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“Sur la route des chefferies du Cameroun“ 
Du visible à l’invisible

au musĂ©e du quai Branly – Jacques Chirac, Paris

du 5 avril au 17 juillet 2022

musée du quai Branly


Interview de Cindy Olohou, historienne de l’art, fondatrice de Wasanii Ya Leo et commissaire associĂ©e de l’exposition, par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 4 avril 2022, durĂ©e 17’31. © FranceFineArt.

PODCAST –  Interview de Cindy Olohou, historienne de l’art, fondatrice de Wasanii Ya Leo et commissaire associĂ©e de l’exposition,


par Anne-FrĂ©dĂ©rique Fer, Ă  Paris, le 4 avril 2022, durĂ©e 17’31, durĂ©e 19’14.
© FranceFineArt.

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Sur la route des chefferies du Cameroun.
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Sur la route  des chefferies du Cameroun.
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©Anne-Fréderique Fer, présentation presse, le 4 avril 2022.

Extrait du communiqué de presse :



Porte d'entrée de la chefferie Bana. © La Route des Chefferies, photo Eyidi. Photographe : NICOLAS-EYIDI.
Porte d’entrĂ©e de la chefferie Bana. © La Route des Chefferies, photo Eyidi. Photographe : NICOLAS-EYIDI.
TrĂŽne royal perlĂ©, reprĂ©sentant NotuĂ©gon, le fondateur de la chefferie Bandjoun.‹‹ Perle, bois, plumes. © musĂ©e du quai Branly - Jacques Chirac, photo LĂ©o Delafontaine.
TrĂŽne royal perlĂ©, reprĂ©sentant NotuĂ©gon, le fondateur de la chefferie Bandjoun. Perle, bois, plumes. © musĂ©e du quai Branly – Jacques Chirac, photo LĂ©o Delafontaine.
Porteuse de calebasse en bois de la chefferie Foto. Bois. © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Léo Delafontaine.
Porteuse de calebasse en bois de la chefferie Foto. Bois. © musĂ©e du quai Branly – Jacques Chirac, photo LĂ©o Delafontaine.
Calebasse caurisĂ©e de la chefferie Bamougoum. Calebasse caurisĂ©e Ă  long col terminĂ©e par une figure d’oiseau sur un tabouret caryatide. Calebasse, cauris, tissus, bois. © musĂ©e du quai Branly - Jacques Chirac, photo LĂ©o Delafontaine.
Calebasse caurisĂ©e de la chefferie Bamougoum. Calebasse caurisĂ©e Ă  long col terminĂ©e par une figure d’oiseau sur un tabouret caryatide. Calebasse, cauris, tissus, bois. © musĂ©e du quai Branly – Jacques Chirac, photo LĂ©o Delafontaine.

Commissariat :


Commissaire général

Sylvain Djache Nzefa, Architecte urbaniste, fondateur et coordonnateur général de la Route des Chefferies 


Commissaires associées

Cindy Olohou, Historienne de l’art, fondatrice de Wasanii Ya Leo

Dr Rachel MariembĂ©, Enseignante-chercheur Ă  l’Institut des Beaux-Arts de l’UniversitĂ© de Douala  Ă  Nkongsamba, cheffe de DĂ©partement (PI) « Patrimoine et MusĂ©ologie »




Sur la route des chefferies du Cameroun. Du visible à l’invisible
prĂ©sente  l’art des communautĂ©s Ă©tablies sur les hauts plateaux des Grassfields, Ă  l’Ouest et au Nord-Ouest du Cameroun. Dans une perspective inĂ©dite portĂ©e par l’association La Route des Chefferies, l’exposition aborde la culture des communautĂ©s et la prĂ©servation d’un patrimoine unique, historique et vivant. Architecture monumentale, forge, crĂ©ations perlĂ©es, sculpture sur bois, production textile, danses traditionnelles du 16e siĂšcle  Ă  nos jours, constituent un patrimoine prĂ©cieusement conservĂ© par les chefs traditionnels. Investis de pouvoirs quasi-divins, ces derniers en sont les principaux dĂ©positaires, garants Ă  la fois de la tradition et du lien entre le monde des ancĂȘtres et celui des vivants.

Dans une dĂ©marche de sauvegarde et de mise en valeur des patrimoines traditionnels, soutenue par l’association La Route des Chefferies, l’exposition dĂ©ploie ainsi plus de 270 oeuvres dont 230 conservĂ©es par plusieurs chefs et lignages familiaux. Si l’art ancien du Cameroun a fait l’objet de nombreuses expositions dans des musĂ©es occidentaux, Sur la route des chefferies du Cameroun aborde la culture des communautĂ©s dans une perspective inĂ©dite et immersive, une dĂ©marche collective de prĂ©servation des patrimoines traditionnels. PonctuĂ©e d’oeuvres d’artistes contemporains camerounais, elle met en valeur l’influence culturelle des chefferies sur l’art contemporain et la dimension vivante de ce patrimoine, le long d’un parcours conçu comme une plongĂ©e au coeur de la sociĂ©tĂ© bamilĂ©kĂ©.

Entre la fin du 16e siĂšcle et le 18e siĂšcle sont fondĂ©s de nombreux royaumes dĂ©finis par un territoire, une communautĂ© et son histoire sous l’autoritĂ© d’un chef, assistĂ© de notables rĂ©unis en conseil. Ils assurent jusqu’à ce jour le lien entre le monde des vivants et celui des ancĂȘtres, veillent au respect des traditions et de la culture bamilĂ©kĂ©. Depuis la fin des annĂ©es 1960, l’État camerounais reconnaĂźt aux chefferies le statut d’auxiliaire administratif. Aujourd’hui, l’association La Route des Chefferies s’est donnĂ©e pour mission de protĂ©ger et valoriser ce patrimoine historique et vivant (architecture, crĂ©ations plastiques et arts intangibles). 

La premiĂšre partie de l’exposition illustre l’organisation typique d’une chefferie bamilĂ©kĂ© dont les fondements reposent sur un systĂšme dans lequel politique, religion et organisation sociale sont intrinsĂšquement liĂ©es. L’architecture, le rapport Ă  la nature, le dialogue de l’homme avec l‘animal et le culte des ancĂȘtres sous-tendent cet urbanisme cosmogonique. L’organisation spatiale d’une chefferie ainsi que les savoir-faire importants de la sociĂ©tĂ© bamilĂ©kĂ©, parmi lesquels l’art de la forge, l’art des calebasses et celui des fresques ouvrent le parcours.

La deuxiĂšme section Ă©claire les rapports entre art et pouvoir, Ă  travers la prĂ©sentation du rĂŽle du chef, pilier social, Ă©conomique et politique du royaume, du rĂŽle des femmes, et de celui des multiples sociĂ©tĂ©s secrĂštes qui agissent comme un contre-pouvoir. Pilier social Ă©conomique et politique du royaume dĂšs le 16e siĂšcle, le pouvoir du chef bamilĂ©kĂ© est aujourd’hui dĂ©volu aux affaires traditionnelles (litiges matrimoniaux, hĂ©ritages, sorcellerie) et Ă  un rĂŽle de maintien de l’ordre public. Cette section comprend plus d’une dizaine de trĂŽnes oĂč quatre chefferies sont mises Ă  l’honneur successivement. DestinĂ©es aux chefs ou aux reines pour orner les objets de grande valeur, les broderies de perles colorĂ©es et de cauris prĂ©sentĂ©es dans l’exposition sont rĂ©alisĂ©es par des femmes de la chefferie. Aujourd’hui, certaines artistes contemporaines s’inspirent des techniques traditionnelles pour leur donner une autre dimension.

La troisiĂšme partie de l’exposition Ă©voque enfin les sociĂ©tĂ©s secrĂštes (confrĂ©ries, corps de mĂ©tiers, associations de classes d’ñges…). ConsidĂ©rĂ©es comme des contre-pouvoirs, ces congrĂ©gations conseillent, soutiennent ou contrĂŽlent le chef et sont indispensables Ă  l’équilibre de la communautĂ©. Lors des grandes cĂ©rĂ©monies, elles manifestent publiquement leur puissance toujours active. Le parcours se termine sur un espace immersif qui fait dialoguer des images d’archives et contemporaines de cĂ©rĂ©monies oĂč les costumes, coiffes, masques entrent en action par le biais de danses patrimoniales, rappelant de maniĂšre vibrante la dimension vivante de ce patrimoine.

L’exposition est ponctuĂ©e d’oeuvres d’artistes contemporains camerounais qui illustrent l’influence culturelle des chefferies, autant que le rayonnement de la crĂ©ation africaine sur la scĂšne artistique internationale.

Costumes de société Kuo'si. Masques cagoule éléphants de la société secrÚte Kuo'si de la chefferie Balatchi. Bois, tissu, perles. © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Léo Delafontaine.
Costumes de sociĂ©tĂ© Kuo’si. Masques cagoule Ă©lĂ©phants de la sociĂ©tĂ© secrĂšte Kuo’si de la chefferie Balatchi. Bois, tissu, perles. © musĂ©e du quai Branly – Jacques Chirac, photo LĂ©o Delafontaine.
Porte d'entrée de la chefferie Baleveng. © La Route des Chefferies, photo Eyidi.
Porte d’entrĂ©e de la chefferie Baleveng. © La Route des Chefferies, photo Eyidi.

Parcours de l’exposition


25 chefferies représentées Akum, Babungo, Bafou, Baham, Balatchi, Baleveng, Bamendjinda, Bamendjo,Bamendou, Bamougoum, Bana, Bandjoun, Bangang, Bangoua, Bangoulap,Bansoa, Bapa, Batié, Batoufam, Bawock, Bazou, Fondjomekwet, Foto, Foumban,Nkwen.



Pays nichĂ© entre les forĂȘts d’Afrique centrale, la zone soudano-sahĂ©lienne et l’ocĂ©an Atlantique, le Cameroun partage ses frontiĂšres avec le Nigeria Ă  l’ouest, le Tchad et la RĂ©publique centrafricaine au nord, le Congo, le Gabon et la GuinĂ©e Ă©quatoriale dans sa partie australe. ConstituĂ©, jusqu’à la fin du 19e siĂšcle, de petits royaumes appelĂ©s chefferies – ou lamidats en langue peule, dans la partie septentrionale –, entre lesquels alternaient alliances et guerres de conquĂȘtes, on divise communĂ©ment le Cameroun en quatre espaces qui s’appuient sur des caractĂ©ristiques culturelles et naturelles : l’aire Fang-Beti-Bulu et ses peuples de la forĂȘt dans la partie du centre, du sud et de l’est du pays ; l’aire culturelle des peuples de l’eau, avec notamment les Sawa, les Bassas ou les BakwĂ©ri ; l’aire soudano-sahĂ©lienne dans la partie nord du pays, caractĂ©risĂ©e par la diversitĂ© de son architecture ancestrale en terre ; et les Grassfields, surtout marquĂ©es par leurs chefferies qui sont la base du mode de vie et de pensĂ©e de ce grand espace.

Cosmogonie, homme, nature et croyances
Une chefferie traditionnelle est une entitĂ© politique, sociale et culturelle dĂ©finie par un territoire dĂ©limitĂ©, un peuple avec son histoire, ses rĂ©fĂ©rents, ses coutumes et ses croyances. Ses fondements politiques et religieux sont intrinsĂšquement liĂ©s, dans une vision du monde complexe rĂ©gie par un ĂȘtre suprĂȘme appelĂ© Si, Ndem ou encore Moh-mbi ou Mbi, principe crĂ©ateur de toute force. Au coeur du systĂšme de chefferie, les interactions entre l’homme, la nature et ce principe crĂ©ateur, jouent un rĂŽle essentiel dans la communication entre le monde du visible et de l’invisible.Le chef (fo) avec le Conseil des neuf (Mkamvu) ou parfois le Conseil des sept (Mkam Sombuech), constituĂ©s des principaux notables, fondateurs ou descendants des fondateurs de ces chefferies avec lesquels il gouverne, sont les dĂ©positaires du patrimoine matĂ©riel et immatĂ©riel et les garants de ce dialogue avec le sacrĂ©.Ces deux niveaux politique et religieux se confondent selon une organisation spatiale dĂ©finie qui se retrouve dans la majoritĂ© des chefferies traditionnelles des Grassfields.

Implantation spatiale et organisation de la société
Une chefferie s’organise selon un urbanisme qui reflĂšte l’organisation de la sociĂ©tĂ© oĂč se cĂŽtoie espace bĂąti et espace sacrĂ©. L’espace bĂąti regroupe les lieux publics, cultuels et politiques tandis que l’espace sacrĂ© se dĂ©ploie aux confins de la chefferie oĂč seuls les initiĂ©s ont le droit d’entrer. Ces deux espaces se rejoignent Ă  travers l’« axe de la vie », qui traverse le marchĂ©, la cour centrale, le palais du chef et rejoint l’espace sacrĂ©. Les trois forces (ancestrales, humaines et totĂ©miques) qui rythment la cosmogonie des chefferies convergent physiquement et symboliquement vers cet axe de communication entre le visible et l’invisible. L’espace bĂąti est organisĂ© le plus souvent autour d’un espace central oĂč est localisĂ© le « palais du peuple » (Nemo) – lieu de rassemblement et de communion du peuple oĂč ont lieu les rites royaux – et d’un amĂ©nagement orthogonal des autres espaces de vies, sacrĂ©s et rĂ©sidentiels qui l’entourent.Certains quartiers sont organisĂ©s selon un plan panoptique, c’est-Ă -dire qui permet une surveillance individuelle et collective, dans un esprit de solidaritĂ© et de responsabilitĂ©, jugĂ© indispensable Ă  la vie en communautĂ©. C’est notamment le cas du quartier des femmes et des enfants et de celui du chef.

Architecture symbolique, architecture essentielle
L’architecture des chefferies bamilĂ©kĂ© s’appuie sur trois Ă©lĂ©ments : la cosmogonie, la structure familiale et la dialectique des croyances liant l’homme et la nature. Elle est considĂ©rĂ©e comme un support de savoir poĂ©tique et didactique, de comprĂ©hension de la sociĂ©tĂ© et de ses fondements Ă  travers des messages codĂ©s.La cosmogonie se retrouve dans les fresques des façades, les dĂ©cors sculptĂ©s ornant les cadres de porte, les piliers et les cadres de fenĂȘtre.La structure sociale et familiale se retrouve dans l’entrĂ©e contemporaine des chefferies, aux toitures composĂ©es de sept ou neuf pyramides symbolisant le Conseil des sept (Mkam Sombuech) ou le Conseil des neuf (Mkmavu) notables qui gouvernent auprĂšs du roi.Enfin, la nature habite cette architecture par l’utilisation de matĂ©riaux tels que le bambou raphia, le bois et la paille.

La nature au coeur de la chefferie
La nature tient une place essentielle et symbolique dans l’urbanisme de la chefferie, conditionnĂ© par la forĂȘt sacrĂ©e qui se situe au bout de l’« axe de la vie ».Elle est interdite au commun des mortels : seuls les chefs et les membres des sociĂ©tĂ©s secrĂštes sont autorisĂ©s, sous certaines conditions, Ă  s’y rendre dans le cadre de leurs fonctions cultuelles.Dans la cosmogonie bamilĂ©kĂ©, si l’homme occupe une position privilĂ©giĂ©e, la nature est la source de toute force et de toute Ă©nergie, lieu oĂč circule le sacrĂ©. C’est cet Ă©quilibre de force qui rĂ©git le dialogue de l’homme et de la nature. Cette conception est Ă  la base de l’architecture, de l’urbanisme et des oeuvres d’art des chefferies.

Le dialogue de l’homme avec l’animal : le totĂ©misme
Le totĂ©misme dĂ©signe la croyance en un animal parent considĂ©rĂ© comme un ancĂȘtre, reprĂ©sentant d’un individu ou d’un groupe. Dans les sociĂ©tĂ©s bamilĂ©kĂ©, il relĂšve de la relation fusionnelle entretenue entre l’homme et l’animal, l’homme et le vĂ©gĂ©tal, ou l’homme et le minĂ©ral. Il confĂšre un pouvoir d’influence sur son environnement dont les secrets sont jalousement gardĂ©s par le cercle de commandement, avec Ă  sa tĂȘte le fo (chef).Les animaux que les chefs des Grassfields utilisent comme « doublure de compagnie » sont pour la plupart d’imposantes crĂ©atures : lion, panthĂšre, Ă©lĂ©phant, buffle, gorille, python.Un des titres qu’on attribue au fo est le terme nomtema, « l’animal qu’on ne chasse pas ». Lors des sorties officielles, des peaux de panthĂšres sont Ă©talĂ©es sur la place du trĂŽne ou posĂ©es sur les Ă©paules du fo pendant qu’il danse. Des dĂ©fenses d’élĂ©phant sont disposĂ©es devant lui et les serviteurs lui servent Ă  boire dans des cornes d’animaux.Les reprĂ©sentations animaliĂšres renvoyant au totĂ©misme se retrouvent sur les entrĂ©es des chefferies et des cases de sociĂ©tĂ©s secrĂštes, les piliers sculptĂ©s et les encadrements de portes et fenĂȘtres.

Le culte des ancĂȘtres
Les peuples des Grassfields croient en l’interaction entre les vivants et les ancĂȘtres. Ces derniers peuvent intervenir de maniĂšre positive ou nĂ©gative, sur la nature ou directement sur les humains. Le dialogue entre ces deux mondes s’effectue par l’intermĂ©diaire du culte des ancĂȘtres qui se pratique Ă  travers des Ă©lĂ©ments naturels tels que les graines de didum (jujube), la pierre, le baobab, le pfeukang (arbre de la paix). Ce culte des ancĂȘtres peut Ă©galement ĂȘtre exercĂ© avec les crĂąnes d’ancĂȘtres. Par les offrandes et les sacrifices, les vivants garantissent Ă  leurs ancĂȘtres une belle vie aprĂšs la mort et s’assurent leurs faveurs. La valeur du dĂ©funt s’évalue Ă  l’ampleur de ses funĂ©railles. Chaque annĂ©e, ces manifestations culturelles et rituelles font converger vers les rĂ©gions de l’Ouest et du Nord-Ouest du Cameroun plus de cinq millions de personnes.

Art royal, une création au service du pouvoir
Les arts des Grassfields sont d’une extraordinaire richesse, tant au niveau de la typologie des objets que de la variĂ©tĂ© des couleurs et des motifs. L’art est un instrument au service du pouvoir : trĂŽnes, statues, perlages, bijoux, tenues d’apparat sont des productions dĂ©diĂ©es Ă  la reprĂ©sentation matĂ©rielle du pouvoir du fo (chef) et de son entourage fĂ©minin utilisĂ©es lors de cĂ©rĂ©monies, rites et cultes. GrĂące Ă  une politique d’acquisition royale qui perdure encore aujourd’hui, ces diverses productions s’inscrivent dans une dynamique crĂ©atrice forte.L’art royal des Grassfields reflĂšte son identitĂ©, notamment ses systĂšmes de croyance et d’organisation politique et sociale. Dans ce domaine, la religion constitue une importante source d’inspiration chez les artistes : les objets sont imprĂ©gnĂ©s d’une atmosphĂšre magico-religieuse, condition de leur crĂ©ation et de leur interprĂ©tation. Ils sont les tĂ©moins de l’histoire d’un peuple et garants de sa transmission.

La figure du chef
Dans la sociĂ©tĂ© bamilĂ©kĂ©, toute l’organisation et la gestion sociale, Ă©conomique et politique du royaume se structurent autour du fo (chef). Personnage quasi-divin, il est le garant des traditions et reprĂ©sente les ancĂȘtres. Il Ă©tait autrefois maĂźtre de la guerre et de la justice, mais son pouvoir judiciaire est aujourd’hui limitĂ© aux affaires traditionnelles (litiges matrimoniaux, hĂ©ritages, sorcellerie
). AprĂšs la crĂ©ation de l’État du Cameroun en 1961, les chefs sont intĂ©grĂ©s Ă  l’administration centrale et locale ; ils sont chargĂ©s du maintien de l’ordre public et du dĂ©veloppement Ă©conomique, social et culturel de leur territoire.Avant sa mort, le fo dĂ©signe, avec l’avis du Conseil des notables (Mkamvu ou Mkam Sombuech), un de ses fils qui prendra sa suite. Son intronisation ne se fait pas directement, il doit passer par une pĂ©riode d’initiation de neuf semaines (La’kam). Il acquiert ensuite au moins trois ou quatre trĂŽnes accompagnĂ©s de leurs attributs. Ces siĂšges sont les piĂšces maĂźtresses du trĂ©sor royal, qui prĂ©sentent une esthĂ©tique propre Ă  chaque chefferie.

Art et sociétés secrÚtes
Les associations coutumiĂšres ou sociĂ©tĂ©s secrĂštes, dĂ©nommĂ©es mkem, constituent les rouages religieux, politiques, Ă©conomiques et culturels sur lesquels s’appuie le fo (chef) pour diriger. Elles encadrent son pouvoir et sont une tribune qui permet aux individus de s’exprimer et d’ĂȘtre partie prenante des affaires de la chefferie. Elles regroupent des notables initiĂ©s qui se rĂ©unissent une Ă  plusieurs fois par semaine. Les productions artistiques qui les entourent ne sont pas « libres », elles reposent sur des fondements religieux, donnant Ă  voir un art symbolique et collectif. Les masques et les costumes des confrĂ©ries font partie de leur identitĂ©. Ils sont essentiels Ă  leur fonctionnement et rendent visible la puissance de ces associations. Celles-ci sont connues, les membres sont parfois identifiĂ©s, mais les pratiques et les rites demeurent secrets. Elles incarnent le dialogue du visible et de l’invisible Ă  travers des danses connues des seuls initiĂ©s, mais rĂ©alisĂ©es lors de grandes cĂ©rĂ©monies devant un vaste public de profanes. Chaque masque ne prend sens que dans cet ensemble : danse, musique, costume, cĂ©rĂ©monie. 

Des sociétés plurielles
Les sociĂ©tĂ©s secrĂštes ou confrĂ©ries sont d’une grande variĂ©tĂ© d’une chefferie Ă  une autre, mais elles concourent toutes au mĂȘme but : la grandeur de la chefferie. Chacune possĂšde sa case de rĂ©union, son costume, son masque et ses coiffes, ainsi que ses danses et ses rites. OrnĂ©s de motifs symboliques, les masques et les coiffes sont les signes caractĂ©ristiques de ces sociĂ©tĂ©s et suggĂšrent la prĂ©sence de l’invisible. Toutefois, certains masques, comme le masque Katso, sont utilisĂ©s par plusieurs confrĂ©ries. Institutions trĂšs hiĂ©rarchisĂ©es, les sociĂ©tĂ©s secrĂštes organisent les diffĂ©rents stades d’initiations de leurs membres. On retrouve dans toutes les sociĂ©tĂ©s des objets de rite communs : le tambour pour communiquer et rythmer les danses ainsi que les tabourets d’initiation dont la forme et le dĂ©cor dĂ©pendent du statut de leur propriĂ©taire dans la confrĂ©rie.

Des sociétés secrÚtes, organe de régulation sociales
S’il existe une grande diversitĂ© de sociĂ©tĂ©s secrĂštes, certaines d’entre elles se retrouvent dans presque toutes les chefferies de l’Ouest du Cameroun, illustrant l’organisation sociale et politique commune aux Grassfields. Leur appellation peut varier : le Kun’gang, le Kemdjye, le Kwo’si, le Mandjong
 Chacune d’entre elles remplit une fonction prĂ©cise au sein de la chefferie, participant Ă  sa pĂ©rennitĂ© et Ă  sa stabilitĂ©. Les membres de ces sociĂ©tĂ©s que l’on nomme des notables, selon leur rĂŽle et celui de la confrĂ©rie Ă  laquelle ils appartiennent, dansent ou se produisent lors des grandes cĂ©rĂ©monies. La place dans une confrĂ©rie se transmet souvent de maniĂšre hĂ©rĂ©ditaire. Il est Ă©galement possible d’intĂ©grer une sociĂ©tĂ© secrĂšte sur dĂ©cision du fo (chef), ou en Ă©tant parrainĂ© et en versant un droit d’entrĂ©e. L’accĂšs Ă  une confrĂ©rie implique ensuite une ou plusieurs initiations. Les costumes de ces sociĂ©tĂ©s secrĂštes sont codifiĂ©s et sont souvent rĂ©alisĂ©s par les notables eux-mĂȘmes ou des artisans ayant reçu une longue formation.

Espace des danses patrimoniales
Chaque sociĂ©tĂ© secrĂšte ou coutumiĂšre possĂšde au moins une danse qui lui est propre. Le dĂ©roulement d’une danse traditionnelle permet de dĂ©couvrir le faste du patrimoine matĂ©riel musical. Chez les BamilĂ©kĂ©, toutes les parades mettent en scĂšne un orchestre de musique sacrĂ©e qui comprend des instruments tels que le tam-tam d’appel, des tambours de sexe mĂąle et de sexe fĂ©minin, la cloche Ă  double gong (kwuifo), des hochets (mtchoua), des cornes et des grelots. Les chants des danseurs et les sonoritĂ©s de ces idiophones, membranophones, aĂ©rophones et sonnailles sont entrecoupĂ©es de coups de fusil. Les instrumentistes et les danseurs font partie des sociĂ©tĂ©s secrĂštes qui se produisent. C’est dans cet ensemble – costume, musique, chant et danse – que les masques des sociĂ©tĂ©s secrĂštes prennent tout leur sens et deviennent performatifs.

La création contemporaine camerounaise
Mise Ă  l’honneur tout au long du parcours, les oeuvres de Franck Kemkeng Noah, Beya Gille Gacha, HervĂ© Youmbi et HervĂ© Yamguen dialoguent avec les objets traditionnels prĂ©sentĂ©s dans l’exposition. Deux artistes sont par ailleurs reçus pour deux mois en rĂ©sidence Ă  Paris et interviennent directement dans l’exposition : Catherine Bella rĂ©alise une fresque intĂ©grĂ©e Ă  l’exposition pour illustrer la section consacrĂ©e Ă  l’importance et au rĂŽle des fresques dans l’architecture des chefferies ; les couvertures des reproductions scĂ©nographiques d’entrĂ©e de chefferie et du palais royal sont recouvertes par l’artiste Calixte Kuissieu dit Banana Fashion qui dĂ©tourne les Ă©lĂ©ments vĂ©gĂ©taux, entre autres : feuilles de bananiers ou maĂŻs sĂ©chĂ©es, Ă©corces d’arachides


Porte d'entrée principale de la chefferie Bafou. © La Route des Chefferies, photo Perez.
Porte d’entrĂ©e principale de la chefferie Bafou. © La Route des Chefferies, photo Perez.
Porte d'entrée principale de la chefferie Bangoua. © La Route des Chefferies, photo Eyidi. Photographe : Perez(Mekem)
Porte d’entrĂ©e principale de la chefferie Bangoua. © La Route des Chefferies, photo Eyidi. Photographe : Perez(Mekem)