đ âEugenio Tellezâ Lâombre de Saturne, Ă la Maison de lâAmĂ©rique latine, Paris, du 15 fĂ©vrier au 22 avril 2023
âEugenio Tellezâ Lâombre de Saturne
Ă la Maison de lâAmĂ©rique latine, Paris
du 15 février au 22 avril 2023
PODCAST –Â Interview de Eugenio Tellez,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 14 fĂ©vrier 2023, durĂ©e 24â26.
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :
Le propos de lâexpositionÂ
En ouverture de lâannĂ©e 2023, le 15 fĂ©vrier prochain, la Maison de lâAmĂ©rique latine met Ă lâhonneur lâoeuvre de lâartiste chilien Eugenio Tellez (Santiago, 1939) ; une premiĂšre en France de cette envergure.
Seize ans aprĂšs la grande rĂ©trospective – Le sourire de Saturne – que lui a consacrĂ©e le MusĂ©e des Beaux-Arts de Santiago (2006), Tellez rĂ©unit Ă nouveau un nombre important de peintures, collages, dessins, gravures, et objets, rĂ©alisĂ©s depuis le milieu des annĂ©es 2000 jusquâĂ aujourdâhui.
IntitulĂ©e Lâombre de Saturne, lâexposition parisienne est Ă lire comme un second volet de lâexposition de Santiago, dans sa continuitĂ© naturelle. Tellez sâinspire de la figure de Saturne et des mythes contemporains qui nourrissent son imaginaire depuis longtemps.Â
Les visiteurs pourront dĂ©couvrir et mesurer le travail dâun artiste de grande ampleur qui depuis plus de 50 ans fouille sans relĂąche les strates et interstices de lâhistoire pour reconstruire les tissus de la mĂ©moire, non sans dĂ©sillusion.
« Dans la crĂ©ation de formes sensibles, tout se joue dans le rapport entre lâespace du corps et le temps de la micro-histoire, dont la surface, imprĂ©gnĂ©e des vicissitudes dues aux acides, huile, graphite, acrylique, goudron, accueille la douleur du regard. Telle a Ă©tĂ© ma « politique » : retrouver le destin matĂ©riel des ombres vĂ©hiculĂ©es par cette seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle. La proximitĂ© avec la rĂ©volution en AmĂ©rique latine et les conflits mondiaux qui ont marquĂ© nos vies ont contribuĂ© Ă donner Ă ma mĂ©lancolie actuelle une forme rĂ©manente. Lâange de lâhistoire sâinstalle comme un fantĂŽme et ouvre le sillon dâun champ imaginaire peuplĂ© de ruines et de cadavres. Je peins dans le sillon ouvert par les autres, Ă©voluant entre les continents, portant les traces et les vestiges dâoeuvres construites dans la superposition de signes historiques, divers, contradictoires, dĂ©formĂ©s, laissant place Ă des images reconnaissables qui sâimpriment selon une maniĂšre combinĂ©e et inĂ©gale, articulant collage, dessin, gravure et peinture. » confie Eugenio Tellez (extrait de son texte Ombre portĂ©e dans le catalogue).
La Maison de lâAmĂ©rique latine rend hommage Ă un artiste qui a trĂšs tĂŽt choisi la capitale française pour y parfaire sa formation technique et a choisi de rester y vivre, aprĂšs de longues pĂ©riodes de sĂ©jours en AmĂ©rique du Nord et du Sud. Câest en effet en 1960, Ă lâĂąge de 21 ans, quâEugenio Tellez arrive Ă Paris. Il travaille alors aux cĂŽtĂ©s du peintre et graveur anglais Stanley W. Hayter, fondateur du cĂ©lĂšbre atelier de gravure Atelier 17, frĂ©quentĂ© Ă lâĂ©poque par Alechinsky, Marcel Duchamp, Jacques Herold, Gino Severini, entre autres⊠En 1962, il deviendra son directeur associĂ©.
Cette collaboration aura une grande influence sur le dĂ©veloppement de son oeuvre qui porte en elle lâempreinte profonde et hautement maĂźtrisĂ©e des techniques de la gravure. InspirĂ© par lâAtlas MnĂ©mosyne de lâhistorien dâart allemand Aby Warburg et lâentrechoc visuel que provoque la superposition des images, Eugenio Tellez est un peintre dâhistoire au sens large, qui manipule, dĂ©crypte et rĂ©ordonne les forces en mouvement qui nous absorbent. Sur lâ« atlas » personnel quâil se construit, Eugenio Tellez affirme : « il rĂ©sume de maniĂšre souterraine mon rapport Ă lâhistoire, Ă la littĂ©rature, et aux conflits qui mâont marquĂ©s. Mais ce que je pose sur ma table de travail, câest du matĂ©riel de seconde main, des photos prises au hasard, dans lesquelles apparaĂźt la preuve graphique dâune grande catastrophe. »
Lâartiste travaille avec les «lieux communs» de lâhistoire du XXe siĂšcle et contemporaine qui dĂ©signent des actions traumatiques, et donnent forme Ă une maniĂšre de « se casser la figure » dans les processus Ă lâoeuvre pour modifier lâĂ©tat des choses existant. Il Ă©labore ainsi une peinture de la dĂ©sillusion, Ă travers laquelle il reconstruit lâeffet fantomatique des Ă©vĂ©nements qui ont conduit les diffĂ©rents mouvements sociaux Ă une dĂ©faite retentissante, venue modifier lâimage quâils ont de leurs expĂ©riences. En ce sens, sa peinture donne corps Ă ceux qui ont « perdu la face ».
Pareillement, les paysages dĂ©peints dans ses toiles sont un hommage Ă la dĂ©sarticulation de lâhistoire, celle-ci ayant des rĂ©percussions sur la dĂ©sarticulation de la peinture elle-mĂȘme. FascinĂ© par lâiconographie de la guerre, Tellez se lance à « lâassaut » de la matiĂšre picturale selon une manoeuvre destinĂ©e Ă prĂ©parer la surface, comme le ferait un lithographe, comme si par cet acte il voulait prĂ©parer la toile Ă recevoir la mĂ©moire matĂ©rialisĂ©e des dessins et des Ă©crits, rĂ©alisĂ©s avec des techniques empruntĂ©es au burin, Ă la pointe sĂšche et Ă lâeau forte. Le tableau sâimprĂšgne donc en profondeur, pour devenir le support de ce qui lui sera confiĂ© en surface, afin de condenser le rĂ©cit qui sera compris comme une « analyse de la situation concrĂšte ». Ă lâinstar des « rapports de terrain », les tableaux dâEugenio Tellez sont dessinĂ©s et peints pour rendre compte de lâĂ©tat effectif des forces chromatiques et graphiques disponibles pour raconter des histoires de lâeffondrement.
Catalogue dâexposition –Â aux Ă©ditions Hermann, avec des textes de :
Eugenio Tellez : Ombre portĂ©eÂ
Maurizio Serra : Saturne, Homo Viator, Les Lucioles
StĂ©phane GuĂ©gan : GuerreÂ
Justo Pastor Mellado : DĂ©membrement du cadre