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“Les contes étranges de Niels Hansen Jacobsen“

Un danois à Paris (1892-1902) au Musée Bourdelle, Paris

du 29 janvier au 31 mai 2020 (prolongĂ©e jusqu’au 26 juillet 2020)

Bourdelle.paris.fr

À partir du 16 juin prochain, le public pourra retrouver progressivement les collections et les expositions des musées de la Ville de Paris en toute sécurité.
Conformément aux directives du gouvernement et afin de garantir une protection optimale durant les visites, les musées de la Ville de Paris ont mis en place des mesures sanitaires et de nouvelles dispositions d’accueil après 3 mois de fermeture.
Désormais, pour visiter les expositions temporaires, la réservation en ligne d’un billet horodaté est nécessaire pour tous, y compris les détenteurs de la carte Paris Musées, afin de garantir un contrôle optimal des jauges pour assurer des visites en toute sécurité. Ces réservations ouvriront dès le mardi 9 juin 2020 sur : www.billetterie-parismusees.paris.fr L’accès aux collections permanentes restera gratuit et sans réservation.

PODCAST -Interview de Jérôme Godeau, historien de l’art et commissaire scientifique de l'exposition

PODCAST –  Interview de JĂ©rĂ´me Godeau, historien de l’art et commissaire scientifique de l’exposition

par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le le 28 janvier 2020, durĂ©e 14’36.  © FranceFineArt.

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Les contes ÂŽtranges de Niels Hansen Jacobsen
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©Anne-Fréderique Fer, présentation presse, le 28 janvier 2020.

Niels Hansen Jacobsen (1861-1941), La Petite Sirène, 1901. Plâtre Vejen, Vejen Kunstmuseum. Foto Pernille Klemp.
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941), La Petite Sirène, 1901. Plâtre Vejen, Vejen Kunstmuseum. Foto Pernille Klemp.
Henriette Hahn-Brinckmann (1862-1934), Crépuscule : portrait du sculpteur Niels Hansen Jacobsen, vers 1900-1904. Gravure sur bois à six couleurs. Vejen, Vejen Kunstmuseum. Foto Pernille Klemp
Henriette Hahn-Brinckmann (1862-1934), CrĂ©puscule : portrait du sculpteur Niels Hansen Jacobsen, vers 1900-1904. Gravure sur bois Ă  six couleurs. Vejen, Vejen Kunstmuseum. Foto Pernille Klemp
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941), Masque de l’Automne, vers 1896-1903. Grès émaillé, 26 x 33,5 x 10 cm. Vejen, Vejen Kunstmuseum. Foto Pernille Klemp.
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941), Masque de l’Automne, vers 1896-1903. Grès Ă©maillĂ©, 26 x 33,5 x 10 cm. Vejen, Vejen Kunstmuseum. Foto Pernille Klemp.

Extrait du communiqué de presse :

Commissaires gĂ©nĂ©rales :
Teresa Nielsen, directrice du Vejen Kunstmuseum
Amélie Simier, directrice du musée Bourdelle

Commissaire scientifique :
Jérôme Godeau, historien de l’art, musée Bourdelle

Cette première exposition en France consacrĂ©e Ă  Niels Hansen Jacobsen (1861-1941) invite Ă  une plongĂ©e onirique dans l’univers du sculpteur et cĂ©ramiste danois, contemporain d’Antoine Bourdelle (1861-1929). L’exposition se consacre aux annĂ©es parisiennes (1892 Ă  1902), de N.H. Jacobsen, Ă©tabli Ă  Paris qui est alors, avec Bruxelles et avant la SĂ©cession viennoise, l’une des capitales du premier symbolisme, nourri des Ă©changes et des amitiĂ©s nouĂ©es entre Ă©crivains, musiciens et artistes venus de l’Europe entière. L’atelier de Hansen Jacobsen Ă  la CitĂ© Fleurie, boulevard Arago, est le rendez-vous d’un groupe de symbolistes danois et francophiles. Dans ce « couvent artistique Â», l’émulation est d’autant plus vive que Hansen Jacobsen a pour voisins d’atelier le cĂ©ramiste et collectionneur Paul Jeanneney, le sculpteur et cĂ©ramiste Jean Carriès, l’illustrateur et affichiste Eugène Grasset.

L’oeuvre de Hansen Jacobsen est fortement marquĂ©e par un goĂ»t pour l’étrange, l’ambigu, voire le macabre – une « inquiĂ©tante Ă©trangetĂ© Â», pour reprendre la formule que Sigmund Freud inventera quelques annĂ©es plus tard. Ses sculptures renouent avec la mythologie nordique et les lĂ©gendes scandinaves, avec l’oralitĂ© du folklore et le fantastique des contes d’Andersen. Affranchie des canons de l’acadĂ©misme comme des conventions du rĂ©alisme, cette oeuvre singulière est nĂ©anmoins insĂ©parable des plus audacieuses recherches plastiques de son temps. Participant aux manifestations de la SociĂ©tĂ© nationale des beaux-arts et Ă  l’Exposition Universelle de 1900, Hansen Jacobsen est de fait engagĂ© aux cĂ´tĂ©s de ceux qui ont favorisĂ© l’éclosion de l’Art nouveau et le rayonnement du symbolisme. Parallèles quoique singulières, les trajectoires de Hansen Jacobsen et de Bourdelle participent toutes deux au rayonnement de ce moment symboliste, dans le sillage de Gustave Moreau et de Paul Gauguin. Elles s’inscrivent aussi dans la modernitĂ© ornementale de l’Art nouveau.

L’exposition donne Ă  voir la genèse et la richesse du langage plastique de N.H. Jacobsen, confrontant un ensemble significatif de plâtres, de bronzes et de cĂ©ramiques du Danois aux cĂ©ramiques de Jean Carriès, de Paul Gauguin, de Jeanneney, aux compositions graphiques d’Eugène Grasset, de Carlos Schwabe, d’Odilon Redon, de Frantisek Kupka, aux peintures de Georges de Feure , de Jens Lund, de Gustave Moreau, aux sculptures sataniques de Boleslas Biegas et Ă  une sĂ©lection de sculptures, de dessins et de photographies de Bourdelle, liĂ© aux milieux spiritualistes de Montparnasse et Ă  la Rose+Croix. Dans le laboratoire formel du symbolisme, opĂ©ratoire des annĂ©es 1890 aux annĂ©es 1900, l’exposition rend Ă  Jacobsen la place – essentielle â€“ qui lui revient, quand chaque oeuvre semble parler « Ă  l’âme en secret sa douce langue natale Â» (Charles Baudelaire, « L’invitation au voyage Â», Les Fleurs du mal, 1857).

65, Boulevard Arago – Un cercle symboliste danois Ă  Paris

Niels Hansen Jacobsen, fils d’agriculteur, naît à Vejen, petite ville industrielle du Jutland au Danemark, et se forme à l’Académie royale des beaux-arts de Copenhague dans la tradition du célèbre sculpteur Berthel Thorvaldsen, imprégnée des modèles de la statuaire antique. Une bourse de voyage distingue son talent et le mène de l’Allemagne à l’Italie puis à Paris, considérée alors comme la capitale des arts, où il s’installe en 1892 pour dix ans.

De Montmartre Ă  Montparnasse, on voit surgir de terre des citĂ©s d’artistes, comme l’actuel musĂ©e Bourdelle. Au 65 boulevard Arago, un entrepreneur avisĂ© dispose des pavillons, reliques de l’Exposition universelle de 1878, autour d’un jardin; c’est dans « cette espèce de couvent artistique Â» pour reprendre les termes du critique d’art Arsène Alexandre qui le frĂ©quente – lieu prĂ©servĂ© aujourd’hui sous le nom de CitĂ© Fleurie â€“ que Jacobsen et son Ă©pouse, la peintre Anna Gabriele Rohde, s’établissent. Ils y rejoignent une communautĂ© de sculpteurs nordiques et nord-amĂ©ricains. BientĂ´t ils attirent leurs amis danois – les peintres Axel Hou, Jens Lund, Henriette Hahn, Johannes Holbeck, le sculpteur Rudolph Tegner. L’émulation est d’autant plus vive qu’ils y cĂ´toient des acteurs majeurs du symbolisme : le sculpteur et potier Jean Carriès, Eugène Grasset l’illustrateur, Paul Jeanneney qui collectionne les cĂ©ramiques japonaises.

De son éloignement du Danemark, de ce creuset d’artistes rassemblés à Paris, Jacobsen tire l’alchimie d’une oeuvre éminemment originale, entre identité nordique, obsessions symbolistes, esthétique art nouveau et expérimentations techniques radicales.

La Petite Sirène

« â€“ Pourquoi ne nous a-t-on pas donnĂ© une âme immortelle ? Â» disait la petite sirène affligĂ©e. « Je donnerais les trois cents annĂ©es que j’ai Ă  vivre pour ĂŞtre personne humaine un seul jour et avoir part ensuite au monde cĂ©leste ! Â» Hans Christian AndersenLa Petite Sirène

Achevant la rĂ©daction de La Petite Sirène (1837), Hans Christian Andersen confesse : « c’est le seul de mes travaux qui m’ait Ă©mu moi-mĂŞme tandis que je l’écrivais Â». La fille des mers de l’écrivain danois appartient Ă  l’immense courant des figures de nymphes, de jeunes femmes associĂ©es Ă  la nature, qui ne cessent de refaire surface – des rĂŞveries du romantisme aux mystères du symbolisme, aux volutes de l’Art nouveau.

La transposition en ronde-bosse que Niels Hansen Jacobsen donne de la Petite sirène en 1901 inscrit le corps serpentin de l’ondine dans une dynamique tournoyante. Les prouesses ornementales des compositions de Jens Lund – compatriote de Hansen Jacobsen Ă  la CitĂ© fleurie â€“ ressortissent aussi Ă  la logique de l’arabesque. L’ambivalence de ce rythme plastique induit des images de dĂ©sir et de mort qui affleurent dans l’eau fuyante des aquarelles de Gustave Moreau, dans les songes ocĂ©aniques du Danois Henry Brokman ou le flux tĂ©nĂ©breux des lithographies d’Odilon Redon.

La cĂ©ramique organique de Jean Carriès et de Hansen Jacobsen, les teintes Ă©cumeuses et la matière vitreuse des pâtes de verres de François DĂ©corchemont et de Georges Despret invitent Ă  une mĂ©ditation sur l’imagination de la matière, Ă  une rĂŞverie sur « l’eau fĂ©minine Â», selon l’expression de Gaston Bachelard (L’eau et les rĂŞves, 1941), et ses mystères. L’opalescence irisĂ©e de la pièce du verrier amĂ©ricain Louis-Comfort Tiffany Ă©voque irrĂ©sistiblement « l’ombrelle vivante Â» de la mĂ©duse aux « fins cheveux qui sont ses organes pour respirer, absorber et mĂŞme aimer» (Jules Michelet, La Mer, 1875).

L’alchimie de la céramique

« Ce qui me plaĂ®t dans la cĂ©ramique, c’est que l’on crĂ©e soi-mĂŞme la matière… Â» Niels Hansen Jacobsen

La terre est la matière première d’un sculpteur mais l’achèvement de son oeuvre en bronze requiert l’intervention de fondeurs, ou en marbre celle de praticiens. En revanche le grès Ă©maillĂ© permet de se rĂ©approprier la totalitĂ© du geste crĂ©ateur : modelage, Ă©maillage puis cuisson – les hasards du feu font de chaque objet une pièce unique.

La dĂ©couverte des pots en grès du Japon Ă  l’Exposition Universelle de 1878 est une rĂ©volution artistique. Formes vĂ©gĂ©tales, construction asymĂ©trique, terres irrĂ©gulières, Ă©maux luisants ou mats, coulures et surĂ©paisseurs – ces grès japonais sont ardemment recherchĂ©s des collectionneurs comme des sculpteurs devenus potiers.

Au Salon de la SociĂ©tĂ© nationale des beaux-arts de 1892, tous les grands noms de la cĂ©ramique d’avant-garde se cĂ´toient : Chaplet, Dalpayrat, Dammouse, Deck, Delaherche, Gauguin, Lachenal, puis Bigot, Jeanneney… et Carriès, le voisin du 65 boulevard Arago, l’un des plus audacieux.

N.H. Jacobsen se met au grès dès 1894 – peut-ĂŞtre sous l’influence du cĂ©ramiste Carriès ? â€“ et sa production, exposĂ©e Ă  Paris entre 1898 et 1903, se distingue, plus fruste, plus expĂ©rimentale : des pots aux formes ambigĂĽes, des couvertes coulant comme des humeurs corporelles, des agrĂ©gats de matières brutes, des cloisons de mĂ©tal chantournĂ©es… De retour au Danemark, Jacobsen poursuit ses recherches alchimistes jusqu’à sa mort ; il aura soin que ses recettes d’émaillage disparaissent avec lui.

Le grès émaillé

La terre une fois cuite devient cĂ©ramique. On distingue deux types de cĂ©ramique : les pâtes poreuses, rendues impermĂ©ables par une couverte – terre vernissĂ©e, faĂŻence ; les pâtes vitrifiĂ©es dans la masse â€“ porcelaine, grès.

Le grès est dĂ©couvert en Chine au XVe siècle avant notre ère et son processus de cuisson Ă  haute tempĂ©rature (1150° Ă  1350°) maĂ®trisĂ©e dix siècles plus tard ; en France, des gisements de terre Ă  grès sont exploitĂ©s depuis le Moyen Age pour produire des objets utilitaires, impermĂ©ables et qui ne se fendent pas sous l’effet du gel.

Parallèlement aux productions de type industriel, la pratique du grès artistique se dĂ©veloppe Ă  la fin du XIXe siècle : la gamme subtile de ses couleurs naturelles est rĂ©vĂ©lĂ©e par la cuisson au bois puis au gaz, avec plus ou moins d’oxygène ; des couvertes appliquĂ©es, qui fondent et se vitrifient Ă  la cuisson, offrent d’autres effets de couleurs et de matières.

Toutes ces combinaisons possibles sont laissĂ©es Ă  l’apprĂ©ciation du potier devenu alchimiste : Ă  lui d’anticiper l’effet que donnera tel mĂ©lange de terre, telle superposition d’émaux, placĂ©s Ă  tel endroit du four, cuit Ă  telle tempĂ©rature et de telle manière…

Si Hansen Jacobsen maîtrise le processus et se délecte à jouer des marges de hasard qu’il offre, Bourdelle préfère confier à Alexandre Bigot, céramiste et chimiste expérimenté, le soin de mettre en couleurs ses sculptures. Les deux exposeront leurs céramiques dans les Salons et les Expositions universelles.

Troll qui flaire la chair de chrétiens – Sauvagerie de la forêt psychique

« L’homme y passe Ă  travers des forĂŞts de symboles. Qui l’observent avec des regards familiers Â» Charles Baudelaire, « Correspondances Â», Les Fleurs du Mal

Conçu par Niels Hansen Jacobsen au cours d’un sĂ©jour au Danemark en 1896, Troll qui flaire la chair de chrĂ©tiens s’inspire d’une figure immĂ©moriale du folklore scandinave. Une queue, des cornes, des serres en forme de pince Ă  trois doigts â€“ dĂ©ni diabolique de la TrinitĂ© du christianisme ? Aux aguets dans la forĂŞt des origines, la crĂ©ature bestiale renvoie aux pulsions premières et dĂ©voratrices. La logique formelle du Troll naĂ®t d’un riche humus de rĂ©fĂ©rences vernaculaires et plastiques.

Le processus dynamique de l’hybridation est directement inspirĂ© de Paul Gauguin, des pots anthropomorphes et zoomorphes du cĂ©ramiste qui joue avec le feu pour cĂ©lĂ©brer l’ensauvagement de l’artiste. Ă€ l’instar de Gauguin, les grès Ă©maillĂ©s de Carriès et de Hansen Jacobsen font surgir de la « fournaise intĂ©rieure Â» (Paul Gauguin) les monstres primitifs de l’oralitĂ© cannibale, tout Ă  la fois pour les invoquer et les conjurer.

Rien de plus pertinent que de coupler le symbolisme, symbolus (latin) ou sumbolon (grec), signe de ce qui unit l’esprit au monde, Ă  son contraire : le diabolisme, dia-bolos, le signe qui divise, qui sĂ©pare, qui oppose. La faim Ă©perdue de l’unitĂ© primordiale se double de la hantise de dislocation, de l’angoisse d’être dĂ©vorĂ© en retour. Une angoisse qui trouve son expression symbolique et plastique dans les figures de sorcières, de louves qui ressurgissent dans l’aquarelle d’Eugène Grasset, Trois femmes et trois loups (vers 1900), dans l’huile incandescente de Paul Ranson, la Sorcière au Chat noir (1893).

Masques et mĂ©duse – Affronter La Gorgone

« J’ai tout fait avec RIEN RIEN, seulement une gueule de bouledogue Â» Jean Carriès

Parce qu’il résume l’être à sa simple face, parce qu’il en est l’abrégé saisissant, le masque est une forme largement plébiscitée par les artistes de la fin du XIXe siècle, en quête d’expressions synthétiques et de symboles puissants. À ce titre, le Japon et ses masques du théâtre de Nô, dont Bourdelle conservait un exemplaire, fut un réservoir majeur, riche de mille et une variations.

Tandis que certaines de ses céramiques ressortissent au genre du portrait naturaliste, N.H. Jacobsen présente à l’Exposition universelle de 1900 une allégorie proprement cauchemardesque avec son Masque de l’Automne.

Le masque, qui fige le vivant au point de le pĂ©trifier, est moins un « dĂ©cor suborneur Â» que l’apparition de « la vĂ©ritable tĂŞte et la sincère face Â» (Charles Baudelaire, « Le Masque Â», Les Fleurs du Mal, 1861). Avec ses plis et ses viscositĂ©s, avec ses yeux Ă©nucléés ou sa langue caressant un serpent, le masque fixe la mort Ă  l’oeuvre, et dĂ©voile la sexualitĂ© la plus archaĂŻque.

Le masque, cette tête décapitée de Jean-Baptiste que contemple la Salomé au jardin (1871) de Gustave Moreau, renvoie inexorablement à Méduse, cette gorgone mortelle dont Persée parvint à trancher la tête maléfique. À cet égard, Antoine Bourdelle, Pierre-Amédée Marcel-Berroneau et surtout Arnold Böcklin, avec sa Méduse effrayée (1897), ont livré des images d’autant plus médusantes qu’elles réunissent, sur une même face, Eros et Thanatos, l’amour et la mort.

La part de l’ombre

« Imagine, mon ombre est devenue folle, elle croit ĂŞtre l’homme et que moi… pense donc… que moi, je suis son ombre ! Â» Hans Christian AndersenL’Ombre

Insaisissable par nature, l’ombre est une figure de l’impermanence, de l’incertitude, voire de la mort. Elle est aussi « signature du rĂ©el Â», pour reprendre les termes de ClĂ©ment Rosset (2004), car seul un corps tangible peut projeter une ombre. De cette noirceur Ă©quivoque, les symbolistes tirent un surcroĂ®t de sens : l’ombre agit comme rĂ©vĂ©lateur de l’irrationnel, de la part incontrĂ´lĂ©e mais nĂ©cessaire de soi-mĂŞme. Son royaume est celui des bĂŞtes hybrides et nocturnes qui hantent les cĂ©ramiques de Hansen Jacobsen, la gravure de Frantisek Kupka, la photographie de BrassaĂŻ et La Nuit (1894) de Victor ProuvĂ©. Mais ce chef d’oeuvre symboliste renvoie aussi aux travaux, contemporains de ceux de Hansen Jacobsen, sur l’exploration des rĂŞves, aux recherches sur le sommeil et l’hypnose de l’École psychiatrique de Nancy.

Des contrĂ©es obscures du psychisme surgissent les apparitions cauchemardes-ques du Chopin de Boleslas Biegas, les visions fantomatiques des plaques de verre de Bourdelle. Les arabesques tĂ©nĂ©breuses de Jens Lund laissent Ă©merger d’inavouables dĂ©sirs qui assaillent, comme autant de doubles menaçants, la figure masculine du marbre de Bourdelle ou le masque aux yeux clos de la broche de Grasset : « Je est un autre Â», selon la formule d’Arthur Rimbaud…

Transcription plastique du conte Ă©ponyme d’Hans Christian Andersen (1847) oĂą le savant qui a donnĂ© congĂ© Ă  son ombre en devient la victime, L’Ombre (1897) de Hansen Jacobsen renvoie Ă  on ne sait quelle Ă©vidence sinistre : ce « long haillon Â» se plie, se dĂ©plie et se dilate comme la draperie d’une vague qui aurait englouti le corps dont elle Ă©tait la projection.

La mort et la mère – L’arabesque du féminin

« Alors la mère […] tomba Ă  genoux […]. Et elle baissa profondĂ©ment la tĂŞte. Et la Mort entra avec son enfant au pays inconnu Â» Hans Christian AndersenL’Histoire d’une mère

Plus sombre encore que le conte de La Petite Sirène (1837), L’Histoire d’une mère (1847) renvoie Ă  l’impossibilitĂ© de dĂ©partager, comme l’écrit H.C. Andersen, « la fleur du malheur» de celle de « la bĂ©nĂ©diction Â». La chute du texte d’Andersen inspire Ă  Niels Hansen Jacobsen la transposition plastique de La Mort et la mère, prĂ©sentĂ©e au Salon de la SociĂ©tĂ© nationale des beaux-arts de 1893. Enroulement, volute, spirale… du mouvement giratoire de la Mort Ă  la fluiditĂ© de la robe et des cheveux flottants, le fĂ©minin ouvre un espace ondulatoire oĂą l’on peut sombrer.

L’érotisme serpentin de l’arabesque prend une charge mortifiante avec La Vitrioleuse (1894) d’Eugène Grasset, La Femme au chapeau noir (vers 1898-1900) de Georges de Feure. Par quel malĂ©fice les grâces florales de l’Art nouveau s’inversent si aisĂ©ment en figures de la castration – MĂ©duse, stryge , sirène ou succube ? La goule aux filets captateurs imprime toute sa noirceur aux lithographies d’Edvard Munch ou d’Eugène Carrière.

Fleurs du Mal (1890) d’Odilon Redon, Fleur putain, Fleur de nuit (1898) de Jens Lund, FĂ©miniflores ornementales et fatales de Georges de Feure… Entre exorcisme et fascination, le masque mĂ©dusĂ©en ressurgit sans cesse sous l’icĂ´ne de la femme-fleur – image Ă©nigmatique, dĂ©chiffrĂ©e par Sigmund Freud comme reprĂ©sentation horrifiante de la puissance sexuelle de la Mère.