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“Eugène Leroy” au Musée d’Art moderne de Paris, du 15 avril au 28 août 2022

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“Eugène Leroy” 
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au Musée d’Art moderne de Paris

du 15 avril au 28 août 2022

Musée d’Art Moderne de Paris


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© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 14 avril 2022.


Eugène Leroy, D'après la Ronde de nuit, 1990. Huile sur toile, 89 x 116 cm. Collection particulière, France. Photo Jörg von Bruchhausen. © Adagp, Paris, 2022.
Eugène Leroy, D’après la Ronde de nuit, 1990. Huile sur toile, 89 x 116 cm. Collection particulière, France. Photo Jörg von Bruchhausen. © Adagp, Paris, 2022.
Eugène Leroy, Nu de dos, 1957. Huile sur toile, 130 x 80 cm. Collection particulière. Photo Florian Kleinefenn. © Adagp, Paris, 2022.
Eugène Leroy, Nu de dos, 1957. Huile sur toile, 130 x 80 cm. Collection particulière. Photo Florian Kleinefenn. © Adagp, Paris, 2022.

Texte de Sylvain Silleran

La Valentine des années 1935 contemple non sans une certaine mélancolie les portraits de Marina de 1992. L’évolution de la peinture d’Eugène Leroy sur plus de soixante ans est compressée dans cette première salle, racontée silencieusement par ses deux muses, compagnes et modèles. Les débuts sont virtuoses : de larges traits de brosse, une lumière brûlante, de celles qui déshabillent, créent un impressionnisme brut. La toile apparait un peu, brune comme un mur de bistrot. En face, la matière épaisse a colonisé la toile, tout recouvert, elle est lourde de trop de couleurs. Elle évoque le fruit écœurant d’être trop mûr tombé au pied de l’arbre. C’est déroutant, il y en a trop de cette pâte à peine accouchée du tube et déjà propulsée dans le tableau, mélangée, étalée, grattée puis recouverte, encore et encore.

Entre cette accumulation massive qui nous conduit à l’indigestion et l’attirance, la fascination pour une peinture qui nous ramène à la terre odorante, mon cœur balance. L’humus, la mousse, le sous-bois humide renferment tous les mystères de la nature. Nous y sommes, dans la nature, celle des corps nus, corps que Leroy fouille terriblement, recoud en morceaux hirsutes comme un docteur Frankenstein à la recherche du secret de la vie. La fondation de tout cela se trouve chez les grands maîtres, Rembrandt bien sûr mais aussi Jérôme Bosch, Vélasquez. La Ronde de nuit, les Trois grâces, des crucifixions, Leroy arrache l’espoir depuis le plus profond des ténèbres. Ses autoportraits procèdent de la même manière, un colonel Kurtz d’Apocalypse Now retourne dans l’obscurité après en avoir émergé.

Chaque geste a l’air grossier et pourtant il y a dans la largeur de la brosse cent fils, cent couleurs qui tissent avec une finesse diabolique une fresque. Derrière la brutalité apparente du procédé se cache l’humble précision d’un horloger. Les couleurs ne se mélangent pas, elles s’entrainent les unes les autres, se suivent, se contournent, cheminent ensemble, parallèles, s’évitent, sans jamais se rejoindre. Ce sont des muscles, des tendons, des nerfs, l’anatomie du corps qu’est la peinture. Un tableau-corps qui existe et vit indépendamment de son image. Il faut s’approcher puis s’éloigner, s’éloigner encore, le plus possible pour que s’assemble l’image. Quelle peinture est donc celle qui ne devient image que lorsqu’on la quitte, lorsqu’on touche le point de rupture de notre relation avec elle ? 

Eugène Leroy tue le pittoresque – c’est dans cette révolution qu’il inspirera Baselitz – et se concentre sur l’acte de peindre. Car chez lui peindre est un processus qui se place sur une échelle de temps  très long. Il peut mettre 10, 20 ans à peindre une toile. La temporalité étendue à ce point place le geste du peintre hors du temps, ce n’est plus un geste alors, cela devient quelque chose qui échappe à la compréhension, comme une falaise que nous admirons sans bien saisir par quel miracle elle est là. Il y a tant de matière que la toile disparait. Le tableau n’est plus que matière, ce qu’il y avait dessous au départ, toile, carton, bois n’a pas plus d’importance que la table sur laquelle il a été posé, le chevalet qui l’a maintenu, la fenêtre qui a fait entrer la lumière. 

Des paysages offrent une respiration, il y a moins d’épaisseur. On distingue sur la terre sombre le tronc d’un bouleau allongé. Les ciels clairs de marines aux longs traits reposants précèdent des poissons, des dorades, une peinture de la mort. Le poisson sur la table est un cadavre que l’on dissèque, c’est celui de La Leçon d’anatomie du docteur Tulp de Rembrandt. Leroy cherche dans ces couleurs, peint avec l’accélération furieuse d’un sanglier retournant la terre. L’instinct animal est fort, chaotique, il trouble le regard et force à utiliser d’autres sens. Les mouvements que l’on suit s’arrêtent soudain, arrêtés par des chutes de matière, des formes visqueuses, champignonnes, des muqueuses indécentes. Que faire devant ces tableaux à la fois vivants et morts, obscènes parce qu’ils crient ce qui ne devrait être que chuchoté ? Que faire de cette chair trop nue ?


Sylvain Silleran


Extrait du communiqué de presse :



Commissariat :

Julia Garimorth, assistée de Sylvie Moreau-Soteras



Le Musée d’Art Moderne de Paris consacre une importante rétrospective à Eugène Leroy. Cette exposition rassemblera environ cent cinquante oeuvres (peintures et oeuvres graphiques), significatives de l’évolution du travail de l’artiste.

Bien que son oeuvre soit restée longtemps confidentielle, Eugène Leroy compte parmi les plus grands artistes du XXe siècle. Ce n’est qu’en 1988 qu’eut lieu sa première grande exposition parisienne, dans ce même Musée d’Art Moderne et au sein des mêmes espaces de l’ARC. La production de ce peintre, né à Tourcoing en 1910 et décédé en 2000, s’est développée sur plus de soixante ans en s’appuyant autant sur la sensation du réel que sur une vision idéale de la peinture.

Attaché aux maîtres anciens et volontairement anachronique, Eugène Leroy a revisité tout au long de sa vie les sujets iconographiques traditionnels tels que les nus, les autoportraits, les natures mortes ou les paysages. Au-delà d’une rétrospective, le parcours de l’exposition, organisé par thèmes, met en évidence la complexité d’un long processus de création et de recherche picturale.

Eugène Leroy a longuement mené de front son activité de peintre et une carrière d’enseignant de latin et de grec. Il bénéficie d’une première exposition personnelle en 1937 à Lille et s’impose dès lors comme un artiste « à part ». Il présente ses toiles à Paris en 1943 puis participe, dans les années 1950, à plusieurs éditions du Salon de mai. Il voyage fréquemment en Europe, puis aux États-Unis et en Russie, où il visite les collections des musées, cherchant à confronter sa peinture à celle des grands maîtres et à affiner une érudition picturale, essentielle à son travail. En 1958, il s’installe dans une petite maison-atelier à Wasquehal, dans le nord de la France.

La galerie parisienne Claude Bernard l’expose en 1961. C’est à cette occasion que le peintre allemand Georg Baselitz et le marchand Michael Werner découvrent son travail. « Je trouvais là des images brunes, écrira Baselitz, comme champ, comme pierre, comme bois, comme mousse, comme senteur. Une simple composition hollandaise avec une accumulation inouïe de couleurs. Un amas de tôles provenant du pigeonnier qui éclairait ma tête. » 

En 1978, son fils aîné ouvre à Paris la galerie Jean Leroy où il présente régulièrement le travail de son père. En 1982, Jan Hoet, alors directeur du musée d’Art contemporain de Gand, en Belgique, que Leroy rencontre au cours d’un voyage aux États-Unis, lui consacre une grande exposition et l’invite, en 1992, à la Documenta IX de Cassel.

Parallèlement, une fructueuse collaboration s’installe avec Michael Werner, permettant la reconnaissance européenne et internationale de l’oeuvre d’Eugène Leroy.

Comme le souligne Bernard Marcadé, « la contribution de l’oeuvre d’Eugène Leroy à l’art du XXe siècle est décisive, parce qu’elle porte témoignage d’un combat sans cesse réitéré de la peinture et de l’image ». Au-delà de son empâtement – mais aussi grâce à lui –, cette peinture crée un nouveau langage pictural qui s’ancre profondément dans le réel, sans se soucier de sa lisibilité. Eugène Leroy a cherché à saisir une vérité de la perception tout en gardant l’émotion qui la rend possible.

« Tout ce que j’ai essayé en peinture c’est d’arriver […] à une espèce d’absence presque, pour que la peinture soit totalement elle-même » commente-t-il en 1979. Il retravaille ses toiles, parfois sur plusieurs années, jusqu’à la quasi-disparition du sujet. La difficulté de déceler au premier regard le motif peint permet au spectateur de pouvoir s’attarder sur la présence physique de l’oeuvre. Sa peinture était « un acte de mémoire, une projection en avant, à travers l’obscurité présente de l’histoire », pour reprendre la belle formule du poète Yves Bonnefoy à propos de Rimbaud.

Les oeuvres d’Eugène Leroy sont présentes dans les plus grandes collections publiques et privées, en France et à l’étranger. Avec une quarantaine de peintures et de dessins, entrés dans ses collections grâce à des achats et des donations régulières depuis 1988, le Musée d’Art Moderne de Paris est considéré aujourd’hui comme un lieu de référence pour l’artiste.

Autre actualité autour de Eugène Leroy : l’exposition Eugène Leroy. A contre-jour sera présentée du 29 avril au 2 octobre 2022 au MUba Eugène Leroy de Tourcoing.

#expoEugeneLeroy