🔊 “Portrait éphémère du Japon” au Musée Guimet, du 20 septembre 2023 au 15 janvier 2024
“Portrait éphémère du Japon”
Photographies de Pierre-Elie de Pibrac
au Musée national des arts asiatiques – Guimet
du 20 septembre 2023 au 15 janvier 2024
PODCAST –Â Interview de Pierre-Elie de Pibrac,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 18 septembre 2023, durée 27’12,
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
Pierre-Elie de Pibrac, Mono no Aware #4. © photographie Pierre-Elie de Pibrac, Courtesy Galerie Anne-LaDure Buffard Inc.
Pierre-Elie de Pibrac, Mono no Aware #2. © photographie Pierre-Elie de Pibrac, Courtesy Galerie Anne-LaDure Buffard Inc.
Pierre-Elie de Pibrac, Mono no Aware #1. © photographie Pierre-Elie de Pibrac, Courtesy Galerie Anne-LaDure Buffard Inc.
Pierre-Elie de Pibrac, Mono no Aware #8. © photographie Pierre-Elie de Pibrac, Courtesy Galerie Anne-LaDure Buffard Inc.
Pierre-Elie de Pibrac, Hakanai Sonzai #4. © photographie Pierre-Elie de Pibrac, Courtesy Galerie Anne-Laure Buffard Inc.
Commissariat :
Pierre-Elie de Pibrac, photographe
Laurence Madeline, conservatrice du patrimoine
Claire Bettinelli, chargée de production des expositions et des collections contemporaines au Musée Guimet
Le Musée Guimet présente le projet photographique Hakanai Sonzai qui signifie en japonais « je me sens moi-même une créature éphémère ». À travers un ensemble de portraits couleur, de paysages et de natures mortes noir et blanc aux allures d’estampes, Pierre-Elie de Pibrac y raconte le sentiment d’impermanence qui imprègne la culture japonaise, une société qui a forgé des règles collectives exigeantes afin de faire face à l’hostilité d’une nature imposant partout sa loi.
Prolongeant un travail photographique anthropologique et social initiĂ© en 2016 Ă Cuba et qu’il poursuivra en 2024 en IsraĂ«l, Pierre-Elie de Pibrac (nĂ© en 1983) a sillonnĂ© le Japon entre dĂ©cembre 2019 et aoĂ»t 2020 pour rĂ©aliser la sĂ©rie Hakanai Sonzai. Au cours de cette enquĂŞte immersive, l’artiste est allĂ© Ă la rencontre d’individualitĂ©s cherchant Ă exprimer la singularitĂ© d’une histoire personnelle par le biais de leur participation au projet du photographe : yakuzas, rescapĂ©s de Fukushima, hikikomori (personnes vivant coupĂ©es du monde et des autres, cloĂ®trĂ©es le plus souvent dans leur chambre) ou « Ă©vaporĂ©s » ayant optĂ© pour une disparition volontaire…
Pierre-Elie de Pibrac engage souvent ces échanges intimes par l’envoi de carnets de notes vierges et d’appareils photos jetables, entretenant une correspondance assidue avec ses modèles avant de travailler avec eux en décors et lumières naturels. Au temps humain nécessaire à la création de la relation répond alors le temps long photographique de la prise de vue à la chambre.
« Dans un pays oĂą les habitants s’ouvrent peu, il a fallu que je sois particulièrement mĂ©thodique et patient pour briser la glace et entrer lentement dans la vie des Japonais dont je voulais raconter l’histoire » explique Pierre-Elie de Pibrac. En contrepoint Ă ces tableaux photographiques de grand format oĂą le visage de l’autre est omniprĂ©sent, un ensemble de photographies noir et blanc propose, sans trace de prĂ©sence humaine, de somptueux dĂ©tails du Japon Ă©ternel : chutes d’eau, Ă©tangs aux profondeurs insondables, canopĂ©es Ă la densitĂ© oppressante, architectures abandonnĂ©es, rendant sensible la violence cachĂ©e dans les troublantes beautĂ©s du paysage japonais.
InspirĂ©es de le la tradition japonaise de l’ukiyo-e, art subtil de l’encre et des gravures sur bois, ces photographies noir et blanc renvoient Ă la conscience aigĂĽe d’une prĂ©caritĂ© de l’existence, prĂ©sente dans la notion de Mono no Aware, sensibilitĂ© pour l’éphĂ©mère omniprĂ©sente au Japon, oĂą les forces alĂ©atoires d’une nature capricieuse et mystique avec ses sĂ©ismes terrestres et marins rĂ©currents pèsent sur la vie des habitants.
Les images de Pierre-Elie de Pibrac nous immergent dans la profondeur de la culture et de l’esthétique japonaises, donnant à voir, en creux, la fragile beauté de notre condition humaine.
Hakanai Sonzai
« Je me sens moi-même une créature éphémère » pourrait être la traduction d’Hakanai Sonzai, récit photographique d’un voyage dans le Japon contemporain en forme de fable. En pleine pandémie, Pierre-Elie de Pibrac s’en est allé avec sa famille interroger un monde écartelé entre tradition et modernité. Le plus souvent prises à la chambre, sur pieds et avec un temps de pose calculé, les photographies ne relèvent en rien du reportage mais plutôt d’une méditation optique. Des visages et des paysages, la ville et la nature offrent un dialogue dans lequel résonne avant tout la force de l’esprit.
Solitude des êtres ressentant la pression sociale, figures parfois spectrales qui semblent s’échapper des corps, le Japon est dépeint comme un monde où l’obsolescence même de l’homme semble se jouer. Mais cette fable n’est pas une simple dystopie où la catastrophe aurait dit son dernier mot. Elle est aussi un voyage initiatique au cours duquel la poésie tisse des liens invisibles entre les personnages absorbés. La grandeur d’une culture s’est prolongée dans une mythologie de mangas, où il est question de destins contrariés et d’aventures spirituelles.
Les jeux de références à des styles photographiques de différentes époques, où la couleur et le noir et blanc entrent en correspondance, nous offre sous l’oeil de Pierre-Elie de Pibrac une plongée tantôt onirique, tantôt prosaïque, dans un monde qui se tient aux avant-postes d’un futur sans visage.
Michel Poivert
Pierre-Elie de Pibrac, Hakanai Sonzai #6. © photographie Pierre-Elie de Pibrac, Courtesy Galerie Anne-Laure Buffard Inc.
Pierre-Elie de Pibrac, Hakanai Sonzai #2. © photographie Pierre-Elie de Pibrac, Courtesy Galerie Anne-Laure Buffard Inc.
Pierre-Elie de Pibrac, Hakanai Sonzai #1. © photographie Pierre-Elie de Pibrac, Courtesy Galerie Anne-Laure Buffard Inc.
Pierre-Elie de Pibrac
Né en 1983 à Paris, Pierre-Elie de Pibrac a une approche singulière de la photographie, à mi-chemin entre la tradition du reportage humaniste et la photographie plasticienne, chaque projet immersif faisant l’objet d’un important travail de recherche et d’une approche conceptuelle déterminée par le sujet.
Nommé Emerging European Talent par le Fotomuseum Winterthur en 2019 et ayant été lauréat en 2021 du Taylor Wessing Prize de la National Portrait Gallery, Pierre-Elie de Pibrac a bénéficié d’expositions dans de nombreuses institutions en France et à l’étranger dont au Channel NeXus Hall de Tokyo, aux Rencontres d’Arles, à Kyotographie, à La Casa Victor Hugo de la Havane, au Musée du Nouveau Monde de la Rochelle.
Sa série Hakanai Sonzai réalisée à l’occasion d’un séjour de huit mois au Japon constitue la seconde partie d’un triptyque anthropologique et social ayant mené l’artiste à Cuba en 2016-2017.
« Pour mener Ă bien mes projets, j’ai besoin de m’immerger profondĂ©ment dans la vie de ceux que je vais suivre » explique le photographe qui a vĂ©cu près d’un an aux cĂ´tĂ©s des azucareros. Comme le souligne l’historien de la photographie Michel Poivert : « Pierre-Elie de Pibrac fait sienne les valeurs de l’instrument : l’opĂ©rateur est non seulement visible, mais il co-construit avec la pose et les Ă©changes un « dialogue photographique » avec celui qui livre son image. »
Desmemoria a été lauréat du Prix Levallois en 2018. Le livre éponyme aux éditions Atelier EXB – Xavier Barral obtient en 2020 le prix HIP du meilleur livre photographique.
Passant du noir et blanc à la couleur, de l’argentique au numérique, Pierre-Elie de Pibrac est en quête, pour chacun de ses projets, d’un procédé de prise de vue et d’une technique de tirage en totale adéquation avec le sujet. Il travaille depuis deux ans à la préparation d’un nouveau projet immersif en Israël en 2024 afin de clore sa trilogie sur la place de l’individu au sein du corps social. Pierre-Elie de Pibrac est représenté en France depuis 2022 par la Galerie Anne-Laure Buffard.
Ses oeuvres figurent dans de nombreuses collections publiques et privées dont celles du Musée de l’Elysée de Lausanne, de la National Portrait Gallery de Londres, de la Bibliothèque nationale de France à Paris, du Ministère des Affaires étrangères, de l’Alliance Française de La Havane, de l’Institut français de Kyoto, de la Fototeca de Cuba, de la Collection Florence et Damien Bachelot ou encore de la Fondation Aperture à New York.
Publication
Hakanai Sonzai, Auteur Michel Poivert, historien de la photographie, Éditions Atelier EXB
Poursuivant son travail photographique sur la résilience, Pierre-Elie de Pibrac se rend au Japon en 2020 ; pays qui a connu le terrible tsunami de Fukushima et où les habitants se livrent peu sur leurs émotions, leurs inquiétudes psychiques et intimes.
Poursuivant la démarche initiée dès 2016 lors d’un voyage d’un an sur l’île de Cuba durant lequel il photographia le quotidien des populations délaissées des ouvriers du sucre et la fin de l’utopie castriste, Pierre-Elie de Pibrac entreprend de sillonner le Japon pour aller à la rencontre de personnes dont le destin a été bouleversé suite au séisme. Lors de ce long périple, le photographe saisit des instants de vie : les Japonais sont au coeur des dérives de l’anthropocène, sujet brûlant de nos sociétés modernes.
Réalisés à la chambre – mode de prise de vue hérité des origines de l’invention du médium –, ses portraits résultent de rencontres durant lesquelles, à rebours du geste furtif du reporter, hommes et femmes, adolescents et adultes se sont livrés sur leur histoire personnelle, leur fragilité, leurs inquiétudes existentielles. Ces visages semblent au premier abord tous emprunts d’une même impénétrabilité. Mais pour qui prend le temps de les scruter, ils apparaissent alors d’une grande singularité et constituent au final une galerie de portraits universels.
Doucement, on entre dans la vie de chacun d’eux, chacun est devenu un personnage qui exprime la fuite du temps, la difficulté d’être au monde, une certaine mélancolie. Pays où la pression sociale et l’exigence du paraître influent fortement sur l’identité de la personne, mais aussi pays où les forces aléatoires de la nature, avec ses séismes terrestres et marins récurrents, le Japon a développé depuis des siècles le concept de Mono no Aware, une sensibilité pour l’éphémère, une perception aigue de la vanité et de l’impermanence des choses. Ponctués de portfolios d’images aux profonds noir et blanc, ces portraits tous pris dans des décors et lumières naturels, nous immergent dans la culture japonaise. Une atmosphère mystérieuse plane.
Les images de Pierre-Elie de Pibrac parlent d’obsolescence et donnent à voir la fragile beauté de notre condition humaine.