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🔊 “S.H. Raza” (1922-2016), au Centre Pompidou, Paris, du 15 février au 15 mai 2023

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“S.H. Raza” (1922-2016)

au Centre Pompidou, Paris

du 15 février au 15 mai 2023

Centre Pompidou


Interview de Diane Toubert, archiviste à la Bibliothèque Kandinsky - Centre Pompidou, et co-commissaire de l'exposition, par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 14 février 2023, durée 18’17. © FranceFineArt.

PODCAST –  Interview de Diane Toubert, archiviste Ă  la Bibliothèque Kandinsky – Centre Pompidou, et co-commissaire de l’exposition,


par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 14 février 2023, durée 18’17.
© FranceFineArt.


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©Anne-Fréderique Fer, présentation presse, le 14 février 2023.

Extrait du communiqué de presse :

S.H. Raza, années 1960. Crédits photographiques : André Morain
S.H. Raza, années 1960. Crédits photographiques : André Morain
Couverture de L’Esprit de la nature : Sayed Haider Raza aux Éditions L’Asiathèque, un ouvrage édité par Annie Montaut et Ashok Vajpeyi.
Couverture de L’Esprit de la nature : Sayed Haider Raza aux Éditions L’Asiathèque, un ouvrage édité par Annie Montaut et Ashok Vajpeyi.
S.H. Raza, Udho, Heart is Not Ten or Twenty, 1964. Huile sur toile. Peabody Essex Museum, Gift of the Chester and Davida Herwitz Collection, 2003, E301165.© Adagp, Paris 2022 © The Raza Foundation.
S.H. Raza, Udho, Heart is Not Ten or Twenty, 1964. Huile sur toile. Peabody Essex Museum, Gift of the Chester and Davida Herwitz Collection, 2003, E301165.© Adagp, Paris 2022 © The Raza Foundation.
S.H. Raza, Punjab, 1969. Acrylique sur toile. Piramal Museum of Art, Mumbai. © Adagp, Paris 2022 © The Raza Foundation.
S.H. Raza, Punjab, 1969. Acrylique sur toile. Piramal Museum of Art, Mumbai. © Adagp, Paris 2022 © The Raza Foundation.

Commissariat : 

Catherine David, conservatrice générale des musées de France

Diane Toubert, archiviste à la Bibliothèque Kandinsky, Centre Pompidou





Le Centre Pompidou prĂ©sente la première monographie de l’oeuvre de l’artiste indien Sayed Haider Raza en France, oĂą il a vĂ©cu et travaillĂ© de 1950 Ă  2011. Cette prĂ©sentation compte près de cent peintures et les dĂ©veloppements formels et conceptuels d’une oeuvre moderne exemplaire des dynamiques transculturelles et de leurs enjeux dans l’art du 20e siècle.


Les annĂ©es de formation de Sayed Hader Raza en Inde illustrent le climat d’effervescence artistique et politique des annĂ©es 1940 Ă  Bombay (Mumbai), dans un contexte Ă©conomique marquĂ© par la porositĂ© entre activitĂ© commerciale et recherche plastique, l’enseignement que Raza reçoit Ă  la Sir J.J. School of Arts, distinct des canons esthĂ©tiques nationalistes de l’École du Bengale, porte une attention renouvelĂ©e aux formes de l’art classique indien. Les expĂ©rimentations formelles du Progressive Artist’s Group (PAG) dont Raza est membre fondateur en 1947 dessinent les contours d’une gĂ©nĂ©ration d’artistes cosmopolite, dĂ©terminĂ©e Ă  inventer et Ă  faire connaĂ®tre de nouvelles formes d’expression.


Installé à Paris à partir de 1950, Raza consacre ses recherches formelles à la géométrisation du paysage dans une manière expressive convoquant tant Bernard Buffet, Van Gogh et Gauguin que Francis Newton Souza, compagnon du PAG qu’il retrouve à Paris. Il rencontre la galeriste Lara Vincy, qui le représente dès 1955 et oeuvre avec détermination à sa reconnaissance. Le passage à la peinture à l’huile, travaillée au couteau, favorise un rapprochement avec les peintres de l’École de Paris lui assurant de premiers succès auprès du milieu artistique parisien qui lui décerne le prix de la critique en 1956, suivi de nombreuses expositions internationales. Les principes de composition bidimensionnelle et fragmentée des miniatures rajputes (Rajasthan,17e-19e siècles) permettent à Raza de franchir le pas qui le séparait de l’abstraction. Lors d’un séjour aux États-Unis en 1962, il rencontre ensuite l’expressionnisme abstrait américain (Hans Hofmann, Sam Francis et Mark Rothko notamment). Raza intègre à ses compositions des éléments thématiques issus du rapport singulier qu’il entretient à la terre, objet d’une série de toiles majeures à partir de 1975,  et nourrit sa pratique de références à la poésie, la musique classique (râgas) et la spiritualité indiennes (bindus, nagas, kundalini).


Les étapes qui marquent le développement de l’oeuvre de Raza, présentées de manière chronologique dans l’exposition, offrent des points de repère pour appréhender la complexité du projet moderne indien des années 1950 à 1990 et les enjeux qui définissent l’espace globalisé de la création contemporaine.

Parcours de l’exposition

Introduction
Figure majeure de l’art moderne indien, Sayed Haider Raza est né en 1922 à Barbaria dans l’actuel État du Madhya Pradesh. Après des études à la Sir J.J. School of Arts de Bombay*, dans le contexte électrique de l’Indépendance et de la Partition, il fonde en 1947 le Progressive Artists’ Group en compagnie de M.F. Husain, F.N. Souza, S.K. Bakre, K.H. Ara et H.A. Gade. Pleinement investi dans la dynamique d’émulation qui règne au sein du groupe, Raza prend part à ses discussions et expérimentations formelles. En 1950, il se rend à Paris à la faveur d’une bourse du gouvernement français. Débute alors un dialogue ininterrompu entre ces deux mondes culturels. Si les effets de matière de ses paysages abstraits empruntent à l’école de Paris, Raza ne cesse de convoquer l’héritage culturel de l’Inde. Ainsi les vibrations de ses gammes chromatiques évoquent les forêts luxuriantes de son enfance mais aussi les râgas, cadres mélodiques de la musique classique indienne. À partir des années 1970, son oeuvre intègre des éléments thématiques issus du rapport singulier qu’il entretient à la terre, objet d’une série de toiles majeures. Les miniatures rajputes (16e-19e siècles) lui inspirent des procédés radicaux de simplification formelle qui culminent à partir des années 1980 dans le recours systématique au motif géométrique et symbolique du bindu. 

*Depuis 1995, la ville de Bombay a été renommée Mumbai par le Shiv Sena, parti régionaliste marathi et hindou à la tête de la municipalité. On désigne ici la ville par le nom employé à l’époque concernée.

Ensemble 1 / Minuit Ă  Bombay*
Les aquarelles réalisées à Bombay à partir de 1943 marquent la cadence de cette « ville-archipel » multiculturelle, multiconfessionnelle et multilingue en pleine effervescence au lendemain du mouvement d’indépendance « Quit India » initié par Gandhi. Dans un contexte marqué par la porosité entre activité commerciale et recherche plastique, Raza est remarqué par Rudolf (Rudy) von Leyden, critique d’art autrichien, Walter Langhammer, peintre et directeur artistique du Times of India, et l’homme d’affaires et collectionneur Emmanuel Schlesinger, tous trois émigrés à Bombay dès les débuts du nazisme. Raza commence des études à la prestigieuse Sir J.J. School of Arts, où il rencontre M.F. Husain, F.N Souza, S.K. Bakre, K.H. Ara et H.A. Gade. Ensemble, ils fondent le Progressive Artists’ Group (PAG) au lendemain de l’Indépendance et s’entourent de figures majeures telles que l’écrivain Mulk Raj Anand, fondateur de la revue MARG, le peintre Bal Chhabda, les galeristes Kekoo Gandhy et Kali Pundole, le physicien nucléaire et collectionneur Homi J. Bhabha et Ebrahim Alkazi, artiste, metteur en scène et collectionneur éclairé. Les expérimentations du PAG dessinent les contours d’une génération d’artistes cosmopolite, déterminée à inventer de nouveaux modes d’expression et attentive aux formes de l’art classique indien autant qu’aux avant-gardes européennes. 

* Discours de Jawaharlal Nehru, le 14 août 1947 : « Aux 12 coups de minuit, lorsque le monde dormira, l’Inde s’éveillera à la vie et à la liberté. »

Ensemble 2 / Paysages recomposés
En 1950, Raza quitte Bombay pour Paris en compagnie du peintre Akbar Padamsee. Il s’inscrit à l’École des beaux-arts grâce à une bourse du gouvernement français. Ils sont accueillis à leur arrivée par Ram Kumar, qui suit alors l’enseignement d’André Lhote et Fernand Léger. Les trois amis retrouvent aussi F.N. Souza, alors installé à Londres. Padamsee, Souza et Raza exposent pour la première fois à la galerie Saint-Placide en 1952, puis l’année suivante à la galerie Creuze. Les expérimentations conduites par Raza autour de la figure humaine et dans une ample série d’églises offrent des points de confluence entre les trois artistes. En 1953, Raza visite l’Italie : Ferrare, Ravenne, Padoue, Venise et Rome. Les villages médiévaux de la région de Menton qu’il peint alors s’inspirent de l’espace bidimensionnel de la miniature indienne et des icônes byzantines, des sculptures romanes et des primitifs siennois dont il apprécie la délicate sobriété. La peinture devient une expérience sensible de l’errance, et le paysage le lieu d’inscription d’une identité plurielle.

Ensemble 3 / Les feux de Paris* 
Aux Beaux-Arts de Paris, Raza rencontre l’artiste Janine Mongillat qui deviendra son épouse. Le couple s’entoure de nombreux amis, parmi lesquels Jean Bhownagary, artiste multiple alors cinéaste à l’Unesco, Jean et Krishna Riboud, couple de collectionneurs, le photographe Henri Cartier-Bresson et l’artiste libanais Shafic Abboud. Raza fréquente assidûment les musées parisiens et regarde attentivement le travail de ses contemporains, notamment Bernard Buffet, Zao Wou-Ki et Nicolas de Staël. L’année 1955 marque un tournant dans sa pratique : il rencontre la galeriste Lara Vincy, qui le représente et oeuvre avec détermination à sa reconnaissance. Le passage à la peinture à l’huile, travaillée au couteau, l’engage plus avant dans la déconstruction du paysage et induit un rapprochement avec l’ensemble large et hétéroclite des artistes étrangers vivant à Paris, regroupés par la critique sous le nom d’École de Paris. En 1956, Raza est le premier artiste étranger à remporter le prestigieux Prix de la Critique. Il fréquente des critiques et conservateurs importants tels que Jacques Lassaigne, Pierre Gaudibert et Waldemar-George, et voit s’ouvrir ses premières expositions internationales.

*Louis Aragon, « Les feux de Paris » (Les poètes, Paris, Gallimard, 1960)

Ensemble 4 / Géographies sacrées
À partir de 1959, Raza effectue de fréquents séjours en Inde. Il s’inspire des miniatures rajputes des écoles Mewar, Malwa et Bundi des 16e et 17e siècles, qui célèbrent la sensualité de la nature à travers d’intenses gammes chromatiques et une composition abstraite. Il étudie aussi les peintures ragamalas, qui illustrent le raffinement de l’art de cour de cette époque et incarnent un dialogue entre les arts où peinture, musique et poésie restituent l’humeur d’une scène donnée par le cadre mélodique du râga. En 1962, invité à enseigner à Berkeley, Raza s’imprègne des oeuvres des artistes américains de l’expressionnisme abstrait – Sam Francis, Hans Hofmann et Mark Rothko notamment – dont il apprécie la résonance spirituelle et l’amplitude gestuelle. Il visite la Rockefeller Foundation de New York qui accueille à cette époque plusieurs artistes indiens dont Krishen Khanna, V.S. Gaitonde et Tyeb Mehta. Les paysages abstraits qui se déploient librement sur les toiles des années 1960 se chargent d’une valeur sensuelle et émotive. Dans les années 1970, Raza produit une série de toiles majeures intitulées La Terre, variations magnétiques et crépusculaires épuisant la thématique de son attachement au sol natal. L’espace pictural, fragmenté en autant d’éclats de miniatures, définit les contours d’un paysage métaphorique « consacré comme une icône, comme une géographie sacrée » (Geeti Sen).

Ensemble 5 / Formes signifiantes 
À partir des années 1980, Raza oriente sa pratique vers une abstraction géométrique symbolique et radicale. Il délaisse les compositions guidées par le contraste de valeurs opposées au profit de formes élémentaires issues de la méditation. Le noir, « couleur mère » dans la pensée indienne, acquiert une profondeur et une densité qui s’épanouissent dans le recours au motif du bindu, « graine », « point », « goutte » en sanskrit. Ankuran, Germination, Bindu, Bija, Surya célèbrent ainsi le renouvellement perpétuel de la nature et une conception cyclique du temps. Ayant toujours refusé d’assimiler cette période au courant néo-tantrique en vogue à l’époque du Flower Power, Raza s’inscrit dans une tradition abstraite indienne fondée sur la représentation géométrique des symboles, tel le yantra, support visuel de méditation des religions hindoue, bouddhiste et taoïste. Cette portée spirituelle du motif géométrique s’associe à la recherche d’un ordre plastique rigoureux. Pour Raza, le bindu est une « forme signifiante », telle que définie par le critique britannique Clive Bell.

 


Publication

L’Esprit de la nature : Sayed Haider Raza aux Éditions L’Asiathèque, un ouvrage édité par Annie Montaut et Ashok Vajpeyi

L’Esprit de la nature : Sayed Haider Raza, est un ouvrage collectif édité par Ashok Vajpeyi et Annie Montaut et regroupant des contributions de critiques d’art, d’artistes et d’historiens de l’art autour de Sayed Haider Raza, un des peintres majeurs du vingtième siècle ayant vécu en France, mais imprégné de culture indienne. Il vise à articuler la dimension spirituelle — que tous les critiques s’accordent à reconnaître dans les tableaux de l’artiste — à une éthique de la cohabitation avec la nature. Le partenariat que propose l’art abstrait de Raza fonde le respect et l’amour de l’univers élémentaire sur le sentiment de leur être consubstantiel. Il rejoint en cela des traditions indiennes séculaires, tant dans les grands textes classiques que dans les croyances populaires et la littérature vernaculaire orale ou écrite.

La trajectoire originale de Sayed Haider Raza (1922-2016), né et grandi au milieu des forêts de l’Inde centrale, cofondateur ensuite du Groupe des artistes progressistes de Bombay, membre remarqué de l’école de Paris dans les années cinquante avant de se définir hors de toute école ou de tout mouvement, se concentrant sur les traditions esthétiques et philosophiques indiennes, fait l’objet de la première partie (textes autobiographiques de Raza, Vajpeyi). La deuxième partie le situe dans l’histoire de l’art indien et occidental (Waldemar-George, Gaudibert, von Leyden, Dalmia). La troisième développe une série d’analyses plus techniques de l’art et des visées du peintre (Bartholomew, Hoskote, Padgaonkar, Vajpeyi, Shahani, Puskale). La dernière section regroupe des souvenirs de peintres amis et des entretiens (Khanna, Kumar, Nair). L’introduction est d’Annie Montaut tandis qu’en épilogue fi gure le poème d’Ashok Vajpeyi, « Le temps de Raza », écrit pour le quatre-vingtième anniversaire de l’artiste et traduit du hindi par Annie Montaut.

Anne-Frédérique Fer

Formée dans le monde de l’image, cette sensibilité l’amènera au journalisme culturel. Elle est co-fondatrice et rédactrice en chef de la revue www.FranceFineArt.com