^{Roldán Pinedo/Shoyan Shëca, La Visión del arco Iris, el mundo amarillo, 2022. Acrylique sur toile, 170 × 150 cm. Collection Harry Pinedo Valera et Roldán Pinedo Lopez.}

^{Jarre, Terre cuite peinte. Photo Pauline Guyon © musée du quai Branly – Jacques Chirac. Collection privée, Paris.}

^{Anderson Debernardi, Iniciación shamanica, date inconnue. Acrylique sur toile, 128,5 × 103,5 cm. Collection particulière.}

^{Chonon Bensho, Moatian jonibo, 2022. Broderie sur tissu, 165 × 132 cm, New York, The Shipibo-Conibo Center et Buenos Aires, W-Galería. Courtesy de l’artiste / © The Shipibo- Conibo Center / © W-Galería.}

^{David Díaz Gonzales/ Isá Rono, Des femmes shipibo-konibo entourent une mère avec un bébé dans les bras, 2022. © David Díaz Gonzales /Isá Rono / Courtesy de l’artiste.}

^{Pablo Amaringo, Vision of the Snakes, 1987. Gouache sur toile, 30,9 × 40,8 cm. Collection L. E. Luna. Courtesy de l’artiste / photo Luis Eduardo Luna.}

Commissariat :

David Dupuis, Docteur en anthropologie, chargé de recherche à l’INSERM (IRIS/EHESS).
Assisté d’Elise Grandgeorge, Doctorante en Histoire de l’art contemporain, Université Paris Nanterre, Laboratoire HAR, École doctorale 395

De nombreuses cultures placent les substances hallucinogènes au cœur de leur vie sociale. L’ayahuasca, un breuvage hallucinogène d’origine végétale, occupe ainsi une place centrale dans la vie des sociétés d’Amazonie occidentale, qui le mobilisent notamment à des fins esthétiques. De l’émergence d’un art visionnaire d’Amazonie péruvienne aux contre-cultures occidentales, l’exposition met en valeur la diversité des modes de représentations contemporains des « visions » induites par l’ayahuasca. Elle invite à la réflexion sur les usages sociaux de ces images, au-delà de leurs qualités esthétiques : les psychotropes se révèlent alors non seulement vecteurs d’inspiration artistique, mais aussi pratiques thérapeutiques, de lutte politique, de développement personnel ou de nouvelles formes de religiosité.

Les kené shipibo. Un art visionnaire autochtone d’Amazonie péruvienne
La première section de l’exposition met à l’honneur les représentations artistiques inspirées par les visions produites par l’ayahuasca chez les Shipibo-Konibo d’Amazonie péruvienne. Cette communauté autochtone pousse à son plus haut degré de raffinement un répertoire composé de rythmes graphiques et géométriques – les motifs kené -, qu’ils représentent sur différents supports : textile, poterie, sculpture, compositions de perles… À travers un ensemble d’objets issus de la collection du musée du quai Branly – Jacques Chirac et une série d’oeuvres d’artistes contemporains Shipibo-Konibo, comprenant notamment une peinture murale réalisée spécialement par des artistes de l’Asociación de Shipibas Muralistas Kené Nete de Lima, l’exposition présente les transformations contemporaines de cet art visionnaire autochtone. La revendication de la dimension visionnaire de l’art Shipibo-Konibo, parfois mise en doute par certains chercheurs, est ainsi interrogée à l’aune des dynamiques de patrimonialisation, de valorisation touristique et d’affirmation culturelle.

L’émergence d’un art visionnaire d’Amazonie péruvienne
Les communautés autochtones d’Amazonie péruvienne ont vu naître ces dernières décennies une nouvelle forme d’expression artistique d’inspiration visionnaire. Privilégiant le mode d’expression pictural, une nouvelle génération d’artistes a récemment accédé à la notoriété et a intégré le marché de l’art international en participant à des expositions en Amérique du Sud et en Europe. On peut y voir l’acte de naissance d’une « peinture visionnaire amazonienne » qui puise ses thématiques dans les cultures et les problématiques contemporaines des groupes autochtones de la région. Pour la plupart de ces artistes, les visions induites par l’ayahuasca constituent une source d’inspiration de premier ordre, tout en étant l’objet d’importantes reformulations formelles. Ce volet de l’exposition présente, pour la première fois à grande échelle dans un musée européen, les matériaux, les procédés de production et les propriétés iconographiques qui caractérisent ce courant pictural.

Globalisation de l’ayahuasca et art psychédélique
La troisième section de l’exposition donne à voir l’art inspiré de la mondialisation des pratiques chamaniques. Longtemps cantonné au monde amérindien, l’usage ritualisé des hallucinogènes bénéficie depuis la seconde moitié du 20e siècle d’une importante diffusion transnationale. L’émergence du « tourisme chamanique » a donné naissance à une nouvelle iconographie, influencée par les expériences des participants aux rites chamaniques, parmi lesquels figurent de nombreux artistes occidentaux. Ces artistes mobilisent les visions inspirées par l’ayahuasca comme des sources d’inspiration de premier ordre. Outre le médium pictural, ce courant accorde une place centrale aux nouvelles technologies telles que l’image de synthèse, le film, l’art numérique ou la réalité virtuelle. Cette iconographie hétérogène constitue un véritable creuset interculturel, où se rencontrent les influences de l’art autochtone, des grandes figures de la peinture amazonienne, de l’esthétique psychédélique, du réalisme fantastique et des innovations techniques audiovisuelles. Imprégnées de thématiques spirituelles caractéristiques des nouvelles formes de religiosité occidentales, ces œuvres tissent l’imaginaire du chamanisme globalisé contemporain. Une place privilégiée est accordée dans l’exposition aux productions audiovisuelles – film, art digital, images de synthèse, réalité virtuelle – qui ont récemment marqué ce courant. À la fin du parcours, le public pourra découvrir une installation audiovisuelle en réalité virtuelle, fruit de la collaboration du cinéaste Jan Kounen avec les Shipibo-Konibo, donnant un aperçu visuel immersif de l’expérience visionnaire provoquée par l’ayahuasca.

#VisionsChamaniques – catalogue exposition – Coédition musée du quai Branly – Jacques Chirac / RMN-GP (version française)