🔊 “Luxe de poche” Petits objets précieux au siècle des Lumières, au musée Cognacq-Jay, du 28 mars au 29 septembre 2024 (prolongée jusqu’au 24 novembre 2024)
“Luxe de poche”
Petits objets précieux au siècle des Lumières
au musée Cognacq-Jay, Paris
du 28 mars au 29 septembre 2024 (prolongée jusqu’au 24 novembre 2024)
musée Cognacq-Jay
PODCAST – Entretien avec Sixtine de Saint Léger, attachée de conservation au musée Cognacq-Jay, et co-commissaire l’exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 29 avril 2024, durée 23’43,
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
Jean Ducrollay, Carnet, en 1752. © CC0 Paris Musées/Musée Cognacq-Jay.
Charles Le Bastier, Boîte, entre 1763 et 1764. © CC0 Paris Musées/Musée Cognacq-Jay.
Atelier des Sarao (attribué à), Boîte, entre 1730 et 1740. © CC0 Paris Musées/Musée Cognacq-Jay.
Commissariat général
Sixtine de Saint Léger, attachée de conservation au musée Cognacq-Jay
Gabrielle Baraud, assistante de conservation
Comité scientifique
Vincent Bastien, collaborateur scienti»que au Château de Versailles
Ariane Fennetaux, professeure des universités, Université Sorbonne Nouvelle
Pascal Faracci, conservateur en chef du patrimoine
L’exposition Luxe de poche au musée Cognacq-Jay présente une collection exceptionnelle de petits objets précieux et sophistiqués, en or, enrichis de pierres dures ou de pierres précieuses, couverts de nacre, de porcelaine ou d’émaux translucides, parfois ornés de miniatures. Les usages de ces objets varient, mais ils ressortent tous des us et coutumes d’un quotidien raffiné, signe de richesse, souvenir intime. Au siècle des Lumières comme aux suivants, ils suscitent un véritable engouement en France d’abord puis dans toute l’Europe.
Luxe de poche a pour ambition de renouveler le regard que l’on porte sur ces objets, en adoptant une approche plurielle, qui convoque à la fois l’histoire de l’art et l’histoire de la mode, l’histoire des techniques, l’histoire culturelle et l’anthropologie en faisant résonner ces objets avec d’autres œuvres : des accessoires de mode, mais aussi les vêtements qu’ils viennent compléter, le mobilier où ils sont rangés ou présentés et enfin des tableaux, dessins et gravures où ces objets sont mis en scène. Ce dialogue permet d’envisager ces objets dans le contexte plus large du luxe et de la mode au XVIIIe et au début du XIXe siècle.
Point de départ de cette nouvelle exposition, la collection remarquable d’Ernest Cognacq est enrichie de prêts importants – d’institutions prestigieuses comme le musée du Louvre, le musée des Arts décoratifs de Paris, le Château de Versailles, le Palais Galliera, les Collections royales anglaises ou le Victoria and Albert Museum à Londres et des collections particulières – afin d’offrir une nouvelle lecture de ces accessoires indispensables du luxe.
Pierre-Aldebert Griot, Tabatière, entre 1750 et 1760. © CC0 Paris Musées/Musée Cognacq-Jay.
Jean Raoux, Jeune fille lisant une lettre ou la liseuse, vers 1717 – 1718. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Tony Querrec Paris, musée du Louvre.
Jean-Baptiste Deshays (Attribué à), (dit le Romain), Portrait présumé de Jeanne-Elisabeth-Victoire Deshays, épouse de l’artiste, vers 1760 — 1763. © CC0 Paris Musées/Musée Cognacq-Jay.
Manufacture de Saint-Cloud, Drageoir en forme de tatou, vers 1750. © CC0 Paris Musées/Musée Cognacq-Jay.
Daniel Baudesson, Tabatière, 1760 – 1770. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Martine Beck-Coppola, Paris, musée du Louvre.
Johann-Christian Neuber, Boîte, vers 1780. © CC0 Paris Musées/Musée Cognacq-Jay.
Parcours de l’exposition :
LUXE DE POCHE – Salles 1 & 2
Le XVIIIe siècle se caractérise par le développement des métiers d’art et l’essor des arts décoratifs. Les petits objets précieux sont regroupés sous le vocable générique de « boîtes » ou de « bijoux » : tabatières, bonbonnières, boîtes à mouches ou à fard, étuis, nécessaires, flacons, montres, châtelaines, lorgnettes… L’Encyclopédie les définit comme « les ouvrages d’orfèvrerie qui ne servent que d’ornement […] Cette partie n’étant qu’un talent de mode et de goût ne peut avoir aucune règle fixe que le caprice de l’ouvrier ou du particulier qui commande ». Par la préciosité de leurs matériaux, l’inventivité de leurs mécanismes, les gestes raffinés qu’ils exigent, ils révèlent le statut social de leur propriétaire. La mode pour ces objets de luxe favorise la créativité des orfèvres, qui rivalisent de virtuosité. L’arrivée de matériaux exotiques – porcelaine, laque – est source d’émulation et d’innovations techniques. Ces objets portatifs accompagnent les pratiques de sociabilité des élites et en codifient les usages. Cachés au creux des poches, ils participent de la culture des apparences et des enjeux de distinction sociale. Grâce à un ensemble exceptionnel de près de trois cents oeuvres, l’exposition replace ces objets dans le contexte de leur fabrication et de leurs usages.
USAGES, PRATIQUES ET SOCIABILITÉS – Salle 3
Cachés dans les poches puis révélés d’un geste élégant, boîtes, étuis et tabatières participent d’une stratégie de l’élégance. Mobiles, tenant dans la main ou portés au plus près de soi, ces objets sont à la fois personnels, intimes et éminemment sociaux. Ils accompagnent leur propriétaire hors de la sphère privée pour aller sur le théâtre du monde. Destinés à être vus et montrés, ils relèvent pleinement de la parure et contribuent à façonner la culture des apparences, caractéristique du siècle. Les objets de poche participent des pratiques de sociabilité tout au long de la journée. Les délicates boîtes à poudre ou à mouches servent aux rituels de la toilette, et les ¸acons à parfum éveillent les sens. En société, il est de bon ton de sortir de sa poche une jolie tabatière pour offrir du tabac à la compagnie, ou d’en extraire un nécessaire élégant dont les accessoires miniatures, s’ils sont parfois utiles, servent avant tout à signaler le raffinement et le goût. Au théâtre ou au bal, les ingénieuses lorgnettes permettent autant de voir que d’être vu, tandis que les étuis à messages participent de la même culture de sociabilité.
LA FABRIQUE DE L’ŒUVRE – Salle 4
De la fabrique à la diffusion de ces objets, une économie inventive et florissante se développe à Paris et en Europe au cours du XVIIIe siècle. Des foyers de production apparaissent en Allemagne, en Italie ou en Angleterre, avec pour chacun des spécificités et techniques particulières. La curiosité scientifique et l’attrait pour les sciences naturelles, telle la minéralogie, favorisent la création d’objets à la fois érudits et utiles. Leur fabrication requiert le savoir faire de nombreux artisans d’art : peintres, émailleurs, lapidaires, vernisseurs… Les innovations techniques offrent de multiples possibilités. Les orfèvres réalisent des « montures à cage » qui mêlent or et tout autre matériau : porcelaine, émail, écaille ou micro-mosaïques. Ces objets se déclinent du luxe au “populuxe”, dans les matériaux des plus précieux aux plus anondins (bois, paille, papier mâché…), offrant une production plus abordable vendue par les orfèvres, les bijoutiers et les marchands merciers. En France, ces derniers jouent le rôle de prescripteurs de tendances, favorisant la naissance d’une culture de la consommation. « Marchand[s] de tout & faiseur[s] de rien » selon Diderot, ils importent des matériaux exotiques, créent des modèles inédits, et fournissent une clientèle diversifiée.
SOURCES ET MODÈLES – Salle 5
Les objets précieux témoignent de l’essor du luxe, qui s’accompagne d’une grande créativité esthétique. Un formidable répertoire de formes, motifs et petites scènes se décline sur les couvercles de tabatières, les ¸acons, les camées montés en boutons ou bijoux… Miroirs de leur époque, ces accessoires suivent l’évolution du goût comme les effets de mode d’une société en mouvement. Les toiles mythologiques ou pastorales des maîtres du XVIIIe siècle de la peinture galante – Watteau, Boucher, Greuze et Fragonard – sont copiées ou imitées en miniature. Les références littéraires s’exposent sur ces objets, attestant de la culture et de la sensibilité de leur propriétaire. Aux côtés de ces imaginaires élégants et fantasmés, les grands événements occupent une place de choix dans ce vocabulaire esthétique. Ces objets parlants, à l’iconographie riche de sens, sont au coeur des circulations, et se font vecteurs de l’actualité royale, des avancées scientifiques et des progrès technologiques.
L’ART DE COLLECTIONNER – Salle 6
Prisés par les monarques, les membres des familles royales et les cours à travers l’Europe, ces petits objets précieux sont dès le XVIIIe autant offerts que collectionnés. Frédéric II (1712-1786), roi de Prusse, rassemble ainsi près de trois cents tabatières parmi les plus luxueuses. Bijoux de valeur et souvenirs au puissant pouvoir évocateur, ils témoignent d’une amitié, d’un amour, d’un haut fait. Pour les connaisseurs des siècles suivants, la richesse de ces objets incarne une époque marquée par l’élégance. L’intérêt renouvelé pour la virtuosité des orfèvres des Lumières trouve son expression auprès des collectionneurs du tournant du XXe siècle. À l’affût d’objets emblématiques de ce savoir-faire, Ernest Cognacq et Marie-Louise Jaÿ ont ainsi acquis quelque deux cent soixante « bijoux ». Cette collection forme un ensemble exceptionnel, parmi les plus prestigieux et représentatifs de cette production raffinée. À partir des années 1960, Rosalinde et Arthur Gilbert, philanthropes éclairés, collectionnent avec passion ces joyaux, dont certaines des tabatières de Frédéric II. La collection Gilbert, conservée depuis 2008 au Victoria and Albert Museum, comprend plus de deux cents pièces qui en font l’une des plus importantes collections privées récentes de boîtes orfévrées, illustrant la pérennité de ce collectionnisme.
EXOTISMES – Salle 7
L’essor des échanges commerciaux à partir de la »n du XVIIe siècle favorise le goût pour l’exotisme. Les marchands-merciers font réaliser des objets ornementaux composites alliant laque, coquilles, écailles de tortue et pierreries issues de ces faux. La galanterie de poche devient un ailleurs transporté au plus près de soi. Cet Orient rêvé fascine et inspire les artistes européens, comme François Boucher (1703-1770), qui déclinent dans les arts décoratifs la mode des « chinoiseries ». Au sein des manufactures comme des ateliers, artisans et orfèvres innovent pour imiter ces matériaux exotiques – tel le vernis Martin, qui reproduit la brillance de la laque. Le secret de la fabrication de la porcelaine, à l’origine importée d’Asie, est découvert par les chimistes au cours du siècle en Europe, où elle est utilisée pour la réalisation de boîtes ou d’étuis. Cette émulation et le développement de savoir-faire connaissent un renouveau au début du XXe siècle. De grandes maisons de la joaillerie – Fabergé ou Van Cleef & Arpels – s’inspirent des formes et des techniques de l’art raffiné du XVIIIe siècle.