âLâaventure Champollionâ
Dans le secret des hiéroglyphes
à la BnF François Mitterrand, Paris
du 12 avril au 24 juillet 2022

PODCAST – Interview de HĂ©lĂšne Virenque, BnF, dĂ©partement LittĂ©rature et art et co-commissaire de l’exposition,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 11 avril 2022, durĂ©e 19â08.
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :





Commissariat :
Vanessa Desclaux, BnF, département des Manuscrits
HélÚne Virenque, BnF, département Littérature et art
Guillemette Andreu-Lanoë, directrice honoraire du département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre
ConnaĂźtre les noms des pharaons bĂątisseurs des pyramides dâĂgypte, dĂ©chiffrer les livres des morts retrouvĂ©s dans les tombeaux, lire la littĂ©rature la plus ancienne et comprendre les colonnes de hiĂ©roglyphes gravĂ©s sur les temples, voilĂ ce que Jean-François Champollion (1790-1832) offre au monde, quand, Ă peine ĂągĂ© de 32 ans, il expose son interprĂ©tation lumineuse du systĂšme graphique des Ăgyptiens anciens.
Lâexposition que la BnF propose Ă lâoccasion du bicentenaire du dĂ©chiffrement des hiĂ©roglyphes conduit le visiteur dans les pas du cĂ©lĂšbre savant, Ă la dĂ©couverte des techniques dâhier et dâaujourdâhui pour la comprĂ©hension des langues et Ă©critures perdues. PrĂšs de 350 piĂšces – manuscrits, estampes, photographies, papyrus, sculptures, sarcophages – issues des collections de la BnF et de prĂȘts exceptionnels viendront initier le public Ă la « mĂ©thode Champollion » et redonner vie Ă une civilisation qui fascine encore aujourdâhui.
L’exposition met en lumiĂšre non seulement le pĂšre de lâĂ©gyptologie mais aussi lâhomme que fut Champollion, son ardeur, son immense curiositĂ©, son tempĂ©rament, comme ses qualitĂ©s littĂ©raires. La question du dĂ©chiffrement â et pas uniquement celui des hiĂ©roglyphes Ă©gyptiens â est universelle. En ce sens, lâexposition montre lâactualitĂ© de la dĂ©marche du savant et son influence jusquâĂ nos jours. Lâexposition Ă©tablit des ponts avec la recherche actuelle menĂ©e sur les langues oubliĂ©es ainsi qu’avec des oeuvres contemporaines conservĂ©es Ă la BnF. Sâadressant Ă tous les publics, elle offre un parcours spĂ©cifique destinĂ© aux jeunes visiteurs et accessible au public mal voyant.
Manuscrits autographes de Champollion
La BnF conserve dans ses collections 88 volumes de notes et de dessins de la main de Champollion. Ces documents souvent inĂ©dits laissent entrevoir le gĂ©nie, lâintuition, la personnalitĂ© et le travail encyclopĂ©dique de Champollion, qui oeuvra Ă faire connaĂźtre la grandeur de cette Ăgypte tant admirĂ©e. Ces volumes constituent le coeur dâune exposition guidant le public au plus prĂšs du travail du dĂ©chiffreur et de la fabrique dâune science naissante : lâĂ©gyptologie. La BibliothĂšque a jouĂ© un rĂŽle majeur dans cette aventure, elle qui a conservĂ© jusquâau dĂ©but du XXe siĂšcle lâun des plus importants fonds dâantiquitĂ©s Ă©gyptiennes. Encore aujourdâhui, la quĂȘte savante de Champollion trouve des accents universels qui font Ă©cho aux collections de la BnF, lieu de toutes les paroles et du patrimoine Ă©crit.
Un parcours thématique, guidé par la démarche du savant
Le parcours de lâexposition, en trois sections, sâinscrit dans les pas de Champollion.
La premiĂšre interroge lâĂ©nigme des hiĂ©roglyphes et la conquĂȘte de lâĂ©criture. Lorsque Champollion entreprend son Ă©tude des hiĂ©roglyphes, leur comprĂ©hension est perdue depuis plus de 1500 ans. Sâappuyant sur des documents multilingues associant, telle la cĂ©lĂšbre Pierre de Rosette, plusieurs langues pour un mĂȘme texte, Champollion traduit, croise, compare et copie inlassablement des textes hiĂ©roglyphiques afin de parvenir Ă Ă©tablir une sorte de grammaire et de dictionnaire. Son but ultime est dâinterprĂ©ter le sens des textes et de rendre vie Ă la civilisation qui les a produits.
La deuxiĂšme partie de lâexposition fait la lumiĂšre sur le processus de quĂȘte des textes, en sâintĂ©ressant au travail de terrain, Ă la collecte des Ă©critures et des langues. Ainsi, le dessin, tel que le pratiquait Champollion, mais Ă©galement la photographie, et aujourdâhui les techniques numĂ©riques apparaissent-ils au fil du parcours comme des outils indissociables de la dĂ©couverte de langues mĂ©connues.
Pour finir, lâexposition remet en perspective les enjeux de la transmission du savoir. La connaissance du systĂšme hiĂ©roglyphique se diffuse Ă partir du XIXe siĂšcle par lâenseignement, les musĂ©es, lâimprĂ©gnation dans lâimaginaire collectif ou encore les arts. Autant de voies de diffusion qui illustrent lâimportance dâune transmission Ă laquelle Champollion lui-mĂȘme fut particuliĂšrement attachĂ©.
Des prĂȘts exceptionnels
Les piĂšces exposĂ©es sont pour la majeure partie issues des fonds de la BnF : manuscrits, imprimĂ©s, estampes, photographies, peintures, papyrus, sculptures et monnaies. En regard de ces documents, des oeuvres pharaoniques vues et Ă©tudiĂ©es par Champollion viennent illustrer son travail. Ă cet effet, le musĂ©e du Louvre et le museo Egizio de Turin ont consenti des prĂȘts exceptionnels, contribuant Ă Ă©clairer une civilisation de plus de trois millĂ©naires dont les scribes nâont cessĂ© dâĂ©crire lâhistoire.
#ExpoChampollionBnF – Publication – Ăditions de la BnF Lâaventure Champollion. Dans le secret des hiĂ©roglyphes, Catalogue de lâexposition, sous la direction de Guillemette Andreu-LanoĂ«, Vanessa Desclaux et HĂ©lĂšne Virenque.

Parcours de lâexposition
INTRODUCTION
Ă partir de 1809, lâĂgypte commence Ă ĂȘtre mieux connue en France grĂące Ă la publication des vingt-trois volumes de la Description de lâĂgypte, oeuvre monumentale due aux savants et dessinateurs que Bonaparte entraĂźna dans son expĂ©dition militaire au pays des pharaons (1798-1801) avec pour mission de recenser les moeurs, les paysages et les monuments de lâĂgypte. Champollion sâempare de cette somme pour entamer ses travaux. Câest par ailleurs en 1799, Ă Rosette, non loin dâAlexandrie, que lâofficier Bouchard dĂ©couvre un fragment de stĂšle inscrit en trois Ă©critures. Ce monument, nommĂ© « Pierre de Rosette » est confisquĂ© aux Français par les Anglais qui les battent Ă Canope. Mais les savants français avaient eu le temps dâen faire des estampages dont Champollion fit usage au cours de ses recherches. C’est en 1822, alors qu’il est Ă peine ĂągĂ© de 32 ans, que Jean-François Champollion publie la Lettre Ă monsieur Dacier, secrĂ©taire perpĂ©tuel de lâAcadĂ©mie des Inscriptions et Belles-Lettres, lui annonçant le dĂ©chiffrement de lâĂ©criture Ă©gyptienne. La Lettre est une Ă©troite collaboration avec son frĂšre aĂźnĂ©, Jacques-Joseph, savant lui aussi, dont le rĂŽle fut primordial dans le destin scientifique de Jean-François Champollion. 200 ans plus tard, la BibliothĂšque nationale de France cĂ©lĂšbre la dĂ©couverte de Champollion tout autant que sa propre histoire. Car la BibliothĂšque, sanctuaire du patrimoine Ă©crit, fut de l’aventure, elle qui conservait alors la plus importante collection dâantiquitĂ©s Ă©gyptiennes. Les 88 volumes de notes et de dessins quâelle conserve et qui sont le coeur de l’exposition mĂšnent intimement au travail du dĂ©chiffreur. On observe et comprend les techniques et les mĂ©thodes que Champollion emploie pour la collecte des textes, lâĂ©tude des objets et la diffusion des connaissances. On est souvent frappĂ© par lâactualitĂ© de la dĂ©marche du savant et son influence jusquâĂ aujourdâhui. Enfin, on devine un homme au tempĂ©rament ardent, habitĂ© par lâobsession de tout mettre en oeuvre pour arriver Ă son but : rendre vie Ă une civilisation de plus de trois millĂ©naires et Ă un peuple dont les scribes sont devenus silencieux depuis le IVe siĂšcle de notre Ăšre.
L’ĂNIGME DES HIĂROGLYPHES
Le 24 aoĂ»t 394 est gravĂ©e la derniĂšre inscription datĂ©e en hiĂ©roglyphes sur la porte dâHadrien, dans le temple de Philae. Ă la suite de la christianisation de lâĂgypte, lâancienne Ă©criture dĂ©sormais uniquement connue de quelques prĂȘtres est abandonnĂ©e. DĂšs lâAntiquitĂ©, les images Ă©gyptiennes se diffusent hors dâĂgypte, adoptant une iconographie et un sens diffĂ©rents. Des auteurs grecs, latins et arabes considĂšrent les hiĂ©roglyphes comme des symboles paĂŻens et magiques. Ainsi se forge la lĂ©gende dâun code-rĂ©bus, proche dâune Ă©criture universelle rĂ©servĂ©e Ă des initiĂ©s. Le mot hiĂ©roglyphes apparaĂźt Ă la Renaissance, transposition du terme ÎčΔÏÎżÎłÎ»Ï ÏÎčÎșα employĂ© par lâauteur grec dâAlexandrie du Ve siĂšcle, Horapollon. Au XVIIe siĂšcle, le jĂ©suite Kircher Ă©tablit la parentĂ© du copte et de lâĂ©gyptien, grĂące au savoir transmis par les manuscrits copto-arabes, et au milieu du XVIIIe siĂšcle, lâabbĂ© BarthĂ©lemy identifie plusieurs signes dont la boucle tressĂ©e servant Ă entourer les noms de pharaons, appelĂ©e plus tard cartouche. Cependant les thĂ©ories fantaisistes subsistent, comme celle de la parentĂ© avec le chinois reposant sur lâidĂ©e farfelue que la Chine est une ancienne colonie Ă©gyptienne. Il faut attendre la pierre de Rosette et la dĂ©couverte de Champollion pour prouver que les hiĂ©roglyphes Ă©crivent vĂ©ritablement une langue.
LA QUĂTE DES TEXTES
Notes, lettres, dessins, calques, planches issues de publications françaises et Ă©trangĂšres⊠le contenu des manuscrits de Jean-François Champollion dessine une cartographie du travail de lâĂ©gyptologue avec ce quâil comporte de tĂątonnements, dâhypothĂšses et dâidĂ©es lumineuses. Dans sa passion pour les hiĂ©roglyphes, le jeune homme bĂ©nĂ©ficie de lâaide de son frĂšre qui lui procure des ouvrages savants et des estampages de la Pierre de Rosette. Champollion peut compter aussi sur lâarchitecte Huyot et le minĂ©ralogiste Cailliaud qui ont, eux, voyagĂ© en Ăgypte et en ont rapportĂ© relevĂ©s et objets. Entre 1824 et 1826, il voyage en Europe pour Ă©tudier les collections de Cambridge, Turin, Florence, Naples, Rome, GenĂšve ou Lyon, recopiant des centaines dâinscriptions sur des stĂšles, statues, momies ou papyrus. Son sĂ©jour en Ăgypte reprĂ©sente lâaboutissement de cette quĂȘte car il peut enfin lire « dans le texte » les longues inscriptions gravĂ©es dans les tombes de lâĂ©poque des RamsĂšs ou dans les temples grĂ©co-romains. AprĂšs Champollion, les Ă©gyptologues bĂ©nĂ©ficient de lâinvention de la photographie pour documenter plus efficacement monuments et objets aussi bien dans les musĂ©es que sur le terrain. En parallĂšle, grĂące aux progrĂšs de lâimprimerie, il est plus aisĂ© de reproduire les hiĂ©roglyphes et de favoriser la diffusion du savoir acadĂ©mique sur lâĂgypte antique. De nos jours, sur un chantier en Ăgypte, plusieurs techniques coexistent, du dessin aux prises de vue numĂ©riques, dans lâoptique de restituer au mieux le geste du scribe ou la prĂ©cision du graveur de cette « Ă©criture sacrĂ©e ».
LA TRANSMISSION D’UN SAVOIR
TrĂšs jeune, Champollion comprend que pour dĂ©chiffrer lâĂ©gyptien il lui faut apprendre dâautres Ă©critures dont le nombre et la diversitĂ© sont impressionnants. SimultanĂ©ment, il frĂ©quente les collections de la BibliothĂšque impĂ©riale et ses cours d’archĂ©ologie donnĂ©s au Cabinet des Antiques situĂ© dans cette mĂȘme bibliothĂšque. Il sait que sa dĂ©couverte ne gagnera sa notoriĂ©tĂ© quâen la transmettant par lâenseignement mais aussi par lâexposition au Louvre de collections Ă©gyptiennes, quâil dĂ©crit et traduit. Ses publications, notamment la Grammaire et un PanthĂ©on Ă©gyptien permettront Ă ses successeurs de faire de lâĂ©gyptologie une discipline mĂ©thodique et performante. Depuis deux cents ans, les pratiques ont Ă©voluĂ© mais les cours, les recherches en bibliothĂšques, les visites des musĂ©es, les enquĂȘtes de terrain pour copier, photographier, Ă©tudier et publier les textes hiĂ©roglyphiques restent la prioritĂ©. Les Ă©ditions numĂ©riques prennent le relais ces derniĂšres dĂ©cennies comme le projet autour du Papyrus Prisse qui contient le plus ancien texte littĂ©raire conservĂ© complet au monde. Si les travaux de Champollion ont levĂ© une part du mystĂšre, ils restent cependant mĂ©connus Ă sa mort. Le fantasme de lâĂ©gyptomanie lâemporte encore. Il faut attendre la gĂ©nĂ©ration suivante pour que les savants dĂ©montrent tout lâapport du dĂ©chiffreur et parviennent Ă lâinscrire parmi les figures nationales.
EPILOGUE : CHAMPOLLION, D’HIER Ă AUJOURD’HUI
Ă sa mort, le 4 mars 1832, Champollion a rĂ©ussi Ă installer la « division » Ă©gyptienne au musĂ©e du Louvre, Ă enseigner sa discipline au CollĂšge de France qui lui avait créé une chaire, et Ă entrer Ă lâAcadĂ©mie, reconnaissance tant espĂ©rĂ©e de ses travaux. Son frĂšre Jacques-Joseph Ă©tait pour beaucoup dans ces nominations, comme lâattestent ses Ă©changes avec le monde acadĂ©mique. Pendant une trentaine dâannĂ©es encore, il oeuvre pour la carriĂšre posthume de son cadet : il fait publier les Monuments de lâĂgypte et de la Nubie, sa Grammaire Ă©gyptienne et son Dictionnaire Ă©gyptien. Il bataille pour la protection de ses manuscrits et en faveur de leur acquisition par lâĂtat. Enfin, il rĂ©pond rĂ©guliĂšrement aux dĂ©tracteurs des thĂ©ories de son frĂšre dans des revues, jusquâĂ sa mort en 1867. Le centenaire du dĂ©chiffrement en 1922 signe le consensus du milieu Ă©gyptologique, ouvrant la voie Ă une reconnaissance internationale des travaux de Champollion.
En conclusion de lâexposition sont rassemblĂ©es plusieurs Ă©ditions et rééditions des ouvrages de cet immense savant. Depuis 1822, date de naissance officielle de lâĂ©gyptologie, les commĂ©morations de cette dĂ©couverte gĂ©niale se sont multipliĂ©es, rendant hommage Ă un homme inspirĂ© et inspirant, comme en tĂ©moignent en clĂŽture de l’exposition les notes, manuscrits et Ă©ditions du livre Le dernier des Ăgyptiens (1983) du poĂšte GĂ©rard MacĂ©, qui fait de Champollion le hĂ©ros magnifique de son essai romanesque.