âBuraglio Ă lâĂ©preuve de Balzacâ
Ă la Maison de Balzac, Paris
du 13 avril au 4 septembre 2022

PODCAST –Â Interview de Yves Gagneux, directeur de la Maison de Balzac et commissaire de l’exposition,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 12 avril 2022, durĂ©e 17â07.
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :






Commissariat : Yves Gagneux, directeur de la Maison de Balzac
DĂšs le 13 avril 2022, la maison de Balzac prĂ©sente Buraglio Ă lâĂ©preuve de Balzac, une carte blanche inĂ©dite de lâartiste, surnommĂ© le « peintre sans pinceau ». Ă travers plus dâune quarantaine dâoeuvres, lâexposition retrace les liens entre les Ă©crits, mais aussi la personnalitĂ© de lâĂ©crivain et la crĂ©ation de Pierre Buraglio.
AprĂšs Louise Bourgeois, Alkis Boutlis ou Eduardo Arroyo, la Maison de Balzac poursuit le dialogue des artistes contemporains avec Balzac. Le musĂ©e a cette fois ouvert ses portes Ă Pierre Buraglio pour quâil y dĂ©veloppe sa relation Ă lâĂ©crivain.
Lâartiste, habituĂ© aux va-et-vient entre art et littĂ©rature, prĂ©sente des oeuvres prĂ©-existantes aussi bien quâinĂ©dites, rĂ©alisĂ©es spĂ©cialement pour cette exposition. Son approche de Balzac, Ă la fois poĂ©tique et sĂ©rieuse, engagĂ©e ou distante, souvent teintĂ©e dâhumour, Ă©pouse des formes trĂšs diffĂ©rentes. Pour reprendre ses propres termes, loin dâillustrer lâĂ©crivain, il travaille « avec, dâaprĂšs, autourâŠĂĄÂ» de Balzac.
Ainsi, le TraitĂ© de la vie Ă©lĂ©gante inspire une installation de cravates accompagnĂ©e dâinscriptions murales ; des sĂ©rigraphies avec biffures et corrections (Mementos caviardĂ©s et TrĂšs riches heures de P.B.), sont confrontĂ©es aux manuscrits raturĂ©s de Balzac. PrĂšs de dessins rĂ©alisĂ©s dâaprĂšs les sculptures de Rodin, Buraglio propose ses couvertures de romans de La ComĂ©die humaine ou « inhumaine », imprimĂ©es Ă lâoccasion.
Des représentations de la maison du peintre et de « son » Val-de-Marne, ainsi que des autoportraits, clÎturent cet étonnant dialogue entre deux grands artistes épris de rigueur et de fantaisie.
La cravate, symbole dâĂ©lĂ©gance
Conscient que lâhabit rĂ©vĂšle trĂšs souvent la condition sociale, Balzac sâest particuliĂšrement intĂ©ressĂ© Ă la mode. Il aurait dĂšs 1828 participĂ© Ă la rĂ©daction dâun Code de la toilette et il publie en 1830, dans le journal La Mode, le TraitĂ© de la vie Ă©lĂ©gante qui a inspirĂ© cette premiĂšre section. Pierre Buraglio prĂ©sente une collection de cravates retravaillĂ©es, un accessoire qui symbolise pour lui lâĂ©lĂ©gance, qualitĂ© Ă laquelle il se montre sensible. Il a choisi, pour accompagner ces cravates, des citations provenant parfois de lâoeuvre de Balzac, mais aussi dâautres Ă©crivains quâil apprĂ©cie particuliĂšrement, comme Sigmund Freud. Le thĂšme est dĂ©clinĂ© sous des formes tout aussi personnelles. Sans avoir Ă©tĂ© officiellement membre de Supports/Surfaces, Pierre Buraglio a contribuĂ© Ă la rĂ©flexion thĂ©orique de ce mouvement artistique, en remettant en cause dĂšs 1966 le support traditionnel des peintures, la toile, quâil remplace par des fragments de portes et de fenĂȘtres rĂ©cupĂ©rĂ©es dans des chantiers. Ces interrogations ne lâont jamais quittĂ© et il emploie volontiers des matĂ©riaux variĂ©s, voire des objets de rebut, tant comme support que comme matiĂšre. Ă partir de morceaux de bordures de toiles peintes par Simon Hantai, dĂ©coupĂ©es par ce dernier pour adapter les oeuvres Ă leur support. Pierre Buraglio rĂ©alise des crĂ©ations liĂ©es aux cravates.
Les biffures ou la correction créatrice
Pierre Buraglio a Ă©tĂ© vivement impressionnĂ© par la mĂ©thode de travail de Balzac, capable de corriger plus de quinze fois la mĂȘme page, et de transformer les Ă©preuves que lui renvoient les imprimeurs en brouillons raturĂ©s, Ă©toilĂ©s, transformĂ©s en tous sens, et considĂ©rablement augmentĂ©s. Pour faire Ă©cho Ă ce mode dâĂ©criture, il a reproduit plusieurs pages de ses agendas sur lesquelles il caviarde systĂ©matiquement tout ce qui est inscrit, dĂšs lors que le rendez-vous est passĂ© ou la tĂąche accomplie. Comme il le souligne lui-mĂȘme, la ressemblance nâest que formelle car lĂ oĂč Balzac ajoute, Pierre Buraglio Ă©limine.
Le Balzac de Rodin, inspiration polymorphe chez Buraglio
Les premiĂšres oeuvres de Pierre Buraglio inspirĂ©es par Balzac dĂ©rivent de la statue magistrale quâen a donnĂ© Rodin. Visiteur assidu des musĂ©es, Pierre Buraglio a pris plaisir Ă se rendre au musĂ©e Rodin les jours de fermeture, pour y faire au calme des croquis sur le vif du « Balzac monumental ». Il rĂ©alise au fusain de nombreuses esquisses, sans retouches, quâil reprend plus longuement une fois revenu dans son atelier. Il introduit alors dâautres matiĂšres comme la gouache blanche ou des craies de couleur.
Buraglio, interprĂšte et illustrateur des romans balzaciens
Pierre Buraglio a toujours apprĂ©ciĂ© la littĂ©rature et il connaĂźt bien Balzac. Pour cette exposition, il a créé des couvertures fictives de romans en employant des dessins, des reproductions, des photocopies, parfois des reprises dâĆuvres anciennes, le tout dĂ©coupĂ© et collĂ©, puis unifiĂ© Ă la sĂ©rigraphie. La variĂ©tĂ© de ces rĂ©alisations tĂ©moigne du regard trĂšs personnel portĂ© sur lâoeuvre par Pierre Buraglio : câest parfois lâimpression gĂ©nĂ©rale que lui a laissĂ©e le roman (le veau dâor pour La Maison Nucingen), lâun des thĂšmes quâil trouve particuliĂšrement fort (lâĂ©rotisme dans Splendeurs et misĂšres des courtisanes), ce que lui Ă©voque un titre (La Femme de trente ans) ou un personnage (Le Colonel Chabert). ImpressionnĂ© par le nombre de romans, il a renoncĂ© Ă tous les traiter. La puissance de travail du romancier lâa dâailleurs conduit Ă considĂ©rer le titre La ComĂ©die humaine comme une façon de souligner, par antiphrase, lâinhumanitĂ© de cette sidĂ©rante productivitĂ©.
La maison ou la personniĂłcation du caractĂšre de lâartiste
La maison oĂč Balzac a vĂ©cu sept annĂ©es (il nây Ă©tait que locataire) date du XVIIIe siĂšcle et son originalitĂ©, son caractĂšre, laissent au visiteur des impressions fortes. Comme la demeure de Pierre Buraglio, elle se ressent de la transformation lente du quartier, de lâĂ©volution de sa population, et porte les traces des interventions de ses occupants successifs. Dans une dĂ©marche que nâaurait pas reniĂ© lâauteur de La ComĂ©die humaine, Pierre Buraglio associe lâĂ©crivain Ă lâendroit oĂč il a vĂ©cu. InvitĂ© chez Balzac et sensible Ă la force dâĂ©vocation du lieu comme Ă celle des portraits de lâĂ©crivain, il a souhaitĂ© y introduire son autoportrait ainsi que des peintures reprĂ©sentant sa propre maison. Pierre Buraglio vit Ă Maisons-Alfort (Val-de-Marne) dans une maison quâavait acquise son grand-pĂšre, aprĂšs quâil avait quittĂ© la Lombardie pour travailler en France. Cette demeure familiale qui comptait Ă lâorigine trois niveaux, a Ă©tĂ© rehaussĂ©e et modifiĂ©e au fil des gĂ©nĂ©rations. TrĂšs attachĂ© Ă ce lieu, Pierre Buraglio en a fait un thĂšme rĂ©current dans son oeuvre et il la reprĂ©sente sous diffĂ©rentes formes : la façade, le jardin, les plans⊠en lâassociant parfois Ă des souvenirs personnels, comme lâimage de son pĂšre.
#BuraglioBalzac