🔊 “Picasso & la Préhistoire” au Musée de l’Homme, Paris, du 8 février au 12 juin 2023
“Picasso & la PrĂ©histoire”Â
au Musée de l’Homme, Paris
du 8 février au 12 juin 2023
PODCAST – Interview de CĂ©cile Godefroy, historienne de l’art, responsable scientifique du centre d’Ă©tudes Picasso – musĂ©e national Picasso Paris, et commissaire de l’exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 8 février 2023, durée 20’27.
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
Commissariat :
commissariat : CĂ©cile Godefroy
conseillers scientifiques préhistoire : Patrick Paillet et Éric Robert
cheffe de projet muséographe : Charlène Camarella
Dans le cadre de sa saison « Arts et PrĂ©histoire », le MusĂ©e de l’Homme propose, du 8 fĂ©vrier au 12 juin 2023, une exposition inĂ©dite consacrĂ©e à « Picasso et la PrĂ©histoire ». Sur 240 m2, une quarantaine de peintures, sculptures, dessins, cĂ©ramiques et galets gravĂ©s de Pablo Picasso, sont prĂ©sentĂ©s en dialogue avec des oeuvres prĂ©historiques et des objets de ses ateliers, explorant la relation de Picasso Ă ce passĂ© lointain. Cette exposition s’inscrit dans le cadre de la « CĂ©lĂ©bration Picasso 1973 – 2023 ».
L’authentification des premiers objets et peintures de la PrĂ©histoire, au dĂ©but du XXe siècle, marque profondĂ©ment les artistes de l’époque et ouvre leur regard. Par le biais d’expositions et de publications, ils accèdent Ă un catalogue d’Ĺ“uvres venues d’ailleurs, dont le rĂ©alisme schĂ©matique leur apparaĂ®t d’une modernitĂ© remarquable.
Les premières peintures prĂ©historiques sont dĂ©couvertes en Espagne dans la grotte d’Altamira en 1879 – deux ans avant la naissance de Picasso. Il faut cependant attendre 1902, (l’annĂ©e des 21 ans de Picasso, qui vit alors principalement Ă Barcelone) pour que les scientifiques les authentifient comme la marque d’un art pariĂ©tal palĂ©olithique original, dotĂ© d’un rĂ©alisme et d’une modernitĂ© remarquables. Ce choc esthĂ©tique et philosophique s’inscrit dans un contexte artistique de profond renouvellement, bientĂ´t marquĂ© par les expĂ©rimentations cubistes et surrĂ©alistes. Le Manifeste du SurrĂ©alisme d’AndrĂ© Breton, paraĂ®t en 1924, deux ans après la dĂ©couverte de la VĂ©nus de Lespugue. Picasso a-t-il visitĂ© les sites prĂ©historiques rĂ©vĂ©lĂ©s Ă cette Ă©poque ? Rien ne l’atteste, mĂŞme si on lui a prĂŞtĂ© des propos enthousiastes Ă ce sujet. Mais les prĂ©historiens disposaient dĂ©jĂ d’outils de diffusion : ils pratiquaient la photographie en noir et blanc, les relevĂ©s Ă vue et les relevĂ©s par contact, Ă l’échelle 1, Ă l’aide de papiers calques apposĂ©s sur les parois. Les objets d’art mobilier et l’art pariĂ©tal ont ainsi Ă©tĂ© portĂ©es Ă la connaissance du public et des artistes, par le biais de reproductions dans des revues d’art et d’archĂ©ologie, Ă l’instar de Cahiers d’art, crĂ©Ă©e en 1926 par Christian Zervos, critique d’art et ami de Picasso, dont l’exposition rĂ©unit quelques parutions dĂ©diĂ©es.
La découverte d’une esthétique
Brassaï fut un témoin privilégié de l’attention portée par Picasso à la Préhistoire. Jeune photographe arrivé de Hongrie, il photographie les ateliers de Boisgeloup, près de Gisors, et de la rue de La Boétie, à Paris, pour le premier numéro de la revue Minotaure, paru en 1933. Pendant la guerre, c’est l’atelier de la rue des Grands-Augustin, à Paris, qui passe sous l’objectif de Brassaï. Il y dévoile la présence d’une « vitrine-musée » abritant, parmi oeuvres et objets collectés, deux reproductions de la Vénus de Lespugue : l’une, conforme à l’originale, ébréchée, et l’autre, reconstituée. Un ensemble de crânes animaliers et d’ossements ayant appartenu à l’artiste et conservé dans ses ateliers est pour la première fois exposé. Quelques passages des Conversations avec Picasso de Brassaï rapportent enfin des propos de son ami sur la façon dont la nature a pu inspirer les premiers artistes. Mais c’est l’oeuvre elle-même, surtout, et particulièrement les créations de l’entredeux- guerres, qui révèlent quelle singulière source d’inspiration le monde de la Préhistoire fut pour Picasso.
Le parcours de l’exposition
Corps modelés
Comme d’autres de ses contemporains, Pablo Picasso est rĂ©ceptif Ă la dĂ©couverte de ces sources lointaines qui touchent aux origines de l’humanitĂ© et au mythe du premier artiste. Il entre très tĂ´t en possession de deux moulages de la VĂ©nus de Lespugue, dĂ©couverte en 1922, dont l’original est prĂ©sentĂ© dans l’exposition « Arts et PrĂ©histoire ». Il compose Ă partir de l’étĂ© 1927 des dessins, peintures et sculptures qui renouvellent la reprĂ©sentation des corps fĂ©minins en associant volumes lisses et renflĂ©s, faisant presque abstraction du visage. Femme lançant une pierre, peinte en 1931, et prĂ©sentĂ©e dans la première partie de l’exposition, « Corps modelĂ©s » est emblĂ©matique de cette recherche.
Bestiaire et grands décors
Un deuxième espace de l’exposition, « Bestiaire et grands dĂ©cors », rassemble un corpus d’animaux et de crĂ©atures de Picasso, dont l’Ă©criture au trait redouble le motif et les attitudes, Ă l’instar des groupes animaliers peints sur les parois de sites prĂ©historiques en Espagne et en France.
Empreintes et abstractions
La partie « Empreintes et abstractions », fait résonner les mystérieux signes abstraits incisés dans la pierre avec quelques dessins de Picasso, et son Empreinte (au sucre) de la main de Picasso sur une plaque de cuivre avec les saisissantes empreintes négatives ornant les plafonds de la grotte d’Altamira ou de celle du Pech Merle. En élisant sa main comme sujet et motif, Picasso assigne un caractère permanent à l’acte créateur, dans la continuité des premiers humains.
Objets trouvés
Une quatrième section, « Objets trouvés », explore la façon dont Picasso regarde, collecte, détourne les objets naturels comme ces cailloux que de simples trous transforment en têtes de mort, réunis pour la première fois, ou ces galets de plage que l’artiste a enrichi de quelques visages gravés. Ce rassemblement de petits fétiches détournés à des fins esthétiques ou utilitaires fait écho aux matières animales et minérales utilisées par les premiers artistes.
DĂ©esses primitives
Une cinquième et dernière partie de l’exposition, consacrĂ©e aux « DĂ©esses primitives » confronte un ensemble de moulages de VĂ©nus prĂ©historiques aux sculptures de Picasso, parmi lesquelles la VĂ©nus du gaz, crĂ©Ă©e en 1945 Ă partir d’un brĂ»leur de gazinière dressĂ© Ă la verticale, qu’il qualifiait de « dĂ©esse des temps modernes ». Une manière de se projeter dans le temps et d’interroger comme un Ă©ternel retour la permanence et la transcendance de l’art.