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“Rein Dool” Les dessins, à la Fondation Custodia, Paris, du 17 juin au 17 septembre 2023

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“Rein Dool”
Les dessins

à la Fondation Custodia, Paris

du 17 juin au 17 septembre 2023

Fondation Custodia


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©Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 16 juin 2023.

Texte de Sylvain Silleran

Rein Dool, Il neige, 2013. Fusain sur papier oriental. – 700 x 970 mm. Rijksprentenkabinet, Rijksmuseum, Amsterdam, inv. RP-T-2015-21-3.
Rein Dool, Il neige, 2013. Fusain sur papier oriental. – 700 x 970 mm. Rijksprentenkabinet, Rijksmuseum, Amsterdam, inv. RP-T-2015-21-3.
Rein Dool, Il neige, 2013. Fusain sur papier oriental. – 700 x 970 mm. Rijksprentenkabinet, Rijksmuseum, Amsterdam, inv. RP-T-2015-21-3.
Rein Dool, Il neige, 2013. Fusain sur papier oriental. – 700 x 970 mm. Rijksprentenkabinet, Rijksmuseum, Amsterdam, inv. RP-T-2015-21-3.
Rein Dool, Wantijpark (Dordrecht), 2015. Fusain sur papier oriental. – 700 x 970 mm. Dordrechts Museum, Dordrecht, inv. DM/021/T2009. Photo © Jørgen Snoep
Rein Dool, Wantijpark (Dordrecht), 2015. Fusain sur papier oriental. – 700 x 970 mm. Dordrechts Museum, Dordrecht, inv. DM/021/T2009. Photo © Jørgen Snoep
Rein Dool, Mûrier, 2001. Fusain et aquarelle. – 620 x 790 mm. Collection de l’artiste. Photo © Adriaan van Dam.
Rein Dool, Mûrier, 2001. Fusain et aquarelle. – 620 x 790 mm. Collection de l’artiste. Photo © Adriaan van Dam.
Rein Dool, Ejea de los Caballeros (Meseta, nord de l’Espagne), 2004. Plume et encre de chine, pinceau et encre grise et café sur papier oriental. – 200 x 300 mm. Rijksprentenkabinet, Rijksmuseum, Amsterdam, inv. RP-T-2008-24.
Rein Dool, Ejea de los Caballeros (Meseta, nord de l’Espagne), 2004. Plume et encre de chine, pinceau et encre grise et café sur papier oriental. – 200 x 300 mm. Rijksprentenkabinet, Rijksmuseum, Amsterdam, inv. RP-T-2008-24.

Une vague serpente à travers la feuille de papier, cela pourrait être un visage de profil: le front, le nez, le menton. Une deuxième vague vient confirmer l’intuition, matérialisant les lèvres, enfin, un point place l’œil. Rein Dool a fait naitre un personnage d’un geste, une surprise, presque un truc de magicien. Le dessin au crayon lithographique, rehaussé d’un peu de gouache, pose un regard moqueur, une ironie tendre, humaniste et pleine d’empathie sur nos vies. La banalité ennuyeuse est remixée à l’imagerie populaire, la moindre petite chose devenant une scène formidable: un poêle à bois sur lequel les deux mains d’une femme en robe rayée posent une grande casserole prend des allures de machine grandiose, de locomotive à vapeur nous emmenant ailleurs.


Rein Dool change son trait, explore le dessin comme d’autres voyagent. Chaque salle est une découverte, on passe du portrait intime au paysage, de la page de carnet posé sur les genoux vite griffonnée à la grande feuille lentement recouverte d’un fusain dense. Des vacanciers sur une plage, avachis et désœuvrés rappellent les bobos de Brétecher. Il y a cet art de la synthèse dans lequel excellait Quino, le dessin semblant naïf mais qui sait tout montrer, jusqu’au contenu des poches, avec une justesse qui fait sourire. Le trait de Dool qui fredonne les airs de son temps a de profondes racines: des
petites eaux-fortes, portraits de sa mère, montrent l’influence de Rembrandt.


Un paysage du Roussillon, le sobre tracé comme des petites brindilles éparpillées là par hasard bruisse du chant des insectes. Le bord d’un champ en Dordogne esquissé avec légèreté, une clôture, des épis souples qui se balancent au gré du vent, ce sont des petits morceaux de voyages, glanés par un humble promeneur. Des Stupas birmans se découpent dans le ciel, silhouettes troublées par un envol d’oiseaux. Sur un étal de marché, des fruits sont suspendus à des fils, rideau de marchandises derrière lequel glissent des silhouettes. Le Ponte Vecchio de Florence, un couple d’amoureux assis dans un parc, le monde est simple et poétique, Dool nous dit juste le bonheur d’être là.


Les vues d’un parc dessinées d’un fusain hyperréaliste invitent à se perdre, paysages géants comme des fenêtres. Mais en s’approchant apparaissent des textures: le rythme des brins d’herbe, celui ferroviaire de l’écorce des troncs, les reflets dans l’eau noire des bassins, les constellations de nénuphars vibrent, battent tel un organisme vivant. Les allées vides de tout promeneur se perdent dans le flou léger d’une brume matinale, tout est immobile, calme; on retrouve ce silence que la peinture hollandaise a si bien su faire écouter.


Dans un coin d’atelier, flacons et boites de carton forment une nature morte, une ville miniature sur laquelle se penche la silhouette rose d’un visage. De grands portraits des amis, les copains qui passent, c’est toujours mieux qu’une photo. Rein Dool les dessine comme ils sont, ceux qui restent immobiles et ceux qui ne peuvent s’empêcher de bouger, celui qui joue du piano de ses immenses mains. La fille de l’artiste dessinée au crayon, en rondeurs douces et tendres puis son ami et colocataire, massif comme un bâtiment mais pourtant trahissant quelque hésitation, l’humanité du doute.


Un homme regarde la neige par la fenêtre. Les flocons sont gigantesques comme des pétales de fleurs, leur blancheur éclaire son visage et la main qui instinctivement tente d’en attraper un. On pense à la femme regardant par la fenêtre de Jacobus Vrel que l’on vient d’admirer à l’étage. Quatre siècles plus tard, les hollandais regardent toujours par la fenêtre dans un merveilleux silence.

 

Sylvain Silleran

Rein Dool, Lunettes à prismes (autoportrait), vers 1976. Craie lithographique, essence, gouache blanche. – 430 x 620 mm. Collection de l’artiste. Photo © Adriaan van Dam.
Rein Dool, Lunettes à prismes (autoportrait), vers 1976. Craie lithographique, essence, gouache blanche. – 430 x 620 mm. Collection de l’artiste. Photo © Adriaan van Dam.
Rein Dool, Île de Skye (Écosse), 2001. Pinceau et bistre sur papier oriental. – 245 x 315 mm. Collection de l’artiste. Photo © Adriaan van Dam.
Rein Dool, Île de Skye (Écosse), 2001. Pinceau et bistre sur papier oriental. – 245 x 315 mm. Collection de l’artiste. Photo © Adriaan van Dam.
Rein Dool, Enfant unique, 1970. Crayon et gouache. – 320 x 420 mm.Collection de l’artiste. Photo © Adriaan van Dam.
Rein Dool, Enfant unique, 1970. Crayon et gouache. – 320 x 420 mm.Collection de l’artiste. Photo © Adriaan van Dam.

Extrait du communiqué de presse :

Commissariat :
Rhea Sylvia Blok, conservatrice, Fondation Custodia



Après une précédente étape au Dordrechts Museum, la Fondation Custodia accueillera du 17 juin au 17 septembre 2023 l’exposition Rein Dool. Les dessins. Afin de faire découvrir toute la richesse de l’oeuvre dessiné de Rein Dool, la sélection d’une cinquantaine de feuilles exposées comprendra des prêts du Rijksmuseum, du Dordrechts Museum, de collections privées et de l’artiste lui-même. Cet évènement se tiendra en parallèle – et aux mêmes dates – de l’exposition Jacobus Vrel, énigmatique précurseur de Vermeer présentée actuellement au Cabinet royal de peintures du Mauritshuis, à La Haye.

Pour Rein Dool (né à Leyde le 3 février 1933), le dessin est au cœur de son travail d’artiste depuis plus de soixante-dix ans. Dès son plus jeune âge, il montre des prédispositions pour cette technique qu’il pratique tout au long de sa carrière de peintre. Dessinateur talentueux, Rein Dool voue un véritable amour aux matériaux, notamment au papier. Son oeuvre se compose de paysages, de portraits, de natures mortes et de figures plus ou moins abstraites, et révèle une grande diversité de styles et de techniques. Cette exposition, qui a d’abord eu lieu au Dordrechts Museum – Dordrecht étant la ville où habite et travaille Rein Dool –, s’inscrit dans une volonté de la Fondation Custodia de faire découvrir des oeuvres sur papier d’artistes contemporains figuratifs, tels Gèr Boosten (2015), Siemen Dijkstra (2020) ou plus récemment Charles Donker (2021-2022). Ger Luijten, directeur de la Fondation Custodia depuis 2010 et disparu soudainement le 19 décembre dernier, était à l’initiative de la venue à Paris de cette exposition consacrée exclusivement aux dessins de Rein Dool.

Suivant un ordre chronologique et thématique, l’exposition ouvre avec une pièce-clé dans l’oeuvre de l’artiste : Enfant unique de 1970. La feuille montre un enfant entre deux adultes. Le père tient la tête de son fils d’un geste à la fois protecteur et menaçant, pendant que l’enfant lève les yeux avec un regard dans lequel on lit plusieurs émotions : le respect, la crainte et un désir d’amour.

Rein Dool grandit dans un foyer familial où son père se comporte en despote envers sa femme et son fils. Le dessin devient alors une échappatoire. Parcourant la campagne, Dool se découvre un talent pour le travail d’après nature, fondé sur une observation minutieuse, ce qui va continuer à être un élément fondamental pendant toute sa carrière.

À l’âge de 14 ans, Dool débute une formation de lithographe. Il apprend à tracer à main levée des décorations et des caractères ainsi qu’à mélanger les encres afin d’obtenir la couleur correcte pour la photolithographie. En parallèle, il suit des cours de dessin d’après modèle chez Ars Aemula Naturae à Leyde, l’une des plus anciennes sociétés d’artistes néerlandaises. À l’issue de sa formation, Dool travaille comme lithographe pour diverses entreprises. Les premières oeuvres de sa main qui sont conservées – études de figures, paysages et portraits – ne sont pas datées et il est difficile d’en établir la chronologie. Un portrait de sa mère exécuté à l’eau-forte en 1958 témoigne de l’influence de Rembrandt van Rijn, tout comme les paysages de ses débuts.

En 1958, un tableau de Dool est récompensé par le prix d’encouragement pour les jeunes artistes attribué par le Fonds Willink van Collen. Quelques années plus tard, en 1961, l’artiste décide de se consacrer entièrement à son art. Il pratique alors le dessin, la lithographie et la peinture. En 1973, Dool achète une maison à Dordrecht, qu’il occupe encore aujourd’hui. Puis, en 1979, il est nommé professeur de dessin d’après modèle vivant à l’Académie de Bois-le-Duc, où il enseigne ensuite la lithographie et la peinture durant neuf années.

L’oeuvre de Rein Dool, comme le démontre cette exposition, est particulièrement varié. Si l’artiste est un maître du dessin sur le motif, il y voit aussi souvent un frein à sa liberté créatrice. Dans les années 1970, l’artiste réussit à traduire de puissantes émotions à travers des visages de profil très simplifiés. C’est également de cette façon qu’il manie l’autodérision. Ceci est notamment marquant dans ses représentations des résidents des hôpitaux. La liste des maladies graves auxquelles l’artiste a échappé est impressionnante. Dool a fait de nombreux longs séjours à l’hôpital, mais comme il le déclare lui-même : « Je n’ai jamais autant ri qu’à l’hôpital. On y assiste aux événements les plus incongrus. C’est souvent à mourir de rire. Le sinistre côtoie l’humour. On y voit l’envers de la vie. Il y a le monde à l’extérieur et le monde à l’intérieur. Et dans ce monde à l’intérieur, deux qualités sont indispensables : l’humour et l’imagination. C’est pareil avec l’art ». Sur cette thématique, l’exposition présente un autoportrait de l’artiste alité portant des lunettes à prisme, dispositif permettant aux patients contraints de rester allongés de regarder devant eux.

Fervent amateur d’art populaire, Dool est à l’initiative d’une exposition sur le peintre géorgien Niko Pirosmani (1862-1918) qui s’est tenue au Dordrechts Museum en 2012. L’admiration de Dool pour les peintres naïfs se traduit par une volonté de dévoiler les sentiments dans ses sujets et de se détacher de la réalité. Les portraits qu’il réalise de ses amis artistes et écrivains sont davantage à considérer comme une expression de leur caractère qu’une représentation exacte de la figure. Dool s’intéresse notamment au peu de moyens nécessaires pour composer une tête. Dessinant seulement une ligne en zig-zag, ajoutant un oeil, la tête « à la Dool » est née.

Ces têtes font partie intégrante de l’oeuvre aux nombreuses facettes de l’artiste et en sont des motifs très récurrents.

Tout au long de sa carrière, Rein Dool alterne des scènes semi-abstraites et des périodes dominées par le dessin de paysage. Grand voyageur, il a exécuté des croquis en Birmanie, en France et en Écosse. Ou encore, un peu plus tard, il s’imprègne de l’Espagne, dont il admire la nature sauvage. Dans ses paysages ibériques, il s’est forgé un style d’écriture propre, particulièrement adapté au papier oriental assez rugueux qu’il affectionne tant.

Puis, en 2013, il entame la série des « Parcs ». Ces larges dessins au fusain, qui ont demandé à l’artiste une grande concentration pour leur exécution, se caractérisent par une richesse de tons traduisant une atmosphère paisible. Ces feuilles imposantes ne ressemblent en rien à ses dessins sur le motif à la plume.

Proche des écrivains et des poètes, Dool a aussi effectué une série de dessins de grand format au fusain quasi surréalistes illustrant les poèmes de Hans Faverey (1933-1990), important poète néerlandais d’après-guerre. L’exposition se termine avec quelques feuilles récentes, l’artiste continuant à dessiner à l’âge de 90 ans.

Malgré la grande diversité de techniques, de matériaux et de styles de dessin, une forte relation de parenté entre les oeuvres demeure visible. Elle tient au sens de l’observation de l’artiste, à son écriture originale, aux thèmes récurrents qu’il affectionne et qui démontrent son émerveillement devant le monde, ainsi qu’à sa compassion et à son humour pour l’être humain et ses émotions.