âHĂ©roĂŻnes romantiquesâÂ
au Musée de la Vie Romantique, Paris
du 6 avril au 4 septembre 2022

PODCAST – Interview de GaĂ«lle Rio, directrice du musĂ©e de la Vie romantique et co-commissaire de lâexposition,
par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă Paris, le 5 avril 2021, durĂ©e 19â26.
© FranceFineArt.
Extrait du communiqué de presse :



Commissariat :
Gaëlle Rio, directrice, musée de la Vie romantique
Elodie Kuhn, directrice adjointe
Qui sont les hĂ©roĂŻnes du romantisme et comment sont-elles reprĂ©sentĂ©es dans les arts au XIXe siĂšcle ? Le musĂ©e de la Vie romantique explore ces questions en ouvrant, le 6 avril 2022, lâexposition HĂ©roĂŻnes romantiques.
GrĂące Ă une sĂ©lection dâune centaine dâoeuvres – peintures, sculptures, manuscrits et objets dâart -, lâexposition invite le public Ă dĂ©couvrir des hĂ©roĂŻnes revisitĂ©es ou inventĂ©es par le romantisme : HĂ©roĂŻnes du passĂ©, HĂ©roĂŻnes de fiction et HĂ©roĂŻnes en scĂšne. Ce parcours en trois temps permet de tisser des liens entre les Beaux-arts, la littĂ©rature et les arts de la scĂšne qui jouent au XIXe siĂšcle un rĂŽle majeur dans la diffusion dâun hĂ©roĂŻsme fĂ©minin aux accents tragiques.
Sappho, Jeanne dâArc, Marie Stuart, HĂ©loĂŻse, Juliette, OphĂ©lie ou encore Atala : ces femmes, dont les rĂ©cits dramatiques sont connus, ancrent dans lâimaginaire collectif de lâĂ©poque une certaine vision du fĂ©minin. Dans les Beaux-arts, comme dans la littĂ©rature ou la musique, lâhĂ©roĂŻne romantique vit des passions fortes, Ă©prouve le dĂ©sespoir et la mĂ©lancolie, aime et meurt dâaimer. Les artistes romantiques, portĂ©s par le goĂ»t du drame, font de ces destinĂ©es exceptionnelles des sujets pour leurs compositions. Les oeuvres choisies dâEugĂšne Delacroix, Anne-Louis Girodet, ThĂ©odore ChassĂ©riau, Antoine-Jean Gros, LĂ©on Cogniet ou LĂ©opold Burthe, figurent le plus souvent ces femmes diaphanes et fragiles, dĂ©nudĂ©es, rĂ©signĂ©es face Ă un destin inĂ©luctable. Si la crĂ©ation de lâĂ©poque est majoritairement lâoeuvre dâartistes masculins, lâexposition sâintĂ©resse Ă©galement aux femmes du XIXe siĂšcle qui mettent en scĂšne des hĂ©roĂŻnes dans leurs oeuvres. Sont ainsi mises Ă lâhonneur les artistes Marie dâOrlĂ©ans, FĂ©licie de Fauveau, FrĂ©dĂ©rique OâConnell, les Ă©crivaines Madame de StaĂ«l et George Sand ou encore les interprĂštes Harriet Smithson, Rachel et Mademoiselle Mars, qui portent Ă la scĂšne les grands rĂŽles fĂ©minins de lâĂ©poque. En se saisissant de ce sujet encore peu explorĂ©, lâexposition interroge le regard sur les femmes diffusĂ© par le mouvement romantique, dans une sociĂ©tĂ© qui leur laisse alors peu de place.
Cette sĂ©lection dâoeuvres est enrichie dâune mĂ©diation Ă destination du public familial et scolaire, de contenus sonores donnant vie Ă des textes dâĂ©poque ou encore dâune projection audiovisuelle qui questionne la postĂ©ritĂ© contemporaine de ces hĂ©roĂŻnes. Une riche programmation culturelle accompagne le propos : un podcast sur la fonction jouĂ©e par ces reprĂ©sentations rĂ©alisĂ© en partenariat avec Julie Beauzac – crĂ©atrice de podcasts sur lâhistoire de lâart -, un cycle de concerts de compositrices romantiques proposĂ© par le Conservatoire Ă rayonnement rĂ©gional de Paris ou encore un concert de ChloĂ© Mons et HĂ©lĂšne Singer intitulĂ© « DĂ©sirs et mythologies fĂ©minines ».
Sous la forme dâun ouvrage collectif Ă entrĂ©es thĂ©matiques, le catalogue qui accompagne lâexposition dĂ©veloppe un Ă©clairage pluridisciplinaire interrogeant les reprĂ©sentations des hĂ©roĂŻnes romantiques en mĂȘlant histoire et histoire de lâart.
#HeroinesRomantiques – Catalogue : HĂ©roĂŻnes romantiques aux Ăditions Paris MusĂ©es, Sous la direction de GaĂ«lle Rio et Elodie Kuhn. Responsable Ă©ditorial, Alexandre Curnier.
Parcours de lâexposition
GrĂące Ă la sĂ©lection dâune centaine dâoeuvres, lâexposition HĂ©roĂŻnes romantiques invite le public Ă dĂ©couvrir dâabord les hĂ©roĂŻnes du passĂ©, mythologique et historique, puis les hĂ©roĂŻnes de fiction qui ont marquĂ© le théùtre et la littĂ©rature. Le parcours se termine par lâĂ©vocation des hĂ©roĂŻnes interprĂ©tĂ©es par de cĂ©lĂšbres comĂ©diennes, chanteuses et danseuses sur les scĂšnes du théùtre, de lâopĂ©ra et du ballet. Si cet hĂ©roĂŻsme fĂ©minin sâillustre principalement dans la passion amoureuse, il sâachĂšve fatalement par un exil douloureux, un retrait du monde, voire une mort dramatique et prĂ©coce. Les peintres EugĂšne Delacroix, Anne-Louis Girodet, ThĂ©odore ChassĂ©riau, Antoine-Jean Gros, LĂ©on Cogniet et LĂ©opold Burthe reprĂ©sentent ces femmes le teint diaphane, vĂȘtues de drapĂ©s vaporeux, vacillant ou gisant sur le sol, comme rĂ©signĂ©es face Ă un destin inĂ©luctable. Puisquâelles sont lâobjet dâun regard masculin, elles sont souvent Ă©rotisĂ©es ou figurĂ©es pour leurs qualitĂ©s supposĂ©es fĂ©minines telles que la grĂące, la fragilitĂ©, la sensibilitĂ© ou le dĂ©vouement. En Ă©cho Ă la condition fĂ©minine du premier quart du XIXe siĂšcle, fortement dĂ©favorisĂ©e par le Code civil napolĂ©onien de 1804, les hĂ©roĂŻnes romantiques incarnent un modĂšle fĂ©minin sacrifiĂ©.
1. Les héroïnes du passé : mythes et histoire
Conjuguant leur intĂ©rĂȘt pour le passĂ© et leur goĂ»t du drame, les artistes romantiques vont chercher dans la mythologie et lâhistoire de cĂ©lĂšbres figures fĂ©minines aux destins tragiques quâils Ă©rigent en hĂ©roĂŻnes. La mort de Sappho inspire de nombreux peintres et sculpteurs, Ă lâinstar dâAntoine-Jean Gros qui peint la poĂ©tesse de Lesbos, sa lyre dans les bras, sur le point de se jeter dans le vide par dĂ©sespoir amoureux. La courageuse Antigone du mythe grec est reprĂ©sentĂ©e lors de sa fin tragique par Victorine-AngĂ©lique Rumilly, tandis que Jean Gigoux Ă©rotise la puissante reine de lâĂgypte antique ClĂ©opĂątre en la figurant entiĂšrement nue en train de mettre fin Ă ses jours. Le regain dâintĂ©rĂȘt pour la religion au dĂ©but du XIXe siĂšcle transforme certaines hĂ©roĂŻnes en saintes ou en martyres. La piĂ©tĂ© de Jeanne dâArc est ainsi mise en avant dans les Ćuvres sculptĂ©es de Marie dâOrlĂ©ans. Le goĂ»t des artistes romantiques pour le Moyen Ăge et la Renaissance fait Ă©merger dâautres figures fĂ©minines, notamment dans les tableaux qualifiĂ©s dâhistoricistes ou de style troubadour. Lâhistoire dâamour interdite entre la jeune HĂ©loĂŻse et son professeur AbĂ©lard, rendue cĂ©lĂšbre au XIXe siĂšcle, se diffuse jusque dans lâimagerie populaire. Enfin, la destinĂ©e exceptionnelle de la reine dâĂcosse Marie Stuart fascine elle aussi les artistes, qui la reprĂ©sentent condamnĂ©e ou en exil.
2. Les héroïnes de fiction
Le genre du roman, en plein essor au XIXe siĂšcle, contribue Ă la diffusion de lâhĂ©roĂŻne de fiction, ce personnage principal du rĂ©cit auquel on sâidentifie. François-RenĂ© de Chateaubriand, Victor Hugo, Madame de StaĂ«l, Sophie Cottin ou George Sand inventent des figures fĂ©minines de premier plan dans leurs Ă©crits, parmi lesquelles Atala, EsmĂ©ralda, Corinne, Mathilde ou encore LĂ©lia. Certaines dâentre elles, comme Atala ou VellĂ©da, acquiĂšrent une telle cĂ©lĂ©britĂ© quâelles sont ensuite reprĂ©sentĂ©es en peinture, notamment par Anne-Louis Girodet et LĂ©on Cogniet, ou en sculpture par Hippolyte Maindron. Dans les annĂ©es 1820, le théùtre de William Shakespeare connaĂźt en France une renommĂ©e tardive mais retentissante. Les hĂ©roĂŻnes du dramaturge anglais deviennent des figures majeures du romantisme, reprĂ©sentĂ©es dans les oeuvres aux moments les plus tragiques des piĂšces : la mort dâOphĂ©lie, la folie de Lady Macbeth, DesdĂ©mone Ă©touffĂ©e par son amant, Juliette semblant morte dans les bras de RomĂ©o. Ces hĂ©roĂŻnes de fiction expriment lâimpossible conciliation entre un ordre social Ă©tabli et la libertĂ© de vivre leurs passions. En 1857, Gustave Flaubert fait dâEmma Bovary une femme imprĂ©gnĂ©e de ces lectures romantiques, qui se rĂȘve elle aussi en hĂ©roĂŻne amoureuse jusquâĂ en mourir.
3. Les héroïnes en scÚne
Ă une Ă©poque oĂč le théùtre, le ballet et lâopĂ©ra attirent un public nombreux, la scĂšne devient un espace de diffusion des hĂ©roĂŻnes romantiques. Celles-ci sont incarnĂ©es par des interprĂštes adulĂ©es comme Mademoiselle Mars, Mademoiselle Rachel, Guiditta Pasta, Maria Malibran ou encore Marie Taglioni. Devenant de vĂ©ritables icĂŽnes, ces femmes sont reprĂ©sentĂ©es par les artistes dans leurs rĂŽles les plus fameux. Au théùtre, la comĂ©dienne irlandaise Harriet Smithson contribue Ă la renommĂ©e des hĂ©roĂŻnes shakespeariennes, tandis que Mademoiselle Rachel, cĂ©lĂšbre pour ses rĂŽles de tragĂ©dienne, notamment celui de PhĂšdre, joue aussi dans des drames romantiques, telle la piĂšce ClĂ©opĂątre de Delphine de Girardin. La figure de la Sylphide, inspirĂ©e de lĂ©gendes celtes et germaniques, apparaĂźt dans le monde de la danse. ĂlancĂ©e, jeune et d’une beautĂ© gracieuse, elle symbolise sur scĂšne lâidĂ©al dâune femme immatĂ©rielle. Les danseuses Marie Taglioni, Fanny Elssler et Carlotta Grisi, vĂȘtues de vaporeux tutus blancs et chaussĂ©es de pointes, diffusent une nouvelle maniĂšre de danser, caractĂ©ristique du ballet romantique. Les opĂ©ras romantiques mettent en scĂšne des hĂ©roĂŻnes sacrifiĂ©es qui ne survivent presque jamais aux hĂ©ros. Câest le cas de la cĂ©lĂšbre DesdĂ©mone dans lâOtello de Gioachino Rossini, interprĂ©tĂ©e par les deux cantatrices Maria Malibran et Guiditta Pasta, et peinte par François Bouchot, Henri Decaisne et François GĂ©rard. VĂ©ritable apothĂ©ose musicale et Ă©motionnelle des opĂ©ras, la mort de lâhĂ©roĂŻne tĂ©moigne de sentiments passionnĂ©s et dĂ©sespĂ©rĂ©s propres au romantisme.