé jusqu’à l’évidence, une ultra modernité aux accents de vase romain.

Une grande baigneuse, robuste et puissante, s’est accroupie un instant, ramassée comme un ressort comprimé. Elle est massive. Son énergie accumulée, formidable énergie de vie, de création, va bientôt s’embraser. Le bronze noir a la force du charbon, sa magie prométhéenne d’apporter le feu à l’humanité. Debout, la mère, Maternité Ein Gev lève son enfant vers le ciel avec une puissance de titan. La voilà invincible, offrant au monde un avenir radieux.

Sylvain Silleran


Extrait du communiqué de presse :

Commissariat :
Cécilie Champy-Vinas, conservatrice en chef, directrice du musée Zadkine
Pauline Créteur, chargée de recherches à la Bibliothèque nationale de France

Commissaires associés
Eric Justman et Ariane Tamir, Ateliers-musée Chana Orloff





Le musée Zadkine présente la première exposition parisienne monographique dédiée à Chana Orloff, depuis 1971. Rassemblant une centaine d’oeuvres, elle invite à (re)découvrir une artiste remarquablement célébrée de son vivant mais injustement méconnue aujourd’hui, dont l’oeuvre est pourtant bien représentée dans les collections françaises et internationales, notamment en Israël.

Le musée Zadkine situé à deux pas de l’atelier qu’occupa l’artiste rue d’Assas au début de sa carrière, semble tout indiqué pour lui rendre cet hommage : les sculptures de Chana Orloff dialoguent ponctuellement avec celles du maître des lieux, le sculpteur Ossip Zadkine, qui connaissait l’artiste dont il était l’exact contemporain. Leurs parcours présentent d’ailleurs de nombreuses similitudes : ils sont tous les deux d’origine juive et nés dans l’Empire russe, elle dans l’actuelle Ukraine et lui dans l’actuelle Biélorussie. Parisiens de coeur, familiers du quartier de Montparnasse, Chana Orloff et Ossip Zadkine ont mené une route parallèle et indépendante.

L’exposition Chana Orloff dévoile une figure féminine forte et libre, dont le travail emblématique de l’école de Paris marqua son époque. Elle met en avant les grands thèmes chers à Chana Orloff : le portrait grâce auquel l’artiste s’est fait connaître et a acquis son indépendance économique, mais aussi la représentation du corps féminin et de la maternité – thèmes classiques de la sculpture occidentale

Une artiste emblématique au parcours hors du commun
Rien ne prédestinait Chana Orloff, née en 1888 dans l’actuelle Ukraine, à devenir l’une des sculptrices les plus renommées de l’école de Paris. Élevée dans une famille juive émigrée en Palestine, la jeune femme arrive à Paris en 1910, pour obtenir un diplôme de couture. Mais, dans une capitale en pleine effervescence, Chana Orloff se découvre une vocation pour la sculpture. Au contact des artistes de Montparnasse, dont beaucoup, tels Modigliani ou Soutine, deviennent ses amis, Chana Orloff se forge un style personnel et inimitable. Ce sont surtout ses portraits, à la fois stylisés et ressemblants qui lui assurent le succès : avec eux, l’artiste entend « faire l’époque ». La réussite de Chana Orloff dans l’entre-deux-guerres est impressionnante : elle expose en France et à l’étranger et, en 1926, elle obtient la nationalité française après avoir reçu la Légion d’honneur l’année précédente. La même année, elle se fait construire par l’architecte Auguste Perret une maison-atelier sur mesure, près du parc Montsouris dans le 14e arrondissement de Paris, qui se visite toujours aujourd’hui. Preuve de son renom, Chana Orloff est l’une des rares sculptrices à prendre part à la grande exposition des Maîtres de l’art indépendant organisée au Petit Palais à Paris en 1937. Cependant, la Seconde Guerre mondiale vient interrompre brutalement son succès. Persécutée en raison de ses origines juives, Chana Orloff échappe de peu à la rafle du Vel d’Hiv’ avec son fils et parvient à fuir en Suisse. De retour d’exil en 1945, elle découvre sa maison-atelier saccagée. Elle se remet pourtant à la sculpture et partage sa vie entre la France et Israël où elle réalise plusieurs monuments, comme l’émouvante Maternité Ein Gev, dont le modèle à grandeur est présenté dans l’exposition. Elle disparait en 1968, un an après Zadkine.

#ExpoChanaOrloff – catalogue de l’exposition – Chana Orloff. Sculpter l’époque – Éditions Paris Musées, en partenariat avec Les Ateliers-musée Chana Orloff et le musée d’art et d’histoire du Judaïsme. L’ensemble des oeuvres de l’exposition au musée Zadkine et au mahJ sont reproduites dans cette publication.


Également à Paris – CHANA ORLOFF : 2 autres expositions à voir à Paris

 

Au musée d’art et d’histoire du Judaïsme – mahJ
L’Enfant Didi, itinéraire d’une oeuvre spoliée de Chana Orloff, 1921-2023
du 19 novembre 2023 au 29 septembre 2024

https://www.mahj.org/fr

Commissariat : Pascale Samuel, conservatrice du patrimoine, responsable des collections d’art moderne et contemporain au mahJ



Le 26 janvier 2023, L’Enfant Didi de Chana Orloff (actuelle Ukraine, 1888 – Tel-Aviv, 1968), faisait son retour dans l’atelier de l’artiste, après une absence de près de 80 ans. Pillée le 4 mars 1943, avec l’intégralité du contenu de l’atelier-logement et 139 autres sculptures, l’œuvre est ensuite passée de main en main jusqu’à sa réapparition à New York en 2008 dans une maison de ventes. Après une négociation de plus de 15 ans, la sculpture sera restituée aux petits-enfants de l’artiste. L’histoire de cette sculpture est emblématique du pillage intégral de l’atelier de l’artiste en 1943 sous l’Occupation. Une opération massive mal documentée, qui s’inscrit dans un mouvement plus large d’aryanisation des biens juifs. Qu’est devenue l’oeuvre entre 1943 et 2008 ? Comment s’est-elle retrouvée aux États-Unis ? Ces questions restent sans réponse. À ce jour, seules quatre sculptures sur cent-quarante ont été retrouvées dans des lieux et des contextes variés. Les autres ont-elles été détruites ? Probablement pas. La récente restitution de L’Enfant Didi permet d’espérer la réapparition d’autres oeuvres sur le marché de l’art. Cette installation est accompagnée d’une série de manifestations (rencontres à l’auditorium du mahJ, visites guidées, parcours croisé, promenade hors les murs).

Au Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Le Paris de la modernité, 1905-1925
Du 14 novembre 2023 au 14 avril 2024

https://www.petitpalais.paris.fr/

Commissariat :
Annick Lemoine, directrice du Petit Palais, commissaire générale
Juliette Singer, conservatrice en chef du patrimoine, commissaire scientifique Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris



Après « Paris Romantique (1815-1858) » et « Paris 1900, la Ville spectacle », le Petit Palais consacre le dernier volet de sa trilogie au « (Le) Paris de la modernité (1905-1925) ». De la Belle Époque jusqu’aux années folles, Paris continue plus que jamais d’attirer les artistes du monde entier. La Ville-Monde est à la fois une capitale au coeur de l’innovation et le foyer d’un formidable rayonnement culturel. Paris maintiendra ce rôle en dépit de la recomposition de l’échiquier international après la Première Guerre mondiale, période pendant laquelle les femmes jouent un rôle majeur, trop souvent oublié. Ambitieuse, inédite et trépidante, cette exposition souhaite montrer combien cette période est fascinante, en faisant ressortir les ruptures et les géniales avancées tant artistiques que technologiques. Le parcours présente près de 400 oeuvres de Robert Delaunay, Sonia Delaunay, Marcel Duchamp, Marie Laurencin, Fernand Léger, Tamara de Lempicka, Amedeo Modigliani, Chana Orloff, Pablo Picasso, Marie Vassilieff et tant d’autres. L’exposition montre également des tenues de Paul Poiret, de Jeanne Lanvin, des bijoux de la maison Cartier, un avion du musée de l’Air et de l’Espace du Bourget et même une voiture prêtée par le musée national de l’automobile à Mulhouse. À travers la mode, le cinéma, la photographie, la peinture, la sculpture, le dessin, mais aussi la danse, le design, l’architecture et l’industrie, l’exposition donne à vivre et à voir la folle créativité de ces années 1905-1925.